de cigarette, notamment du “courant secondaire” (c’est-à-dire la
fumée émise par le fumeur) et du “courant tertiaire” (la fumée émise
par la cigarette qui se consume) sur des rats. Compte tenu des habi-
tudes tabagiques (c’est-à-dire du sex-ratio très en faveur des hommes
dans la population des fumeurs) ayant eu cours jusqu’à la fin des
années 1970, il avait été avancé que la fumée produite à domicile
par l’entourage familial fumeur pourrait être impliquée dans la sur-
venue de cancers bronchiques chez des femmes non fumeuses. Dans
les années 1980, une étude suédoise démontrait l’augmentation du
risque de cancer bronchique chez les femmes exposées à un taba-
gisme passif (51). En 1992, l’agence américaine de protection de
l’environnement estimait que le tabagisme passif pouvait être res-
ponsable de 3 000 décès par an aux État-Unis.
En pratique, même s’il a été démontré que l’interrogatoire peut être
considéré comme fiable et reproductible dans le temps (52), il
demeure très difficile d’évaluer et de quantifier précisément l’expo-
sition au tabagisme passif (52, 53). De plus, il n’existe pas actuel-
lement de dosage de marqueur biologique validé pour aider à
apprécier cette exposition, et l’on note le plus souvent une discor-
dance entre les études expérimentales et les données épidémio-
logiques (54). Charloux et al. (53)ont repris les résultats des diffé-
rentes études réalisées sur ce sujet entre 1981 et 1994. Sur 12 études
de type cas-témoins publiées entre 1987 et 1994 et concernant de
23 à 653 patients, les OR relevés dans la population exposée étaient
compris entre 1,13 et 2,6. Les deux études de cohortes réalisées
entre 1960 et 1981 retrouvent des RR entre 1,18 et 1,45. Enfin,
5méta-analyses effectuées à partir des résultats de différents pays
retrouvent des RR compris entre 0,95 et 2,01 (53).
Les études publiées plus récemment (31, 34, 55, 56) retrouvent des
OR compris entre 1,10 (55)et 2,6 (35), en fonction du type d’expo-
sition (familiale, professionnelle, sociale) (55), de l’importance du
tabagisme du (ou des) fumeur(s) responsable(s) de l’exposition (57),
et du caractère poursuivi ou interrompu de l’exposition (35).
Une étude épidémiologique (54)a mis en évidence un risque supé-
rieur mais non statistiquement significatif pour les femmes exposées
au tabagisme passif, par rapport aux hommes exposés de façon
comparable (OR : 1,6 [IC95 : 0,7-3,8] versus 1,1 [IC95 : 0,6-1,9]). Les
auteurs pensent que c’est probablement la faible puissance sta-
tistique liée aux petits échantillons qui empêche d’atteindre le
seuil de significativité. Enfin, dans une étude récemment publiée
(58), sur 810 patientes présentant un cancer bronchique, seules
4,6 % n’avaient jamais été exposées au tabagisme, ni actif ni passif.
Parmi les non-fumeuses, 82 % étaient exposées au tabagisme pas-
sif, parental le plus souvent, marital (44 %) ou sur le lieu de travail
(37 %) (58). La question du tabagisme passif n’est donc pas très
bien tranchée, même s’il semble que son importance reste actuelle-
ment sous-estimée.
Les facteurs alimentaires
La consommation de légumes verts et de carottes en grande quan-
tité ainsi que de fruits riches en vitamine C est le plus souvent
retrouvée comme facteur protecteur du cancer bronchique (59-62),
avec des RR par rapport à une population témoin compris entre
0,4 (59) et 0,79 (61).
Il est toutefois difficile de savoir avec précision qui bénéficie de
cette “protection”. Une étude (61)ne retrouve cet effet protecteur
que chez les femmes, alors qu’une autre (63), au contraire, ne met
en évidence qu’un avantage chez les hommes. Une dernière étude,
enfin, ne retrouve pas de différence liée au sexe (34).
PRÉSENTATION CLINIQUE ET RADIOLOGIQUE
DU CANCER BRONCHIQUE CHEZ LES FEMMES
L’âge au moment du diagnostic
Les données concernant l’âge au moment du diagnostic sont dis-
cordantes dans la littérature. De Perrot et al. (64) ont comparé
198 femmes et 839 hommes opérés pour un cancer bronchique non
à petites cellules (CBNPC) dans le même hôpital entre 1977 et 1996.
Les résultats montraient un âge moyen comparable dans les deux
populations (respectivement de 61 ± 9 ans et de 62 ± 10 ans ;
p=0,8). Ouellette et al. (65), rapportent également un âge moyen
comparable chez 104 femmes et 104 hommes étudiés de mars 1988
à juin 1990.
En revanche, deux autres études nord-américaines (12, 66), portant
respectivement sur 927 patients ayant un cancer bronchique tous
stades et toutes histologies confondus et 481 patients opérés d’un
CBNPC, rapportent un âge au diagnostic significativement infé-
rieur chez les femmes. Dans la première série (12), l’âge moyen
des 197 femmes est de 63,5 ± 0,85 ans, contre 67,6 ± 0,37 ans pour
les hommes (p < 0,0001). Dans la seconde (66), l’âge moyen des
186 femmes est de 60,7 ± 0,8 ans, contre 63,6 ± 0,6 ans pour les
hommes (p = 0,005). Une série polonaise récente concernant
2875 femmes et 17 686 hommes retrouve également un âge infé-
rieur chez les femmes (60,02 ans versus 62,18 ans ; p < 0,001) (67).
Enfin, dans une étude prospective de 4 618 patients de la Mayo
Clinic, l’âge des femmes au moment du diagnostic de cancer
bronchique était significativement inférieur à celui des hommes
(66 ans versus 68 ans ; p < 0,01) (15).
Les symptômes
De Perrot et al. (64)ont également comparé les symptômes présen-
tés le plus fréquemment par les patients de leur série. Il apparaît que
32 % des femmes versus 20 % des hommes sont asymptomatiques
au moment du diagnostic (p = 0,006). Par ailleurs, lorsqu’elles pré-
sentaient des symptômes, on notait chez les femmes moins d’hémo-
ptysies (p < 0,01), moins d’infections bronchopulmonaires récidi-
vantes (p = 0,007), moins de douleurs thoraciques (p = 0,02) et une
perte de poids moins fréquente (p = 0,02). La toux, en revanche,
n’était pas significativement plus fréquente chez les femmes
(15 %, contre 11 % chez les hommes). Il s’agit pourtant du signe
clinique le plus fréquemment retrouvé dans l’une des premières
études à s’être intéressée au cancer bronchique, sur une série de
50 femmes (68). Il semble en effet que les femmes ont une sensi-
bilité significativement accrue au réflexe de toux par rapport aux
hommes (69).
La dépression réactionnelle est également plus souvent retrou-
vée chez les femmes (70). Toutes histologies confondues, la pré-
valence de la dépression est de 41 %, contre 29 % chez les
hommes (p = 0,0004). Cette différence se retrouve dans le groupe
des CBNPC (31 % chez la femme versus 19 % chez l’homme ;
p=0,007). En revanche, elle n’est plus significative pour les CPC
(p = 0,26) (70).
11
La Lettre du Pneumologue - Volume VIII - no1 - janvier-février 2005