THEORIE ALGEBRIQUE DES FORMES QUADRATIQUES

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THEORIE ALGEBRIQUE DES FORMES QUADRATIQUES
Introduction
La théorie algébrique des formes quadratiques est l’étude des formes quadratiques sur
un corps quelconque (généralement supposé de caractéristique 6= 2), plutôt que sur des
corps particuliers comme les corps de nombres ou les corps finis. Ce sujet a été créé par
Witt en 1937. Dans un article fondateur, il a démontré plusieurs résultats très importants
comme par exemple le théorème de simplification de Witt. Par la suite, le sujet s’est très
peu développé jusqu’au milieu des années 60. Puis Pfister a apporté de très belles idées
nouvelles à cette théorie. Ses méthodes lui ont par exemple permis de démontrer que le
produit de deux sommes de 2n carrés est encore une somme de 2n carrés.
Ce cours présente ces travaux de Witt et de Pfister. Il contient aussi une introduction
aux algèbres de quaternions, ainsi que des résultats de Springer et de Scharlau relatifs au
comportement des formes quadratiques lors d’extensions du corps de base. Il constitue une
introduction à la théorie algébrique des formes quadratiques, un sujet qui est aujourd’hui
en plein essor.
1
1. Notions fondamentales
Soit K un corps de caractéristique 6= 2, et soit V un espace vectoriel de dimension
finie n sur K.
Définitions.
• Une forme bilinéaire symétrique est une application b : V × V → K telle que
b(αx + βy, z) = αb(x, z) + βb(y, z) et b(x, y) = b(y, x) pour tout x, y, z ∈ V et tout
α, β ∈ K.
• Une forme quadratique sur K est une application q : V → K telle que
a) q(ax) = a2 q(x) pour tout x ∈ V et tout a ∈ K;
b) l’application bq : V × V → K donnée par 1/over2[bq (x, y) = q(x + y) − q(x) − q(y)]
est bilinéaire.
L’application bq : V × V → K est alors une forme bilinéaire symétrique. On l’appelle
la forme bilinéaire symétrique associée à q.
Remarquons que bq détermine q : on a q(x) = bq (x, x) pour tout x ∈ V . Les formes
quadratiques sont donc en bijection avec les formes bilinéaires symétriques. Dans la suite,
nous utiliserons indifféremment l’une ou l’autre de ces deux notions.
Définitions.
Soit (V, q) une forme quadratique, et soit (V, bq ) la forme bilinéaire symétrique associée.
• Soit W un sous–espace vectoriel de V . L’orthogonal de W est par définition le
sous–espace vectoriel
W ⊥ = {x ∈ V |bq (x, y) = 0 ∀y ∈ W }.
• Le radical de (V, q) est l’orthogonal de V tout entier : rad(V, q) = V ⊥ .
• On dit que (V, q) est non dégénérée si rad(V, q) = 0.
On note V ∗ = HomK (V, K) le dual de V . La base duale d’une base (e1 , ..., en ) de V
est par définition la base (e∗1 , ..., e∗n ), caractérisée par e∗i (ej ) = 1 si i = j, e∗i (ej ) = 0 si
i 6= j.
• L’homomorphisme adjoint de (V, q) est
b̂q : V → V ∗
2
(b̂q x)(y) = bq (x, y).
Proposition 1.1. (V, q) est non–dégénérée ⇐⇒ b̂q : V → V ∗ est un isomorphisme.
Démonstration. On a rad(V, q) = Ker(b̂q ). En effet,
x ∈ V ⊥ ⇐⇒ bq (x, y) = 0 ∀y ∈ V ⇐⇒ (b̂q x)(y) = 0 ∀y ∈ V ⇐⇒ x ∈ Ker(b̂q ).
Donc rad(V, q) = 0 ⇐⇒ b̂q est injectif ⇐⇒ b̂q est un isomorphisme (car dim(V ) =
dim(V ∗ )).
Notation. Si M = (ai,j ) est une matrice, on note M t sa transposée : M t = (aj,i ).
Définitions.
• Soit (V, b) une forme bilinéaire, et soit e = (e1 , ..., en ) une base de V . La matrice de
(V, b) est la matrice B dont le coefficient (i,j) est b(ei , ej ). Remarquons que si b est une
forme bilinéaire symétrique, alors B t = B.
• Soit (V, q) une forme quadratique. On appelle matrice de (V, q) la matrice de la
forme bilinéaire (V, bq ).
Proposition 1.2. Soit (V, q) une forme quadratique. Soit e = (e1 , ..., en ) une base de V ,
e∗ = (e∗1 , ..., e∗n ) la base duale. Soit B la matrice de bq par rapport à e. Alors la matrice
de b̂q par rapport aux bases e, e∗ est aussi B.
Démonstration. On a (b̂q ei )(ej ) = bq (ei , ej ). Donc
b̂q ei =
X
b(ei , ej )e∗j .
j=1,...,n
Proposition 1.3. (V, q) est non-dégénérée ⇐⇒ la matrice de b (par rapport à n’importe
quelle base de V ) est inversible.
Démonstration. Ceci est une conséquence immédiate des prop.1.1. et 1.2.
Définitions. Soit (V, q) une forme quadratique non dégénérée, et soit bq : V × V → K
la forme bilinéaire symétrique associée. Soit e = (e1 , ...en ) une base de V , et soit B la
matrice de bq par rapport à e. Le déterminant de (V, q) est par définition det(q) = det(B) ∈
K ∗ /K ∗2 , et le discriminant de (V, q) est par définition d(q) = (−1)n(n−1)/2 det(q).
3
Définition.
• On dit que deux formes quadratiques (V, q) et (V 0 , q 0 ) sont isomorphes s’il existe
un isomorphisme f : V → V 0 de K–espaces vectoriels tel que q 0 (f (x)) = q(x) pour tout
x∈V.
• Deux formes bilinéaires symétriques (V, b) et (V 0 , b0 ) sont isomorphes s’il existe un
isomorphisme f : V → V 0 de K–espaces vectoriels tel que b0 (f (x), f (y)) = b(x, y) pour
tout x, y ∈ V .
On utilise les notations (V, q) ' (V 0 , q 0 ), (V, b) ' (V 0 , b0 ).
L’un des buts principaux de la théorie des formes quadratiques est de classer à isomorphisme près toutes les formes quadratiques sur K. On va commencer par établir un
critère matriciel pour l’isomorphisme des formes quadratiques.
Définition. On dit que deux matrices carrées B et B 0 sont congruentes s’il existe une
matrice inversible M telle que B 0 = M t BM .
Proposition 1.4. Soient (V, q) et (V, q 0 ) deux formes quadratiques, et soient B et B 0 des
matrices de bq , bq0 dans une base (e1 , ..., en ) de V . Alors (V, q) ' (V, q 0 ) ⇐⇒ les matrices
B et B 0 sont congruentes.
Démonstration. Soit (e01 , ..., e0n ) une autre base de V , et soit M la matrice de changement
de base, autrement dit
e0j =
X
ai,j ei ,
M = (ai,j ).
i=1,...,n
On a B 0 = M t BM . En effet,
bq (e0i , e0j ) = bq (
X
k=1,...,n
ak,i ek ,
X
ar,j er ) =
i=r,...,n
X
ak,i bq (ek , er )ar,j
,
k,r
ce qui est le coefficient (i, j) de la matrice M t BM .
Corollaire 1.5. Le déterminant et le discriminant sont des invariants de la classe d’isomorphisme d’une forme quadratique.
Démonstration. Il faut montrer que si (V, q) et (V 0 , q 0 ) sont des formes quadratiques
isomorphes, alors det(q) = det(q 0 ). Soit e une base de V , et soient B et B 0 les matrices de bq
et bq0 dans cette base. Comme (V, q) ' (V, q 0 ), par prop.1.4. il existe une matrice inversible
M telle que B 0 = M t BM . Alors det(B 0 ) = det(M t )det(B)det(M ). Comme det(M t ) =
det(M ), ceci implique que det(B 0 ) = det(B)(det(M ))2 . Donc on a bien det(B 0 ) = det(B)
dans K ∗ /K ∗2 , donc det(q 0 ) = det(q) dans K ∗ /K ∗2 .
