L’ Cancers bronchiques : quelles sont les nouveautés depuis septembre 2010 ?

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RÉTROSPECTIVE 2011
Cancers bronchiques :
quelles sont les nouveautés
depuis septembre 2010 ?
Lung cancer: what’s new between september 2010
and september 2011?
D. Moro-Sibilot*
L’
année écoulée a été très riche en nouvelles
informations et recommandations. En effet,
3 congrès, l’American Society of Clinical Oncology (ASCO®), le World Conference on Lung Cancer
(WCLC) et l’European Society for Medical Oncology
(ESMO), ont apporté une masse d’infor­mations scientifiques de haut niveau. De plus, plusieurs recommandations ont été mises à notre disposition, comme
celles portant sur la prise en charge spécialisée éditées
par l’Institut national du cancer (INCa), relatives à la
démarche diagnostique et au bilan préthérapeutique
des cancers bronchiques à petites cellules (CBPC) et
non à petites cellules (CBNPC) ainsi que la conduite
à tenir devant un nodule pulmonaire (1). L’ASCO® n’a
pas été en reste avec, d’une part, l’actualisation des
recommandations concernant la chimiothérapie (CT)
des stades IV (2) et, d’autre part, une recommandation sur la nécessité d’évaluer le statut mutationnel
de l’Epidermal Growth Factor Receptor (EGFR) avant
de choisir la première ligne de CT. Sur le plan de
l’actualité de l’industrie pharmaceutique : acceptation par l’Agence européenne des médicaments
(European Medicines Agency [EMA]) de l’indication
en première ligne chez les patients porteurs d’une
mutation activatrice de l’EGFR pour l’erlotinib ;
obtention, par la même instance, du traitement
par pémétrexed + cisplatine en première ligne suivi
de pémétrexed en maintenance chez les patients
porteurs de carcinomes non épidermoïdes dès lors
qu’ils n’ont pas progressé pendant le traitement de
première ligne. L’erlotinib, qui a une autorisation de
mise sur le marché (AMM) pour son utilisation en
maintenance chez des patients stabilisés par une CT,
perd en revanche son remboursement dans cette
indication, tout en gardant son AMM.
En 2011, les efforts de l’INCa et le dynamisme des
28 plateformes d’analyse moléculaire des cancers
ont été salués dans l’ensemble des congrès de
cancérologie. Ces analyses moléculaires bénéficient maintenant à des milliers de patients, et la
situation en France est aujourd’hui bien meilleure
que celle d’autres pays, notamment d’Amérique du
Nord. L’élargissement des analyses est en cours avec
l’analyse en routine de plusieurs anomalies : ainsi,
depuis janvier 2011, 14 863 analyses de l’EGFR ont
été réalisées, 9 104 analyses de la mutation T790
de l’EGFR, 11 779 profils de KRAS, 2 822 profils du
réarrangement EML4-ALK.
D. Moro-Sibilot
Épidémiologie et dépistage
L’histologie varie sans cesse, avec l’émergence des
cancers du non-fumeur, l’inexorable diminution
des carcinomes épidermoïdes et l’augmentation
des adénocarcinomes (3). Une partie de l’explication tient à la modification de la composition des
cigarettes. Le fait de fumer est nocif, personne ne
le nie, mais le marketing laisse penser à tort que
certaines cigarettes sont moins nocives que d’autres.
Ainsi en est-il des cigarettes dites “légères”, dont la
consommation explique sûrement l’augmentation
des adénocarcinomes périphériques. Les cigarettes
mentholées avaient mauvaise réputation, à tort
puisqu’une étude du Journal of the National Cancer
Institute démontre que leur toxicité est comparable à
celle des autres cigarettes (4). Tout le monde connaît
la responsabilité du tabagisme dans l’apparition de
tumeurs des poumons, mais aussi d’autres organes.
Une méta-analyse a établi le rôle du tabagisme dans
l’apparition de lymphomes non hodgkiniens (5).
* Pôle de cancérologie et de médecine
aiguë communautaire, UM d’oncologie thoracique, CHU de Grenoble ;
INSERM U823, Grenoble.
La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 1 - janvier 2012 | 21
Points forts
Mots-clés
»» Les cancers bronchiques doivent bénéficier d’un diagnostic moléculaire.
»» Erlotinib ou géfitinib peuvent être prescrits en première ligne chez les patients dont la tumeur présente
une mutation de l’EGFR.
»» La maintenance de continuation par pémétrexed améliore la survie sans progression.
»» La maintenance par pémétrexed améliore la survie sans progression par rapport au bévacizumab seul.
Cancers bronchiques
Épidémiologie
Dépistage
Chimiothérapie
Thérapeutiques
ciblées
Highlights
»» A molecular diagnosis
should be performed in Lung
cancer.
»» Erlotinib or gefitinib may be
prescribed in the first line treatment of patients whose tumor
present an EGFR mutation.
»» Continuation maintenance
with pemetrexed improves
progression free survival.
»» Continuation maintenance
with pemetrexed bevacizumab
improves PFS over bevacizumab alone.
Keywords
Lung cancer
Epidemiology
Screening
Chemotherapy
Targeted therapy
L’intérêt pour le dépistage s’est renouvelé cette
année, presque 10 ans après les études qui avaient
enthousiasmé la communauté scientifique, enthousiasme suivi d’une phase de traversée du désert.
Deux études majeures montrent, pour le National
Lung Screening Trial (NSLT) [6], l’intérêt de la
tomodensito­métrie pour le dépistage des cancers
pulmonaires, et, pour le Prostate, Lung, Colorectal
and Ovarian (PLCO) Cancer Screening Trial (7), la
confirmation de l’absence d’intérêt de la radiographie thoracique dans cette indication.
