A Hormonothérapie des cancers du sein et pharmacogénétique DOSSIER THÉMATIQUE

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DOSSIER THÉMATIQUE
Hormonothérapie des cancers
du sein et pharmacogénétique
Breast cancer hormone therapy and pharmacogenetics
J. Robert*
A
vec la recherche systématique de l’expression des récepteurs hormonaux il y a plus
de 30 ans et celle de l’amplification du gène
ERBB2 depuis moins de 10 ans, les cancers du sein
sont les premiers cancers qui ont bénéficié de la
volonté d’individualiser les choix thérapeutiques.
La détermination de signatures “transcriptomiques”
pronostiques (MammaPrint®, Oncotype DX®) fait
l’objet d’études cliniques rigoureuses sur d’importantes cohortes de patientes. Une autre voie vers l’individualisation de la prise en charge est la recherche
de polymorphismes génétiques constitutionnels
prédictifs de l’efficacité et de la toxicité des traitements ; le développement de la pharmacogénétique
est encore balbutiant mais constitue un défi majeur
pour le progrès thérapeutique.
Les traitements hormonaux
des cancers du sein
Plus des deux tiers des cancers du sein sont hormonodépendants, c’est-à-dire qu’ils expriment les récepteurs des hormones sexuelles, estrogènes (RE) et/
ou progestérone (RP). En situation néo-adjuvante,
adjuvante et palliative, ces cancers sont sensibles
aux traitements hormonaux et justifient leur instauration En effet, l’hormonothérapie est efficace dans
environ 75 % des cancers exprimant les 2 récepteurs
(RE+/RP+), dans 50 % des cancers exprimant un seul
type de récepteur (RE+/RP– ou RE–/RP+), mais dans
moins de 10 % des cancers n’exprimant aucun des
2 récepteurs (RE–/RP–). En dehors de la castration,
chirurgicale ou chimique, plusieurs types de traitements hormonaux sont utilisés : les composés
capables de bloquer les récepteurs des estrogènes,
comme le tamoxifène ; les composés capables de
réguler négativement l’expression de ces récepteurs,
comme le fulvestrant ; et les composés capables
de réduire la production des estrogènes actifs, qui
sont les antiaromatases, représentés par plusieurs
molécules telles que l’exémestane, l’anastrozole
et le létrozole.
De nombreux marqueurs biologiques de sensibilité
à l’hormonothérapie ont été recherchés afin d’optimiser la prescription des molécules disponibles, sur
le plan de l’efficacité d’une part, mais aussi sur le
plan de la toxicité. Au premier rang de ces marqueurs
figurent bien sûr les récepteurs hormonaux, et
l’hormono­thérapie peut être considérée comme
la première thérapie ciblée en cancérologie. Plus
récemment, il a été montré que certaines mutations
du récepteur ERα (gène ESR1), comme la mutation
K303R, étaient associées à une résistance au tamoxifène et à une hypersensibilité aux estrogènes (1). Il
en est de même pour une variation d’épissage du
récepteur ERα qui conduit à une forme tronquée (2).
Indirectement, de nombreux marqueurs moléculaires
tumoraux peuvent être associés à l’hormonosensibilité (3) : mutations de p53, surexpression de ERBB2,
surexpression de micro-ARN comme miR-221 et
miR-222, surexpression de AIB1 (Amplified In Breast
Cancer 1), qui module le récepteur des estrogènes,
expression de récepteurs “accessoires” des estrogènes comme ERβ ou ERRα.
Des polymorphismes génétiques peuvent expliquer
une partie des différences individuelles d’efficacité
et de toxicité de ces traitements. Ils peuvent être
recherchés au niveau des gènes qui contrôlent le
transport, l’activation et la détoxication des médicaments utilisés ou au niveau des gènes codant
pour les cibles de ces médicaments : récepteurs
des hormones, enzymes de synthèse des estrogènes, etc. Dans le premier cas, ce sont les variants
* Université de Bordeaux 2, Inserm
U916, institut Bergonié, Bordeaux.