4
Notation. Soit B une matrice symétrique. On note < B > la forme quadratique de
matrice B.
Exemple. Soit V = K.e, espace vectoriel de dimension 1. Soit a ∈ K ∗ . La forme
quadratique sur V donnée par q(e) = a est notée < a >.
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2. Décompositions orthogonales
Définitions.
• Soient (V, q) et (V 0 , q 0 ) deux formes quadratiques. La somme orthogonale de (V, q)
et (V 0 , q 0 ), notée (V, q) ⊕ (V 0 , q 0 ), est par définition la forme quadratique (V ⊕ V 0 , q ⊕ q 0 ),
où (q ⊕ q 0 )(x ⊕ x0 ) = q(x) + q(x0 ), pour tout x ∈ V et tout x0 ∈ V 0 .
• Soient (V, b) et (V 0 , b0 ) deux formes bilinéaires symétriques. La somme orthogonale
de (V, b) et (V 0 , b0 ), notée (V, b) ⊕ (V 0 , b0 ), est par définition la forme biliéaire symétrique
(V ⊕ V 0 , b ⊕ b0 ), où (b ⊕ b0 )(x ⊕ x0 , y ⊕ y 0 ) = b(x, y) + b0 (x0 , y 0 ), pour tout x, y ∈ V et tout
x0 , y 0 ∈ V 0 .
Remarques.
• La forme bilinéaire symétrique associée à la forme quadratique q ⊕ q 0 est bq ⊕ bq0 .
• Soient B et B 0 des matrices de q et q 0 par rapport aux bases e et e0 de V et V 0 .
Alors la matrice de q ⊕ q 0 par rapport à la base e ⊕ e0 de V ⊕ V 0 est
B 0
.
0 B0
Définition. On dit que (V1 , q1 )) est une sous–forme de (V, q) s’il existe une forme quadratique (V2 , q2 ) telle que (V, q) ' (V1 , q1 ) ⊕ (V2 , q2 ).
Notation. Soit (V, q) une forme quadratique, et soit W un sous K–espace vectoriel de V .
On note q|W la forme quadratique sur W obtenue par restriction de q à W .
Proposition 2.1. Soit (V, q) une forme quadratique. Soit W un sous K–espace vectoriel
de V . Supposons que q|W soit non dégénérée. Alors
(V, q) ' (W, q|W ) ⊕ (W ⊥ q|W ⊥ ).
Démonstration. Soit x ∈ V , et soit f = (b̂q x)|W . La restriction de q à W est non
dégénérée par hypothèse. Donc
b̂q|W : W → W ∗
est un isomorphisme.
Il existe donc y ∈ W tel que b̂q|W (y) = f . On a :
bq (x, z) = (b̂q x)(z) = f (z) = (b̂q|W y)(z) = bq (y, z)
6
pour tout z ∈ W . Donc x − y ∈ W ⊥ .
On a donc décomposé x comme x = y + (x − y), avec y ∈ W et x − y ∈ W ⊥ . Ceci
démontre la proposition.
Définition. Soit (V, q) une forme quadratique, et soit a ∈ K ∗ . On dit que q représente a
s’il existe x ∈ V tel que q(x) = a.
On note D(q) l’ensemble des éléments représentés par q, c’est–à–dire
D(q) = {a ∈ K ∗ |∃x ∈ V, q(x) = a}.
Proposition 2.2. Soit (V, q) une forme quadratique, et soit a ∈ K ∗ . Alors a est représenté
par (V, q) ⇐⇒ < a > est une sous–forme de (V, q).
Démonstration. En effet, la forme < a > est non–dégénérée. Par la prop.2.1., < a > est
donc une sous–forme de (V, q).
Notation. Soient a1 , ...an ∈ K. On note < a1 , ..., an > la forme quadratique < a1 >
⊕...⊕ < an >. Cette forme quadratique est appelée forme diagonale déterminée par
a1 , ...an . On dit qu’une forme quadratique est diagonalisable si elle est isomorphe à une
forme diagonale.
Théorème 2.3. Toute forme quadratique est diagonalisable.
Démonstration. Par récurrence sur n = dim(V). Si n = 1, c’est clair. Si bq = 0, c’est
aussi clair – on peut donc supposer que bq 6= 0. Alors il existe z ∈ V tel que q(z) 6= 0. En
effet, bq 6= 0 implique qu’il existe x, y ∈ V tels que bq (x, y) 6= 0. On a :
bq (x, y) =
1
[q(x + y) − q(x) − q(y)] 6= 0,
2
donc soit q(x + y) 6= 0, soit q(x) 6= 0, soit q(y) 6= 0. Posons a = q(z). Alors a ∈ K ∗ , donc
par prop.2.2. < a > est une sous–forme de (V, q) :
(V, q) '< a > ⊕(V 0 , q 0 ).
On a dim(V 0 ) = n − 1. Donc par hypothèse de récurrence, (V 0 , q 0 ) est diagonalisable. Ceci
termine la démonstration du théorème.
Théorème 2.4. Soit (V, q) une forme quadratique. Alors (V, q) ' (rad(V ), q) ⊕ (W, q),
avec (W, q) non–dégénérée. De plus, (W, q) est déterminé à isomorphisme près.
Démonstration.
Soit W un complément direct de rad(V ) dans V . Alors on a (V, q) ' (rad(V ), q) ⊕
(W, q). Montrons que (W, q) est non dégénérée. Soit x ∈ W ⊥ . Alors x ∈ [rad(V ) ⊕ W ]⊥ ,
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car tout x ∈ V est dans rad(V )⊥ . Donc x ∈ V ⊥ = rad(V ). Comme x ∈ W , ceci montre
que x = 0. Donc (W, q) est non dégénérée.
Soit (V, q) ' (rad(V ), q) ⊕ (W 0 , q) une autre décomposition. Alors tout x ∈ W s’écrit
de façon unique sous la forme x = y + f (x), où y ∈ rad(V ) et f (x) ∈ W 0 . On vérifie que
l’application f : W → W 0 ainsi définie est linéaire. Il est clair que f est injective. Comme
dim(W) = dim(W0 ), f est aussi surjective. Vérifions que q(f (x)) = q(x) pour tout x ∈ W .
En effet, si x0 = y 0 + f (x0 ), on a
bq (x, x0 ) = bq (y + f (x), y 0 + f (x0 ) = bq (f (x), f (x0 ).
Ceci démontre le théorème.
Le th.2.4. montre que pour classer à isomorphisme près les formes quadratiques, il
suffit de classer les formes non dégénérées.
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3. Exemples : le corps des complexes, le corps des réels
Sur certains corps, on obtient des résultats de classification complets et simples.
Comme on le verra, c’est le cas du corps des nombres complexes et de celui des nombres réels.
Théorème 3.1. Soit K = C, le corps des complexes. Soit (V, q) une forme quadratique
non dégénérée. Alors
(V, q) '< 1, ..., 1 > .
Démonstration. Par le th.2.3., on a (V, q) '< a1 , ..., an >. Comme (V, q) est non
dégénérée, on a ai 6= 0. Il existe bi ∈ K ∗ tels que b2i = ai pour tout i. On a < bi >'< 1 >
pour tout i. Donc (V, q) '< 1, ..., 1 >.
Corollaire 3.2. Soient (V, q) et (V 0 , q 0 ) deux formes quadratiques non dégénérées sur C.
Alors (V, q) ' (V 0 , q 0 ) ⇐⇒ dim(V ) = dim(V 0 ).