Le NSLT a largement été présenté dans un article
de La Lettre du Cancérologue (8) et ne sera donc
pas détaillé ici.
L’étude PLCO, récemment publiée, a comparé,
chez 154 901 participants âgés de 55 à 74 ans, une
radiographie pulmonaire annuelle pendant 4 ans
consécutifs à l’absence de radiographie. Les sujets
ont été suivis durant 12 ans en médiane (maximum :
13 ans). Cette étude ne montre aucune réduction
de l’incidence des cancers pulmonaires (1 696 cas
dans le groupe dépisté versus 1 620 dans le groupe
témoin) et aucune réduction de la mortalité par
cancer. La faible efficacité du dépistage par la radiographie pulmonaire pourrait être liée au fait que, sur
les 1 696 cancers déclarés, seuls 307 ont été détectés
par la radiographie.
Tableau I. Caractéristiques résumées des différentes études randomisées comparant inhibiteur
de tyrosine kinase (ITK) et chimiothérapie (CT) dans des populations de patients sélectionnées.
Population
ITK
n
Réponse objective Survie sans
(%)
progression
ITK versus CT
IPASS
Asie
Géfitinib 261*
71,2
versus 47,3
HR = 0,48
9,5
IC95 : 0,36-0,64 versus 6,3 mois
First-SIGNAL
Asie
Géfitinib 42*
84,6
versus 37,5
HR = 0,61
IC95 : 0,31-1,22
WJTOG 3405
Asie
Géfitinib 172
62,1
versus 32,2
HR = 0,49
9,2
IC95 : 0,34-0,71 versus 6,3 mois
NEJ002
Asie
Géfitinib 224
73,7
versus 30,7
HR = 0,30
10,8
IC95 : 0,22-0,41 versus 5,4 mois
OPTIMAL
Asie
Erlotinib 154
83
versus 36
HR = 0,16
13,1
IC95 : 0,10-0,26 versus 4,6 mois
Europe
Erlotinib 174
58,1
versus 14,9
HR = 0,37
9,7
IC95 : 0,25-0,54 versus 5,2 mois
EURTAC
* Sous-groupe de la population totale.
22 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 1 - janvier 2012
NA
ITK de l’EGFR en première ligne
thérapeutique
Le traitement de première ligne des patients présentant une mutation des exons 19 ou 21 de l’EGFR
repose maintenant sur un niveau de preuve élevé :
plusieurs études randomisées ont dans ce contexte
démontré l’intérêt des inhibiteurs de tyrosine
kinase (ITK) [tableau I]. La majorité des études
a été réalisée avec le géfitinib. L’étude OPTIMAL
et l’étude EURTAC (9, 10) ont été réalisées avec
l’erlotinib. L’étude EURTAC est la seule étude
randomisée incluant une population caucasienne
et l’étude OPTIMAL, une population chinoise. Tous
les patients sont, en revanche, porteurs de mutations de l’EGFR. Ces études concordent à la fois entre
elles mais aussi avec les études réalisées avec le
géfitinib (11-14) pour ce qui est de l’augmentation de
la survie sans progression (SSP) dans la population
mutée traitée par ITK, sans amélioration, toutefois,
de la survie globale (SG) par rapport au groupe de
patients traités par CT. La SG est de toute façon
modifiée chez ces patients, lors de l’utilisation des
ITK en première ligne, ou chez ceux traités par CT
première par l’introduction des ITK au-delà de la
première ligne. Ces données ont été confirmées par
une méta-analyse récemment publiée, la première à
notre connaissance, qui a évalué le bénéfice d’un ITK
de l’EGFR (géfitinib ou erlotinib) en première ou en
deuxième ligne en comparaison avec une CT standard
chez 1 260 patients présentant une mutation activatrice de l’EGFR et qui ont été inclus dans 13 études
randomisées et contrôlées. Le risque de progression
avec les ITK de l’EGFR a été réduit de 70 % pour
l’ensemble des études (HR = 0,30 ; IC : 0,22-0,44 ;
2p < 0,00001) alors que la SG est restée inchangée
par comparaison avec la CT standard ; cela peut être
dû à l’effet crossover. La méta-analyse des études
conduites avec le géfitinib et l’erlotinib a démontré,
pour la SSP, un HR poolé de 0,19 (2p < 0,0001) pour
l’erlotinib et de 0,39 (2p < 0,0001) pour le géfitinib,
soit une différence significative en faveur de l’erlotinib en analyse de sous-groupe. Néanmoins, il est
important de signaler la grande hétérogénéité de ces
études, ce qui limite l’impact de ces résultats (15).
Le principal problème dans la discussion de la première
ligne tient peut-être à ce qui doit être fait après celle-ci.
RÉTROSPECTIVE 2011
Quel que soit le choix, la possibilité de traiter en
seconde ligne s’avère un point de réflexion capital.
En effet, après CT, un certain nombre de patients ne
recevront pas le traitement le plus efficace qu’est
l’ITK. Dans la situation radicalement opposée (ITK en
première ligne), la progression sous traitement est
souvent longue à affirmer et la décision de la seconde
ligne est tardive, voire trop tardive, au moment d’une
baisse de l’état général ne permettant plus l’administration d’un doublet de CT. Dans ce dernier cas,
la CT de référence n’est donc pas utilisée.
