a mise en évidence de l’efficacité pharmacologique
et de l’intérêt thérapeutique d’un médicament passe
classiquement par la méthode de l’essai comparatif.
Le texte de l’arrêté du 16 septembre 1975 précisait déjà :“Il
est nécessaire que les essais cliniques (entrepris en vue de
l’autorisation de mise sur le marché d’une spécialité pharma-
ceutique [AMM]) s’effectuent sous forme d’essais contrôlés.
La manière dont ils sont réalisés varie dans chaque cas et
dépend également de considérations d’ordre éthique. Ainsi, il
peut parfois être plus intéressant de comparer l’effet théra -
peutique d’une nouvelle spécialité à celui d’un médicament
déjà appliqué dont la valeur thérapeutique est communément
connue plutôt qu’à l’effet d’un placebo”.
Postérieurement à l’AMM, la démarche comparative se pour-
suit, par exemple pour obtenir le remboursement de la spécia-
lité pharmaceutique par la Sécurité sociale. L’article R163-3
du Code de la Sécurité sociale dispose en effet que seuls
seront remboursés les médicaments dont il est démontré qu’ils
apportent :
“soit une amélioration du service médical rendu en termes
d’efficacité thérapeutique, ou le cas échéant d’effet secondaire,
soit une économie dans le coût du traitement médicamen -
teux”,
constats imposant la comparaison.
Indépendamment de ces procédures administratives, la réali-
sation d’essais comparant une spécialité pharmaceutique don-
née à d’autres modalités thérapeutiques ou à d’autres spécia-
lités concurrentes présente un intérêt scientifique évident, tant
pour développer la connaissance et le bon usage de ce
médicament, que pour préciser sa place dans le traitement de
telle pathologie. Ces essais procèdent, le plus souvent,
de l’initiative du titulaire de l’AMM, mais le Code de santé
publique ne met aucune restriction à la qualification de
“promoteur de recherches biomédicales” (art. L 209-1 CSP).
Les résultats de ces différentes évaluations ont vocation à être
publiés dans les revues spécialisées ou présentés lors de mani-
festations scientifiques. Ils sont également, depuis l’origine,
utilisés par les firmes pharmaceutiques dans leurs activités
promotionnelles, publicité comparative largement antérieure
à la loi (dite loi Neiertz) définissant les conditions de ce mode
de communication (1), et dans le champ de laquelle ils se sont
naturellement inclus. De récentes décisions de justice ayant
nuancé l’application du Code de la concurrence à la publicité
pharmaceutique, il peut être utile de replacer l’essai clinique
dans le contexte juridique de la démarche promotionnelle.
Nous aborderons successivement les textes à prendre en
considération, leur application en matière de publicité de spé-
cialités pharmaceutiques et l’intérêt présenté par une récente
directive européenne.
LES TEXTES À PRENDRE EN CONSIDÉRATION EN MATIÈRE
DE PUBLICITÉ RELATIVE AUX SPÉCIALITÉS PHARMACEU-
TIQUES
Loi sur la publicité comparative : loi 92-60 du 18 janvier 1992
(JO 21 janvier 1992)
Cette loi, dite loi Neiertz, a pour but de renforcer la protection
des consommateurs en matière de démarchage et de vente à
domicile. Son article 10 (art. L 121.8 du Code de la consom-
mation) dispose que la publicité comparative de biens ou de
services “n’est autorisée que si elle est loyale, véridique et
qu’elle n’est pas de nature à induire en erreur le consomma -
teur. Elle doit être limitée à une comparaison objective qui ne
L
É G I S L A T I O N
La Lettre du Pharmacologue - Volume 12 - n° 6 - juin 1998
111
Essais cliniques et publicité comparative
J.P. Demarez*, J.P. Pin**
* Pharmacologue, Uni de pharmacologie clinique, CHU Saint-Antoine,
27, rue de Chaligny, 75012 Paris.
** Avocat, Cabinet Houdart, 25, rue Jean-Jacques-Rousseau, 75001 Paris.
RÉSUMÉ.
Les publications utilisant ou rapportant des essais cliniques de médicaments deviennent publicité dès lors qu’elles sont diffusées
par une firme pharmaceutique concernée.
