Publicité comparative et médicaments : une réglementation à clarifier

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Publicité comparative et médicaments : une
réglementation à clarifier ?
Alors que l’industrie pharmaceutique connaît un mouvement important de concentration et une évolution sensible marquée par le développement des produits génériques, on observe une multiplication des contentieux opposant les laboratoires pharmaceutiques à propos de la publicité des médicaments. Tout particulièrement, différentes décisions ont eu à connaître de publicités comparant des médicaments soumis à prescription et les magistrats se sont à cette occasion interrogés sur l’application des articles L 121‐8 et suivants du Code de la Consommation à ce domaine particulier. Indépendamment du point de savoir si les conditions posées par ces textes avaient été respectées dans ces espèces, s’est posée la question de savoir s’ils étaient applicables (I). Force est par ailleurs de constater que leur application au domaine du médicament délivré sur ordonnance pose des problèmes difficiles à résoudre(II). I ­ Une application contestée des articles L.121­8 et suivants du Code de la Consommation L’application des règles relatives à la publicité comparative au domaine du médicament soumis à prescription est contestée pour deux séries de raisons. En premier lieu, la publicité des médicaments fait déjà l’objet d’une réglementation particulière. En second lieu, appliquer les dispositions relatives à la publicité comparative revient à appliquer une réglementation destinée à protéger le consommateur alors que la publicité pour les médicaments soumis à prescription est réservée à des professionnels prescripteurs. 1 Une publicité déjà réglementée. Tel est en effet l’objet des articles L.551 et suivants du Code de la Santé Publique. L’article L.551 définit ainsi ce qu’il faut entendre par publicité pour les médicaments. L’article L.551‐1 prévoit ensuite que la publicité ainsi définie ne doit pas être trompeuse ni porter atteinte à la protection de la santé publique. www.bdl-ip.com Elle est de plus assortie de règles formelles particulières afin précisément de protéger le consommateur. Les articles L.551‐3 et L.551‐6 opèrent ainsi une distinction selon que la publicité concerne un médicament soumis ou non à prescription médicale. Pour ces derniers, si le contrôle a priori auparavant effectué par l’Agence du médicament a été supprimé depuis la loi du 18 janvier 1994, il n’en reste pas moins que la publicité pour un médicament soumis à prescription doit faire l’objet d’un dépôt auprès de cette même Agence dans les huit jours suivant sa diffusion. Cette dernière peut ordonner la suspension de cette publicité, sa modification et même son interdiction. De même, le contenu de la publicité doit être conforme aux dispositions spécifiques résultant des articles R.5047 et suivants du Code de la Santé Publique. Les décisions récentes qui ont pu être rendues ne vont pas en réalité jusqu'à considérer que les dispositions du Code de la Consommation ne sont pas applicables par principe à la publicité en faveur des médicaments sur ordonnance. Toutefois, elles sont en fait motivées par les particularités de la réglementation spécifique existante en la matière. Elles refusent en effet d’appliquer les dispositions de l’article L.121‐8 au motif que la publicité en faveur des médicaments soumis à prescription s’adresse exclusivement aux professionnels et non aux consommateurs. 2 La publicité pour les médicaments soumis à prescription : une publicité réservée à des professionnels. En effet, la publicité en faveur des médicaments soumis à prescription médicale n’est pas à destination du public mais seulement à destination des médecins prescripteurs. Il en résulte que cette publicité ne s’adresse pas au consommateur du médicament mais à un professionnel. De plus, une distinction est nettement établie par les articles L.551‐3 et L.551‐6 précités du Code de la Santé Publique, entre le public, non destinataire de cette publicité et à l’encontre duquel cette publicité est de surcroît interdite, et le médecin prescripteur professionnel de la santé. La jurisprudence en a déduit dans certaines décisions que la publicité comparative en faveur de ces médicaments ne pouvait être soumise aux dispositions de l’article L.121‐8, non seulement parce qu’elle ne s’adresse pas au consommateur, mais parce qu’assimiler les médecins aux consommateurs reviendrait à prétendre mal fondée la distinction opérée par le Code de la Santé Publique entre la publicité vers le public et celle vers les médecins. www.bdl-ip.com Ceci conduit à se demander si les notions de public et de consommateur sont identiques et d’une manière plus générale, ce qu’il faut entendre par consommateur. Ces imprécisions devraient peut‐être conduire une réforme des textes, au demeurant rendue nécessaire pour harmoniser le droit français et le droit communautaire , et ce d’autant plus que la publicité comparative pose d’incontestables problèmes d’application dans le domaine du médicament. II Les articles L.121­8 et suivants du Code de la Consommation et le médicament soumis à ordonnance, de nombreux problèmes d’application. L’un des problèmes d’application rencontrés découle de la notion même de publicité dans le domaine du médicament. Un second résulte du développement des médicaments génériques. 