Enfin, cette réflexion ne prend en compte ni la
problématique des CT de première ligne combinées à du bévacizumab, ni celle des traitements de
maintenance par CT ou traitement ciblé.
Néanmoins, le bon profil de tolérance, la facilité
d’administration et la meilleure survie dans le groupe
traité par ITK plaident en faveur de ce traitement
en première ligne.
Il y a donc, de ce fait, un large consensus pour la
réalisation d’analyses moléculaires dès le diagnostic
afin d’orienter le plan thérapeutique. Cependant,
20 à 30 % des diagnostics de cancer bronchique
reposent uniquement sur la cytologie. Cela pose le
problème de l’amélioration de “l’accès au tissu” et
donc celui de préférer et d’optimiser les techniques
biopsiques. Cela à son tour implique une réflexion
pluridisciplinaire sur le choix de la technique biopsique appropriée. La technique choisie doit idéalement avoir la meilleure prédictivité d’obtenir du
tissu tumoral en quantité suffisante. Bien entendu,
il faut aussi prendre en compte les risques éventuels
de la procédure et minimiser la pénibilité par des
techniques d’anesthésie ou de sédation appropriées.
La décision de pratiquer une biopsie doit intégrer
dans les cas les plus difficiles la probabilité d’identifier une anomalie moléculaire de l’EGFR. Ainsi,
N. Girard et al. ont établi, chez 2 392 patients non
asiatiques porteurs d’un adénocarcinome, un algorithme de décision (figure 1) [16]. Celui-ci donne
une probabilité de découverte d’une mutation de
l’EGFR chez un patient donné. Une fois le risque
évalué sur l’algorithme, on décide de pratiquer ou
non une biopsie.
Dans tous les cas, l’évolution des patients traités
montre qu’il est fondamental pour le patient de
répéter les analyses moléculaires au cours de la
maladie. Plusieurs approches biopsiques doivent
donc être réalisées, ce qui souligne l’absolue nécessité de minimiser la pénibilité des procédures pour
favoriser l‘acceptation des patients. Une alternative
à la biopsie sera de développer des techniques différentes avec des analyses moléculaires à concevoir ou
à améliorer sur les produits d’analyse cytologique ou
sur les prélèvements sanguins. Le contexte particulier
des patients porteurs de cancers bronchiques avec de
nombreuses comorbidités − notamment toutes celles
qui imposent des anticoagulants ou des antiagrégants
à long terme, situations qui gênent considérablement
la réalisation de biopsies − justifie le développement
d’analyses alternatives au profil moléculaire sur tissu.
Retour du cétuximab
en première ligne
thérapeutique ?
L’étude FLEX a été publiée dans le Lancet en
2009 (17). Elle comparait, chez des patients présentant un CBNPC de stade IV, de Performance Status
(PS) 0 à 2 et dont la tumeur était positive pour
EGFR en immunohistochimie (IHC) [à partir d’une
cellule marquée], une association de cisplatine +
­vinorelbine + cétuximab à une CT par cisplatine +
vinorelbine. Cette étude a montré un bénéfice
significatif en SG en faveur du groupe cétuximab
sur l’ensemble de la population. Les analyses ultérieures en fonction de l’expression de biomarqueurs
(mutations de KRAS et d’EGFR, amplification d’EGFR,
IHC de PTEN) n’ont pas permis de dégager un sousgroupe de patients bénéficiant plus particulièrement
du cétuximab, ce qui a probablement contribué
Points
Âge (ans)
Sexe
Paquets-années
Nombre d’années
depuis l’arrêt du tabac
0 102030405060708090100
95 8570
25 3035 45 60
Femme
Homme
400240150 90 55 33 20 12 7,54,5 2,7 1,7 0
0
10
25
AC/SOL
Sous-type histologique
NOS
prédominant
Stade
Nombre total de points
40
55
PAP
BAC
IIIB-IV
I-II
0 20 40 60 80 100120140160180200
Probabilité d’avoir
une mutation activatrice de l’EGFR
0,1 0,2 0,30,40,50,60,7 0,8 0,9
AC/SOL : adénocarcinome solide ; BAC : adénocarcinome lépidique prédominant ; NOS : adénocarcinome Not Otherwise
­Specified ; PAP : adénocarcinome papillaire.
Figure 1. Normogramme prédictif de l’existence d’une mutation de l’EGFR. Chacun des
paramètres est rapporté à l’échelle de points du haut. Le nombre total de points ainsi
additionné est rapporté à une probabilité de mutation de l’EGFR.
La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 1 - janvier 2012 | 23
RÉTROSPECTIVE 2011
Cancers bronchiques :
quelles sont les nouveautés depuis septembre 2010 ?
dans une certaine mesure au rejet de la demande
d’AMM dans l’indication des CBNPC (18). Les lames
histologiques ont été étudiées à nouveau afin de
mettre au point un score d’expression d’EGFR en
fonction de l’intensité du marquage (de 0 à 3+) et
du taux de cellules marquées pour chaque niveau
d’expression. Ce score semble facile à utiliser après
apprentissage par les anatomo­pathologistes, et il est
reproductible d’un laboratoire à l’autre. Les patients
sont séparés en 2 groupes − haut et bas niveaux
d’expression d’EGFR − autour d’un seuil de 200 sur
une échelle de 0 à 300. Ce seuil a été déterminé en
fonction du taux de réponse dans les 2 groupes de
patients de l’étude FLEX, puis il a été utilisé pour
analyser la SG, la SSP et le temps jusqu’à échec du
traitement dans les 2 groupes. Seulement 31 % des
patients ont un score supérieur à 200. Les résultats
montrent une meilleure SG dans le bras CT cisplatine + vinorelbine + cétuximab, uniquement dans le
groupe des patients dont la tumeur exprime fortement EGFR. L’analyse des résultats de SG chez les
patients dont la tumeur exprime fortement EGFR
montre une persistance du bénéfice dans les différentes histologies, et même un bénéfice significatif
pour les carcinomes épidermoïdes. Chez les Caucasiens, le bénéfice en SG était encore plus marqué.