Définition. Soit (V, q) une forme quadratique sur R. On dit que (V, q) est définie positive
si q(x) > 0 pour tout x ∈ V , x 6= 0, et définie négative si q(x) < 0 pour tout x ∈ V , x 6= 0.
Théorème 3.3. Soit K = R, le corps des réels. Soit (V, q) une forme quadratique non–
dégénérée sur R. Alors (V, q) ' (V + , q + ) ⊕ (V − , q − ), où (V + , q + ) est définie positive et
(V − , q − ) est définie négative. Les dimensions de V + et de V − sont indépendantes du choix
de la décomposition orthogonale.
Démonstration. Soit e1 , ..., en une base orthogonale de V . On peut supposer que
q(ei ) > 0 pour i = 1, ..., m et que q(ei ) < 0 pour i = m + 1, ..., n. Posons V + =
Ke1 ⊕ . . . ⊕ Kem , et V − = Kem+1 ⊕ . . . ⊕ Ken . Ceci donne la décomposition orthogonale
désirée. Supposons que V = W + ⊕ W − soit une autre décomposition orthogonale. Alors
W + ∩ V − = {0}, W − ∩ V + = {0}. On a donc
dim(W + ) ≤ dim(V ) − dim(V − ) = dim(V + ),
dim(W − ) ≤ dim(V ) − dim(V + ) = dim(V − ).
Comme dim(W + ) + dim(W − ) = dim(V + ) + dim(V − ), on a égalité. Ceci démontre le
théorème.
Définition. Soit (V, q) une forme quadratique non dégénérée sur R. La signature de (V, q)
est par définition
sign(V, q) = dim(V + ) − dim(V − ).
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Le th.3.3. montre que la signature est un invariant de la classe d’isomorphisme.
Corollaire 3.4. Soient (V, q) et (V 0 , q 0 ) deux formes quadratiques non dégénérées sur R.
Alors (V, q) ' (V 0 , q 0 ) ⇐⇒ dim(V ) = dim(V 0 ) et sign(V ) = sign(V 0 ).
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4. Groupe orthogonal, théorème de Witt
Définition. Soit (V, q) une forme quadratique non–dégénérée. Le groupe orthogonal de
(V, q), noté O(V, q) ou O(q), est le groupe des automorphismes de (V, q). Autrement dit,
on a :
O(q) = {f : V → V |q(f x) = q(x) ∀x ∈ V }.
Définition. Soit (V, q) une forme quadratique non dégénérée. Soit y ∈ V tel que q(y) 6= 0.
La réflexion hyperplane déterminée par y est par définition l’isomorphisme τy : V → V
défini par :
τy (x) = x − 2
bq (x, y)
y.
q(y)
Proposition 4.1. On a :
a) τy ∈ O(q).
b) τy (y) = −y.
c)
τy (x) = x si bq (x, y) = 0.
D’emonstration. Ces propriétés se vérifient par calcul direct.
Le théorème suivant, dû à E. Witt (1932), est un résultat fondamental de la théorie
des formes quadratiques. Il sera souvent utilisé dans la suite.
Théorème de Witt. Soient (V, q), (V1 , q1 ) et (V2 , q2 ) des formes quadratiques. Supposons
que
(V1 , q1 ) ⊕ (V, q) ' (V2 , q2 ) ⊕ (V, q).
Alors
(V1 , q1 ) ' (V2 , q2 ).
Démonstration.
• Première étape.
Supposons que q = 0, et q1 non dégénérée. Soient M1 et M2 les matrices de bq1 et bq2
par rapport à des bases de V1 et de V2 . L’hypothèse implique que les matrices
0 0
0 0
,
0 M1
0 M2
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sont congruentes, et que det(M1 ) 6= 0. Donc il existe une matrice inversible
A B
N=
C D
telle que
0 0
0 M1
=N
t
0 0
0 M2
N=
∗
∗
t
∗ D M2 D
.
Donc M1 = Dt M2 D. Comme det(M1 ) 6= 0, on a det(D) 6= 0. Donc M1 et M2 sont
congruentes. Par la prop.1.4., ceci entraı̂ne que q1 ' q2 .
• Deuxième étape.
Supposons que q = 0 (mais sans rien supposer sur q1 ). On peut écrire q1 et q2 sous la
forme
q1 ' r < 0 > ⊕q10 ,
q2 ' r < 0 > ⊕q20 ,
avec q10 non dégénérée. (On note r < 0 > la somme orthogonale de r copies de la forme
quadratique < 0 >.) On a
q10 ⊕ r < 0 > ⊕q ' q20 ⊕ r < 0 > ⊕q.
Par la première étape, ceci entraı̂ne que q10 ' q20 . Donc q1 ' q2 .
• Troisième étape.
Supposons que q =< a >, avec a ∈ K ∗ . Pour démontrer le théorème dans ce cas,
nous avons besoin des deux lemmes suivants :
Lemme 4.2. Soient (V1 , q1 ) et (V2 , q2 ) deux formes quadratiques isomorphes. Soient
W1 ⊂ V1 et W2 ⊂ V2 des sous–espaces vectoriels sur lesquels q1 , q2 sont non–dégénérées.
Supposons qu’il existe un isomorphisme f : V1 → V2 tel que q2 (f (x)) = q1 (x) pour tout
x ∈ V1 , et que f (W1 ) = W2 . Alors f (W1⊥ ) = W2⊥ .
Démonstration. Soit x ∈ W1⊥ . Il faut montrer que f (x) ∈ W2⊥ , autrement dit que
bq2 (f (x), z) = 0 pour tout z ∈ W2 .
Soit z ∈ W2 . Comme f (W1 ) = W2 , il existe y ∈ W1 tel que f (y) = z. On a
bq2 (f (x), z) = bq2 (f (x), f (y)) = bq1 (x, y) = 0
puisque x ∈ W1⊥ , et y ∈ W1 . Donc on a bien f (x) ∈ W2⊥ .
Lemme 4.3. Soit (V, q) une forme quadratique, et soient x, y ∈ V tels que q(x) = q(y) 6= 0.
Alors il existe τ ∈ O(V, q) tel que τ (x) = y.
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Démonstration. On a soit q(x + y) 6= 0, soit q(x − y) 6= 0. En effet, on a
q(x + y) + q(x − y) = 4q(x) 6= 0.
Supposons d’abord que q(x − y) 6= 0. Rappelons que
τx−y (x) = x − 2
bq (x, x − y)
(x − y).
q(x − y)
On a 2bq (x, x − y) = q(x − y). En effet,
q(x − y) = q(x) + q(y) − 2bq (x, y) = 2q(x) − 2bq (x, y) = 2bq (x, x − y).
Donc τx−y (x) = x − (x − y) = y.
Si q(x − y) = 0, alors q(x + y) 6= 0. On montre alors que τx+y = −y.
On pose τ = τx−y dans le premier cas, et τ = −τx+y dans le second. On a alors
τ (x) = y, ce qui démontre le lemme.
Montrons que ces deux lemmes impliquent le théorème dans le troisième cas.
On a par hypothèse
(V1 , q1 )⊕ < a >' (V2 , q2 )⊕ < a > .
Soient U1 = V1 ⊕ Ke1 , U2 = V2 ⊕ Ke2 , avec q(e1 ) = q(e2 ) = a. Posons Q1 = q1 ⊕ q,
Q2 = q2 ⊕ q. Soit f : U1 → U2 un isomorphisme tel que Q2 (f (x)) = Q1 (x) pour tout
x ∈ U1 . Soit e01 = f (e1 ). Alors Q2 (e1 ) = Q2 (e2 ) = a. Par le lemme 4.3., il existe
τ ∈ O(U2 , Q2 ) tel que τ (e01 ) = e2 . Alors τ f (e1 ) = e2 . Mais (Ke1 )⊥ = V1 , (Ke2 )⊥ = V2 ,
donc par le lemme 4.2., on a τ f (V1 ) = V2 . Ceci implique que (V1 , q1 ) ' (V2 , q2 ).
