Diagnostic biologique des hyperéosinophilies_FE PREST 1069 (01)

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INTRODUCTION
ETIOLOGIES DES HYPEREOSINOPHILIES
Stricto sensu, « éosinophilie » signifie augmentation du nombre des
polynucléaires éosinophiles, mais couramment on utilise le terme
d'hyperéosinophilie.
La découverte d'une hyperéosinophilie sanguine (HE) est une situation
fréquente. Souvent, cette découverte est fortuite lors d'un "bilan de santé"
chez un sujet sain. Moins fréquemment, il s'agit d'un élément entrant dans le
cadre des explorations effectuées lors de maladies parasitaires ou allergiques.
L'HE est définie par un nombre de polynucléaires éosinophiles sanguins
supérieur à 500/mm3 soit 0,5 G/l, ce chiffre doit être estimé en nombre absolu
et non en pourcentage et doit être relativisé en fonction du contexte personnel
et géographique. Il existe des variations physiologiques de cette numération,
soit en fonction de l’âge (valeurs plus élevées chez l’enfant), soit en fonction
du nycthémère (valeur plus faible à midi).
On parle d'hyperéosinophilie modérée pour une valeur inférieure à 1000
éléments/mm3, élevée pour une valeur comprise entre 1000 et 2500
éléments/mm3 et massive pour une valeur supérieure à 2500 éléments/mm3.
Il est indispensable d'avoir recours à au moins deux hémogrammes successifs
pour confirmer cette anomalie de la formule sanguine.
L’hyperéosinophilie pose un problème de diagnostic étiologique car on décrit
plus de 100 situations pathologiques comportant une hyperéosinophilie.
Les étiologies les plus courantes sont : les parasitoses, les allergies, les
maladies cutanées, les collagénoses et les affections malignes.
Une hyperéosinophilie chronique ne doit jamais être ignorée et doit être
explorée, car elle peut être le signe d’une affection grave comme une
cardiomyopathie dans le cadre d'un syndrome hyperéosinophilique essentiel
(SHE).
PHYSIOLOGIE DU POLYNUCLEAIRE EOSINOPHILE
Les polynucléaires éosinophiles (PNE) sont produits par la moelle osseuse. Ils
effectuent un passage de quelques heures dans le sang, puis ils migrent vers
les tissus (en particulier la peau, les poumons et le tube digestif). Ils ont une
demi-vie d'une dizaine de jours et sont ensuite détruits par les macrophages,
entraînant l'apparition de cristaux de Charcot Leyden que l'on pourra retrouver
dans les selles, les crachats et au sein des granulomes à éosinophiles.
Les PNE sont impliqués dans les mécanismes d’hypersensibilité immédiate
(anaphylaxie) au cours desquels de nombreux facteurs chimiotactiques sont
libérés. Une fois présents sur le site d’action, les PNE ont un rôle de
phagocytose et ils libèrent alors des enzymes présentes dans leurs
granulations. Ces enzymes limitent la réaction allergique en inhibant les
facteurs d’origine mastocytaire responsables des manifestations
pathologiques. Les PNE ont également une fonction effectrice cytotoxique
dans la défense de l’organisme contre les parasites. Ils sont capables de lyser
in vitro des larves d’helminthes selon un mécanisme de cytotoxicité cellulaire,
avec libération de substances capables de dégrader la paroi du parasite.
Le PNE peut présenter aussi un effet délétère sur les tissus car les
substances qu’il libère n’ont pas de site d’action spécifique et peuvent
entraîner des lésions cellulaires, en particulier au niveau bronchique et
pulmonaire (dans l’asthme ou le poumon éosinophile), au niveau
endothélial et cardiaque (dans le syndrome hyperéosinophilique essentiel).
Ces notions sont importantes à connaître, car elles incitent à ne pas laisser
persister longtemps une HE.
① HYPEREOSINOPHILIE D’ORIGINE PARASITAIRE
Le rapport entre HE et étiologie parasitaire est une notion banale pour le
médecin, peut-être d'ailleurs trop souvent absolue et dont l'interprétation
donne lieu à des confusions et des malentendus.