La même méthodologie, présentée lors du congrès
de l’ESMO, a été appliquée à l’étude randomisée
de phase III BMS099 évaluant carboplatine + paclitaxel ± cétuximab (19). Malheureusement, dans ce
travail réalisé sur un effectif beaucoup plus modeste
de patients (22 % des patients inclus), il n’a pas
été possible de reproduire les résultats observés
dans FLEX. Ces résultats seront-ils suffisants pour
convaincre les instances d’enregistrement d’une
nouvelle demande d’AMM ?
Traitements de maintenance
Les traitements de maintenance chez les patients
en maladie stable ou en réponse après un doublet
de CT prennent une place de plus en plus grande
dans la stratégie quotidienne de traitement des
CBNPC de stade IIIB ou IV ; cette stratégie a été
incluse dans les recommandations de l’ASCO®
publiées cette année. Ainsi, selon ces recommandations, les patients stables ou en réponse
après 4 cycles d’un doublet contenant un sel de
platine peuvent ensuite recevoir un traitement
de maintenance par ­pémétrexed, dans le groupe
histologique non épidermoïde, et par docétaxel
Tableau II. Différentes études de maintenance.
Molécule
Survie sans progression (médiane)
Groupe
témoin
(mois)
Groupe
maintenance
(mois)
Survie globale (médiane)
Groupe
témoin
(mois)
Groupe
maintenance
(mois)
Maintenance vraie
T. Brodowicz et al.
Gem
2,0
3,6
HR = 0,69 ; IC95 : 0,56-0,86
8,1
10,2
HR = 0,84 ; IC95 : 0,52-1,38
M. Pérol et al.
Gem
1,9
3,8
HR = 0,56 ; IC95 : 0,44-0,72
10,8
12,1
HR = 0,89 ; IC95 : 0,69-1,15
C. Belani et al.
Gem
7,7
7,4
HR = 1,09 ; IC95 : 0,81-1,45
9,3
8,0
HR = 0,97 ; IC95 : 0,72-1,3
L. Paz-Ares et al.
Pem
2,6
3,9
HR = 0,64 ; IC95 : 0,51-0,81
-
-
-
F. Barlesi et al.
Bev
P
3,7
7,4
HR = 0,48 ; IC95 : 0,35-0,66
-
-
-
V. Westeel et al.
V
3,0
5,0
HR = 0,77 ; IC95 : 0,55-1,07
12,3
12,3
HR = 1,08 ; IC95 : 0,79-1,48
P. Fidias et al.
D
2,7
5,7
HR = 0,71 ; IC95 : 0,55-0,92
9,7
12,3
HR = 0,84 ; IC95 : 0,65-1,08
Pem
2,0
4,0
HR = 0,6 ; IC95 : 0,49-0,73
10,6
13,4
HR = 0,79 ; IC95 : 0,65-0,95
Switch maintenance
T. Ciuleanu et al.
Maintenance avec traitement ciblé
ATLAS
E
3,7
4,6
HR = 0,72 ; IC95 : 0,59-0,88
13,9
15,9
HR = 0,9 ; IC95 : 0,74-1,09
SATURN
E
2,5
2,8
HR = 0,71 ; IC95 : 0,62-0,82
11,0
12,0
HR = 0,81 ; IC95 : 0,7-0,95
M. Pérol et al.
E
1,9
2,9
HR = 0,69 ; IC95 : 0,54-0,88
10,8
11,4
HR = 0,87 ; IC95 : 0,68-1,13
Géf
2,9
4,1
HR = 0,61 ; IC95 : 0,45-0,83
9,4
10,9
HR = 0,81 ; IC95 : 0,59-1,12
EORTC
Bev : bévacizumab ; D : docétaxel ; E : erlotinib ; Géf : géfitinib ; Gem : gemcitabine ; Pem : pémétrexed ; V : vinorelbine.
24 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 1 - janvier 2012
RÉTROSPECTIVE 2011
Étude PARAMOUNT
Pémétrexed 500 mg/m2
Cisplatine 75 mg/m2 +
pémétrexed 500 mg/m2
J1-J21, 4 cycles
J1-J21
Jusqu’à progression ou toxicité
R
Placebo i.v.
Pémétrexed 500 mg/m2 +
bévacizumab 7,5 mg/kg
Étude AVAPERL
J1-J21
J1-J21
Cisplatine 75 mg/m2 +
pémétrexed 500 mg/m2 +
bévacizumab 7,5 mg/kg
J1-J21, 4 cycles
R
Jusqu’à progression ou toxicité
Bévacizumab 7,5 mg/kg
J1-J21
Figure 2. Études de chimiothérapies de continuation présentées cette année. Les 2 études
évaluent le pémétrexed.