• Les trois étapes entraı̂nent le théorème de Witt. En effet, écrivons q sous la forme
q = q 0 ⊕ q 00 , avec q 0 =< a1 , ..., an >, ai 6= 0, et q 00 = 0. On a par hypothèse q1 ⊕ q 0 ⊕ q 00 '
q2 ⊕ q 0 ⊕ q 00 . Par les deux premières étapes, ceci entraı̂ne que q1 ⊕ q 0 ' q2 ⊕ q 0 . On a donc
(q1 ⊕ < a1 , ..., an−1 >)⊕ < an >' (q2 ⊕ < a1 , ..., an−1 >)⊕ < an > .
Par la troisième étape, ceci implique que
(q1 ⊕ < a1 , ..., an−1 >) ' (q2 ⊕ < a1 , ..., an−1 >).
En itérant l’application de la troisième étape, on obtient finalement q1 ' q2 , ce qui
démontre le théorème de Witt.
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5. Exemples : les corps finis
Soit p un nombre premier, et soit q = pn . Soit K = Fq , le corps fini à q éléments.
Rappelons que F∗q /F∗2
q ' {±1}.
Proposition 5.1. Soit (V, q) une forme quadratique non dégénérée, dim(V ) = 2. Alors
D(q) = F∗q .
Démonstration. Soient a, b ∈ F∗q tels que (V, q) '< a, b >. Alors
D(q) = {ax2 + by 2 | x, y ∈ F∗q }.
Soit c ∈ F∗q . Montrons qu’il existe x, y ∈ F∗q tels que c = ax2 + y 2 .
Posons
A = {ax2 | x ∈ Fq },
B = {c − by 2 | y ∈ Fq }.
Alors
card(A) = card(B) =
q+1
.
2
Donc A ∩ B 6= ∅. Ceci démontre la proposition.
Soit α un représentant de la classe non triviale de F∗q /F∗2
q ' {±1}.
Proposition 5.2. On a
< α, α >'< 1, 1 > .
Démonstration. Soit q =< α, α >. Par la prop.5.1., q représente 1. Donc q '< 1 >
⊕ < d >=< 1, d >, où d = det(q). Mais det(q) = 1, donc q '< 1, 1 >.
Théorème 5.3. Soit (V, q) une forme quadratique non dégénérée sur Fq . Soit d =
det(V, q). Alors
(V, q) '< d, 1, . . . , 1 > .
Démonstration. Par récurrence sur n = dim(V ). Si n = 1, on a q '< 1 > ou < α >,
donc on a fini. Si n ≥ 2, alors q représente 1 par la prop.5.1. On a donc q '< 1 > ⊕q 0 .
On a det(q) = det(q 0 ), et dim(q 0 ) < dim(q). Donc par hypothèse de récurrence, on a
q 0 '< d, 1, . . . , 1 >. Ceci démontre le théorème.
Corollaire 5.4. Soient (V, q) et (V 0 , q 0 ) deux formes quadratiques non dégénérées sur Fq .
Alors (V, q) ' (V 0 , q 0 ) ⇐⇒ dim(V ) = dim(V 0 ) et det(V, q) = det(V 0 , q 0 ).
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6. Décomposition de Witt, anneau de Witt
Une des idées importantes de Witt était de considérer les formes quadratiques ensemble, plutôt qu’individuellement. Ceci l’a conduit à définir ce qu’on appelle aujourd’hui
l’anneau de Witt.
• Décomposition de Witt
Définition. On dit qu’une forme quadratique (V, q) est isotrope s’il existe x ∈ V , x 6= 0,
tel que q(x) = 0. On dit que (V, q) est anisotrope si elle n’est pas isotrope.
Proposition 6.1. Soit (V, q) une forme quadratique non dégénérée avec dim(V ) = 2. Les
propriétés suivantes sont équivalentes :
(1) q est isotrope
(2) det(q) = −1 ∈ K ∗ /K ∗ 2.
(3) q '< 1, −1 >
(4) q est isomorphe à la forme quadratique
0 1
<
>.
1 0
Démonstration. Il suffit de montrer que (1) ⇒ (4), et que (2) ⇒ (1).
(1) ⇒ (4) : Soit x ∈ V , x 6= 0, tel que q(x) = 0. Soit y ∈ V tel que bq (x, y) = 1. Soit
q(y) = a. Posons y 0 = y − a2 x. Alors
a
a
a a
q(y 0 ) = bq (y 0 , y 0 ) = q(y) − bq (x, y) − bq (x, y) = a − − = 0.
2
2
2 2
Donc la matrice de bq dans la base (x, y 0 ) est
0 1
.
1 0
(2) ⇒ (1) : On a q '< a, −a >, donc q est isotrope.
Définition. Une forme quadratique satisfaisant aux propriétés équivalentes de la prop.6.1.
est appelée plan hyperbolique, et est notée H. Une base (x, y) telle que q(x) = q(y) = 0 et
bq (x, y) = 1 est appelée base hyperbolique.
Proposition 6.2. Soit (V, q) une forme quadratique non dégénérée. Si (V, q) est isotrope,
alors elle admet un plan hyperbolique comme facteur orthogonal. Autrement dit, il existe
une forme quadratique (V 0 , q 0 ) telle que
15
(V, q) ' H ⊕ (V 0 , q 0 ).
Démonstration. Soit x ∈ V , x 6= 0, tel que q(x) = 0. Soit y ∈ V tel que bq (x, y) = 1.
Posons W = Kx ⊕ Ky. Alors q|W est non dégénérée, donc par la prop.2.1. on a
(V, q) ' (W, q|W ) ⊕ (W ⊥ q|W ⊥ ).
D’autre part, on a (W, q|W ) ' H par la prop.6.1. Ceci démontre la proposition.
Définition. On dit qu’une forme quadratique q est universelle si D(q) = K ∗ .
Proposition 6.3. Toute forme non dégénérée et isotrope est universelle.
Démonstration. D’après la prop.6.2., toute forme isotrope contient comme facteur orthogonal un plan hyperbolique. Il suffit donc de montrer que H est universelle. Soit (x, y)
une base hyperbolique de H, et soit a ∈ K ∗ . Posons z = a2 x + y. Alors q(z) = a.
Proposition 6.4. Soit (V, q) une forme quadratique non dégénérée. Soit a ∈ K ∗ . Alors
a ∈ D(q) ⇐⇒ q⊕ < −a > est isotrope.
Démonstration. ⇒ est clair.
⇐ : Soit x + λe un vecteur isotrope de q 0 = q⊕ < −a >, où q 0 (e) = −a. On a
q 0 (x + λe) = q(x) − λ2 a = 0. Si λ 6= 0, alors q( λx ) = a, donc a ∈ D(q). Si λ = 0, alors
q(x) = 0 donc q est isotrope. Par la prop.6.3., ceci implique que (V, q) est universelle, donc
D(q) = K ∗ .
Définition. Une forme quadratique (V, q) est dite neutre si elle est non dégénérée, et s’il
existe un sous–espace vectoriel W de V tel que dim(W ) = 21 dim(V ) et q|W = 0.
Proposition 6.5. Toute forme neutre est isomorphe à
0 I
H ⊕ . . . ⊕ H '<
>.
I 0
Démonstration. La matrice d’une forme neutre est de la forme
0 C
,
Ct D
où C et D sont des matrices carrées.
Posons A = 12 D. On a
16
C
At
0
I
0
I
I
0
Ct
0
A
I
=
0
I
C
At
Ct
0
A
I
=
0
Ct
C
A + At
=
0
Ct
C
D
.
Décomposition de Witt. Toute forme quadratique (V, q) admet une décomposition
(V, q) ' (V0 , q0 ) ⊕ (Vn , qn ) ⊕ (Va , qa ).
où q0 = 0, qn est neutre et qa est anisotrope. De plus, cette décomposition est unique
à isomorphisme près.