Remarques générales concernant l'hyperéosinophilie et les parasitoses:
-Toutes les parasitoses ne sont pas à l'origine d'une hyperéosinophilie
L’HE sanguine des maladies parasitaires est due essentiellement aux
helminthes, en particulier ceux ayant un cycle biologique nécessitant un
passage intra-tissulaire. Plus rarement sont en cause d’autres parasitoses
comme les myiases ou la gale. Les protozoaires (hématozoaires du
paludisme, trypanosome de la maladie du sommeil, amibes, flagellés
intestinaux…) ne modifient généralement pas le taux de PNE. La
toxoplasmose et la giardiose, irrégulièrement, peuvent s'accompagner d'une
discrète HE.
-L'hyperéosinophilie varie selon le type de parasite : moins le parasite est
adapté à l'homme et plus l'hyperéosinophilie est élevée (ex.: Larva migrans,
trichinose, hypodermose, filariose à Burgia malayi)
-L'hyperéosinophilie varie selon la localisation du parasite
L'HE est importante dans le cas des parasites à contact tissulaire étroit et
prolongé comme dans le syndrome de Larva migrans viscérale (toxocarose).
L'hyperéosinophilie est transitoire dans le cas de parasites à cycle "interstitiel"
puis digestif (ascaris, trichine, ankylostome, schistosome). Le nombre de PNE
décroît lors du passage du parasite dans le tube digestif. L’élimination des
œufs dans les selles est retardée de plusieurs semaines par rapport au pic
d’éosinophilie. L'hyperéosinophilie est modérée dans le cas des parasites
endocavitaires comme l’oxyure, le taenia, le trichocéphale…
-L'hyperéosinophilie est une donnée fluctuante qui se mesure par des
dosages répétés et dont il est important de connaître l'évolution.
L'aspect classique de la courbe de Lavier est retrouvé pour de nombreuses
helminthiases (distomatose hépatique, ascaridiose, taeniasis, ankylostomiase,
schistosomiase) : temps de latence qui suit l'introduction du parasite dans
l'organisme, puis ascension vers un taux maximal (qui correspond à la
maturation de la larve et à sa migration), puis décroissance plus ou moins
rapide de l'HE avec ou sans normalisation.
Une HE massive et persistante est retrouvée dans la trichinose et la
toxocarose (contact tissulaire permanent).
Une HE cyclique oscillante évoque une anguillulose (auto-infestation) ou la
loase. La remontée de l’HE correspond au début d’un nouveau cycle interne
de migration tissulaire.
-Devant une hyperéosinophilie, l'orientation diagnostique se fait en
fonction des signes d'accompagnement :
-signes cutanés (prurit généralisé ou localisé, prurigo, larva migrans, œdème
dur) : loase, onchocercose, filariose lymphatique, anguillulose.
-signes pulmonaires : dyspnée asthmatiforme (phase invasive d'ascaridiose,
de bilharziose, d'anguillulose)
-signes musculaires : trichinose, toxocarose
-signes hépatiques : bilharziose d'invasion, bilharziose intestinale à la phase
d'état, fasciolase, hydatidose
-signes digestifs : douleurs épigastriques (ankylostomiase, anguillulose,
anisakiase), douleurs abdominales et ballonnements (taeniasis), diarrhées
(bilharziose intestinale, distomatose intestinale, trichocéphalose, anguillulose
maligne)
-prurit anal (oxyurose)
-signes urinaires : hématurie, dysurie, infection urinaire (bilharziose urinaire),
chylurie (filariose lymphatique)
-L'hyperéosinophilie et les traitements anti-parasitaires
Un pic d’éosinophilie au décours d’un traitement anti-parasitaire est un signe
d’efficacité, il y a alors libération de matériel antigénique par lyse du parasite.
Remarques générales concernant les limites de la parasitologie des selles
L'examen parasitologique des selles (EPS) n'est positif qu'après maturation
des larves en adulte. L'hyperéosinophilie est la plus élevée pendant la phase
d'infestation lorsque le parasite est sous forme larvaire. Il y a donc décalage
entre HE et positivité de l’examen parasitologique des selles.
La recherche d'œufs d'helminthes dans les selles est toujours négative lors de
la phase d'infestation. Cet examen doit être répété à plusieurs mois d'intervalle
avant de conclure à sa négativité. La production d'œufs est discontinue, elle se
traduit par l'existence de périodes "d'expression muette" sans émission
d'œufs, ce qui justifie de répéter les examens de selles. Trois examens
négatifs permettent d'écarter le diagnostic sans grand risque d'erreur.