Cette publicité nécessairement comparative s’est naturellement incluse dans le champ d’application de la loi Neiertz, ouvrant ainsi matière à
contentieux entre laboratoires. De récentes décisions de justice ayant relativisé l’application du Code de la concurrence à la publicité phar -
maceutique dès lors qu’elle s’adresse à des professionnels de santé, on peut à l’extrême évoquer l’impossibilité d’utiliser les résultats d’es -
sais cliniques en matière de publicité pharmaceutique. La transposition en droit interne de la directive sur la publicité comparative de 1997
pourrait mettre un terme à ces interrogations, à condition que le sens de certains de ses termes soit précisé lorsqu’il est question de spéciali -
tés pharmaceutiques.
Mots-clés :
Publicité - Médicament
.
L
peut porter que sur des caractéristiques essentielles, signifi -
catives, pertinentes et vérifiables. Lorsque la comparaison
porte sur les prix, elle doit concerner des produits identiques
vendus dans les mêmes conditions...
La publicité comparative ne peut pas s’appuyer sur des opi -
nions ou des appréciations individuelles ou collectives...
L’annonceur pour le compte duquel la publicité est diffusée
doit être en mesure de prouver l’exactitude de ses allégations,
indications ou présentations.
Avant toute diffusion, il communique l’annonce comparative
aux professionnels visés, dans un délai au moins égal à celui
exigé selon le type de support retenu, pour l’annulation d’un
ordre de publicité”.
Antérieurement à 1992, aucun texte ne régissant la publicité
comparative, celle-ci n’était pas expressément prohibée.
Toutefois, la publicité comparative émanant d’une société com-
merciale ayant pour but de faire valoir le produit de cette socié-
au détriment de celui retenu en comparaison, le juge voyait
généralement là matière à sanction ; sanction pénale punissant
comme acte de contrefaçon de marque la citation du produit
concurrent sans autorisation de son propriétaire (art. 422 du
Code pénal abrogé par la loi 92-597 du 1
er
juillet 1992),
sanction civile de la concurrence déloyale causée par le déni-
grement du produit concurrent, conduisant l’émetteur de la
publicité comparative à réparer un dommage résultant de sa
faute sur la base de l’article 1382 du Code civil. La publicité
comparative pouvait cependant, dans de rares circonstances, ne
pas être estimée illicite, notamment lors de la reproduction par
un commerçant de tests faits par un organisme indépendant
[1]
.
Elle était, cependant, jugée fautive si l’organisme s’avérait
insuffisamment indépendant (Cour d’appel Paris 3 juillet
1984 FNAC), ou si la présentation des résultats s’avérait tron-
quée, insuffisamment exhaustive, ou revendiquant une portée
plus large que la réalité (Cour de cassation Chambre com-
merciale 19 janvier 1988). Il était de toute façon interdit de
publier des “tableaux de concordance” entre son produit et un
produit concurrent (Cour de cassation Chambre commerciale
2 février 1988).
Les dictionnaires juridiques ( 2 ) définissent aujourd’hui
l’éventuelle utilisation d’une “publicité comparative” comme
une manière pour une entreprise commerciale de se faire
valoir auprès de la clientèle par référence à la concurrence.
Cette “affirmation publique de supériorité est”, est-il dit,
“admise sous certaines conditions par la loi française”.
Normes relatives à la publicité de médicaments
Directive 92/28 CEE du 31 mars 1992 (JOCE L.113 du
3 avril 1992) concernant la publicité faite à l’égard des
médicaments à usage humain.
Le Conseil des communautés européennes entend par “publi -
cité pour des médicaments” :“toute forme de démarchage,
d’information, de prospection ou d’incitation qui vise à pro -
mouvoir la prescription, la délivrance, la vente ou la consom -
mation de médicaments.” La directive considère que “la
publicité des médicaments auprès des personnes habilitées à
les prescrire ou à les délivrer contribue à l’information de ces
personnes” mais “qu’il convient cependant de la soumettre à
des conditions strictes et à un contrôle effectif.” Les per-
sonnes habilitées à prescrire des médicaments “doivent être à
même d’exercer ces tâches en toute objectivité, sans être
influencées par des incitations financières directes ou indi -
rectes”.
La directive retient que “la publicité auprès du public faite à
l’égard des médicaments qui peuvent être délivrés sans pres -
criptions pourrait affecter la santé publique si elle était exces -
sive ou inconsidérée ; que cette publicité, lorsqu’elle est auto -
risée, doit satisfaire à certains critères essentiels”.
