LICENCE DE MATHÉMATIQUES TROISIÈME ANNÉE Unité d’enseignement LCMA 5U12 ALGÈBRE Françoise GEANDIER Université Henri Poincaré Nancy I Département de Mathématiques . Table des matières I Anneaux · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · 1 1. Anneaux. 2. Sous-anneaux. 3. Relations d’équivalence - Corps des fractions d’un anneau intègre. 4. Homomorphismes. 5. Idéaux. 6. Polynômes à coefficients dans un anneau. 7. Anneaux-quotients. II Anneaux euclidiens, principaux, factoriels· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · 17 1. Anneaux euclidiens. 2. Anneaux principaux. 3. Anneaux factoriels. 4. Théorèmes de transfert aux anneaux de polynômes. 5. Polynômes irréductibles de Z[X]. III Groupes · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · 1. Groupes. 2. Homomorphismes. 3. Sous-groupes. 4. Relations d’équivalence dans les groupes. 5. Sous-groupes distingués - Groupes-quotients. 6. Groupes-quotients de (Z, +). 7. Groupes isomorphes. 8. Groupe symétrique. 31 IV Groupes commutatifs finis · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · 57 1. Somme directe de groupes. 2. p-groupes. 3. Groupes p-élémentaires. 4. Théorèmes de décomposition. V Extensions de corps · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · 1. Extensions algébriques. 2. Corps de rupture d’un polynôme. 3. Corps algébriquement clos - clôture algébrique. 4. Corps finis. 5. Théorème de Wedderburn. 71 I ANNEAUX 1. Anneaux 1.1 Définition On appelle anneau un ensemble non vide A muni de deux lois internes + et . appelées addition et multiplication, vérifiant les conditions suivantes : a) ∀x, y, z ∈ A ∗ ∗ ∗ ∗ x + y = y + x : commutativité de l’addition ; (x + y) + z = x + (y + z) : associativité de l’addition ; il existe un élément neutre pour l’addition noté 0A : ∀x ∈ A, 0A + x = x + 0A = x ; tout élément x ∈ A admet un opposé noté −x appartenant à A tel que x + (−x) = (−x) + x = 0A . Et aussi b) ∀x, y, z ∈ A ∗ (xy)z = x(yz) : associativité de la multiplication ; ∗ (x + y)z = xz + yz et z(x + y) = zx + zy : distributivité (à gauche et à droite) de la multiplication par rapport à l’addition ; ∗ il existe un élément neutre pour la multiplication noté 1A : ∀x ∈ A, 1A .x = x.1A = x. Si de plus la multiplication est commutative, on dit que A est un anneau commutatif. 1.2 Exemples ∗ Z, Q, R, C sont des anneaux commutatifs. ∗ N n’est pas un anneau. ∗ Z[i] := {a + ib/ a, b ∈ Z} est un anneau commutatif : on l’appelle l’anneau des entiers de Gauss. ∗ Pour tout n ≥ 1, l’ensemble Z/nZ est un anneau commutatif. ∗ L’ensemble Mn (R) des matrices réelles carrées d’ordre n est un anneau non commutatif. 1.3 Propriétés a) Pour tout x ∈ A, l’opposé −x est unique ; b) un anneau A est régulier pour l’addition : ∀x, y, z ∈ A, x + z = y + z =⇒ x = y ; c) ∀x ∈ A, 0A .x = 0A : on dit que 0A est absorbant ; d) ∀x, y ∈ A, −x = (−1A )x = x(−1A ) et −(xy) = (−x)y = x(−y) ; e) ∀x ∈ A, ∀n ∈ N, on note n fois }| { z nx = x + x + · · · + x 1 n fois z }| { et x = x.x · · · x n si n ∈ Z− , on pose nx = −(−n)x ; f) si l’anneau A est commutatif, on a la formule dite du binôme de Newton : ∀x, y ∈ A, (x + y)n = n X Cnk xk y n−k k=0 cette propriété est fausse si l’anneau n’est pas commutatif ; en effet, déjà pour n = 2, on a (x + y)2 = x2 + xy + yx + y 2 . Preuve : immédiate. 