L'EPS est toujours négatif pour les parasites en impasse parasitaire
(toxocarose, trichinose, anisakiase).
Remarques générales concernant les limites de la sérologie parasitaire
La synthèse sérique d'Ac est parallèle à la montée des éosinophiles sanguins.
Les dosages sériques doivent être répétés pour mettre en évidence une
ascension des Ac, seule véritablement significative. La fréquence des
réactions croisées en cas d'helminthiases rend leur interprétation délicate. Les
parasites strictement endocavitaires (oxyure, trichocéphale) n’induisent pas la
synthèse d’Ac sériques.
Le diagnostic repose sur la sérologie, confirmée par le Western-blot car il
existe des réactions croisées avec certaines helminthiases (anguillulose,
filariose, taenisasis). L'EPS sera toujours négatif.
Les formes majeures sont rares. La symptomatologie associe une
hépatomégalie importante, de la fièvre, des troubles respiratoires et une
asthénie avec éventuellement manifestations neurologiques et oculaires. L'HE
est massive et persistante > 20 x 109/l avec une augmentation franche de la
VS, une hypergammaglobulinémie et souvent une anémie microcytaire
hypochrome. Le diagnostic de certitude ne pourra être établi que sur des
données anatomopathologiques (larves dans les coupes de ponction de foie).
-la trichinose doit être évoquée chez les chasseurs (contamination par
ingestion de viande de sanglier) ou lors d'épidémies urbaines (contamination
par ingestion de viande de cheval et de porc).
Les principaux signes cliniques sont les troubles digestifs (diarrhée, nausées,
vomissements), la fièvre, l'œdème de la face ou des membres et les myalgies.
L'HE est précoce, elle apparaît 2 semaines après la contamination avant
même les signes cliniques, elle est maximale à la 5ème semaine et se
normalise en 12 semaines. Les enzymes musculaires (CPK) sont élevées. Le
diagnostic est confirmé par la sérologie qui se positive 20 jours après
l'infestation et par la biopsie musculaire (si nécessaire).
-l’ascaridiose se voit en zone rurale, elle est due à l’ingestion de végétaux
souillés. Au stade larvaire, le diagnostic sera évoqué devant
l'hyperleucocytose avec HE. L’'EPS demeure négatif jusqu'au 60ème jour
après l'infestation quand l'HE est déjà en forte régression. Les réactions
sérologiques sont difficiles à interpréter en raison des réactions croisées. Au
stade adulte, l'HE est modérée voire absente. Le diagnostic repose sur l'EPS
et la mise en évidence d'œufs d'ascaris. Rarement, on découvre un ver adulte
dans les selles.
-l’oxyurose est une parasitose principalement infantile. Les enfants se
contaminent par géophagie ou par contact avec des objets souillés. On
observe un prurit anal nocturne, voire un prurit vulvaire chez la fillette, et une
irritabilité caractéristiques
Le diagnostic peut être effectué par observation de vers adultes à la surface
des selles. La recherche des œufs doit se faire par le test de Graham (scotch
test) : le matin, avant la toilette et avant toute défécation, on applique un ruban
de cellophane adhésive sur la peau déplissée de la marge anale. Ce test doit
être répété s'il est négatif et prescrit à la famille et/ou la collectivité.
parasitoses autochtones.
-la trichocéphalose est une parasitose cosmopolite, le plus souvent
asymptomatique, à transmission tellurique. L'HE augmente progressivement
pendant l'incubation (un mois) mais régresse rapidement si bien qu'au moment
où le malade est vu en consultation, en général pour des troubles digestifs
mineurs, elle est normale ou subnormale et l'EPS met en évidence des œufs
de trichocéphales. Le pouvoir pathogène est fonction du nombre de vers
hébergés qui peuvent provoquer une anémie et une diarrhée sanglante si
l'infestation est massive.
-la distomatose hépatique à Fasciola hepatica est fréquente dans l’Aveyron
et dans les régions d’élevage, la contamination se fait principalement par
ingestion de cresson et de pissenlit. Lors de la phase d’invasion, l'examen
clinique révèle une fièvre et une hépatomégalie douloureuse surtout à la
palpation ; l'’HE est alors maximale et peut être considérable (10 à 30 x 109/l).