La publicité faite auprès des professionnels de santé “doit
comporter : les informations essentielles compatibles avec le
résumé des caractéristiques du produit ; la classification du
médicament en matière de délivrance”.
Les États membres peuvent ajouter d’autres exigences, prix de
vente, tarif indicatif des différentes présentations, conditions
de remboursement par les organismes de Sécurité sociale.
Les informations contenues dans la documentation (délivrée
aux professionnels), doivent être “exactes, actuelles, véri -
fiables et suffisamment complètes pour permettre au destina -
taire de se faire une idée personnelle sur la valeur thérapeu -
tique du médicament”. Les citations, tableaux, illustrations
empruntés à des revues médicales ou des ouvrages scienti-
fiques utilisés dans la documentation “doivent être reproduits
fidèlement et leur source exacte précisée”.
Loi 94-43 du 18 janvier 1994 relative à la publicité des
médicaments à usage humain. Transposition en droit inter-
ne de la directive citée ci-dessus, ce texte reprend quasiment
à l’identique sa définition de la publicité pharmaceutique sous
l’article L.551 du Code de santé publique.
La publicité ainsi définie “ne doit pas être trompeuse, ni por -
ter atteinte à la protection de la santé publique. Elle doit pré -
senter le médicament ou produit de façon objective et favori -
ser son bon usage. Elle doit respecter les dispositions de
l’AMM” (art. 551-1 CSP). “La publicité pour un médicament
auprès des professionnels de santé habilités à prescrire ou à
dispenser des médicaments ou à les utiliser dans l’exercice de
leur art doit faire l’objet dans les huit jours suivant sa diffu -
sion d’un dépôt auprès de l’Agence du Mé d i c a m e n t ” ,
(art. 551-6 CSP) dont le directeur général peut, le cas échéant,
suspendre, interdire ou exiger la modification d’une publicité
méconnaissant les règles légales, voire exiger la diffusion
d’un rectificatif.
“La publicité auprès du public pour un médicament n’est
admise qu’à la condition que ce médicament ne soit pas sou -
mis à prescription médicale et ne soit pas remboursable par
L
É G I S L A T I O N
112
La Lettre du Pharmacologue - Volume 12 - n° 6 - juin 1998
[1]
À ce propos, rappelons l’avis du Conseil national de la consommation relatif
aux essais comparatifs (BO Conc Consom Rep Fr 15.12.1995 : 482), plaçant
comme principe fondamental “l’indépendance des centres d’essais face aux
parties intéressées à la production et à la diffusion des produits faisant l’objet
des essais.
Ce principe a d’abord des implications sur le mode de financement des essais,
qui doit être assuré sans que l’indépendance des décisions prises par les
centres d’essais soit mise en cause.
un régime obligatoire des assurances maladies... Elle est
nécessairement accompagnée d’un message de prudence et
de renvoi à la consultation d’un médecin en cas de persistan -
ce des symptômes” (art. 551-3 CSP).
Décret 95-531 du 14 juin 1996 relatif à la publicité pour
les médicaments et certains produits à usage humain. Pris
en application du texte précédent, dont il détaille les prin-
cipes, le décret dispose :
Que “tous les éléments contenus dans la publicité pour
un médicament, lorsque celle-ci est admise, doivent
ê t re conformes aux renseignements figurant dans le
résumé des caractéristiques du produit (annexe 1 de
l’AMM)”, (art. R 5045 CSP).
Que la publicité pour les médicaments auprès du public est
assortie de nombreuses restrictions destinées à en empêcher le
caractère, sinon mensonger, du moins spectaculaire, excessif,
tapageur ou charlatanesque, à l’encontre de personnes norma-
lement ignorantes des choses de la médecine et de la pharma-
cie (art. R 5046-1 CSP).
Qu’en revanche, en ce qui concerne la publicité vers les pro-
fessionnels de santé habilités à prescrire ou dispenser, une
liste détermine les informations techniques que cette publici-
doit a minima comporter (art. R 5047 CSP), celles-ci et
celles qui pourraient être ajoutées devant “être exactes, à jour,
vérifiables et suffisamment complètes pour permettre au des -
tinataire de se faire une idée personnelle de la valeur théra -
peutique du médicament”.