1.4 Définitions a) Soit A un anneau commutatif et soient a et b deux éléments de A : on dit que a est multiple de b ou que b divise a s’il existe un élément c de A tel que a = bc. On note alors b|a. b) Soit A un anneau non nécessairement commutatif. On dit qu’un élément non nul a de A est un diviseur de zéro à gauche (resp. à droite) s’il existe un élément non nul b de A tel que ab = 0 (resp. ba = 0). Exemple : Mn (R) possède des diviseurs de zéro, en effet 1 0 0 0 0 0 = 0 0 0 1 0 0 c) Un élément a de A est dit inversible dans A s’il existe un élément b de A tel que ab = ba = 1A . Cet élément b est alors unique et est appelé inverse de a ; on le note a−1 . Evidemment, a−1 est lui-même inversible, d’inverse a. On notera A∗ l’ensemble des éléments inversibles de A. Remarquons qu’un élément inversible de A est nécessairement non nul. Exemples : ∗ Z∗ = {1, −1}. ∗ R∗ = R − {0}. ∗ (Z/nZ)∗ = {ā/pgcd(a, n) = 1}. ∗ (Mn (R))∗ est l’ensemble des matrices de déterminant non nul. ∗ (Z[i])∗ = {1, −1, i, −i}. Remarque : On a coutume de noter N∗ = N\{0} ; cette notation n’est pas contradictoire avec la notation vue précédemment pour l’ensemble des éléments inversibles d’un anneau puisque N n’est pas un anneau. 1.5 Définition On appelle corps un anneau dont tous les éléments non nuls sont inversibles. Exemples : Q, R, C sont des corps commutatifs ; Z/nZ est un corps commutatif si et seulement si n est premier. 2 1.6 Définition On dit qu’un anneau A est intègre s’il ne possède pas de diviseurs de zéro, i.e. ∀x, y ∈ A, xy = 0A =⇒ x = 0A ou y = 0A . Exemples : ∗ Tout corps est intègre ; la réciproque est fausse : Z est intègre sans être un corps. ∗ Mn (R) n’est pas intègre. ∗ Z/nZ est intègre si et seulement si n est premier. 1.7 Proposition Soit A un anneau intègre ; alors A est régulier pour la multiplication, i.e. ∀x, y, z ∈ A, xy = xz et x non nul =⇒ y = z. Preuve : immédiate. 2. Sous-anneaux 2.1 Définition Soit A un anneau et B une partie non vide de A. On dit que B est un sous-anneau de A si B muni de l’addition et de la multiplication de A est lui-même un anneau et si 1B = 1A . 2.2 Proposition Soit A un anneau et soit B un sous-anneau de A. Alors, on a a) l’addition et la multiplication sont internes à B ; b) 0B = 0A ; c) pour tout x ∈ A, l’opposé de x considéré comme élément de l’anneau B est le même que l’opposé de x considéré comme élément de l’anneau A ; d) si A est commutatif, alors B l’est aussi. Si A est intègre, alors B l’est aussi. Preuve : immédiate. Remarque : un sous-anneau B d’un anneau A peut être commutatif intègre sans que A le soit. Ainsi l’ensemble B = {λI/ λ ∈ R} des matrices d’homothéties dans Mn (R) est un sous-anneau commutatif et intègre de Mn (R) alors que Mn (R) n’est ni commutatif ni intègre. 2.3 Proposition Soit B une partie d’un anneau A. Alors B est un sous-anneau de A si et seulement si il vérifie les conditions suivantes : 3 a) 1A ∈ B ; b) ∀x, y ∈ B, x − y ∈ B et xy ∈ B. Preuve : Soit B un sous-anneau de A, alors l’addition et la multiplication sont internes à B. De plus, pour tout y ∈ B, −y ∈ B d’après 2.2, donc ∀x, y ∈ B, x − y = x + (−y) ∈ B et xy ∈ B. En outre, 1B = 1A donc 1A ∈ B. Réciproquement, soit B une partie de A vérifiant les conditions a) et b). Alors, en particulier B est non