NOMBRES DE BERNOULLI ET UNE FORMULE DE SCHL¨OMILCH

MOSCOW MATHEMATICAL JOURNAL
Volume 10, Number 4, October–December 2010, Pages 765–788
NOMBRES DE BERNOULLI ET UNE
FORMULE DE SCHL ¨
OMILCH–RAMANUJAN
OLEG OGIEVETSKY AND VADIM SCHECHTMAN
A la m´emoire de R. L. Dobrushin
R´
esum´
e. Nous discutons quelques formules qui utilisent les nombres de
Bernoulli. Dans la premi`ere partie de cet article, on ´etablit un lien ´etroit
entre la formule d’Euler–Maclaurin et l’´equation fonctionelle de Rota–
Baxter. Dans la deuxi`eme partie, on pr´esente une simple d´emonstration
d’une formule de Schl¨omilch–Ramanujan sur la sommation de certaines
s´eries exponentielles, formant une famille `a un param`etre naturel impair
l. Un ph´enom`ene surprenant est observ´e : pour ces s´eries, l’approxima-
tion d’Euler–Maclaurin (de la somme par l’inegrale) est exacte si l > 1.
2000 Math. Subj. Class. 11B68, 65B15, 11F03.
Key words and phrases. Bernoulli numbers, Euler–Maclaurin formula,
Rota–Baxter equation, Dedekind function, Schl¨omilch formula, Ramanujan
formula, Eisenstein series, Weierstrass function.
Premi`
ere Partie
´
EQUATION DE ROTA–BAXTER
ET FORMULE SOMMATOIRE D’EULER–MACLAURIN
§1. D´
efinition de Jacob Bernoulli
1.1. Les nombres qu’A. de Moivre, puis Euler, ont appel´es nombres de Bernoulli,
ont ´et´e introduits par Jacob I Bernoulli (1655–1705), dans son livre Ars Conjectandi
sur les probabilit´es, cf. [B, Pars secunda, Caput III, pp. 97–98]. Ce livre a ´et´e publi´e
en 1713, quand Euler avait 6 ans (Euler fut un ´el`eve du fr`ere de Jacob, Johann, et
un ami de ses deux fils, Nicolas et Daniel).
Bernoulli commence par un calcul de polynˆomes qu’il d´esigne par Rnr; nous
adoptons la notation
Sr(n)=1r+ 2r+. . . +nr
La m´ethode de calcul est bas´ee sur le triangle de Pascal (qui `a l’´epoque a servi
pour la d´efinition des numerorum figuratorum, alias coefficients binomiaux). Cette
m´ethode ´etait d´ej`a connue de Pierre de Fermat.
Received October 24, 2009; in revised form June 10, 2010.
c
2010 Independent University of Moscow
765
766 O. OGIEVETSKY AND V. SCHECHTMAN
Voici ce qu’´ecrit Bernoulli :
... Atque si porr`o ad altiores gradatim potestates pergere, levique negotio
sequentem adornare laterculum licet :
Summae Potestatum
Zn=1
2nn +1
2n
Znn =1
3n3+1
2nn +1
6n
Zn3=1
4n4+1
2n3+1
4nn
Zn4=1
5n5+1
2n4+1
3n31
30n
Zn5=1
6n6+1
2n5+5
12n41
12nn
Zn6=1
7n7+1
2n6+1
2n51
6n3+1
42n
Zn7=1
8n8+1
2n7+7
12n67
24n4+1
12nn
Zn8=1
9n9+1
2n8+2
3n77
15n5+2
9n31
30n
Zn9=1
10n10 +1
2n9+3
4n87
10n6+1
2n41
12nn
Zn10 =1
11n11 +1
2n10 +5
6n91n7+ 1 n51
2n3+5
66n
Quin im`o qui legem progressionis inibi attentuis ensperexit, eundem etiam conti-
nuare poterit absque his ratiociniorum ambabimus : Suma enim cpro potestatis
cujuslibet exponente, fit summa omnium ncseu
Znc=1
c+ 1 nc+1 +1
2nc+c
2Anc1+c·c1·c2
2·3·4Bnc3
+c·c1·c2·c3·c4
2·3·4·5·6Cnc5
+c·c1·c2·c3·c4·c5·c6
2·3·4·5·6·7·8Dnc7. . . & ita deinceps,
exponentem potestatis ipsius ncontinu´e minuendo binario, quosque perveniatur ad
nvel nn. Literae capitales A, B, C, D & c. ordine denotant co¨efficientes ultimorum
terminorum pro Rnn,Rn4,Rn6,Rn8, &c. nempe
A=1
6, B =1
30, C =1
42, D =1
30.
Sunt autem hi coefficientes ita comparati, ut singuli cum caeteris sui ordinis co¨effi-
cientibus complere debeant unitatem ; sic Dvalere diximus 1/30,
quia 1
9+1
2+2
37
15 +2
9(+D)1
30 = 1.
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Huius laterculi beneficio intra semi-quadrantem horae reperi, qu`od potestates de-
cime sive quadrato-sursolida mille primorum numerorum ab unitate in summam
collecta efficiunt
91 409 924 241 424 243 424 241 924 242 500.
1.2. D´efinissons les nombres bnpar la s´erie g´en´eratrice
S
1eS=
X
n=0
bn
n!Sn= 1 + S
2+
X
p=1
b2p
(2p)!S2p.
On remarque que
S
eS1= 1 S
2+
X
p=1
b2p
(2p)!S2p.
Voici les premi`eres valeurs :
b2=1
6, b4=1
30, b6=1
42, b8=1
30,
b10 =5
66, b12 =691
2730, b14 =7
6.