Reprenant les termes de la directive européenne, le décret dis-
pose que “les citations, tableaux, et autres illustrations
empruntés à des revues médicales ou à des ouvrages scienti -
fiques, qui sont utilisés dans la publicité, doivent être
reproduits fidèlement et la source exacte doit être précisée”
(art. R 5047-1 CSP). De même doit être reproduit l’avis le
plus récent de la Commission de la transparence, lorsqu’il
s’agit d’un nouveau principe actif, d’une spécialité faisant
l’objet d’une nouvelle appréciation du service médical
qu’elle rend, de l’apport thérapeutique qu’elle représente, ou
d’une nouvelle spécialité essentiellement similaire à une autre
(art. R 5047-3 CSP).
Une commission chargée du contrôle de la publicité émet des
avis spécifiquement (mais non exclusivement) sur les publici-
tés réservées aux professionnels de santé, avis éclairant le
directeur général de l’Agence du Médicament pour l’exercice
de son pouvoir de police sur les publicités pharmaceutiques.
Cette commission peut également émettre des recommanda-
tions de caractère général sur les différents moyens utili-
sables, en matière de campagne de promotion de médicament.
Recommandations de la Commission en matière de
publicité comparative. Elles ont été successivement publiées
dans deux fascicules (juin 1995-avril 1997) intitulés
“Publicité et bon usage”, édités par l’Agence du Médica-
ment.
Bien que des considérations paraissant concerner la publicité
comparative figurent dans le chapitre “publicité grand
public”, par exemple “la publicité ne peut comporter des élé -
ments qui suggéreraient que l’effet est... supérieur ou égal à
celui d’un autre médicament ou d’un autre traitement” ou
“l’emploi de certains termes pouvant comporter une conno -
tation dénigrante n’est pas admis... notamment les expres -
sions «le Numéro 1, le premier»”, le chapitre consacré à la
publicité comparative est explicitement intégré dans la partie
visant “la publicité à destination des professionnels de
santé”. Ces recommandations concernent “la présentation
dans un but publicitaire d’une comparaison de médicaments
ou d’autres méthodes thérapeutiques”, en référence à la loi
Neiertz. Sont successivement considérés les critères de com-
paraison (caractéristiques essentielles, significatives, perti-
nentes et vérifiables, présentées de façon exhaustive, ne privi-
légiant pas les éléments favorables), les comparaisons de coût
(portant sur le coût de traitement et non le prix de vente), les
sources de données (dossiers d’AMM et de transparence,
études post-AMM à condition d’être conformes “aux indica -
tions valides” et d’avoir été publiées dans une revue scientifi-
quement référencée), les types d’études utilisables, la com-
mission allant, “si les éléments constitutifs de la publicité
comparative ne peuvent théoriquement émaner que d’une
étude ayant permis la comparaison directe des deux produits
en question”, jusqu’à admettre “l’utilisation de résultats de
méta-analyses rigoureuses” (sic).
Le chapitre sur la présentation des résultats des comparaisons
prohibe quelques-uns des subterfuges connus pour valoriser
artificiellement l’un des produits au détriment de l’autre.
Reprenant une disposition de la loi Neiertz, les recommanda-
tions rappellent, dans le cadre de l’utilisation d’études non
publiées, “l’obligation (faite à la firme émettrice) de trans -
mettre ces études aux firmes adverses concernées...” étendant
l’obligation au bénéfice de “tout praticien qui en ferait la
demande”. Ceci pour permettre aux concurrents d’effectuer
les vérifications nécessaires à la défense de leurs droits et au
praticien “de se faire une idée personnelle de la valeur théra -
peutique du médicament”.
Les différentes formes que peut revêtir la présentation d’une
“étude” conduisent à s’interroger : comment s’acquitter, sans
risque de contestation, de l’obligation de transmission d’une
“étude” souvent partie intégrante d’un gros dossier d’AMM ?
Peut-on se contenter d’un résumé, d’une synthèse, ou est-il
nécessaire, en la circonstance, d’adresser au concurrent (voire
au prescripteur qui en ferait la demande) l’intégralité d’un
rapport clinique intégré et des nombreuses annexes qu’il com-
porte, ensemble d’un volume généralement conséquent, afin
que les possibilités de vérification soient elles et
complètes ?