vide. De plus, d’après b) on a 0A = 1A − 1A ∈ B, d’où pour tout x ∈ B, −x = 0A − x ∈ B. On en déduit que ∀x, y ∈ B, x + y = x − (−y) ∈ B et ainsi l’addition est interne à B. De plus, l’addition étant commutative et associative dans A l’est aussi dans B. D’autre part, la multiplication est elle aussi interne à B grâce à b), elle est associative et distributive par rapport à l’addition dans B, puisqu’elle l’est dans A, et elle admet un élément neutre dans B, à savoir 1A . Donc B est bien un sous-anneau de A. 2.4 Exemples ∗ Z est un sous-anneau de Q qui est lui-même un sous-anneau de R, qui est lui-même un sous-anneau de C. ∗ Si n est un entier différent de 1 et −1, nZ n’est pas un sous-anneau de Z (1 6∈ nZ). √ ∗ Z[i] et Z[i 2] sont des sous-anneaux de C. 3 Relations d’équivalence - Corps des fractions d’un anneau intègre 3.1 Définition et proposition On considère sur un ensemble E une relation binaire R (i.e. entre deux éléments de E). On dit que R est une relation d’équivalence sur E si elle vérifie les trois conditions suivantes a) R est réflexive : ∀x ∈ E, x R x ; b) R est symétrique : ∀x, y ∈ E, x R y ⇐⇒ y R x ; c) R est transitive : ∀x, y, z ∈ E, x R y et y R z =⇒ x R z. Soit E un ensemble muni d’une relation d’équivalence R ; a) Soit x ∈ E ; on appelle classe d’équivalence de x pour la relation R et on note x le sous-ensemble de E défini par x = {y ∈ E/ y R x}. Tout élément de x est appelé un représentant de la classe d’équivalence x. On appelle système de représentants de la relation d’équivalence R toute famille (xi )i∈I d’éléments de E vérifiant : ∗ ∀x ∈ E, ∃ i ∈ I, x ∈ xi ; ∗ ∀i, j ∈ I, i 6= j =⇒ xi ∩ xj = ∅. On a les propriétés suivantes pour tous x, y ∈ E 4 ∗ x ∈ x; ∗ y ∈ x ⇐⇒ y R x ⇐⇒ x ∈ y ⇐⇒ x = y. De plus la famille des classes d’équivalence pour la relation R est une partition de E. b) On appelle ensemble-quotient de E par R, et on note E/R l’ensemble des classes d’équivalence des éléments de E i.e. E/R = {x/ x ∈ E}. Si (xi )i∈I est un système de représentants de R, on a en fait E/R = {xi / i ∈ I} et ainsi card(E/R) = card(I). 3.2 Théorème et définition Soit A un anneau commutatif intègre ; on définit sur l’ensemble A × A − {0} la relation binaire suivante : (a, b)R(a′ , b′ ) ⇐⇒ ab′ = a′ b. Alors R est une relation d’équivalence et on peut munir l’ensemble-quotient A×A−{0}/R d’une addition et d’une multiplication définies de la manière suivante : notons (a, b) la classe d’équivalence d’un couple (a, b) ; Si u = (a, b) et v = (c, d) sont deux éléments de A × A − {0}/R, on pose u + v = (ad + bc, bd) uv = (ac, bd) L’ensemble-quotient A × A − {0}/R muni de ces deux lois est un corps commutatif, appelé corps des fractions de l’anneau A. De plus il existe une injection naturelle de A dans A × A − {0}/R : A ֒→ A × A − {0}/R a 7−→ (a, 1) On peut donc considérer A comme un sous-anneau de son corps des fractions. On note a généralement les éléments du corps des fractions sous la forme (a, b) = . b Preuve : Il est immédiat de vérifier que la relation R est réflexive et symétrique. D’autre part, la relation est transitive parce que A est intègre ; en effet si (a, b)R(a′ , b′ ) et (a′ , b′ )R(a′′ , b′′ ) alors, ab′ = a′ b et a′ b′′ = a′′ b′ d’où ab′ b′′ = a′ bb′′ = a′′ b′ b donc ab′′ = a′′ b d’après 1.7 puisque A est