Démonstration. Ceci résulte du théorème de Witt, et de la prop.6.5.
• Anneau de Witt
Proposition 6.6. Soit (V, q) une forme quadratique non dégénérée. Alors (V, q) ⊕ (V, −q)
est neutre.
Démonstration. Soit W = {(x, x) | x ∈ V }. Alors W est un sous–espace vectoriel de
dimension moitié de V ⊕ V . Il est clair que W est totalement isotrope : (q ⊕ −q)(x, x) =
q(x) − q(x) = 0.
Définition. Soit M le monoı̈de des classes d’isomorphisme des formes quadratiques non
dégénérées. Posons
q ≡ q 0 ⇐⇒ il existe des formes neutres n et n0 telles que q ⊕ n ' q 0 ⊕ n0 .
Posons W (K) = M/ ≡, l’ensemble des classes d’équivalence de M par rapport à la
relation d’équivalence ≡.
La somme orthogonale ⊕ des formes quadratiques définit une addition sur W (K), et
le produit tensoriel ⊗ des formes quadratiques définit une multiplication sur W (K).
Proposition 6.7 Les opérations ⊕ et ⊗ munissent W (K) d’une structure d’anneau commutatif.
Démonstration L’élément neutre de l’addition est la classe des formes neutres. L’opposé
de (V, q) est (V, −q) (cf. prop.6.6.) L’élément neutre de la multiplication est la classe de
la forme < 1 >. Il est facile de vérifier que tous les axiomes d’anneau sont vérifiés.
Proposition 6.8 Soient (V, q) et (V 0 , q 0 ) deux formes quadratiques non dégénérées. On a
(1)
q ≡ q 0 ⇐⇒ qa ' qa0 .
(2)
Si dim(V ) = dim(V 0 ), alors q ≡ q 0 ⇐⇒ q ' q 0 .
17
Démonstration. Ceci résulte de l’unicité de la décomposition de Witt.
• Exemples.
(1) Le corps des complexes
L’application
(V, q) 7→ dim(V, q)
(mod 2)
induit un isomorphisme
W (C) → Z/2Z.
(2) Le corps des réels
L’application
(V, q) 7→ sign(V, q)
induit un isomorphisme
W (R) → Z.
(3) Les corps finis
Soit p un nombre premier, et soit q = pn . Soit Fq le corps fini à q éléments.
Proposition 6.9.
(1) Si q ≡ 1 (mod 4), alors W (Fq ' Z/2Z × Z/2Z.
(2) Si q ≡ 3 (mod 4), alors W (Fq ) ' Z/4Z.
Démonstration. Soit α l’élément non trivial de F∗q /F∗2
q . Rappelons que α = −1 dans
∗
∗2
Fq /Fq ⇐⇒ q ≡ 3 (mod 4).
Nous avons vu (cf. th.5.3.) que toute forme quadratique non dégénérée est isomorphe
à < 1, ..., 1 > ou < α, ..., 1 >.
18
(1) Supposons que q ≡ 1 (mod 4). Alors -1 est un carré dans Fq . On a donc
< 1 , 1 >'< 1, − 1 >. Donc < 1, 1 > est une forme neutre. neutre. Ceci implique que
toute forme quadratique non dégénérée est soit neutre, soit dans la même classe de Witt
que l’une des formes suivantes : < 1 >, < α >, ou < 1, α >. Comme < α, α >'< α, −α >,
tous ces éléments sont d’ordre 2 dans W (Fq ). On a donc bien
W (Fq ) ' Z/2Z × Z/2Z.
(2) Supposons que q ≡ 3 (mod 4). Alors α = −1 dans F∗q /F∗2
q . Toute forme
quadratique non dégénérée est isomorphe à < 1, ..., 1 > ou < −1, 1, ..., 1 >. Par la prop.5.2.,
on a < 1, 1 >'< −1, −1 >. Donc toute forme quadratique non dégénérée est soit neutre,
soit dans la même classe de Witt que < 1 >, < 1, 1 > ou < 1, 1, 1 >. Tous ces éléments
sont d’ordre 4 (comme < 1, 1 >'< −1, −1 >), donc W (Fq ) ' Z/4Z. Ceci démontre la
proposition.
19
7. Formes de Pfister
Définition. Soient a1 , . . . , an ∈ K ∗ . Posons
<< a1 , . . . , an >>=< 1, a1 > ⊗ . . . ⊗ < 1, an > .
Une telle forme quadratique est appelée n–forme de Pfister associée à a1 , . . . , an . C’est
une forme quadratique non dégénérée de dimension 2n .
Exemple. Soient a, b ∈ K ∗ . On a << a, b >>=< 1, a > ⊗ < 1, b >=< 1, a, b, ab >.
Définition. Soit (V, q) une forme quadratique. Posons
G(q) = {a ∈ K ∗ |aq ' q}
l’ensemble des multiplicateurs de similitude de (V, q).
Il est clair que G(q) est un groupe.
Définition.
Une forme quadratique anisotrope (V, q) est dite multiplicative si G(q) = D(q).
Une forme quadratique isotrope est dite multiplicative si elle est neutre.
Remarque. Si 1 ∈ D(q), alors G(q) ⊂ D(q). En effet, on a q '< 1, . . . >. Si q ' aq,
alors q '< a, . . . >. Donc a ∈ D(q).
Exemple. Soit a ∈ K ∗ . Alors < 1, a > est multiplicative. En effet, si b ∈ D(q), alors
< 1, a >'< b, ab >= b < 1, a > .
Donc b ∈ G(q). Si q est isotrope, alors q '< 1, −1 >, donc q est neutre.
Théorème 7.1. Si q est multiplicative, alors q⊗ < 1, a > est multiplicative pour tout
a ∈ K ∗.
Démonstration.
• Supposons q isotrope.
Alors par hypothèse q est neutre. Donc q⊗ < 1, a >= q ⊕ aq est aussi neutre.
• Supposons q anisotrope, et q⊗ < 1, a > isotrope.
On a q⊗ < 1, a >= q ⊕ aq. Cette forme est supposée isotrope : il existe donc
γ, δ ∈ D(q) tels que
γ + aδ = 0.
20
(On peut supposer que γ, δ 6= 0 car q est anisotrope.)
On a donc a = − γδ . Comme q est anisotrope et multiplicative, on a D(q) = G(q). On
a donc γq ' q, δq ' q. Donc
γ
q ⊕ aq ' q ⊕ (− q) ' q ⊕ −q.
δ
Cette forme est donc bien neutre.
• Supposons q anisotrope et q⊗ < 1, a > anisotrope.
Soit δ = β + aγ ∈ D(q ⊕ aq). On a trois cas :
- γ = 0, donc β ∈ D(q) = G(q). Alors δ(q ⊕ aq) ' q ⊕ aq. Donc δ ∈ G(q ⊕ aq).
- β = 0, donc γ ∈ D(q) = G(q). Alors δ(q ⊕ aq) ' q ⊕ aq. Donc δ ∈ G(q ⊕ aq).
-β 6= 0, γ 6= 0. Alors β ∈ D(q) = G(q), γ ∈ D(q) = G(q). On a
γ
γ
γ
δ(q ⊕ aq) = (β + aγ)(q ⊕ aq) = β(1 + a )(q ⊕ aq) ' β(1 + a )(q ⊕ a q) '
β
β
β
γ
γ
γ
' β(1 + a ) < 1, a > ⊗q ' β < 1, a > ⊗q '< β, aγ > ⊗q ' βq ⊕ aγq ' q ⊕ aq.
β
β
β
Donc δ ∈ G(q ⊕ aq). Ceci montre que D(q ⊕ aq) ⊂ G(q ⊕ aq). L’inclusion G(q ⊕ aq) ⊂
D(q ⊕ aq) est facile. En effet, puisque q est anisotrope et multiplicative, on a D(q) = G(q).
