CHRONIQUE DU DROIT
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La Lettre du Pneumologue - Volume IX - no2 - mars-avril 2006
MESSAGES CLÉS (CONFERENCE DE CONSENSUS ANAES 2
ET 3 DÉCEMBRE 2004)
1. La santé, l’intégrité et la dignité des personnes gardées à vue
doivent être sauvegardées.
2. Il est recommandé à l’OPJ de réquisitionner, chaque fois
que cela est possible, des médecins répondant à des critères
d’indépendance et de compétence, inscrits à ce titre, sur une
liste établie par le procureur de la République et requis à tour
de rôle.
3. Il est recommandé au médecin de pratiquer l’examen médi-
cal dans les locaux de police ou de gendarmerie pour pouvoir
apprécier les conditions de rétention. Si celles-ci sont jugées
indignes par le médecin, ce dernier peut signaler ses observa-
tions sur le registre de GAV, refuser, sur son certificat médical,
de se prononcer sur l’aptitude à la GAV, et/ou demander que la
personne gardée soit examinée à l’hôpital, voire dénoncer par
courrier au procureur de la République les situations constituant
un délit ou portant atteinte à la dignité humaine.
4. Il est recommandé aux OPJ d’utiliser des réquisitions types.
Ces réquisitions devraient comporter au minimum trois
demandes :
– une demande sur la compatibilité de l’état de santé de la per-
sonne avec le maintien en GAV dans les locaux de police ou de
gendarmerie ;
– une demande de constatation d’éventuelles lésions ou blessures ;
– une demande d’indication sur la capacité de la personne à
répondre aux interrogatoires.
5. Pour la compatibilité avec le maintien en GAV, le médecin a
trois options principales, soit certifier que la garde à vue :
– peut se poursuivre sur place et sans condition particulière ;
– peut se poursuivre sur place à certaines conditions ;
– ne peut se poursuivre sur place.
Le jury souligne que le recours à la compatibilité conditionnelle
(par exemple, heure limite de rétention, nécessité d’un nouvel
examen, réalisation de soins sur place ou à l’hôpital, conditions
particulières de GAV) est une option permettant souvent de
concilier les impératifs médicaux et ceux de l’enquête.
6. Le médecin est soumis à une obligation de soin et de préven-
tion, même s’il n’est pas médecin traitant. Il doit prescrire et
faire procurer à la personne gardée à vue les traitements néces-
saires en urgence ainsi que les traitements en cours.
7. Le médecin doit respecter son devoir d’information et de
recueil de consentement. Le jury insiste sur la nécessité, pour le
médecin, d’informer très précisément la personne gardée à vue
du cadre de l’intervention médicale et de ses conséquences. Le
médecin doit avertir la personne gardée à vue chaque fois que
le secret médical ne peut être totalement respecté, notamment à
l’occasion de la délivrance des médicaments.
8. Il est recommandé que l’examen soit pratiqué dans l’optique
du repérage des principaux risques : suicide, pathologies men-
tales, conduites addictives, risques infectieux, pathologies à
risque de décompensation (asthme, diabète, etc.).
9. Les gardiens peuvent jouer un rôle de surveillance et de déli-
vrance des médicaments. Ce rôle ne peut aller au-delà de ce qui
peut être demandé à l’entourage familial en milieu libre, et doit
être précisé par écrit sur le certificat médical initial.
10. Il est recommandé que la réponse médicale (rapport d’exa-
men de GAV) prenne la forme d’un document uniformisé à
l’échelle nationale et comportant deux volets :
– le premier volet constituant le certificat médical remis à l’auto-
rité requérante ;
– le second volet, non transmis à l’autorité requérante, consti-
tuant le dossier médical confidentiel, conservé par le médecin.
11. La plus grande prudence est recommandée pour ce qui est du
recours aux expertises psychiatriques et pour les déterminations
d’âge (mineur, immigrant illégal), ainsi que pour leur interpré-
tation dans le contexte de la GAV.
PARTICULARITÉS DE L’EXAMEN EN GARDE À VUE
L’examen médical en GAV revêt un caractère particulier dans la
mesure où il se déroule chez une personne privée de liberté, par
un médecin la plupart du temps non choisi par le gardé à vue, et
dans des conditions matérielles pouvant être difficiles (pas de
salle d’examen, pas de matériel…).
Il existe, dans ces conditions, un risque important (et particulier)
de fausses allégations, de dissimulation et de décompensation de
certaines pathologies.
L’examen médical va s’attacher à :
– rechercher les antécédents médicaux (pathologies à risque de
décompensation, conduite addictive, trouble psychiatrique, etc.) ;
– recueillir les doléances du patient ;
– réaliser un examen clinique complet ;
– faire pratiquer d’éventuels examens complémentaires en milieu
spécialisé (service d’urgence) afin d’évaluer au mieux la situa-
tion clinique si cela s’avère nécessaire (radiographies en cas de
suspicion de fracture, dosage de glycémie, dosage toxicologique
en cas de suspicion d’intoxication aiguë, etc.), voire demander
des avis spécialisés (avis psychiatrique…) ;
– prescrire un traitement médical pour la durée de la GAV. Il
n’est pas question pour le médecin intervenant de prescrire un
traitement (sauf urgence médicale), mais de poursuivre un trai-
tement en cours ne pouvant être interrompu sans risque (bêta-
bloquant, bronchodilatateur, antidiabétique, etc.) ;
– établir un certificat médical mentionnant les conditions par-
ticulières éventuelles de poursuite de la GAV avec prescrip-
tion et délivrance de médicament en indiquant les horaires et
les modalités de prise, les conditions de surveillance de la
personne ;