CANCER DU POUMON
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La Lettre du Cancérologue - Volume XII - no6 - novembre-décembre 2003
DURÉE DE LA CHIMIOTHÉRAPIE
Deux études randomisées antérieures (21, 22) ont comparé une
chimiothérapie de courte durée à une chimiothérapie plus longue,
et étaient en faveur d’un nombre de cures compris entre trois et
quatre. Une nouvelle étude présentée lors de la WCLC (23) com-
pare l’association carboplatine-vinorelbine prescrite pendant trois
ou six cycles. On constate comme dans les études précédentes
une difficulté à administrer la chimiothérapie pendant six cycles,
ce qui plaide définitivement pour une durée courte (trois à quatre
cycles) de la chimiothérapie de première ligne.
Une étude française réalisée dans les années 1990 avait rando-
misé un traitement de maintenance par la vinorelbine après induc-
tion par association MIP. Cette étude n’avait pas conclu à l’inté-
rêt du traitement de maintenance par vinorelbine, et avait
démontré la difficulté à réaliser cette maintenance et la toxicité
potentielle de ce traitement (24). Une nouvelle étude (25) évalue
un concept un peu différent, avec un doublet gemcitabine-
cisplatine pendant quatre cycles, puis, après randomisation, soit
une surveillance, soit un traitement d’entretien par la gemcita-
bine 250 mg/m2J1 et J8 tous les 21 jours jusqu’à progression ou
toxicité. Les résultats préliminaires concernent les 215 premiers
patients randomisés (sur les 353) : 143 dans le bras gemcitabine,
73 dans le bras surveillance.
La chimiothérapie de maintenance par gemcitabine semble aug-
menter le taux de réponse, puisqu’il est de 31 % après les quatre
cycles initiaux et qu’il monte ensuite, après maintenance, à 44 %.
Le temps avant progression est lui aussi augmenté, puisqu’il
passe de 5 mois dans le groupe surveillance à 6,6 mois dans le
groupe gemcitabine. Mais ces résultats sont encore préliminaires,
et doivent être confirmés avant d’être justifiés en pratique clinique
courante.
LES TRAITEMENTS ADJUVANTS DES CANCERS
BRONCHIQUES “NON À PETITES CELLULES” (CBNPC)
OPÉRABLES
La chirurgie reste depuis plus de cinquante ans le traitement de
référence des carcinomes bronchiques non à petites cellules de
stades I et II. Ses résultats, assez constants et reproductibles en
termes de guérison, sont reconnus par les chirurgiens, les méde-
cins et, bien sûr, les patients. Cependant, l’étude attentive des
nombreuses séries chirurgicales montre qu’environ un patient
sur deux va rechuter de sa maladie et en mourir. Pour les stades I
et II, le site principal de rechute est métastatique, témoignant
d’une grande agressivité de ces tumeurs même lors des stades les
moins avancés. La chimiothérapie ainsi que la radiothérapie ont
été proposées comme traitement adjuvant à la chirurgie.
L’absence d’intérêt de la radiothérapie dans ces stades I et II a
été suggérée par la méta-analyse PORT (26). Pour ce qui est de
la chimiothérapie, malgré de nombreuses études randomisées
réalisées dans les années 1980 et le début des années 1990 et fai-
sant intervenir de nombreuses équipes internationales, notamment
le Lung Cancer Study Group, il n’a pas été possible de démon-
trer l’intérêt d’une chimiothérapie adjuvante après résection com-
plète d’un carcinome non à petites cellules. La grande majorité
de ces études n’avaient pas montré d’intérêt à l’administration
d’une chimiothérapie adjuvante, et seule une étude (27) était
positive. Une méta-analyse de ces études randomisées réalisées
entre janvier 1965 et décembre 1991 (28) a montré que la chi-
miothérapie adjuvante réduisait le risque de décès de 3 % à 2 ans
et 5 % à 5 ans. Plusieurs études multicentriques ont été initiées
pour tenter de confirmer ces résultats (tableau III).
Quatre études sont désormais disponibles : deux d’entre elles
n’ont pas démontré l’intérêt de la chimiothérapie adjuvante, alors
que les deux plus récentes, présentées cette année à l’ASCO et à
la WCLC, montrent un bénéfice modeste, mais incontestable, en
faveur de la chimiothérapie. Ce bénéfice est comparable à celui
que l’on observe dans d’autres localisations tumorales telles que
les cancers du sein ou du côlon. Un essai japonais (29) a porté
sur une chimiothérapie adjuvante par de l’UFT (prodrogue du
5 fluoro-uracile) administré par voie orale. Cette étude a rando-
misé près de 1 000 malades atteints d’adénocarcinomes bron-
chiques à des stades précoces. L’étude a comparé un groupe chi-
rurgie seule et un groupe chirurgie suivie par un traitement par
l’UFT à la dose de 250 mg/m2/j par voie orale pendant deux ans.
Tableau III. État d’avancement des différentes études de chimio-
thérapie adjuvante.
Nom Pays Chimiothérapie n Résultats
E3590 États-Unis 4 x VP16-P 488 Négatifs
ALPI-EORTC Italie/Europe 3 x MVP 1 197 Négatifs
IALT International 3/4 x V-P 1 867 Positifs
JAUFS Japon UFT x 2 ans 999 Positifs
NCI-C Canada/ 4 x NVB-P 482 Résultats
États-Unis en attente
INT 0115 États-Unis 4 x VP16-P 462 Résultats
en attente
ANITA 01 International 4 x NVP-P 840 Résultats
en attente
ANITA 02 International 16 NVB 311 En cours
CALGB 96 33 États-Unis 4 x Taxol-Carbo 196/504 En cours
BLT International 3 x V-P 481 Résultats
en attente
Tableau II. Comparaison docétaxel-gemcitabine/vinorelbine-
cisplatine.
Docétaxel- Vinorelbine-
gemcitabine cisplatine
(n = 155) (n = 156)
Décès 131 130
Médiane (mois) [IC
95
] 11,3 [10,0-12,6] 9,8 [8,2-12,0]
Survie à 1 an (%) 47 43
Réponse (%) 31 35,9
Effet indésirable sérieux (%) 21,9 35,9*
Neutropénie grade 3-4 (%) 52,3 83,4
* p < 0,01.