Maintenance par bévacizumab + pémétrexed (n = 128) ;
81 événements
Maintenance par bévacizumab (n = 125) ;
104 événements
100
Survie sans progression
à partir de la date de randomisation (%)
ou erlotinib pour l’ensemble des CBNPC. L’erlotinib
et le pémétrexed ont tous 2 obtenu une AMM en
Europe en maintenance. Le bénéfice en termes de
SSP observé dans les études de T. Ciuleanu et al. (20)
et SATURN (21) a été reproduit dans d’autres études
(tableau I, p. 24) [22-25] : il est aujourd’hui difficile d’argumenter contre ces études, qui montrent
un allongement de la durée jusqu’à la progression
ou l’aggravation des symptômes. L’amélioration
de la survie sous maintenance est probablement
multifactorielle ; elle s’explique très certainement
par une augmentation de la durée du contrôle de la
maladie, mais une partie du bénéfice est peut-être
simplement liée à la difficulté conceptuelle de la
comparaison de 2 groupes de patients qui finalement ne reçoivent pas le même nombre de lignes
de traitements. Cette difficulté méthodologique
est en filigrane dans l’interprétation des études de
maintenance, et cela se traduit dans certaines par un
taux très inférieur d’accès au traitement de seconde
ligne dans le groupe témoin, qui ne reçoit pas de
maintenance. Le groupe témoin est de fait inférieur
parce qu’il reçoit moins de traitement.
Cependant, il devient impératif à l’avenir d’identifier les patients qui vont le plus bénéficier d’une
maintenance et aussi de clarifier le type de maintenance souhaitable pour tel ou tel patient. Très
simplement, une tumeur volumineuse après 4 cycles
de doublet ou la persistance de symptômes sont des
arguments pour la maintenance ; en revanche, les
caractéristiques cliniques telles qu’un mauvais état
général ou l’existence de toxicités persistantes du
traitement antérieur sont des arguments en sa défaveur. Les biomarqueurs, et en particulier la présence
de mutations de l’EGFR, seront un argument pour
l’utilisation des ITK. Cependant, il est certain que
l’approche ne sera pas identique pour tous mais
plutôt taillée sur mesure afin d’être acceptée par
les patients, ceux qui les prennent en charge et par
nos systèmes de santé.
La maintenance de continuation semble indiquée
chez les patients conservant un bon état général à
l’issue de la CT d’induction. Le second paramètre
influençant la survie après maintenance de continuation par gemcitabine est la réponse au traitement initial (association cisplatine + gemcitabine
dans l’étude IFCT-GFPC) ; le bénéfice de survie ne
concerne que les patients répondeurs à la CT d’induction par opposition aux patients “stables” (26).
Dans l’étude PARAMOUNT (figure 2) avec le
pémétrexed (27), c’est aussi dans le groupe des
patients répondeurs qu’est observée une amélioration de la SSP (les données de SG sont attendues).
75
HR = 0,48 ; IC95 : 0,35-0,66 ; p < 0,001
50
25
0
3,7
0
3
7,4
6
9
12
15
Mois
Figure 3. Courbes de survie sans progression établies à partir de la date de randomisation dans l’étude AVAPERL.
Dans l’étude AVAPERL (figure 2), présentée par
F. Barlesi à l’ESMO 2011 (28), deux tiers des patients
ayant reçu une induction ont pu bénéficier d’un
traitement jusqu’à progression. Une amélioration
significative de la SSP est observée dans le groupe
bévacizumab + pémétrexed (figure 3) ; cette amélioration survient à la fois chez les patients répondeurs
et chez les patients stables. Là encore, les données
de survie sont attendues.
La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 1 - janvier 2012 | 25
RÉTROSPECTIVE 2011
Cancers bronchiques :
quelles sont les nouveautés depuis septembre 2010 ?
En ce qui concerne la switch maintenance, les
patients le plus à même de bénéficier de cette
stratégie sont ceux qui n’ont que peu de chances
de recevoir un traitement de seconde ligne lors de
la progression de la maladie, et en particulier ceux
ayant uniquement une stabilisation de la maladie
au terme du traitement initial.
Peut-on cibler
la résistance aux ITK ?
Que ce soit pour l’EGFR ou, plus récemment, pour
EML4-ALK, ces mutations activatrices peuvent être
ciblées par des ITK, mais, de façon quasi systématique, des mécanismes de résistance vont apparaître
et entraîner la progression de la maladie. Que ces
mutations soient présentes dès le diagnostic ou
qu’elles apparaissent au fil du temps, la tumeur
reste malgré tout un mélange de clones sensibles
et de clones résistants. La traduction clinique ou
radiologique de la progression de ces clones résistants va conduire le clinicien à arrêter l’ITK avec
un risque de “flambée tumorale” (“tumor flare”)
lié à la reprise de croissance des clones sensibles.
Une étude réalisée chez les patients traités par ITK
de l’EGFR (29) a évalué ce risque : environ 23 %
des patients présentent un risque de flare, qui est
T790M+
T790M–
Pas de mutation
Non évalué
80
60
40
20
0
– 20
– 40
– 60
– 80
– 100
0
4
8
12
16
20
24
28
32
36
40
44
48
52
56
60
Nombre de patients
Figure 4. Diagramme en chute d’eau montrant la diminution de la taille tumorale en
fonction de l’existence ou non d’une mutation T790M chez des patients traités par
l’association afatinib + cétuximab.
26 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 1 - janvier 2012
d’autant plus important que la durée du traitement
par ITK avant la progression a été courte (9 versus
15 mois de médiane). D’autre part, l’existence de
symptômes au moment de la progression ainsi que
les atteintes pleurales et cérébrales sont également
des facteurs de risque de flambée tumorale. Cela
plaide pour un suivi étroit des malades à risque ainsi
que pour une durée raisonnable entre l’arrêt de l’ITK
et la reprise d’un traitement ultérieur, en particulier
dans les cas d’essais cliniques où une période sans
traitement (washout) est préconisée.