intègre et b′ 6= 0. Donc (a, b)R(a′′ , b′′ ). Ainsi R est une relation d’équivalence. Montrons maintenant que l’addition et la multiplication sont bien définies sur l’ensemblequotient A × A − {0}/R, i.e que le résultat ne dépend pas du choix des représentants de u et v : considérons donc un autre représentant (a′ , b′ ) pour u et un autre représentant (c′ , d′ ) pour v, alors (a, b)R(a′ , b′ ) et (c, d)R(c′ , d′ ) i.e ab′ = a′ b et cd′ = c′ d. Montrons que (ad + bc, bd)R(a′ d′ + b′ c′ , b′ d′ ) : or on a (a′ d′ + b′ c′ )bd = a′ d′ bd + b′ c′ bd = ab′ dd′ + cd′ bb′ = (ad + bc)b′ d′ d’où le résultat. De même on montre que (ac, bd)R(a′ c′ , b′ d′ ). Il est alors facile de vérifier que ces deux lois munissent A × A − {0}/R d’une structure d’anneau commutatif : l’élément neutre pour l’addition est (0, b) pour tout b ∈ A − {0}, 5 l’élément neutre pour la multiplication est (1, 1) et l’opposé de (a, b) est (−a, b). Montrons maintenant que A × A − {0}/R est un corps : soit (a, b) un élément de A − {0} × A − {0}, alors il est immédiat de constater que (a, b) possède un inverse dans A × A − {0}/R, à savoir (b, a). 3.3 Exemples a) Le corps des fractions de Z n’est autre que Q. b) Le corps des fractions de R[X] est R(X) justement appelé corps des fractions rationnelles à coefficients réels. 4. Homomorphismes 4.1 Définition Soit f une application d’un anneau A dans un anneau B. On dit que f est un homomorphisme d’anneaux s’il vérifie les conditions suivantes : a) ∀x, y ∈ A, f (x + y) = f (x) + f (y) et f (xy) = f (x)f (y) ; b) f (1A ) = 1B . Si A = B, on dit que f est un endomorphisme d’anneaux. On appelle isomorphisme d’anneaux tout homomorphisme d’anneaux bijectif. On appelle automorphisme d’anneaux tout endomorphisme d’anneaux bijectif. 4.2 Propriétés Soit f un homomorphisme d’anneaux de A dans B, alors : a) f (0A ) = 0B ; b) ∀x ∈ A, f (−x) = −f (x) ; c) Si x est inversible dans A, alors f (x) est inversible dans B et (f (x))−1 = f (x−1 ). d) Imf est un sous-anneau de B. Preuve : immédiate. 4.3 Exemples ∗ L’application de C dans C qui à un élément associe son conjugué est un automorphisme d’anneaux. ∗ L’application de C dans R qui à un élément associe son module n’est pas un homomorphisme d’anneaux. ∗ Soit P une matrice inversible de Mn (R) ; alors l’application de Mn (R) dans Mn (R) qui à une matrice A associe la matrice P AP −1 est un automorphisme d’anneaux. 6 4.4 Définition et proposition Soit f un homomorphisme d’anneaux de A dans B. On appelle noyau de f et on note ker f le sous-ensemble de A défini par ker f = {a ∈ A/ f (a) = 0B }. L’homomorphisme f est injectif si et seulement si ker f = {0A }. Preuve : immédiate. 5. Idéaux 5.1 Définition Soit A un anneau commutatif et I un sous-ensemble de A. On dit que I est un idéal de A s’il vérifie les conditions suivantes : a) I = 6 ∅; b) ∀x, y ∈ I, x − y ∈ I ; c) ∀x ∈ I, ∀a ∈ A, ax ∈ I. 5.2 Propriétés Soit I un idéal de A, alors : a) 0A ∈ I ; b) ∀x ∈ I, −x ∈ I ; c) ∀x, y ∈ I, x + y ∈ I. Preuve : immédiate. 