Elle s'accompagne d'une hyperleucocytose. L'examen sérologique permet le
diagnostic et la positivité de l'examen parasitologique des selles est retardée
(3ème mois), la recherche des œufs dans le selles restant difficile.
-le taeniasis est transmis par la viande de bœuf ou de porc contaminée,
consommée crue ou peu cuite. C'est une des causes les plus fréquentes d'HE
parasitaire. Les signes cliniques digestifs sont vagues.
Le taux d'éosinophiles augmente pendant la phase de maturation du ver. Les
examens sérologiques sont généralement non significatifs et leur valeur
diagnostique est discutable. Le diagnostic sera confirmé avec l'élimination des
anneaux, à partir de la 12ème semaine quand l'hyperéosinophilie est redevenue
modérée. Le scotch test anal peut permettre la mise en évidence des œufs.
-la toxocarose ou syndrome de Larva migrans viscérale est également très
fréquente. Il existe une forme cutanée appelée « larbish ». Cette parasitose
cosmopolite est endémique en France, en particulier dans la région MidiPyrénées. Il s'agit d'une zoonose parasitaire causée par l'errance, dans
l'organisme humain de larves de Toxocara canis (ascaris du chien) ou
Toxocara cati (ascaris du chat).
La contamination s'effectue par géophagie (enfants) ou promiscuité avec les
chiens.
L'infestation se manifeste en général par une forme mineure qui associe
asthénie, fébricule, myalgies (20% des cas), arthralgies au niveau de grosses
ou moyennes articulations et parfois véritables arthrites. Les manifestations
cutanées (prurit, urticaire, eczéma) ou pulmonaires (asthme) sont fréquentes.
L'HE est modérée. Les IgE totales sont élevées et des IgE anti-toxocara sont
décelées chez 75% des patients. Au début de la maladie on pourra noter une
hépatite biologique qui involuera spontanément, ne laissant parfois persister
qu'une élévation isolée de la GGT.
-l'hydatidose : cette parasitose retrouvée dans les régions d’élevage est
provoquée par les larves d'une cestode : Echinococcus granulosus. Cette
affection cosmopolite se retrouve dans tous les pays où se pratique l'élevage
de moutons. L'éosinophilie est le plus souvent normale, elle n'est élevée que
dans le cas de fissuration du kyste. Plusieurs techniques sérologiques sont
disponibles pour effectuer le diagnostic : 2 techniques sérologiques sont
habituellement utilisées, l'une qualitative et l'autre quantitative. L'immunoélectrophorèse permet la mise en évidence de l'arc 5 caractéristique.
Diagnostic clinico-biologique d'une HE d'origine parasitaire
En pratique courante, il faut distinguer deux cas:
le patient n’a jamais quitté la France : il faut alors penser aux
-l’anisakiase ou granulome éosinophilique du tractus gastro-intestinal est due
à la présence dans le tube digestif de l'homme d'une larve de nématode de la
famille des Anisakidae, parasite de poisson au stade larvaire. L'homme
s'infeste par consommation des poissons parasités. La diffusion de cette
affection est due à l'accroissement de la consommation du poisson cru ou peu
cuit (restaurants asiatiques). En outre, avec les nouvelles méthodes de pêche,
les poissons sont stockés en chambre froide avant d'être éviscérés.
L‘éviscération s'effectuant à l'arrivée au port, les larves ont ainsi eu le temps
de quitter l'intestin pour gagner le muscle.
Les symptômes de l'anisakiase sont essentiellement digestifs. A la phase
d'invasion parasitaire (3 à 6 heures après le repas infestant), apparaissent des
épigastralgies pseudo-ulcéreuses avec des vomissements, des nausées, de la
diarrhée et des réactions allergiques. A la phase d'état, les troubles digestifs
sont plus vagues, la larve se localise dans la muqueuse de l'estomac, du
duodénum ou plus souvent du grêle, provoquant un tableau de tumeur clinique
et radiologique, ou parfois un syndrome occlusif.