LA P P L I C ATION DES DISPOSITIONS EN MATIÈRE DE
PUBLICITÉ RELATIVE AUX SPÉCIALITES PHARMACEUTIQUES
L’essai clinique, matériel publicitaire
Devant la présentation des résultats d’un essai clinique, trois
remarques possibles en fonction de l’espèce : il s’agit d’une
publicité ; il ne s’agit pas d’une publicité ; peut-être s’agit-il
d’une publicité s’avançant masquée ?
La Lettre du Pharmacologue - Volume 12 - n° 6 - juin 1998
113
La première situation ne fait aucun doute quant à sa nature
publicitaire, face à un document émanant du service promo-
tionnel de la firme ou d’une agence spécialisée intervenant
pour son compte. Le document peut reprendre in extenso la
forme d’un article scientifique distribué en “tiré à part”,
constituer la synthèse commentée de plusieurs essais rassem-
blée en une brochure de présentation de la spécialité commer-
cialisée, s’introduire sous forme d’encart dans un journal ou
une revue, s’afficher en aide de visite ou emprunter des tru-
chements plus novateurs, support vidéo, CD-Rom, Internet,
etc. Rappelons que l’expression des résultats d’un essai cli-
nique est soumise aux dispositions de l’article R 5120 CSP :
“Les essais ne peuvent faire l’objet d’aucun commentaire
écrit ou oral sans l’accord conjoint de l’investigateur”, ce
qui, pas plus que la qualification de publicité qui pourrait lui
être apposée, ne préjuge en rien du degré d’objectivité d’une
publication.
La difficulté réside dans le fait d’avoir à traiter d’une publici-
déguisée. Le terme “publicité” désigne à la fois une chose
(le message exprimé sur un support) et une intention (“le fait
de viser à promouvoir la prescription, la délivrance, la vente
ou la consommation de médicament”). Le même document,
un article de revue scientifique rapportant les résultats d’un
essai clinique, peut donc être, selon l’intention de celui qui en
fait la distribution, une information scientifique ou une publi-
cité. Reste ici à rapporter des faits à des intentions.
Si l’intention publicitaire est présumée à juste titre lorsque le
distributeur est le responsable de la commercialisation, elle
attend sa preuve dans les autres hypothèses, qu’il s’agisse du
discours de la communauté scientifique en tant qu’acteur de la
diffusion de l’innovation thérapeutique ou des propos des
médias répondant à la demande d’information sur les patho-
logies et les thérapeutiques (3).
Mais il a été estimé que constituait une publicité, sous réser-
ve de l’appréciation des juridictions compétentes, toute publi-
cation de nature à inciter à l’achat d’un médicament dont les
mérites sont vantés, même si cette publication n’émanait pas
du fabricant et n’était pas payée par lui [CE 15 mars 1979 (4),
section sociale], de même que les articles présentant de façon
préférentielle un produit dont le caractère publicitaire latent
était renforcé par la présence, dans la revue, d’une annonce
émanant du titulaire de l’AMM du produit (CE
19 cembre 1985, 13 septembre 1990 - Avis de la
Commission paritaire des publications et agences de presse
1994) (5).
Cette définition particulièrement extensive de la publicité,
encore élargie par le législateur (toute forme d’information à
l’exception de celle dispensée dans le cadre de leur fonction
par les pharmaciens hospitaliers), peut conduire l’autorité
compétente à donner la qualification de publicité, au moins
potentielle, à une gamme très étendue de modalités de com-
munication des résultats d’un essai clinique, ce qui n’est pas
sans conséquence au regard des missions de la Commission
de la publicité.
Bien que ne s’exprimant que par recommandations (mais tenu
compte du fait que les juridictions peuvent être sensibles à ces
recommandations dans leurs appréciations), la Commission
de la publicité considère :
Que ne peuvent être utilisés dans une publicité “les études
(simplement) soumises ou acceptées pour publication, les
abstracts, posters, les suppléments et numéros spéciaux réali -
sés dans le cadre d’une relation contractuelle entre la revue
éditrice et la firme concernée, et les études issues d’un prêt de
titre”.
Que les publications utilisables à titre publicitaire, outre
qu’elles doivent concorder avec les indications validées, doi-
vent avoir été publiées dans une revue à comité de lecture ou
référencées dans une base de données internationales.