5.3 Exemples ∗ {0A } et A sont des idéaux de A. ∗ Pour tout a ∈ A, l’ensemble des multiples de a est un idéal de A ; on le note (a) ou aA : (a) = {ax/ x ∈ A}. ∗ Un sous-ensemble I de Z est un idéal si et seulement si il existe un entier n tel que I = nZ. ∗ Si f est un homomorphisme d’anneaux de A dans B, alors ker f est un idéal de A. 5.4 Définitions et proposition a) Soit A un anneau commutatif et soit E un sous-ensemble non vide de A. On appelle idéal de A engendré par E le plus petit idéal (au sens de l’inclusion) de A contenant E et on le note hEi. Ainsi hEi = I si et seulement si I vérifie les conditions suivantes : ∗ I est un idéal de A contenant E ; 7 ∗ Pour tout idéal J de A contenant E, I ⊂ J . b) Soient I et J deux idéaux d’un anneau commutatif A : alors I ∩ J est un idéal de A. En général, I ∪ J n’est pas un idéal. c) Soient I et J deux idéaux d’un anneau commutatif A. On appelle somme de I et J et on note I + J l’ensemble défini par I + J = {x + y/ x ∈ I et y ∈ J } L’ensemble I + J est un idéal de A : c’est l’idéal engendré par I ∪ J . d) Soit I un idéal d’un anneau commutatif A, alors : I = A ⇐⇒ 1A ∈ I ⇐⇒ I ∩ A∗ 6= ∅ Preuve : b) 0A appartient à I et J donc à leur intersection, d’où I ∩ J = 6 ∅. Soient x, y ∈ I ∩ J : alors x − y ∈ I et x − y ∈ J puisque I et J sont des idéaux. Donc x − y ∈ I ∩ J . De même, si x ∈ I ∩ J et a ∈ A, alors ax ∈ I et ax ∈ J donc ax ∈ I ∩ J . Ainsi I ∩ J est un idéal de A. Mais la réunion de deux idéaux n’est pas un idéal en général : par exemple 2Z ∪ 3Z n’est pas un idéal de Z. En effet −2 et 3 ∈ 2Z ∪ 3Z mais leur somme 1 6∈ 2Z ∪ 3Z. c) Il est facile de voir que I + J est un idéal de A. Montrons que c’est l’idéal engendré par I ∪ J . Tout d’abord, I + J contient I ∪ J , en effet : ∀x ∈ I, x = x + 0A ∈ I + J puisque 0A ∈ J . Ainsi I ⊂ I + J . De même J ⊂ I + J , d’où I ∪ J ⊂ I + J . Considérons maintenant un idéal K contenant I ∪ J et montrons que I + J ⊂ K ; soit z ∈ I + J : ∃ x ∈ I et ∃ y ∈ J tels que z = x + y. Comme I ∪ J ⊂ K, x et y ∈ K donc z = x + y ∈ K puisque K est un idéal, donc I + J ⊂ K. Ainsi I + J est bien l’idéal engendré par I ∪ J . d) exercice. Remarque : Si a est un élément d’un anneau commutatif A, l’idéal (a) des multiples de a n’est autre que l’idéal engendré par l’ensemble {a}. 6. Polynômes à coefficients dans un anneau 6.1 Définition On appelle polynôme à coefficients dans A toute suite (an )n∈N d’éléments de A nulle à partir d’un certain rang : ∃ n0 ∈ N tel que n > n0 =⇒ an = 0. L’élément an est appelé terme d’indice n du polynôme. On appelle polynôme nul la suite nulle (0, 0, ..., 0, 0, ...). La suite (0, 1, 0, ..., 0, ...) est notée X et est appelée indéterminée. On note A[X] l’ensemble des polynômes à coefficients dans A. 8 6.2 Définition et proposition On définit une addition et une multiplication sur A[X] de la manière suivante Soient P = (an )n∈N et Q = (bn )n∈N deux éléments de A[X]. On pose : P + Q = (cn )n∈N où ∀n ∈ N, cn = an + bn P.Q = (dn )n∈N où ∀n ∈ N, dn = n X ak bn−k . k=0 Alors (A[X], +, .) est un anneau commutatif. Preuve : Vérifions d’abord que les deux lois ainsi définies sont internes à A[X] : P et Q sont des polynômes donc ∃ n0 et m0 ∈ N tels que n > n0 =⇒ an = 0 et n > m0 =⇒ bn = 0, d’où n > max (n0 , m0 ) =⇒ cn = an + bn = 0 : P + Q est donc un polynôme. De plus, si n > n0 + m0 alors, pour tout k ∈ [0, n], k > n0 ou n − k > m0 donc ak bn−k = 0 et ainsi dn = 0 ; P.Q est donc aussi un polynôme. Il est facile (et un peu fastidieux) de voir que ces deux lois munissent A[X] d’une structure d’anneau commutatif ; l’élément neutre pour l’addition est le polynôme nul, l’opposé d’un polynôme P = (an )n∈N est −P = (−an )n∈N , l’élément neutre pour la multiplication est le polynôme (1, 0, 0, ..., 0, ...). 