L'EPS est toujours négatif. L'HE est normale dans les formes aiguës. Elle
n'apparaît que 8 à 10 jours après l'infestation. La sérologie se positive dans les
mêmes délais, elle est intéressante dans les formes chroniques mais présente
de nombreuses réactions croisées.
La fibroscopie permet de visualiser le parasite (ver de 2 à 3 cm) sur une
muqueuse inflammatoire et permet son extraction. En cas de granulome à
éosinophile, la larve est facilement identifiable en coupe, avec son tube
digestif en "Y".
-les myiases ou hypodermoses sont transmises par les mouches et les
animaux. L'hypodermose n'est pas une helminthiase, elle est due à la
présence dans l'organisme de larves de mouche du genre Hypoderma. L'HE
est élevée sans relation avec l'intensité du parasitisme, elle peut
exceptionnellement manquer. Le diagnostic est évident lorsque les larves,
parvenues en quelques semaines au niveau du tissu sous-cutané, déterminent
une myiase rampante ou furonculoïde. Parfois elles "s'égarent" dans le
système nerveux ou l'œil, engendrant des troubles sévères.
-la gale norvégienne : une HE modérée est souvent observée.
-la toxoplasmose peut s’accompagner d’une HE surtout lorsqu’elle se
manifeste par un syndrome mononucléosique.
-la giardiase (ou lambliase) est très souvent méconnue car peu
symptomatique donc non recherchée et non traitée. Elle s'accompagne d'une
HE qui baisse après le traitement par FLAGYL. Le diagnostic repose sur la
mise en évidence de formes kystiques dans les selles.
le patient a voyagé en zone tropicale : On doit alors envisager
d’autres parasitoses, spécifiques de ces pays. On évoquera seulement les
plus fréquentes :
-l’anguillulose est très répandue en climat tropical. La contamination est
transcutanée avec processus d’auto-infestation. L’HE débute au bout de
quelques semaines et elle est souvent élevée.
Le diagnostic est difficile. Il faut utiliser des méthodes d'enrichissement des
selles (Méthode de Baermann). Cette méthode n'est pas réalisée
systématiquement lors de la réalisation d'un EPS et doit être demandée par le
prescripteur lorsqu'un tel diagnostic est suspecté.
-l’ankylostomiase est rencontrée dans les régions chaudes et humides
(également en France dans les régions minières). Le mode de contamination
est similaire à celui de l'anguillulose. Elle peut entraîner une anémie
hypochrome hyposidérémique. L’éosinophilie est maximale au 3ème mois puis
décroît. L'EPS peut mettre en évidence la présence d'œufs.
-les filarioses lymphatiques : la loase, l’onchocerchose, la dracunculose
Elles ont dues à des vers nématodes, les filaires. Les manifestation cliniques
sont fonction de la localisation des vers adultes (macrofilaires), les embryons
ou microfilaires se trouvant dans le sang circulant ou le suc dermique.
L’HE est fréquente importante et prolongée, sans caractère particulier,
exception faite de l'onchocercose où elle dépasse souvent 20%. La recherche
de microfilaires sanguicoles nécessite de respecter les horaires de
prélèvement en fonction de leur périodicité d'apparition : diurne vers 12h pour
loa loa, nocturne vers minuit pour Wuchereria bancrofti.
Le sérodiagnostic des filarioses est un complément utile à la recherche direct
des microfilaires (seul diagnostic de certitude) dans le sang (loase, bancroft)
ou le suc dermique (onchocercose). Toutefois l'importance des communautés
antigéniques entre helminthes rend le diagnostic difficile. Pour pallier à ce
défaut de spécificité, 2 techniques et deux antigènes au moins, sont
nécessaires à la sérologie filarienne (IFI, immuno-précipitation).
Les filarioses occultes (sans microfilarémie) sévissent en Asie. L’HE est très
élevée et permanente avec un tableau clinique sévère : altération de l’état
général, fièvre, foyers pulmonaires multiples.
-les bilharzioses ou schistosomiases sont contractées lors des baignades
en eau douce. L’éosinophilie est surtout importante pendant la phase
d’invasion. Le diagnostic se fait par la découverte d'œufs dans les selles, au
besoin par biopsie de la muqueuse rectale ou bien dans les urines (sédiment
urinaire). Les test immunologiques en immunofluorescence sont d'une grande
utilité.