Il n’est pas essentiel que la comparaison démontre une supé-
riorité, l’essai clinique pouvant être matériel publicitaire en ne
mettant en évidence qu’une “absence de différence”, ce que
les profanes la différence des biostatisticiens) considèrent
volontiers abusivement être synonyme d’“identité”.
Ainsi la diffusion, même restreinte, dès lors que systématisée,
de tel ou tel document par les personnels d’une firme phar-
maceutique peut-elle être très facilement qualifiée de publici-
té, susceptible de relever d’un avis négatif de la Commission,
voire de censure de la part du directeur général de l’Agence,
le document pouvant être estimé en infraction vis-à-vis de la
formalité du dépôt légal, quand bien même la firme préten-
drait, elle, n’avoir fait que présenter à titre informatif les
résultats des travaux d’auteurs indépendants, n’ayant aucun
caractère publicitaire. Tel Midas changeant en or tout ce qu’il
touchait, la firme pharmaceutique transforme en publicité
toute information scientifique relative à ses spécialités, lors-
qu’elle la diffuse ou contribue à sa diffusion.
N’est en revanche sûrement pas une publicité une publication
rapportant un essai clinique relatif à une spécialité adressée
sur sa demande à tel ou tel professionnel de santé par la firme
dans le cadre d’un échange épistolaire personnel et individuel.
Publicité comparative de médicaments et loi Neiertz
Lors des travaux préparatoires (6) de la loi sur la publicité
comparative, il a été envisagé d’exclure certains secteurs
commerciaux, dont celui du médicament, de l’accès à cette
forme de communication. La proposition n’a pas été retenue
au motif que si le médicament faisait l’objet de réglementa-
tions spécifiques, la loi sur la publicité comparative n’interfé-
rait pas avec ces textes particuliers. Le médicament serait, par
conséquent, soumis parallèlement à deux dispositifs, l’un
figurant dans le Code de la santé publique, l’autre dans le
Code de la concurrence.
On constate des concordances entre ces deux cadres juri-
diques. Mais, discordance notable, le Code de la santé
publique ne fait jamais directement usage de la notion de
comparaison, ni pour la publicité “grand public”, ni pour
L
É G I S L A T I O N
114
La Lettre du Pharmacologue - Volume 12 - n° 6 - juin 1998
celle destinée aux professionnels dans ce qu’il organise. On
peut, de façon allusive, retrouver l’idée de comparaison dans
le fait que “les informations contenues dans la publicité (en
direction des professionnels) doivent être suffisamment com -
plètes pour permettre au destinataire de se faire une idée per -
sonnelle de la valeur thérapeutique du médicament” (art.
R5047-1 CSP), ce qui, pour un praticien, conduit naturelle-
ment à la connaissance d’essais cliniques nécessairement
comparatifs. Mais il n’y a là rien d’explicite.
L’activité des tribunaux, et tout particulièrement celle du tri-
bunal de commerce de Nanterre (la plupart des firmes phar-
maceutiques ayant leur siège social dans le département des
Hauts-de-Seine), a permis de préciser certaines des modalités
d’application de la loi sur la publicité comparative au médi-
cament.
Le défaut de communication préalable de l’essai clinique
utilisé en publicité comparative au(x) concurrent(s) a fait
l’objet de deux types d’interprétation. Les juges ont pu esti-
mer la publicité illicite du seul fait du défaut de communica-
tion, ouvrant ainsi droit à dommages et intérêts (tribunal de
commerce Nanterre 18 juin 1997 SmithKline Beecham /
Janssen Cilag), ou plus souvent se limiter, après avoir consta-
té l’absence de communication préalable, à rechercher l’exis-
tence d’un préjudice spécifique lié à ce défaut : “le fait de ne
pas avoir communiqué la publicité litigieuse aux laboratoires
Ciba-Geigy a privé ces derniers de la possibilité de répliquer
immédiatement à ces argument imprévus, ce qui d’une part
aurait pu entraîner une chute de leur chiffre d’affaires et,
d’autre part, les a obligés à engager des frais supplémen -
taires pour faire connaître d’urgence au corps médical leurs
c o n t re - a rg u m e n t s ” . ( Tribunal de commerce Créteil
Ménarini/Ciba- Geigy 15 mai 1996).