6.3 Proposition Si A est un anneau intègre (en particulier si A est un corps), alors l’anneau A[X] est intègre. Preuve : Soient P = (an )n∈N et Q = (bn )n∈N deux polynômes non nuls de A[X]. Alors, ∃ n0 ∈ N tel que an0 6= 0 et n > n0 =⇒ an = 0 et ∃ m0 ∈ N tel que bm0 6= 0 et n > m0 =⇒ bn = 0. Notons P.Q = (dn )n∈N , alors dn0 +m0 = an0 bm0 est non nul puisque A est intègre. Donc P.Q est un polynôme non nul. 6.4 Définition et proposition On a une loi de multiplication externe par les éléments de A sur A[X] définie de la manière suivante : soient P = (an )n∈N un polynôme et α un élément de A, alors on pose αP = (αan )n∈N . Il est clair que αP est un polynôme de A[X] et on a les propriétés suivantes : ∀P, Q ∈ A[X], ∀α, β ∈ A ∗ (α + β)P = αP + βP ; α(P + Q) = αP + αQ ; ∗ (αβ)P = α(βP ) ; 1.P = P ; α(P Q) = (αP )Q = P (αQ). 9 On remarque alors que A[X] muni de l’addition et de cette multiplication externe vérifie les axiomes de définition des espaces vectoriels, à cette différence près que l’ensemble des scalaires ici est un anneau A et pas nécessairement un corps : cette structure s’appelle un A-module. On a alors, comme dans les espaces vectoriels, la notion de combinaison linéaire. Cependant, on prendra garde que beaucoup de résultats valables dans un espace vectoriel ne le sont plus dans un A-module (par exemple, un A-module ne possède pas toujours de base !) 6.5 Définition Soit P = (an )n∈N un polynôme non nul de A[X], alors ∃ n0 ∈ N tel que an0 6= 0 et n > n0 =⇒ an = 0 : cet entier n0 est appelé degré de P et noté d˚(P ) ou deg P . On convient que le degré du polynôme nul est l’élément −∞ de N ∪ {−∞}. 6.6 Proposition Soient P et Q deux polynômes de A[X]. Alors, on a a) d˚(P + Q) ≤ max (d˚(P ), d˚(Q)) ; b) d˚(P.Q) ≤ d˚(P ) + d˚(Q). Si de plus, A est intègre, on a l’égalité d˚(P.Q) = d˚(P ) + d˚(Q). Preuve : Si P ou Q est le polynôme nul, les inégalités a) et b) sont évidentes. Si aucun des polynômes P et Q n’est nul, il suffit de se reporter à la preuve de 6.2 pour avoir le résultat. Si de plus A est intègre, la preuve de 6.3 fournit l’égalité d˚(P Q) = d˚(P ) + d˚(Q). 6.7 Proposition Dans l’anneau A[X], pour tout n ∈ N∗ , X n est le polynôme dont tous les termes sont nuls sauf celui d’indice n qui est égal à 1. Pour n = 0, on adopte la convention X 0 = 1. Preuve : par récurrence sur n. 6.8 Corollaire Dans le A-module A[X], tout polynôme s’écrit de manière unique comme combinaison linéaire de la famille (X n )n∈N . Plus précisément, si P = (an )n∈N est un polynôme non nul de degré n0 , alors : P = a0 + a1 X + · · · an0 X n0 . Le terme an d’indice n de P est alors également appelé coefficient du terme de degré n de P . Preuve : c’est une conséquence immédiate de 6.7. Remarque : Ainsi, on peut considérer les éléments non nuls de A comme les polynômes de degré 0 de A[X], appelés aussi polynômes constants (non nuls) de A[X]. 