1.3. On verra plus bas que Sr(n) est la valeur en x=ndu polynˆome
Sr(x) = xr+1
r+ 1 +xr
2+X
16p<(r+1)/2r
2p1b2p
2pxr2p+1.
Autrement dit,
S0
r(x) = Br(x) =
r
X
p=0 r
pbpxrp, Sr(0) = 0.
§2. Une Primitive et l´
equation de Rota–Baxter homog`
ene
2.1. Soit Aune alg`ebre de fonctions f(x)raisonnables , par exemple l’alg`ebre
des polynˆomes R[x] ou l’alg`ebre des fonctions d´erivables. On d´esigne par Dl’op´e-
rateur de d´erivation sur A, et par Il’op´erateur
I(f)(x) = Zx
0
f(t)dt.
Il est clair que DI = id. En revanche, on a
ID(f)(x) = f(x)f(0).
2.2. Lemme. L’op´erateur Isatisfait l’´equation
I(f)I(g) = I(I(f)g+fI(g)).(RBH)
Premi`ere preuve. Les d´eriv´ees des deux cˆot´es coˆıncident puisque DI = id. De plus,
les valeurs des deux membres en 0 sont nulles, d’o`u l’assertion.
Seconde preuve. Consid´erer l’inegrale de la fonction de deux variables f(t)g(u) sur
le carr´e [0, x]2; puis couper ce carr´e en deux triangles.
L’´equation (RBH) sera appel´ee ´equation de Rota–Baxter homog`ene, cf. [Ro].
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§3. Une primitive discr`
ete et l´
equation de Rota–Baxter
non-homog`
ene
3.1. ´
Etant donn´ee une fonction f:NR, d´efinissons sa primitive discr`ete
B(f): NRpar
B(f)(n) =
n
X
i=1
f(i).
3.2. Lemme. L’op´erateur Bsatisfait l’´equation
B(fg) + B(f)B(g) = B(B(f)g+f B(g)).(RB)
En effet, la valeur du premier membre de (RB) en nest
n
X
i=1
f(i)g(i) +
n
X
i=1
f(i)·
n
X
j=1
g(j).
C’est donc un carr´e n×n, avec la diagonale doubl´ee. D’autre part, le deuxi`eme
membre est n
X
i=1i
X
j=1
f(j)g(i) +
i
X
j=1
f(i)g(j).
Il est ais´e de voir que les deux expressions sont ´egales, en interpr´etant chaque terme
Pi
j=1 f(j)g(i)+ Pi
j=1 f(i)g(j) comme un chemin (de forme Γ) dans le mˆeme carr´e.
3.3. Il est clair qu’on peut consid´erer l’anneau de polynˆomes R[x] comme un
sous-anneau de l’anneau RNdes applications f:NR.
Lemme (Bernoulli).B(R[x]) R[x].
En effet, on peut calculer les polynˆomes Sr(x) := B(xr) par r´ecurrence, en
utilisant (RB) :
on a B(1)(n) = n, donc B(1) = xet de l`a
B(1 ·1) + B(1)B(1) = B(B(1)1 + 1B(1)),
c’est `a dire
x+x2= 2B(x),
ou B(x)=(x2+x)/2.
De la mˆeme fa¸con, (RB) donne
B(1 ·x) + B(1)B(x) = B(B(1)x+ 1B(x)),
c’est `a dire
x2+x
2+x3+x2
2=Bx2+x2+x
2=1
2B(3x2+x) = 3
2B(x2) + x2+x
4,
d’o`u
B(x2) = x3
3+x2
2+x
6,
cf. 1.1. Ainsi, les B(xi) pour i6r´etant connus, on obtient B(xr+1) en appliquant
(RB) avec f= 1, g =xr, ce qui prouve le lemme.
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3.4. Soit Aune alg`ebre associative munie d’un op´erateur lin´eaire B:AA
v´erifiant
µB(fg) + B(f)B(g) = B(B(f)g+fB(g)) (RB)
(µest un nombre). Pour une alg`ebre de matrices, l’´equation (RB) de Gian-Carlo
Rota et Glen Earl Baxter est ´etroitement li´ee `a une version de l’´equation de Chen-
Ning Yang et Rodney James Baxter, cf. [OP].
On introduit sur Bune autre multiplication
fg=B(f)g+fB(g)µfg.
En l’utilisant, on peut r´ecrire (RB) sous la forme ´equivalente
B(fg) = B(f)B(g).(RB0)
Autrement dit, Best un op´erateur entrela¸cant deux multiplications.
3.5. Lemme. La multiplication est associative.
Cela se v´erifie ais´ement `a l’aide de (RB)0.
3.6. Lemme. L’op´erateur Bsatisfiait `a (RB)pour le produit :
µB(fg) + B(f)B(g) = B(B(f)g+fB(g)).
En effet, on a
µB(fg) + B(f)B(g) = B2(f)B(g) + B(f)B2(g).
D’un autre cˆot´e, d’apr`es (RB)0, on a B(B(f)g)) = B2(f)B(g) et B(fB(g)) =
B(f)B2(g), d’o`u l’assertion.
§4. Formule sommatoire d’Euler–Maclaurin
4.1. Soit Aune alg`ebre commutative munie d’une d´erivation Det d’un op´erateur
I:AA(une primitive ) tel que DI = idAet satisfaisant
I(f)I(g) = I(I(f)g+fI(g)).(RBH)
On veut construire un op´erateur B:AA(une primitive discr`ete ) de la forme
B=I(1 + β1D+β2D2+. . .), βiR,(4.1.1)
qui satisfait
B(fg) + B(f)B(g) = B(B(f)g+f B(g)).(RB)
Essayons de trouver un par un les coefficients inconnus βi, de l’´equation (RB).
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