Comme 1 ∈ G(q), q représente 1. Donc q ⊕ aq représente aussi 1, ce qui entraı̂ne que
G(q ⊕ aq) ⊂ D(q ⊕ aq).
Corollaire 7.2. Toute forme de Pfister est multiplicative.
Corollaire 7.3. Soit q une forme de Pfister. Si q est isotrope, alors q est neutre.
Autrement dit, une forme de Pfister est soit anisotrope, soit neutre.
Corollaire 7.4. Si a, b ∈ K ∗ sont des sommes de 2n carrés, alors ab est aussi une somme
de 2n carrés.
Démonstration.
Soit q =<< 1, 1 >>. Alors D(q) = {a ∈ K ∗ | a est somme de 2n carrés }. Mais q est
une forme de Pfister. Donc D(q) = G(q) est un groupe.
21
8. Le niveau d’un corps
Définition. Le niveau d’un corps K est le plus petit entier s(K) tel que −1 soit somme
de s(K) carrés. Si −1 n’est pas une somme de carrés dans K, alors on pose s(K) = ∞.
Théorème 8.1. (Pfister) Le niveau d’un corps est soit infini, soit une puissance de 2.
Démonstration. Posons s = s(K), et soit n un entier tel que
2n ≤ s < 2n+1 .
Soit q la (n + 1)–forme de Pfister << 1, ..., 1 >>. Alors q ' q 0 ⊕ q 00 , où q 0 est la forme
unité < 1, ..., 1 > de dimension s, et q 00 est la forme unité de dimension 2n+1 − s. La forme
q 00 est non nulle, car s < 2n+1 .
Comme −1 est une somme de s carrés, on a −1 ∈ D(q 0 ). Mais q 00 6= 0, donc q
est isotrope. Comme q est une forme de Pfister, ceci implique que q est neutre. On a
q ' q0 ⊕ q0 , où q0 est la n–forme de Pfister << 1, . . . , 1 >>. Mais q est neutre, donc on a
aussi q ' q0 ⊕ −q0 . On a donc
q0 ⊕ q0 ' q0 ⊕ −q0 .
Par le théorème de Witt, ceci implique que q0 ' −q0 . Comme −q0 =< −1, ..., −1 >,
−1 ∈ D(−q0 ) = D(q0 ). Donc –1 est une somme de 2n carrés.
22
9. Algèbres de quaternions
Les algèbres de quaternions sont les algèbres non commutatives les plus simples. Elles
jouent un rôle important en algèbre, en théorie des nombres, ainsi que dans d’autres
branches des mathématiques. Nous verrons dans cette section qu’une algèbre de quaternions est entièrement déterminée par une forme quadratique, sa forme norme. Cette forme
est une 4–forme de Pfister (voir §7). Nous obtiendrons aussi une nouvelle démonstration
du fait qu’un produit de deux sommes de quatre carrés est encore une somme de quatre
carrés (cf. cor.7.4.).
Définition. Soient a, b ∈ K ∗ . L’algèbre de quaternions D = (a, b) est la K–algèbre de
dimension 4 donnée par
D = K ⊕ Ki ⊕ Kj ⊕ Kk
avec i2 = a, j 2 = b, ij = −ji (et donc k 2 = −ab).
(Rappelons qu’une K–algèbre A est un anneau muni d’une structure de K–espace
vectoriel, satisfaisant α(xy) = (αx)y = x(αy) pour tout α ∈ K et tout x, y ∈ A.)
Exemple. K = R, D = (−1, −1) est l’algèbre des quaternions de Hamilton.
Définition. Soit D une algèbre de quaternions sur K. Soit
D0 = {x ∈ D | x2 ∈ K, x 6∈ K}.
Proposition 9.1. On a
D0 = Ki ⊕ Kj ⊕ Kk.
Démonstration. Si x = αi + βj + γk, alors on vérifie par calcul direct que x2 ∈ K.
Réciproquement, soit x = αi + βj + γk + δ, avec δ 6= 0. Si x 6∈ K, alors l’un des autres
coefficients est aussi non nul. Supposons par exemple que γ 6= 0. Un calcul direct montre
que le coefficient de k dans x2 est alors 2γδ. Donc x2 6∈ K.
Définition. Les éléments de D0 sont appelés quaternions purs.
Proposition 9.2. Soit D une algèbre de quaternions. Alors tout élément de D s’écrit
de façon unique comme somme d’un scalaire et d’un quaternion pur. Autrement dit, on a
une décomposition en somme directe :
D = K ⊕ D0 .
23
Démonstration. C’est évident.
Définition. Soit A un anneau. Une involution de A est une application ¯ : A → A telle
que x + y = x + y, xy = y x et x = x.
Proposition 9.3. Soit D une algèbre de quaternions sur K. Ecrivons D sous la forme
D = K ⊕ D0 . Chaque élément x de D s’écrit de façon unique sous la forme x = x0 + x1 ,
avec x0 ∈ K et x1 ∈ D0 .
Alors l’application
¯: D → D
définie par
x0 + x1 7→ x0 − x1
est une involution.
Démonstration. Ceci se vérifie par calcul direct.
Définition. L’involution définie dans la prop.9.3. est appelée involution canonique de
l’algèbre de quaternions.
Proposition 9.4. Soit D une algèbre de quaternions. L’application
N : D → K, x 7→ xx
est une forme quadratique non dégénérée. La forme biliéaire symétrique associée est
(x, y) 7→
1
(xy + yx).
2
Dans la base (1, i, j, k), la matrice de la forme bilinéaire symétrique est
1
0

0
0

0
−a
0
0
0
0
−b
0

0
0
.
0
ab
Donc N '< 1, −a, −b, ab >=<< −a, −b >> .
Démonstration. Toutes ces affirmations se vérifient par calcul direct.
Définition. Soit D une algèbre de quaternions. L’élément N (x) = xx est appelé norme
de x, T (x) = 21 (x + x) est appelé trace de x. La forme quadratique N : D → D est appelée
forme norme de l’algèbre de quaternions.
24
Lemme 9.5. On a N (xy) = N (x)N (y).
Démonstration. On a
N (xy) = (xy)(xy) = xyy x = x(N (y)x = N (y)xx = N (y)N (x) = N (x)N (y).
Remarque. Soit D = (−1, −1) l’algèbre des quaternions de Hamilton. Alors D(N ) est
exactement l’ensemble des éléments de K ∗ qui sont des sommes de quatre de carrés dans
K. La formule N (xy) = N (x)N (y) montre alors qu’un produit de deux sommes de quatre
carrés dans K est aussi une somme de quatre carrés dans K (cf. cor.7.4.)
Lemme 9.6. Soit D une algèbre de quaternions. Alors D est un corps si et seulement si
la forme quadratique N est anisotrope.
Démonstration. Supposons N anisotrope. Soit x ∈ D. Alors xN (x)−1 est l’inverse de
x.
Réciproquement, supposons que N soit isotrope et montrons qu’alors D n’est pas un
corps. Comme N est isotrope, il existe x ∈ D tel que xx = 0. Donc D contient des
diviseurs de zéro, ce qui implique que D n’est pas un corps.
Théorème 9.7. Les propriétés suivantes sont équivalentes :
(1) << −a, −b >>'<< −c, −d >> .
(2) < −a, −b, ab >'< −c, −d, cd > .
(3) (a, b) ' (c, d).
Démonstration.
(1) ⇒ (2) résulte du théorème de Witt.
(2) ⇒ (1) est trivial.
Montrons que (3) ⇒ (1). Posons D = (a, b), D0 = (a0 , b0 ). Soient N , N 0 les formes
normes des algèbres D, D0 . Soit τ : D → D0 un isomorphisme. Alors τ (D0 ) = D00 . Donc
τ (x) = τ (x). Comme xx ∈ K, on a τ (xx) = xx. Donc
xx = τ (xx) = τ (x)τ (x) = τ (x)τ (x).