Dans une étude (30), les mécanismes de résistance
aux ITK de l’EGFR ont été évalués chez 37 patients
porteurs de mutations activatrices de l’EGFR.
De nouvelles biopsies ont été réalisées avant la
mise sous ITK et au moment de la progression.
On retrouve, comme prévu, la mutation de résistance T790 dans 49 % des cas ; de la même manière,
l’amplification de MET est mise en évidence dans
5 % des cas. En revanche, il est important de noter
de nouveaux mécanismes de résistance clinique
tels que l’amplification de l’allèle de résistance
T790M (8 % des cas), la mutation de PIK3CA (qui
code pour la sous-unité catalytique p110a de la
phospho-inositide 3-kinase (PI3 kinase) [5 %]. Dans
5 % des cas, on observe une transition épithéliomésenchymateuse qui donne un phénotype plus
agressif à la tumeur. Enfin, de façon extrêmement
surprenante, 14 % des patients ont une tumeur
dont le phénotype devient celui d’un carcinome
à petites cellules. Dans le même article, le suivi
longitudinal de quelques patients montre que le
nouveau phénotype va lui aussi varier en fonction
de l’introduction d’une CT ou de la réintroduction
des ITK. Enfin, le phénotype “petites cellules”
semble très sensible au traitement de référence
étoposide + cisplatine. Au-delà des mécanismes
de résistance, ce travail souligne la nécessité de
réévaluer le type histologique et mutationnel en
cours de traitement.
L’association cétuximab + afatinib semble intéressante chez les malades résistant aux ITK. En effet,
après des résultats favorables sur des modèles
animaux de xénogreffe, cette association a été
évaluée chez l’homme en phase Ib. La dose de
l’association retenue a été la suivante : afatinib
40 mg/j + cétuximab 500 mg/m 2 toutes les
semaines. Dans une étude ultérieure de phase II,
présentée au congrès du WCLC (31), 61 patients
ont été inclus : ils étaient porteurs de la mutation de l’EGFR, présentaient préalablement une
réponse sous erlotinib ou géfitinib ou avaient une
maladie stable depuis plus de 6 mois sous erlotinib
RÉTROSPECTIVE 2011
ou géfitinib. Le taux d’efficacité clinique a été très
élevé (réponse complète, réponse partielle, stable :
95 %) [figure 4], en particulier dans la population
porteuse d’une mutation T790M avec un profil de
toxicité acceptable.
Une toxicité cutanée de grade supérieur à 3 n’était
observée que chez 9 % des patients. L’évaluation
ultérieure de cette association prometteuse est
attendue.
Le réarrangement EML4-ALK peut être ciblé par
le crizotinib. Cette molécule a obtenu l’accord
de la Food and Drug Administration (FDA) le
26 août 2011 et elle est maintenant commercialisée aux États-Unis sous le nom de Xalkori®. Cette
molécule est disponible en France soit par l’intermédiaire d’études cliniques, soit par une demande
d’ATU nominative réservée aux patients ne pouvant
pas participer à un des essais en cours. Une étude
rétrospective (32) portant sur 82 patients traités
par crizotinib a montré une survie à 1 an de 74 %
(IC95 : 63-82) et une survie à 2 ans de 54 %, résultats
bien supérieurs aux données historiques concernant
la CT. Les mécanismes de résistance secondaire au
crizotinib commencent à être élucidés. À ce jour,
6 mutations différentes dans le domaine tyrosine
kinase d’ALK entraînant la résistance aux inhibiteurs
d’ALK ont été identifiées (33). Une de ces mutations
secondaires, L1196M, entraîne une modification
conformationnelle de la poche kinase (mutation
gatekeeper) gênant l’accès de l’ITK à sa cible, alors
que les autres (L1152R, C1156Y, F1174L, L1198P,
D1203N) entraînent des modifications stériques
jouant à la fois sur la fixation du crizotinib et sur
celle de l’ATP (34-36). De plus, les cellules résistant
au crizotinib peuvent aussi développer des voies de
signalisation alternatives, telles que l’amplification
de c-Met d’ALK, ou activer la voie de l’EGFR (33).
Une seconde catégorie de molécules, les inhibiteurs
de Heat shock protein 90 (Hsp90), est à l’étude chez
les patients présentant un réarrangement. EML4-ALK
est généralement associé dans la cellule à de
multiples “chaperons cellulaires”, dont Hsp90.
Les inhibiteurs d’Hsp90 dissocient ces associations et entraînent la dégradation d’EML4-ALK
ainsi qu’un effet antitumoral dans les modèles
animaux (37). De plus, les lignées cellulaires
porteuses des mutations de résistance au crizotinib
(L1196M et F1174L) gardent la même sensibilité aux
inhibiteurs d’Hsp90 que les lignées sans mutation.
Des résultats préliminaires chez l’homme de 2 inhibiteurs, la rétaspi­mycine (IPI-504) et le ganétespib
(STA-9090), montrent des signes encourageants
d’efficacité.