Remarque : le polyparasitisme étant fréquent en zone tropicale, il ne faut pas
s'arrêter au premier EPS qui décèle un parasite, d'autres pouvant n'être mis en
évidence qu'aux examens ultérieurs.
② HYPEREOSINOPHILIE D’ORIGINE ALLERGIQUE
- Les maladies allergiques respiratoires : Dans l’asthme, l’éosinophilie est
habituelle et modérée. Les rhino-pharyngites et le coryza saisonnier peuvent
s’accompagner d’une HE modérée.
-Les maladies allergiques cutanées (urticaire, eczéma) peuvent
s’accompagner d’une HE.
- Les maladies allergiques digestives sont des pathologies rares. On évoque
une gastro-entérite à éosinophiles lorsque le déclenchement des troubles et la
montée de l’éosinophilie ont lieu après ingestion de certains aliments.
- Les allergies médicamenteuses : Les médicaments les plus fréquemment
rencontrés dans ces troubles sont les antibiotiques (surtout pénicillines,
céphalosporines, tétracyclines), les antituberculeux, les antifongiques, les
psychotropes, les cytotoxiques, les sulfamides, les sels d’or, les dérivés iodés,
les extraits hépatiques, la vitamine B12, l’allopurinol. Le diagnostic se fait par
l’observation de la disparition des troubles cliniques et biologiques à l’arrêt du
traitement.
- Les réactions toxi-allergiques : pathologies professionnelles (nickel, benzol)
③ HYPEREOSINOPHILIE DES COLLAGENOSES
Certaines collagénoses entraînent une HE importante :
- Dans la périartérite noueuse, l’éosinophilie est surtout importante lorsque le
patient souffre de lésions pleuro-pulmonaires. Les poussées d’HE semblent
correspondre aux phases évolutives de la maladie.
- Dans les formes graves de polyarthrite rhumatoïde avec lésions viscérales
multiples, on peut noter également une HE.
-Les autres collagénoses (dermatomyosite, sclérodermie, lupus érythémateux
disséminé…) peuvent être associées à une HE modérée.
④ HYPEREOSINOPHILIE DES DERMATOSES
En dehors des dermatoses allergiques et parasitaires dont on a déjà parlé plus
haut, de nombreuses affections cutanées s’accompagnent d’une HE modérée.
C’est le cas par exemple de la dermatite herpétiforme, du pemphigus, du
psoriasis, de l’eczéma, de l’ichtyose, des maladies bulleuses auto-immunes,
de la toxidermie...
⑤ HYPEREOSINOPHILIE ET HEMOPATHIES MALIGNES
En hématologie, une hyperéosinophilie peut correspondre, soit à une
prolifération clonale (hémopathie maligne à éosinophiles ou à composante
éosinophile : LMC, LMMC t(5,12), LAM4, sarcome granulocytaire), soit n'être
que réactionnelle à la présence d'une hémopathie maligne. Dans ce cas, les
cellules malignes sécrètent des cytokines ou des facteurs recrutant ou faisant
proliférer les éosinophiles (IL5, IL3, GM-CSF). Les hémopathies malignes
pouvant s'accompagner d'une éosinophilie sont essentiellement les suivantes :
-syndromes myéloprolifératifs (LMC, Polyglobulie de Vaquez)
-syndromes myélodysplasiques et assimilés
-certaines leucémies aiguës myéloïdes
-certaines leucémies aiguës lymphoblastiques
-syndromes lymphoprolifératifs : lymphomes malins non-Hodgkiniens T,
maladie de Hodgkin, maladie de Sézary.
⑥ HYPEREOSINOPHILIE DES IRRADIATIONS
La radiothérapie entraîne fréquemment une éosinophilie transitoire.
L’exposition professionnelle aux radiations ionisantes peut entraîner une
éosinophilie, qui représente un signe d’appel d’intolérance hématologique.
⑦
HYPEREOSINOPHILIE DES MALADIES INFECTIEUSES
Certaines infections bactériennes s’accompagnent, au moment de la
convalescence, d’une HE généralement modérée. C’est le cas de la scarlatine,
des pneumonies à pneumocoque, de la salmonellose, de la tuberculose, de la
brucellose, de la lèpre et de la syphilis. Il en est de même pour certaines
infections virales (HIV, EBV) et certaines mycoses (seules l’aspergillose et la
coccidiomycose entraînant une HE).