6.9 Proposition Si A est un anneau intègre, les éléments inversibles de A[X] sont les éléments inversibles de A. En particulier, si A est un corps, les éléments inversibles de A[X] sont les polynômes constants non nuls. 10 Preuve : Soit a ∈ A∗ , alors ∃ b ∈ A tel que ab = 1, donc le polynôme constant a possède bien un inverse b dans A[X]. Réciproquement, soit P un polynôme inversible dans A[X], alors ∃ Q ∈ A[X] tel que P Q = 1. Donc, d’après 6.6, d˚(P.Q) = d˚(P ) + d˚(Q) puisque A est intègre ; or d˚(P.Q) = d˚(1) = 0 donc d˚(P ) = d˚(Q) = 0, ainsi P et Q sont des polynômes constants, i.e. des éléments de A et qui vérifient P Q = 1, donc P est inversible dans A. 6.10 Définitions On appelle coefficient dominant d’un polynôme P non nul de degré n0 le coefficient du terme de degré n0 de P . On appelle polynôme unitaire de A[X] tout polynôme non nul dont le coefficient dominant est égal à 1. 6.11 Définition Soient P = a0 + a1 X + · · · + an X n un polynôme de A[X] et Q un polynôme. On appelle polynôme composé des deux polynômes P et Q, et on note P (Q) le polynôme défini par : P (Q) = a0 + a1 Q + · · · + an Qn . En d’autre termes, on substitue à l’indéterminée X le polynôme Q. 6.12 Définition Soit P = a0 + a1 X + · · · + an X n un polynôme de A[X]. On appelle fonction polynomiale (ou fonction polynôme) associée à P , la fonction de A dans A, notée Pe, définie par 6.13 Proposition ∀x ∈ A, Pe(x) = a0 + a1 x + · · · + an xn . Soient P et Q deux polynômes de A[X]. Alors a) la fonction polynomiale associée à P + Q est la somme des fonctions polynomiales e; associées à P et Q : P^ + Q = Pe + Q b) la fonction polynomiale associée à P.Q est le produit des fonctions polynomiales assog = Pe.Q. e ciées à P et Q : P.Q Ainsi l’application P 7→ Pe est un homomorphisme d’anneaux de A[X] dans l’anneau des fonctions polynomiales de A dans A (on vérifie en effet que la fonction polynomiale associée au polynôme constant 1 est bien l’élément neutre de la multiplication des fonctions). c) la fonction polynomiale associée à P (Q) est la composée des fonctions polynomiales e associées à P et Q : P] (Q) = Pe ◦ Q. Preuve : immédiate. 6.14 Notation : Dans un souci de simplification, pour tout polynôme P de A[X], et pour tout a ∈ A, on notera désormais P (a) au lieu de Pe(a) l’image de a par la fonction polynomiale associée à P . 11 6.15 Théorème de division euclidienne Soit K un corps commutatif et soient A et B deux polynômes de K[X] avec B non nul. Alors il existe un unique couple (Q, R) de polynômes de K[X] tel que : A = BQ + R avec d˚(R) < d˚(B). Preuve : cf. Cours de 1ère année. 7. Anneaux-quotients 7.1 Définition et proposition Soit A un anneau commutatif et I un idéal de A. On peut définir une relation sur A de la manière suivante x R y ⇐⇒ x − y ∈ I. La relation R est une relation d’équivalence que l’on note habituellement x ≡ y (mod I) (x est dit congru à y modulo I). Elle est compatible avec l’addition et la multiplication dans A : a ≡ a′ (mod I) et b ≡ b′ (mod I) =⇒ a+b ≡ a′ +b′ (mod I) et ab ≡ a′ b′ (mod I). On peut alors définir une addition et une multiplication sur l’ensemble-quotient A/R qui est noté A/I. Soient α et β ∈ A/I, il existe des éléments a et b de A tels que α = a et β = b. On pose alors α + β = a + b = a + b et α.