La Lettre du Pharmacologue • Vol. 24 - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2010 | 129
Résumé
Mots-clés
Polymorphismes
Tamoxifène
Antiaromatases
Cytochrome P450
2D6
Aromatase
Abstracts
More than two thirds of
breast cancers are hormonedependent and justify hormone
therapy (tamoxifen or antiaromatases), especially in the
adjuvant setting. Polymorphisms of genes involved in
the metablism of these drugs
may influence their efficacy and
their toxicity. The largest documentary evidence concerns
CYP2D6, a cytochrome which
activates tamoxifen into endoxifen, and for which numerous
variants of low or null activity
have been identified. There is,
therefore, a large individual
variation in tamoxifen activation, and those patients having
low activation rate are at risk
of early recurrence and shorter
disease-free survival. In addition, some antidepressants that
are active against the sideeffects of tamoxifen are strong
inhibitors of CYP2D6 and their
prescription may also lead to
an increase in early relapse
and a reduction in diseasefree survival. Several other
genes have been the matter of
still preliminary studies, which
require confirmation before
being used for the individualisation of hormone therapy.
Keywords
Polymorphism
Tamoxifen
Anti-aromatases
Cytochrome P450 2D6
Aromatase
Plus des deux tiers des cancers du sein sont hormonodépendants et justifient, surtout en situation adjuvante,
un traitement hormonal, par tamoxifène ou antiaromatases. Des polymorphismes de gènes impliqués dans
le métabolisme de ces médicaments peuvent influencer leur efficacité et leur toxicité. Le cas le plus documenté est celui du cytochrome P450 2D6 (CYP2D6), qui active le tamoxifène en endoxifène, pour lequel de
nombreux variants dépourvus d’activité ont été identifiés. Il existe une grande diversité dans la capacité
individuelle d’activation du tamoxifène, et les patientes ayant un faible degré d’activation sont à risque
de récidive précoce. En outre, certains antidépresseurs actifs contre les effets secondaires du tamoxifène
inhibent le CYP2D6, et peuvent également augmenter le risque de récidive précoce. Plusieurs autres gènes
ont fait l’objet d’études encore préliminaires, dont les résultats devront être confirmés avant d’être pris
en compte pour l’individualisation des traitements.
génétiques des transporteurs des familles ABC et
SLC, des cytochromes, des glucurono- ou sulfotransférases que l’on cherchera à associer à l’activité clinique des traitements hormonaux. Pour
le second, les variants génétiques des récepteurs
hormonaux et de leurs régulateurs, ainsi que ceux
de l’aromatase, seront à prendre à considération.
Nous disposons à l’heure actuelle dans la littérature de résultats bien documentés pour quelques
gènes potentiellement impliqués dans la réponse
à l’hormonothérapie, et de résultats encore très
fragmentaires pour la plupart des autres gènes.
Des études cliniques sont en cours afin d’identifier
des associations significatives entre ces polymorphismes et l’efficacité ou la toxicité de l’hormonothérapie des cancers du sein.
Polymorphismes
du cytochrome P450 2D6
et tamoxifène
On a longtemps considéré que le tamoxifène était
essentiellement métabolisé en 4-hydroxytamoxifène, certes beaucoup plus actif que le tamoxifène
en raison de son affinité 100 fois supérieure pour le
récepteur des estrogènes, mais présent en concentrations relativement faibles. Vers le milieu des années
2000 fut découvert l’endoxifène (N-déméthyl-4hydroxytamoxifène), aussi actif que le 4-hydroxytamoxifène mais présent dans le plasma à une
concentration 10 fois supérieure à celle du tamoxifène. Deux cytochromes agissent successivement
pour métaboliser le tamoxifène : le CYP3A4/5, qui
assure la N-déméthylation, et le CYP2D6, qui assure
la 4-hydroxylation (4). On sait que le CYP3A4 est
relativement peu polymorphe, le variant génétique
le plus fréquent ne se rencontrant que chez 1 % des
sujets, mais le CYP2D6 est connu de longue date
comme hautement polymorphe. Plusieurs dizaines
de SNP ont été identifiés, certains n’ayant aucun
effet (variation silencieuse), d’autres étant associés
à une activité réduite de l’enzyme, d’autres encore
à une activité nulle en raison de l’introduction d’un
codon stop dans la séquence de lecture (5). En particulier, les allèles que l’on appelle *3, *4, *5 et *6
ont une activité nulle. La fréquence relative de ces
130 | La Lettre du Pharmacologue • Vol. 24 - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2010
allèles “nuls” est de 1 à 3 % pour les allèles *3, *5 et
*6, mais l’allèle *4 a une fréquence relative de 15 à
20 % dans la population caucasienne. Enfin, il peut
y avoir une amplification du locus chromosomique
du gène CYP2D6 aboutissant à une surexpression
de la protéine, qui concerne environ 5 % des sujets
caucasiens.