Ceci montre que N (x) = N 0 (τ (x)), donc τ est une isométrie entre les formes norme
N et N 0 .
Montrons que (2) ⇒ (3). Remarquons que < −a, −b, ab > est la restriction de N à
D0 , et que < −c, −d, cd > est la restriction de N 0 à D00 . Soit τ : D0 → D00 un isomorphisme
entre ces deux formes quadratiques. Posons i0 = τ (i), j 0 = τ (j). On définit µ : D → D0
25
par µ(1) = 1, µ(i) = i0 , µ(j) = j 0 , µ(k) = i0 j 0 . Il est facile de vérifier que µ est un
isomorphisme de K–algèbres.
Corollaire 9.8. Les affirmations suivantes sont équivalentes :
(1) < −a, −b, ab > est isotrope
(2) << −a, −b >> est neutre
(3) (a, b) a des diviseurs de zéro.
(4) (a, b) ' (1, 1).
Démonstration
On a (1) ⇒ (2), car << −a, −b >> est une forme de Pfister isotrope.
(2) ⇒ (3) : Si N est isotrope, alors (a, b) a des diviseurs de 0. Or N '<< −a, −b >>.
(3) ⇒ (4) : Si (a, b) a des diviseurs de 0, alors il exise x, y ∈ (a, b), x 6= 0, y 6= 0, tels
que xy = 0. Donc N (xy) = N (x)N (y) = 0. Ceci entraı̂ne que N (x) = 0 ou N (y) = 0.
Donc N est isotrope. Comme N est une forme de Pfister, elle est donc neutre. Ceci
implique que N '<< −1, −1 >>. Par th.9.7., on a alors (a, b) ' (1, 1).
Corollaire 9.9. Soient a, b, c, d ∈ K ∗ . Alors
< a, b >'< c, d > ⇐⇒ (a, b) ' (c, d), et ab = cd ∈ K ∗ /K ∗2 .
Démonstration. Si < a, b >'< c, d >, alors ab = cd dans K ∗ /K ∗2 . Donc
< −a, −b, ab >'< −c, −d, cd > .
On a donc << −a, −b >>'<< −c, −d >>. Par le th.9.7., ceci entraı̂ne que (a, b) ' (c, d).
Réciproquement, supposons que (a, b) ' (c, d), et ab = cd dans K ∗ /K ∗2 . Alors
< −a, −b, ab >'< −c, −d, cd >'< −c, −d, ab > .
Par le théorème de Witt, on a alors < a, b >'< c, d >.
Corollaire 9.10. Soit (a, b) une algèbre de quaternions. Si (a, b) n’est pas un corps
gauche, alors (a, b) ' M2 (K), l’algèbre des matrices 2 × 2 sur K.
Démonstration. Par le th.9.8., si (a, b) n’est pas un corps gauche, alors (a, b) ' (1, 1).
On vérifie que l’application
(1, 1) → M2 (K)
définie par
1 7→
1
0
26
0
1
1 0
i 7→
0 −1
0 1
j 7→
1 0
0 1
k 7→
−1 0
est un isomorphisme de K–algèbres.
27
10. Extensions du corps de base
Soit L une extension de K. Il peut arriver qu’une forme anisotrope devienne isotrope
sur L, ou que deux formes deviennent isomorphes sur L sans l’être sur K. Le but de ce §
est d’étudier ces phénomènes.
Notation. Soit (V, q) une forme quadratique sur K. On note VL = V ⊗ L, et
(V, q)L = (VL , qL ) = (V, q) ⊗K L
la forme quadratique obtenue par extension des scalaires de K à L.
Proposition 10.1. Soit (V, q) une forme quadratique sur K. Soit e une K–base de V , et
soit B la matrice de q par rapport à cette base. Alors e est aussi une L–base de VL , et B
est la matrice de qL par rapport à cette base.
Démonstration. C’est évident.
Corollaire 10.2.
Si (V, q) est non dégénérée, alors (V, q)L est aussi non dégénérée.
Si (V, q) est neutre, alors (V, q)L est aussi neutre.
Démonstration. Ceci est une conséquence immédiate de la prop.10.1.
Corollaire 10.3. L’application (V, q) 7→ (V, q)L induit un homomorphisme d’anneaux
∗
rL/K
: W (K) → W (L).
Démonstration. Ceci se vérifie par calcul direct.
∗
On aimerait déterminer le noyau de rL/K
.
√
Proposition 10.4. Soit L = K( d) une extension quadratique. Supposons (V, q) anisotrope et (V, q)L isotrope. Alors
(V, q) '< α, −αd > ⊕(V 0 , q 0 )
pour un certain α ∈ K ∗ , et une certaine forme quadratique (V 0 , q 0 ) sur K.
√
Démonstration. Soit x + y d ∈ VL un vecteur isotrope. Alors on a
√
√
√
bq (x + y d, x + y d) = bq (x, x) + bq (y, y)d + 2bq (x, y) d = 0.
28
Donc bq (x, y) = 0, bq (x, x) = −dbq (y, y) 6= 0. Soit α = bq (x, x). Posons W = Kx⊕Ky.
Alors (W, qW ) '< α, −αd > C’est une forme non–dégénérée, donc c’est une sous–forme
de (V, q). Ceci démontre la proposition.
√
Proposition 10.5. Soit L = K( d). Le noyau de
∗
: W (K) → W (L)
rL/K
est l’idéal principal engendré par < 1, −d >.
Démonstration Comme d est un carré dans L, < 1, −d > est neutre. Donc l’idéal
∗
engendré par < 1, −d > est contenu dans Ker(rL/K
).
Réciproquement, supposons que (V, q) soit une forme quadratique anisotrope dont la
∗
classe appartient à Ker(rL/K
). Par prop.10.4., on a
(V, q) '< α, −αd > ⊕(V 0 , q 0 )
∗
Mais (V 0 , q 0 ) est aussi dans Ker(rL/K
). Comme dim(V 0 ) < dim(V ), l’application
répétée de l’argument ci–dessus démontre la proposititon.
Théorème de Springer. Soit L/K une extension finie de degré impair. Soit (V, q) une
forme quadratique anisotrope sur K. Alors (V, q)L est aussi anisotrope.
Démonstration. Il existe une chaı̂ne finie d’extensions K ⊂ L1 ⊂ . . . ⊂ Lm = L telle que
Li = Li−1 (αi ). On peut donc supposer, pour démontrer le théorème, que L = K(α). Soit
P ∈ K[X] le polynôme minimal de α. On a alors L = K[X]/(P ). Soient a1 , ..., an ∈ K ∗
tels que (V, q) '< a1 , . . . , an >. Autrement dit, on a
q(x1 , ..., xn ) = a1 x21 + . . . + an x2n .
On démontre le théorème par récurrence sur k = [L : K] = deg(P ).
Supposons (VL , qL ) isotrope. Alors il existe gi ∈ K[X] tels que
X
ai gi (X)2 = P (X)h(X)
i=1,...,n
pour un certain polynôme h ∈ K[X]. On a deg(gi ) < k, max(deg(gi )) > 0. On peut
supposer que les gi n’ont pas de facteur commun.
Soit d le degré maximal des gi , et soit bi le coefficient de X d dans gi . Alors
X
ai b2i X 2d
i=1,...,n
29
est le terme de plus haut degré de l’expression de gauche. On a deg(h) = 2d − k. Comme
k est impair, alors deg(h) est impair. On a d < k, donc deg(h) < k.
Soit h0 un facteur de degré impair de h. Soit E = K[X]/(h0 ) = K(β). Alors
(g1 (β), . . . , gn (β)) 6= (0, . . . , 0)
est un vecteur isotrope de q sur E. Ceci contredit l’hypothèse de récurrence.
Corollaire 10.6. Soit L/K une extension finie de degré impair, et soient (V, q), (V 0 , q 0 )
des formes quadratiques. Supposons qu’il existe une forme quadratique (W, Q) sur L telle
que
(V, q)L ' (V 0 , q 0 )L ⊕ (W, Q).