⑧ HYPEREOSINOPHILIE DE CAUSES DIVERSES
De nombreuses pathologies, très diverses, peuvent entraîner des
éosinophilies plus ou moins importantes :
-certains déficits immunitaires congénitaux
-certaines maladies digestives dysimmunitaires comme la rectocolite
hémorragique, la maladie de Crohn, l’hépatite chronique active
-certaines affections hématologiques constitutionnelles (maladie de
Fanconi)
-après splénectomie
-après greffe de moelle osseuse allogénique
-au cours de réaction du greffon contre l’hôte
-au cours des pancréatites aiguës
-au cours de la maladie d’Addison
-au cours de l’infarctus du myocarde…
⑨ LE SYNDROME HYPEREOSINOPHILIQUE ESSENTIEL (SHE)
La définition de ce syndrome (appelé encore syndrome d'hyperéosinophilie
idiopathique) est la suivante : HE > 1 500/mm3 retrouvée pendant au moins 6
mois, sans cause décelable, s'accompagnant de lésions viscérales. Ce
syndrome touche principalement les individus masculins.
Cliniquement, on note une altération de l'état général comprenant asthénie,
amaigrissement, anorexie voire fièvre. Les atteintes viscérales sont variées, en
relation avec une infiltration des tissus par les éosinophiles.
Les manifestations cardiaques sont les suivantes : souffle systolique,
insuffisance cardiaque, embolies artérielles multiples, dyspnée. L'HTA est
fréquente dans ces cas. L'ECG peut montrer des troubles de la conduction.
L'échographie cardiaque permet d'objectiver les conséquences de la
cardiopathie éosinophilique. L'évolution se fait vers la fibrose
endomyocardique.
Les manifestations neurologiques sont :
-directement liées à l'éosinophilie, centrales (troubles de la conscience, ataxie)
ou périphériques (mono ou multinévrites)
-conséquentes à des embolies artérielles avec signes de focalisation
Des manifestations cutanées (rashs, éruptions maculeuses, eczéma…),
pulmonaires (épanchements pleuraux, embolies pulmonaires…), digestives
(diarrhées, malabsorption et douleurs abdominales, atteinte hépatique avec
cholestase et cytolyse modérée) sont souvent observées.
L'évolution de ce syndrome est spontanément défavorable (hémopathie ou
atteinte viscérale avec cardiopathie).
CONDUITE DIAGNOSTIQUE DEVANT UNE HYPEREOSINOPHILIE
Avant d'envisager toute démarche étiologique il est indispensable de réunir les
critères définissant l'HE :
- nombre absolu de polynucléaires éosinophiles > 500/mm3
- retrouvés à deux contrôles successifs (dans un délai de 2 à 3 semaines)
Ainsi seront d'emblée écartées les pseudo-HE et les HE labiles (allergisation
transitoire). Il faut aussi rechercher des numérations antérieures pour dater la
découverte de l'HE et pour apprécier sa cinétique.
Interrogatoire et examen clinique
Le premier temps indispensable de la démarche diagnostique est le recueil
d’informations sur le patient, qui permettra le plus souvent d’établir l’étiologie
de l’HE et évitera des investigations longues et coûteuses.
L’interrogatoire portera sur la profession, l’origine géographique et les voyages
récents ou non (la strongyloïdose est une affection dont la longévité dépasse
40 ans), les habitudes alimentaires, les allergies connues, les contacts avec
des animaux, la prise de médicaments (toutes substances peut a priori être
suspectée). La singularité de certains signes cliniques pourra orienter vers une
parasitose donnée (syndrome de Löffler…) Une radiographie pulmonaire
pourra se révéler nécessaire en cas de symptomatologie pulmonaire (poumon
éosinophile).
On pourra ainsi éliminer une cause évidente telle qu'une maladie infectieuse
(tuberculose, streptococcies, fièvre typhoïde…), une dermatose prurigineuse
ou bulleuse, une allergie aiguë en particulier médicamenteuse.
Examens biologiques
L'hémogramme de contrôle doit être systématique.