Nouvelles cibles thérapeutiques
Le ciblage thérapeutique devient donc une réalité
du quotidien, essentiellement, pour l’instant, dans
les adénocarcinomes ; dans ce groupe, la population
des non-fumeurs a bénéficié de l’apport thérapeutique de cette nouvelle approche. La fréquence des
anomalies moléculaires varie selon le type ethnique
de la population étudiée et, bien sûr, selon le type
histologique. Dans les carcinomes épidermoïdes, qui
ont été les laissés-pour-compte de cette démarche,
ce sont désormais près de 12 événements moléculaires (mutations, délétions, amplifications) qui
ont été caractérisés avec une fréquence allant de
2 à 45 % (figure 5). Mais le plus intéressant est sans
conteste la mise en évidence d’altérations que l’on
peut cibler par des molécules, comme des mutations
ponctuelles du Fibroblast Growth Factor Receptor 2
(FGFR2) [5 %], de PI3KCA (9 %), de BRAF (3 %), du
Platelet-Derived Growth Factor Receptor (PDGFR)
[9 %], de la kinase Discoidin Domain Receptor 2
(DDR2) [4 %] ou des amplifications de FGFR1
(20 à 25 %) et d’EGFR (10 %) [tableau III, p. 28].
L’analyse informatique des sites enzymatiques de
ces kinases et des spécificités des différents ITK des
chimiothèques des laboratoires a permis notamment d’identifier le dasatinib comme une molécule
pouvant cibler la kinase DDR2.
EGFR ampl
10 %
■
■
■
■
BRAF mut
3%
FGFR1 ampl
FGFR2 mut
PI3KCA mut
PTEN mut/del
DDR2 mut
4%
■
■
■
■
FGFR1 ampl
20-25 %
CCND1 ampl
CDKN2A del/mut
PDGFRA ampl/mut
EGFR ampl
FGFR2 mut
5%
■
■
■
■
MCL1 ampl
BRAF mut
DDR2 mut
ERBB2 ampl
Ampl : amplifié ; del : supprimé ; mut : muté.
Figure 5. Répartition des anomalies moléculaires identifiées dans les carcinomes épidermoïdes.
La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 1 - janvier 2012 | 27
p 90 :
RÉTROSPECTIVE 2011
Cancers bronchiques :
quelles sont les nouveautés depuis septembre 2010 ?
Tableau III. Quelques molécules actuellement à l’étude dans différentes anomalies moléculaires.
Anomalie moléculaire
Médicament ou molécule à l’étude
Incidence (%)
Erlotinib, géfitinib
Nouveaux pan-HER
10-15
Crizotinib
Inhibiteurs Hsp90
3-5
Trastuzumab
PF 299804
2
2
GDC-0941, XL147
XL765, PX-866
BEZ235, BKM120
2
XL184, ARQ 197, MetMAb
5
Mutation de RAS et RAF
Sorafénib, GSK1120212
AS703026, AZD6244
3-30
Amplification de FGFR1
BJG398, AZD4547, TKI258 ?
10-20
Mutation de l’EGFR
Réarrangement d’EML4-ALK
Anomalies de HER2
Mutation
Amplification
Mutation de PI3K
Amplification/mutation de MET
EGFR : Epidermal Growth Factor Receptor ; FGFR : Fibroblast Growth Factor Receptor ; HER2 : Human Epidermal
Growth Factor Receptor 2 ; Hsp 90 : Heat shock protein 90 ; PI3K : phospho-inositide 3-kinase.
Associations
de thérapeutiques ciblées
Améliorer l’efficacité des traitements ciblés existants en les associant dans une population non
sélectionnée, ou, mieux encore, dans une population sélectionnée sur 1 ou plusieurs biomarqueurs,
est une voie de recherche d’avenir. Les difficultés
sont nombreuses, en particulier celles liées à des
interactions pharmacocinétiques, notamment entre
petites molécules inhibitrices de kinase, celles liées
à la toxicité additionnelle des associations ou enfin
celles, plus terre à terre, de la compétition industrielle entre laboratoires par nature peu enclins à
la collaboration avec des concurrents.
Plusieurs exemples d’association viennent ouvrir
avec succès cette nouvelle voie. La voie de signalisation de c-Met est complémentaire de la voie de
l’EGFR, le blocage simultané in vitro des 2 voies de
signalisation avec un anticorps monoclonal ciblant
le récepteur Met et l’erlotinib a démontré l’activité
de cette association. Le MetMAb est un anticorps
monoclonal en développement chez l’homme pour
le ciblage de Met. L’étude OAM4558g, présentée
dans les récents congrès de cancérologie − ESMO
2010, ASCO® 2011 et WCLC 2011 (38) −, est un
essai randomisé de phase II comparant MetMAb
et placebo associés à l’erlotinib. Cent trente-sept
patients ont été inclus dans cette étude. Ceux
traités dans le groupe erlotinib + placebo pouvaient
28 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 1 - janvier 2012
recevoir le MetMAb au moment de la progression.
Cette étude comportait 2 objectifs principaux :
la SSP du groupe en intention de traiter (ITT) et la
SSP du groupe présentant une forte expression de
c-Met en IHC. À côté des critères d’inclusion habituels (CBNPC de stade IIIB-IV, PS 0-2, deuxième ou
troisième ligne thérapeutique), un critère prévoyait
qu’il y ait suffisamment de tissu conservé pour
des études translationnelles. Les patients inclus
avaient, dans au moins 75 % des cas, des cancers
non épidermoïdes. L’hyperexpression de Met a été
observée chez 52 % des patients évalués.
Même si cette étude n’a pas montré d’amélioration de la SSP ni de la survie dans la cohorte
analysée en ITT, une amélioration de la SSP et de
la SG était cependant notée dans l’analyse du sousgroupe présentant une hyperexpression de c-Met.