L’interprétation de la procédure de la communication préa-
lable dépasse ainsi l’intention manifestée par le législateur,
puisqu’elle ne se limite pas à protéger l’annonceur des consé-
quences d’une annulation d’un ordre de publicité, mais évo-
lue vers la protection du concurrent à qui on doit ainsi ména-
ger droit de réponse (la formulation du droit de réponse ayant
vraisemblablement, elle aussi, un caractère publicitaire au
regard du Code de la santé publique). Les frais engagés pour
répliquer à une publicité comparative prennent ici le caractè-
re d’un préjudice dont il est dû réparation (7).
Les spécialités pharmaceutiques peuvent être désignées soit
par leur nom de marque, soit par une dénomination commune
internationale (DCI), cette dernière appellation n’ayant aucun
caractère commercial. Il est, par conséquent, possible de pré-
senter un essai clinique ou la comparaison s’effectue sans
citation de la marque du produit concurrent ou de la raison
sociale de l’entreprise qui le commercialise.
Toutefois, la dénomination commune est indissolublement
liée au nom commercial, tant pour la publicité grand public
(lorsque le médicament ne contient qu’un seul principe actif -
art. R 5046 CSP) que pour celle auprès des professionnels de
santé (composition qualitative et quantitative en principes
actifs avec la dénomination commune - art. R 5047 CSP).
L’usage de la DCI en lieu et place du nom de marque du
concurrent dans la présentation des résultats d’un essai cli-
nique ne constitue pas un élément permettant de différencier,
en soi, une publication scientifique d’une publicité compara-
tive et de s’exonérer des règles prévues par le Code de santé
publique comme par celui de la concurrence.
Selon la Commission de la publicité, “la publicité compara -
tive peut concerner deux produits ou plus sous leur nom de
marque, sous leur DCI lorsque la marque est inidentifiable.”
Le Tribunal de commerce de Créteil a, à cet égard, retenu
qu’un laboratoire ne pouvait valablement pas soutenir être
hors du champ d’application de la loi sur la publicité compa-
rative dès lors qu’utilisant la DCI du comparateur, il ne citait
ni le nom de spécialité, ni la raison sociale de son concurrent
(décision 15 mai 1996, citée ci-dessus).
Les comparaisons portant sur des aspects économiques de
chacun des traitements considérés semblent devoir se limiter
à ce qui est effectivement comparable, c’est-à-dire à des pro-
duits identiques vendus dans les mêmes conditions, cela
excluant qu’on puisse faire état, pour une indication théra-
peutique donnée, du plus faible coût de traitement d’un pro-
duit grand public face à un produit de prescription (tribunal de
commerce de Nanterre, 18 juin 1997, SmithKline
Beecham/Janssen-Cilag).
Si la loi Neiertz limite les comparaisons sur les prix à “des
produits identiques vendus dans les mêmes conditions”, la
Commission de publicité retient pour sa part, en lieu et place
du prix, la possibilité d’une comparaison des coûts de traite-
ments, “caractéristique essentielle, pertinente, vérifiable du
m é d i c a m e n t ” en matière de publicité professionnelle, et
conditionne l’utilisation publicitaire d’une étude médico-éco-
nomique à la validation préalable de la Commission de trans-
parence.
La présentation sous forme de publication ou de rapport
d’un essai clinique n’engage, selon l’expression consacrée,
“que la responsabilité de ses auteurs” (8). Les juges, même
avec le secours des experts, sont normalement réticents à
s’engager dans les aspects techniques d’un contentieux, ce
d’autant plus que sa matière est complexe et fait parfois l’ob-
jet d’opinions contraires de la part des spécialistes. Ils pour-
ront toutefois relever que la Commission de contrôle de la
publicité n’a pas, devant telle étude contestée, émis la
moindre remarque défavorable touchant à la méthode de l’es-
sai ou à l’analyse de ses résultats.
La partie adverse ne manquera pas de mettre en évidence les
éléments d’une publicité comparative qui contreviendraient,
que ce soit en matière d’efficacité, de tolérance ou de modali-
tés d’utilisation, aux définitions ci-après : présentation loyale,
véridique, exhaustive, objective, portant sur des caractéris-
tiques essentielles, significatives, pertinentes et vérifiables,
contribuant au “bon usage” du médicament.
À la lecture de différentes décisions, il apparaît que les tribu-
naux relèvent avec sagacité les affirmations inexactes, par-
tielles, pourvues d’objectivité ou d’exhaustivité, trom-
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