1 La notion de publicité dans le domaine du médicament. L’examen des décisions rendues montre qu’il est difficile de tracer une frontière précise entre information qui ne vise pas à promouvoir et publicité. On peut en effet penser que toute présentation d’un médicament a presque toujours pour objet sa promotion sauf si cette présentation est le fait de personnes tout à fait tiers au laboratoire fabricant le médicament ou si elle a lieu dans des circonstances particulières. D’autre part, le médecin prescripteur a besoin d’avoir une information précise sur le produit et ses conséquences, information qui se passe difficilement d’une comparaison avec les autres matières actives existant sur le marché ou leur présentation galénique. Ceci conduirait à une application à tout le moins extrêmement fréquente des dispositions des articles L.121‐8 et suivant si ces articles devaient être considérés comme applicables. Or, l’une des particularités de ces dispositions est de prévoir, quand la publicité comparative porte sur des prix, qu’elle doit concerner " des produits identiques ", ce qui rend en principe impossible une comparaison de prix dans le domaine du médicament. Il faut rappeler d’autre part que la jurisprudence considère qu’il n’est pas nécessaire que le professionnel visé dans la publicité soit identifié pour que les dispositions du Code de la Consommation trouvent application ; il suffit qu’il soit identifiable. Ainsi, l’annonce qui se contente de faire état du principe actif d’un médicament auquel un autre médicament est comparé est susceptible de tomber également sous le coup de www.bdl-ip.com ces dispositions. Enfin, l’annonceur doit avant toute diffusion de sa publicité comparative, la communiquer aux professionnels visés, disposition dont le respect est très fréquemment contesté dans les litiges relatifs à la publicité comparative . Ces dispositions prennent encore plus d’importance avec le développement des médicaments génériques. 2 Le développement des génériques. L’article L.601‐6 du Code de la Santé Publique dispose " qu’on entend par spécialité générique d’une autre spécialité une spécialité qui a la même composition qualitative et quantitative en principes actif, la même forme pharmaceutique, et dont la bioéquivalence avec l’autre spécialité a été démontrée par des études appropriées de biodisponibilité ". On peut alors se demander si toute présentation de ces génériques n’implique pas nécessairement une comparaison de ceux‐ci avec le produit leader. En effet, le médicament générique a pour caractéristique d’être essentiellement similaire de celui‐ci, cette similarité doit même avoir été démontrée, et non de présenter une nouveauté thérapeutique. On peut également s’interroger sur le point de savoir si la publicité comparative en faveur des génériques n’est pas alors rendue impossible par les dispositions de l’article L.121‐9 qui prévoient qu’ " aucune comparaison ne peut présenter des produits ou des services comme l’imitation ou la réplique de produits ou services revêtus d’une marque préalablement déposée ". Ainsi, applicable ou pas au domaine du médicament, on ne peut que constater en tout cas l’inadaptation des dispositions relatives à la publicité comparative à ce produit spécifique et à son mode de diffusion particulier. A tout le moins, les articles L.128‐1 et suivants du Code de la Consommation seront un frein important au développement des médicaments génériques dont les laboratoires fabricants de produits leaders ne manqueront pas de se servir. A cet égard, le développement des contentieux est une nouvelle donnée qui témoigne d’un changement d’attitude des laboratoires face aux évolutions du marché des médicaments. C’est la raison pour laquelle, à l’occasion de la réflexion qui va nécessairement devoir s’engager pour mettre la réglementation française en conformité avec les dispositions de la directive du 6 octobre 1997 modifiant la directive 84/450/CE afin d’y inclure la publicité comparative, il paraît utile sinon nécessaire que la question de la publicité comparative entre médicaments soit abordée et clarifiée. www.bdl-ip.com ( article publié dans La Gazette du Palais. 16 ‐ 17 Juin 1999.) www.bdl-ip.com Aurélia MARIE © CABINET BEAU DE LOMENIE – 1999 
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