Le bénéfice du MetMAb ne semble pas dépendre de
la mutation de l’EGFR, puisqu’il persiste lorsqu’on
exclut les patients mutés. En revanche, dans le
sous-groupe des patients présentant une expression
faible de c-Met et traités par MetMAb, il semble
que la SSP soit plus faible. Le profil de toxicité était
comparable dans les 2 groupes de patients, avec
cependant des œdèmes périphériques de grade 1-2
dans le groupe MetMAb. De manière intéressante,
l’étude du groupe erlotinib + placebo a montré
l’impact pronostique défavorable de la forte expression de Met.
Nous avons vu plus haut une autre association
intéressante combinant un ITK et un anticorps
monoclonal : l’association afatinib + cétuximab.
D’autres sont évaluées, comme notamment celles
avec le bévacizumab.
Le sorafénib est un inhibiteur multikinase administré par voie orale. En évaluation dans les CBNPC
dans une étude randomisée de phase II, l’erlotinib
(150 mg/j) associé au sorafénib (400 mg × 2/j) a
été comparé à l’association erlotinib + placebo chez
des patients porteurs de CBNPC en progression
après 1 ou 2 lignes de traitement (39). Les critères
de jugement de cette étude étaient la SSP et le
taux de réponse. Cent soixante-huit patients ont
été inclus. Cette étude n’a pas montré de grande
différence de SSP ni de réponse. En revanche, les
analyses des sous-groupes EGFR sauvage et EGFR
non amplifié suggéraient un bénéfice de survie,
de SSP et de SG avec le sorafénib (67 patients
avaient un EGFR sauvage ; SSP médiane : 3,38 mois
dans le groupe sorafénib versus 1,77 mois dans le
groupe placebo [p = 0,018] ; SG médiane : 8 versus
4,5 mois). L’association n’apportait pas d’excès de
toxicité rédhibitoire.
RÉTROSPECTIVE 2011
Conclusion
La place des traitements ciblés augmente d’une
année sur l’autre. Médicaments réservés au-delà
de la première ligne il y a quelques années, ils
apparaissent aujourd’hui dès la prise en charge
initiale de la maladie. Prescrits initialement sans
étude de biomarqueur, ils sont maintenant associés
à l’existence d’un biomarqueur, compagnon qui
conditionne le droit de les prescrire. Cette approche
améliore bien entendu l’index thérapeutique de
ces médicaments, donnant à ceux qui en bénéficient potentiellement le plus les molécules les
plus actives. Cette approche de maîtrise médicalisée de la prescription est probablement la seule à
même de nous permettre dans un avenir proche de
soutenir le progrès tout en contenant les dépenses
en cancérologie.
■
Conflit d’intérêts. L’auteur déclare
avoir un conflit d’intérêts avec
Roche, Eli Lilly, Pfizer, Boehringer
Ingelheim France (consultant,
orateur, investigateur) et Astra
Zeneca (orateur).
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le risque d’une redondance avec les nombreux médias déjà existants. C’est avec
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cet enjeu d’innovation que nous avons fait le choix d’établir les principes
Alexis Cortot (Lille), Sébastien Couraud
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sur la littérature en oncologie thoracique“. Les experts retenus sont d’une part
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des cliniciens, d’autre part des médecins ou chercheurs engagés dans
la biologie translationnelle. Ils sont tous de la génération montante,
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celle dont le cursus universitaire a fortement été marqué par la biologie
• Un décès sur cinq évitable ?
et les biostatistiques. Ce double regard permet l’examen des aspects pratiques
• Fréquences et paramètres cliniques associés
et potentiellement innovants d’études issues majoritairement de revues angloaux mutations du gène BRAF dans les adénocarcinomes bronchiques
saxonnes dédiées essentiellement à la recherche translationnelle en oncologie
• Un regard simple sur la biologie moléculaire
thoracique. Les applications cliniques ou en recherche clinique de ces analyses
du cancer bronchique
critiques seront mises en exergue.
• Amplification de FGFR1 dans le cancer
Bien évidemment une large place sera faite à tout ce qui concerne
bronchique non à petites cellules
la personnalisation thérapeutique. Le démembrement des adénocarcinomes
• Évolutions histologique et génotypique
en de nombreux types dont certains sont porteurs d’une mutation oncogénique
des adénocarcinomes bronchopulmonaires
présentant une résistance acquise
est pour nous une fascinante opportunité d’améliorer les traitements. L’erlotinib
aux inhibiteurs de l’EGFR
et le géfitinib prescrits dans les adénocarcinomes avec mutation de l’EGFR
• Mutations du gène DDR2 : une nouvelle
sont le début d’une nouvelle page thérapeutique qui va se poursuivre
cible thérapeutique dans les carcinomes
avec d’autres médicaments ; le crizotinib ciblant EML4-ALK sera sûrement
épidermoïdes bronchopulmonaires
le prochain venu, d’autres suivront… Les carcinomes épidermoïdes n’étaient
pas concernés par ce démembrement. Les analyses critiques de nos experts
reviennent sur des études montrant que certains drivers
oncogéniques sont aussi présents dans les cancers épidermoïdes.
Sous l’égide de
Les essais cliniques de molécules correspondantes suivront.
Avec le soutien institutionnel
Nous souhaitons à cette rubrique un bel avenir et,
à tous, une bonne lecture.
Pr Denis Moro-Sibilot (Grenoble),
coordinateur
Directeur de la publication :
Claudie Damour-Terrasson
Rédacteur en chef :
Jean-François Morère (Bobigny)
La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 1 - janvier 2012 | 29
RÉTROSPECTIVE 2011
Cancers bronchiques :
quelles sont les nouveautés depuis septembre 2010 ?
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10 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 1 - janvier 2012
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