En raison de l’existence de ces polymorphismes,
on peut observer plusieurs phénotypes en ce qui
concerne l’activité CYP2D6 ; ces phénotypes sont
déterminés par mesure de la métabolisation de
certains substrats du CYP2D6, comme la débrisoquine ou la spartéine (5) :
➤➤ des sujets ayant une hyperactivité CYP2D6 en
raison de l’amplification du gène (ultrarapid metabolisers, UM) ;
➤➤ des sujets ayant une activité enzymatique
normale car n’ayant pas d’allèles “nuls” (extensive
metabolisers, EM) ;
➤➤ des sujets ayant une activité enzymatique diminuée, généralement hétérozygotes pour l’un des
allèles “nuls” (intermediate metabolisers, IM) ;
➤➤ des sujets ayant une activité enzymatique quasi
nulle, car ayant deux allèles “nuls” (poor metabolisers, PM).
En appliquant ces données au tamoxifène, on
comprend que les sujets PM activent très faiblement le tamoxifène en endoxifène et courent par
conséquent le risque d’une inefficacité du médicament. Notons toutefois que la situation n’est pas
aussi simple et que la distribution des phénotypes
est relativement continue, en raison de l’existence
d’allèles pour lesquels l’activité de la protéine est
diminuée sans être nulle. Un de ces allèles, l’allèle
*10, est particulièrement fréquent chez les sujets
asiatiques, et cela doit être pris en compte dans les
études réalisées au Japon, en Chine ou en Corée.
Plusieurs études (6-11) ont montré l’existence d’une
relation significative entre le statut CYP2D6 et la
survie des patientes traitées par tamoxifène, le plus
souvent en situation adjuvante. Les patientes ayant
une métabolisation faible du tamoxifène en endoxifène ont une survie sans progression plus brève
que les patientes ayant une métabolisation normale
(figure). Toutefois, ces études sont pour la plupart
rétrospectives et n’utilisent pas la même définition
du statut CYP2D6 : faut-il classer les IM avec les EM
DOSSIER THÉMATIQUE
Polymorphismes des autres
gènes impliqués dans le
métabolisme du tamoxifène
Le tamoxifène est également le substrat des CYP3A4
et CYP3A5, qui le convertissent en N-déméthyltamoxifène et qui convertissent en endoxifène le
4-hydroxytamoxifène. Le CYP3A4 est peu polymorphe, et son variant allélique le plus fréquent
1,0
Survie sans récidive
ou avec les PM ? Comment prendre en compte les
allèles non “nuls” mais associés à une diminution
d’activité de la protéine ? Notons également que
certaines études analogues (12-13) n’ont pas montré
de différence significative de survie selon le statut
CYP2D6.
Le cytochrome CYP2D6 a pour substrats de
nombreux médicaments utilisés en cardiologie et
en neurologie ; certains de ces composés sont par
ailleurs des inhibiteurs de l’activité CYP2D6. Il avait
été remarqué, il y a longtemps, que certains effets
secondaires du tamoxifène, comme les bouffées
de chaleur, pouvaient être combattus par certains
antidépresseurs de la famille de la paroxétine.
En fait, Y. Jin et al. (14) ont montré que ces molécules
étaient de puissants inhibiteurs du CYP2D6 et que
leur association au tamoxifène avait un effet négatif
sur la survie des patientes, du même ordre que le
statut de métaboliseur intermédiaire ou faible : ils
convertissent, en quelque sorte, les sujets EM en
IM ou PM (14). On comprend ainsi que ces anti­
dépresseurs inhibent tout autant les effets thérapeutiques du tamoxifène que ses effets secondaires, en
inhibant la production du métabolite le plus actif,
l’endoxifène.
Les leçons que l’on peut tirer de ces travaux pour
la pratique clinique ne sont pas claires, et il faudra
attendre les résultats des études prospectives
pour pouvoir proposer une individualisation de
la prescription de tamoxifène. Faudra-t-il réaliser
un génotypage du CYP2D6 avant la prescription ?
Faudra-t-il étudier la formation d’endoxifène en le
dosant dans le plasma ? Lorsqu’on aura à réaliser
de tels examens, faudra-t-il augmenter les doses de
médicament ou proposer aux patientes un traitement hormonal alternatif (antiaromatase associé,
pour les femmes non ménopausées, à un inhibiteur
de la LHRH) ? Faut-il dès à présent déconseiller la
prescription des antidépresseurs comme la paroxétine et la fluoxétine aux patientes sous tamoxifène ?
Telles sont les questions auxquelles ces études
devront répondre.