Une VS élevée permet d'orienter, en pathologie helminthique, vers certaines
parasitoses en phase d'invasion (bilharziose, distomatose à F. hepatica,
trichinose, Larva migrans viscérale massive)
Le dosage des IgE totales est un examen "pivot". L'augmentation du titre des
IgE totales est retrouvée dans la plupart des helminthiases (sauf le taeniasis).
Elle peut manquer chez les individus non répondeurs ou porteurs d'une
helminthiase ancienne. Les HE induites par les médicaments, ou non
allergiques, ne s'accompagnent pas généralement d'une élévation du taux des
IgE totales.
Dosage des IgE spécifiques : La recherche d'une allergie chronique, orientée
le plus souvent par l'interrogatoire (allergie ORL, respiratoire, cutanée) pourra
nécessiter la recherche et le dosage des IgE spécifiques des principaux
pneumallergènes. Une forte positivité pour Aspergillus fumigatus, jointe à une
clinique et une radiologie évocatrices, orienteront alors vers une
bronchopneumonie aspergillaire allergique.
L'examen parasitologique des selles permettra un diagnostic de certitude
mais les faux négatifs sont fréquents (faible charge parasitaire, helminthe peu
prolifique ou immature) d'où la règle traditionnelle d'effectuer 3 examens
séparés chacun de quelques jours. Devant une notion d'HE tropicale, il faudra
ajouté les examens parasitologiques adaptés en fonction des renseignements
épidémiologiques (voir § hyperéosinophilie parasitaire).
Le sérodiagnostic des helminthiases sera effectué de façon groupée
(ascaridiose, distomatose, hydatidose, strongyloïdose et toxocarose) car les
signes cliniques d'accompagnement sont souvent peut spécifiques. En cas de
notion d'HE tropicale, les sérodiagnostics de filarioses et de schistosomiases
seront ajoutés. Une autre raison de grouper les immunodiagnostics des
helminthiases mais aussi de doubler les techniques est l'existence de
communautés antigéniques à l'origine de possibles réactions croisées souvent
très informatives.
Remarque : certains signes biologiques associés à l’HE peuvent aussi avoir
une grande valeur indicative (anémie hypochrome dans l’ankylostomiase par
exemple).
Lorsque ces investigations s'avèrent sans résultat, la conduite ultérieure peut
s'envisager de 2 façons :
soit l’HE est > 1500/mm3 et/ou associée à des signes cliniques (altération de
l'état général) ou biologiques (syndrome inflammatoire) : il est indispensable
de poursuivre l'enquête étiologique. Deux grands types d'affections doivent
alors être recherchés : les maladies inflammatoires et les néoplasies.
soit HE est isolée et inférieure à 1500/mm3, il faut exercer une surveillance
clinique et biologique mensuelle, 2 situations peuvent se présenter :
-l'HE régresse spontanément
-elle persiste voire s'aggrave. Dans ce dernier cas, il faut reprendre l'enquête
parasitologique et éventuellement entreprendre un traitement d'épreuve réalisé
sous surveillance clinique (utilisation d'un anti-helminthique à large spectre,
type albendazole). Un contrôle de l'éosinophilie sanguine, pratiqué un mois
plus tard, montre l'éventuelle efficacité du traitement.
Ce n'est qu'en cas de persistance de l'HE au-dessus de 1500/mm3 pendant
un délai supérieur à 6 mois sans aucune étiologie repérable que l'on pourra
envisager le diagnostic de syndrome hyperéosinophilique essentiel. Cette
affection peut engager le pronostic vital d'une part du fait de manifestations
cardiaques ou neurologiques sévères et d'autre part du fait du risque de
survenue d'une leucémie à éosinophiles.
CONCLUSION
En conclusion, dans plus de ¾ des cas le diagnostic étiologique d'une HE est
révélé par un bon interrogatoire, un examen clinique complet et des examens
complémentaires simples.
Lorsque cette démarche initiale n'est pas concluante, on peut être amené, en
particulier lorsque l'HE est nette et persistante, à réaliser des investigations
plus lourdes afin de ne pas méconnaître une maladie telle qu'une collagénose
ou une néoplasie.
Sylvie EYRARD, Jean-Pierre BOUILLOUX
Prochain sujet : choix et intérêts des paramètres biologiques d'évaluation de
l'état nutritionnel du sujet agé.
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