Alors il existe une forme quadratique (V 00 , q 00 ) sur K telle que
(V, q)L ' (V 0 , q 0 )L ⊕ (V 00 , q 00 ).
Démonstration. (V, q)L ' (V 0 , q 0 )L ⊕ (W, Q) ⇐⇒ (V, q)L ⊕ (V 0 , −q 0 )L contient une
forme neutre de dimension 2dim(V 0 ). Par une application répétée du th. de Springer,
on voit qu’alors (V, q) ⊕ (V 0 , −q 0 ) contient aussi une forme neutre de dimension 2dim(V 0 ).
Donc il existe une forme quadratique (V 00 , q 00 ) sur K telle que
(V, q)L ' (V 0 , q 0 )L ⊕ (V 00 , q 00 ).
Corollaire 10.7. Soit L/K une extension finie de degré impair. Soient (V, q) et (V 0 , q 0 )
deux formes quadratiques non dégénérées. Alors
(V, q)L ' (V 0 , q 0 )L ⇒ (V, q) ' (V 0 , q 0 ).
Démonstration. Ceci est un cas particulier du cor.10.6.
Corollaire 10.8. Soit L/K une extension finie de degré impair. Alors l’homomorphisme
∗
rL/K
: W (K) → W (L)
est injectif.
Démonstration. C’est une conséquence immédiate du cor.10.7.
Corollaire 10.8. Soit L/K une extension finie de degré impair. Soit (V, q) une forme
quadratique non dégénérée sur K. Soit a ∈ K ∗ . Si a ∈ D(qL ), alors a ∈ D(q).
Démonstration. qL représente a ⇐⇒ qL contient < a >. Par le cor.10.6., ceci entraı̂ne
que q contient < a >. Donc q représente a.
30
11. Le transfert de Scharlau
Nous verrons dans ce § une autre méthode pour démontrer les cor.10.7. et 10.8. Cette
méthode, appelée transfert de Scharlau, a aussi d’autres applications.
Soit L/K une extension finie, et soit s : L → K une application K–linéaire, s 6= 0.
A toute forme quadratique (V, q) sur L, on associe une forme quadratique (V, s(q))
définie comme suit :
On considère V comme espace vectoriel sur K, et on obtient
s(q) : V → K
x 7→ s(q(x)).
Lemme 11.1. Si (V, q) est non dégénérée, alors (V, s(q)) est aussi non dégénérée.
Démonstration. Soit a ∈ L tel que s(a) 6= 0. Comme (V, q) est non dégénérée, pour tout
x ∈ V il existe y ∈ V tel que bq (x, y) 6= 0. Posons bq (x, y) = c. Alors s(bq )(x, yac−1 ) =
s(a) 6= 0. Donc (V, s(q)) est aussi non dégénérée.
Théorème 11.2. L’application s induit un homomorphisme de groupes
s∗ : W (L) → W (K).
Démonstration. Une forme non dégénérée est envoyée sur une forme non dégénérée (cf.
lemme 11.1). On vérifie facilement qu’une forme neutre est envoyée sur une forme neutre,
et que s∗ est compatible avec les sommes orthogonales. Donc s∗ est un homomorphisme
de groupes.
Remarque. s∗ n’est pas un homomorphisme d’anneaux.
∗
Théorème 11.3. Notons r∗ = rL/K
. Soit (V, q) une forme quadratique non dégénérée
0 0
sur K, et soit (V , q ) une forme quadratique non dégénérée sur L. On a
s∗ (r∗ (q) ⊗ q 0 ) ' q ⊗ s∗ (q 0 ).
Démonstration. L’application
(V ⊗K L) ⊗L V 0 → V ⊗K V 0
31
(x ⊗ α) ⊗ y 7→ x ⊗ αy
donne un isomorphisme entre les formes quadratiques ci–dessus.
Corollaire 11.4. Considérons la composition
r∗
s
∗
W (K).
W (K) → W (L) →
On a
s∗ r∗ (q) = q ⊗ s∗ < 1 > .
Démonstration. Il suffit de prendre q 0 =< 1 > dans th.11.3.
Définition. Soit L/K une extension finie. On définit la norme N : L → K comme suit.
Soit α ∈ L, et soit mα : L → L donnée par mα (x) = αx. Alors mα est une application
K–linéaire du K–espace vectoriel L. On pose N (α) = det(mα ).
Proposition 11.5. Soit L = K(α), [L : K] = n. Soit s : L → K l’application K–linéaire
définie par
s(1) = 1, s(α) = . . . = s(αn−1 ) = 0.
On a
(1) Si n est impair, alors s∗ (< 1 >) =< 1 > dans W (K);
(2) Si n est pair, alors s∗ (< 1 >) =< 1, −N (α) > dans W (K).
Démonstration. La matrice de s∗ (< 1 >) par rapport à la base (1, α, . . . , αn−1 ) est
1
0
0
0


0

.

.
.
0 −a0
...
...

.
∗

0
−a0 

∗ 

∗ 

.
∗
où αn + ... + a0 = 0.
La proposition en découle.
Corollaire 11.6. Si [L : K] est impair, alors
r∗ : W (K) → W (L)
32
est injectif.
Démonstration. Par le cor.11.4., on a s∗ r∗ (q) = q ⊗ s∗ (< 1 >). En choisissant s comme
dans le th.11.5., on a s∗ (< 1 >) =< 1 > dans W (K). On obtient donc
s∗ r∗ (q) = q⊗ < 1 >= q,
donc r∗ est bien injectif.
33
12. Théorème de la norme de Scharlau
Ce § donne une nouvelle application de la méthode de transfert de Scharlau.
Théorème 12.1. (Scharlau) Soit L une extension finie de K. Soit NL/K la norme de
l’extension L/K. Soit q une forme quadratique non dégénérée sur K. Alors on a
NL/K (G(qL )) ⊂ G(q).
Démonstration. Soit a ∈ G(qL ), et soit E = K(a). Nous pouvons supposer que L = E.
En effet, si [L : E] = 2m, alors NL/E (a) = a2m . Donc Donc NL/E (a) ∈ E ∗2 , ce qui
implique que NL/K (a) ∈ K ∗2 . Mais K ∗2 ⊂ G(q), donc le th. est démontré dans ce cas. Si
[L : E] est impair, alors par le th. de Springer, on a aqL ' qL ⇒ aqE ' qE .
Supposons donc que L = K(a), [L : K] = n. Soit s : L → K défini par
s(1) = 1, s(a) = . . . = s(an−1 ) = 0.
Comme aqL ' q, par th.11.3. on a :
q ⊗ s∗ < 1 >' q ⊗ s∗ < a > .
Posons N = NL/K . Un calcul direct montre que :
Si n est pair, alors s∗ < 1 >=< 1 > et s∗ < a >=< N (a) > dans W (K). Donc
q ' N (a)q.
Si n est impair, alors s∗ < 1 >=< 1, −N (a) > et s∗ < a >= 0 dans W (K). Donc
< 1, −N (a) > ⊗q est neutre. Dans ce cas aussi, on obtient q ' N (a)q.
Ceci implique que N (a) ∈ G(q), ce qui démontre le théorème.
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BIBLIOGRAPHIE
Aucun ouvrage supplémentaire n’est nécessaire pour l’étude de ce cours. Cependant,
les compléments suivants peuvent être utiles :
Rappels sur les corps finis : début des livres suivants
Borevitch–Chafarevitch : Théorie des nombres, Gauthier–Villars (1967).
Serre : Cours d’arithmétique, Presses universitaires de France (1970).
Théorie algébrique des formes quadratiques
Lam : The algebraic theory of quadratic forms, Benjamin (1973).
Scharlau : Quadratic and hermitian forms, Springer–Verlag (1989).
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