0,8
EM
Autres
0,6
0,4
p = 0,012
0
30
60
90
120
Temps (mois)
Figure. Probabilité de survie sans récidive de patientes atteintes de cancer du sein traitées
par tamoxifène en situation adjuvante, en fonction de leur statut CYP2D6. D’après (9)
et reproduite avec la permission de l’American Society for Clinical Oncology, © 2008, tous
droits réservés. EM : métaboliseurs extensifs ; Autres : métaboliseurs intermédiaires ou nuls.
chez les Caucasiens (*1B) n’est présent que chez 1 à
2 % des sujets. En revanche, le CYP3A5 est absent
chez environ 80 % des Caucasiens en raison d’un
polymorphisme au niveau d’une zone d’épissage
(*3C). Ce polymorphisme ne semble pas influencer le
métabolisme du tamoxifène ni la survie des patientes
traitées (6, 14, 15). La spécificité croisée de ces
2 cytochromes explique sans doute que l’absence
de fonctionnalité de l’un d’eux n’ait pas de conséquence majeure.
Les métabolites du tamoxifène sont pris en charge
par des enzymes de conjugaison, la sulfotransférase
1A1 (SULT1A1) et l’UDP-glucuronosyltransférase
2B15 (UGT2B15). Il existe un SNP non synonyme au
niveau du gène SULT1A1 (R213H) qui a été associé à
une diminution de la demi-vie de l’enzyme et à une
diminution de la sulfoconjugaison (16). Des études
cliniques ont montré qu’il y avait une association
entre la présence du polymorphisme et le risque
métastatique (et la diminution de la survie) des
patientes traitées par tamoxifène en situation adjuvante (12, 13, 17). De la même façon, il existe un SNP
non synonyme au niveau du gène UGT2B15 (D85Y).
Une étude a montré une tendance à l’association
entre la présence de ce polymorphisme et le risque
métastatique des patientes traitées par tamoxifène
en situation adjuvante (12). Une confirmation de ces
études préliminaires est attendue.
La Lettre du Pharmacologue • Vol. 24 - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2010 | 131
DOSSIER THÉMATIQUE
Oncologie
Hormonothérapie des cancers du sein et pharmacogénétique
Dans la mesure où le tamoxifène lui-même, et
plus probablement ses conjugués, peuvent être
transportés par diverses protéines ABC, une étude
a recherché des associations entre des polymorphismes des gènes de 3 de ces transporteurs (ABCB1,
ABCC2 et ABCG2) et l’efficacité du tamoxifène en
situation adjuvante (18). Sur 51 polymorphismes
étudiés, cette étude a mis en évidence une association entre un polymorphisme intronique d’ABCC2,
rs3740065, et la survie sans progression.
Polymorphismes du récepteur
des estrogènes
Peu de travaux ont été consacrés aux polymorphismes du gène ESR1. C’est pourtant un déterminant important de l’oncogenèse mammaire
et le gène cible du tamoxifène. Il n’existe pas de
polymorphismes non synonymes fréquents de la
séquence codante du récepteur, mais on sait que les
polymorphismes des régions 5ʹ et 3ʹ UTR, comme
les polymorphismes introniques, peuvent être
fonctionnels et jouer un rôle dans l’expression des
protéines. Des études d’épidémiologie moléculaire
ont recherché des associations entre de tels polymorphismes et le risque de cancer du sein, mais leurs
résultats sont plutôt décevants et les associations
trouvées peu significatives. Aucune relation entre
ces polymorphismes et l’efficacité du tamoxifène
n’a été mise en évidence. Toutefois, une étude a
montré une association entre la survenue d’accidents
thrombo­emboliques sous tamoxifène et la présence
de variants introniques du gène ESR1 (19). Une autre
éude a révélé une association entre les modifications
des lipides plasmatiques induites par le tamoxifène
et ces mêmes variants (20).
Polymorphismes des gènes
de synthèse des estrogènes
L’enzyme limitante de la voie de synthèse des estrogènes est l’aromatase (CYP19A1). Des différences
d’activité ou d’expression de cette enzyme, liées
à des polymorphismes génétiques, peuvent jouer,
d’une part, sur la disponibilité en estrogènes pour la
stimulation de la croissance mammaire et, d’autre
part, sur l’efficacité et/ou la toxicité des inhibiteurs
de l’aromatase. Plusieurs polymorphismes de l’aromatase sont fonctionnels : une étude expérimentale
a montré que le variant T201M présente une activité
enzymatique supérieure au type sauvage (21) et
une étude épidémiologique a mis en évidence une
association significative entre le variant R264C et
la survie globale de patientes chinoises atteintes
d’un cancer du sein (22). Toutefois, aucun polymorphisme de l’aromatase ne semble associé au risque
de survenue du cancer du sein (23).
Sur le plan pharmacogénétique, 2 SNP situés
dans la région 3ʹUTR semblent intéressants : une
première étude sur les cancers du sein métastatiques a montré une association significative entre
la présence d’un de ces polymorphismes (rs4646)
Tableau. Relations entre quelques polymorphismes génétiques et l’hormonothérapie des cancers du sein.
Gène
Polymorphisme
Fréquence
allélique*
Rôle du gène
Effet du polymorphisme
Références
CYP2D6
rs3892097 Autres variants
(*4)
20 %
1%
Métabolisme du tamoxifène
Diminution de l’efficacité du tamoxifène
CYP3A5
rs776746 (6986A>G)
(*3)
80 %
Métabolisme du tamoxifène
Absence d’effet sur l’activité du tamoxifène
6, 14, 15
SULT1A1
rs9282861
(R213H)
(*2)
20 %
Métabolisme du tamoxifène
Diminution de l’efficacité du tamoxifène
12, 13, 17
UGT2B15
rs1902023
(D85Y)
40 %
Métabolisme du tamoxifène
Diminution de l’efficacité du tamoxifène
12
ABCC2
rs3740065
10 %
Transport des métabolites
du tamoxifène
Augmentation de l’efficacité du tamoxifène
18
ESR1
rs9340799
(intron 1, IVS1–354)
35 %
Cible du tamoxifène
Augmentation du risque thromboembolique
du tamoxifène
Majore la diminution du cholestérol
sous tamoxifène 19
Augmentation de l’efficacité du létrozole
Diminution de l’efficacité du létrozole
24
25
CYP19A1
rs4646
(3’UTR)
25 %
Cible des inhibiteurs
de l’aromatase
* Les fréquences alléliques, approximatives, sont tirées des bases de données du NCBI pour des populations caucasiennes.
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6-14
20
DOSSIER THÉMATIQUE
et l’efficacité thérapeutique évaluée par le temps
jusqu’à progression (24). Le problème est qu’une
deuxième étude sur l’utilisation du létrozole en
situation néo-adjuvante est parvenue à des conclusions opposées concernant ce même SNP, les sujets
de génotype sauvage répondant plus souvent et
ayant une survie plus longue que les sujets de génotype variant (25). Bien sûr, cette différence peut
s’expliquer par des différences majeures entre les
2 études, la première s’adressant à des patientes
métastatiques ne répondant plus au tamoxifène, la
seconde à des patientes n’ayant jamais reçu d’hormonothérapie. De plus, la première a été réalisée
sur l’ADN extrait de blocs de paraffine de tumeur
et la seconde sur de l’ADN de cellules normales.
Quoi qu’il en soit, cette étude incite surtout à la
prudence et à la mise en œuvre d’études prospectives rigoureuses incluant un plus grand nombre
de patientes.
Conclusion
Nous n’avons, dans cette revue, qu’effleuré le
problème de la pharmacogénétique de l’hormonothérapie des cancers du sein en nous focalisant
sur les gènes dont les produits sont directement
impliqués dans le transport et le métabolisme des
médicaments concernés ou dont ils sont les cibles.
Bien d’autres gènes peuvent jouer un rôle majeur
dans la sensibilité et la résistance au tamoxifène
et aux antiaromatases : ces médicaments activent
ou inhibent des voies de signalisation en aval de
leurs cibles, conduisant à la survie ou à la mort
cellulaire. Les récepteurs des estrogènes peuvent
activer la prolifération en induisant la transcription
de nombreux gènes, comme la cycline D1 pour n’en
citer qu’un seul, dont les produits peuvent en retour
stimuler l’expression de ces récepteurs. Par ailleurs,
l’inhibition des récepteurs peut déclencher les voies
conduisant à l’apoptose, en particulier via l’activation de p53.
On comprend ainsi que les polymorphismes des
gènes CCND1 ou TP53 puissent être associés aux
effets du tamoxifène et des antiaromatases. L’exploration de la pharmacogénétique de l’hormonothérapie passe par des études plus globales, non
biaisées par le choix préalable de quelques gènes
d’intérêt, mais couvrant un ensemble beaucoup
plus vaste de voies métaboliques. De telles études,
couvrant plusieurs centaines de gènes, sont d’ores
et déjà programmées. Si l’on disposait d’un effectif
suffisant, des études de génome entier (genome-wide
association studies) permettraient certainement des
découvertes originales. Si ces études sont réalisables
dans le domaine de l’épidémiologie moléculaire,
elles relèvent encore de l’utopie dans le domaine
de la pharmacogénétique.
■
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