β = a.b = ab. L’ensemble A/I muni de cette addition et de cette multiplication est alors un anneau commutatif appelé anneau quotient de A par I. Preuve : La relation R est une relation d’équivalence compatible avec l’addition grâce la propriété suivante des idéaux : ∀a, b ∈ I, a−b ∈ I. De plus, R est compatible avec la multiplication grâce à l’autre propriété des idéaux : ∀a ∈ A, ∀x ∈ I, ax ∈ I. On montre ensuite sans difficulté que A/I muni de cette addition et de cette multiplication est un anneau commutatif. 7.2 Exemples a) La relation de congruence modulo n sur l’anneau Z permet de munir l’ensemble-quotient Z/nZ d’une structure d’anneau commutatif. b) Considérons dans l’anneau R[X] l’idéal des multiples du polynôme X 2 + 1 et la relation associée : P ≡ Q (mod (X 2 + 1)) ⇐⇒ X 2 + 1 divise P − Q. L’ensemble des polynômes de degré ≤ 1 est un système de représentants pour cette relation d’équivalence ; en effet, si on effectue la division euclidienne de P ∈ R[X] par X 2 + 1, on obtient P = (X 2 + 1)Q + aX + b, donc P ≡ aX + b (mod (X 2 + 1)). De plus, si deux 12 polynômes de degré ≤ 1, aX + b et cX + d sont congrus modulo X 2 + 1, alors ils sont égaux ; en effet, X 2 + 1 divise (aX + b) − (cX + d) d’où (aX + b) − (cX + d) = 0. Donc l’anneau quotient R[X]/(X 2 + 1) s’identifie à l’ensemble des classes aX + b où a, b ∈ R. Or, on peut écrire aX + b = aX + b = aX + b en identifiant un réel et sa classe modulo (X 2 + 1). D’autre part, on a évidemment X 2 + 1 = 0 dans l’anneau quotient, d’où 2 X 2 = X = −1 = −1. Alors, en posant X = i, on a i2 = −1 et les éléments de l’anneau-quotient s’écrivent ai + b : on reconnaît C. On a ainsi une nouvelle construction du corps C, vu comme anneau-quotient de R[X] par l’idéal des multiples du polynôme X 2 + 1. 7.3 Théorème Soient A et B deux anneaux et ϕ un homomorphisme d’anneaux de A dans B. Alors ϕ induit une application ϕ : A/ ker ϕ −→ Imϕ a 7−→ ϕ(a) qui est un isomorphisme d’anneaux. Preuve : Tout d’abord, montrons que l’application ϕ est bien définie sur l’anneau A/I : soient a et b deux éléments de A tels que a = b, alors il existe c ∈ ker ϕ tel que a = b + c, donc ϕ(a) = ϕ(b + c) = ϕ(b) + ϕ(c) = ϕ(b) i.e ϕ(a) = ϕ(b). Ainsi ϕ(a) ne dépend pas du choix du représentant de a. L’application ϕ étant un homomorphisme d’anneaux de A dans B, on en déduit facilement que ϕ est un homomorphisme d’anneaux de A/ ker ϕ dans B. Montrons maintenant que ϕ est injective : soit a un élément de A tel que a ∈ ker ϕ ; alors ϕ(a) = ϕ(a) = 0 donc a ∈ ker ϕ i.e a = 0. Donc ϕ est injective. Enfin, il est clair que ϕ est une surjection de A/ ker ϕ sur Imϕ. 7.4 Définitions Soit A un anneau commutatif et I un idéal de A. a) On dit que I est un idéal premier s’il vérifie la propriété suivante ∀a, b ∈ A, ab ∈ I =⇒ a ∈ I ou b ∈ I. b) On dit que I est un idéal maximal si I = 6 A et si pour tout idéal J de A, on a I ⊂ J ⊂ A =⇒ J = I ou J = A. 13 7.5 Proposition Soit A un anneau commutatif et I un idéal de A. Alors on a a) I est un idéal premier de A ⇐⇒ A/I est un anneau intègre. b) I est un idéal maximal de A ⇐⇒ A/I est un corps. c) Tout idéal maximal est un idéal premier. Preuve : a) Soit I un idéal premier de A. Considérons a et b deux éléments de A. Si ab = ab = 0 dans l’anneau A/I, alors ab ∈ I, donc, puisque I est premier, a ∈ I ou b ∈ I, i.e a = 0 ou b = 0. Donc l’anneau A/I est intègre. Réciproquement, soit I un idéal de A tel que l’anneau A/I est intègre ; considérons a et b deux éléments de A tels ab ∈ I, alors ab = ab = 0, donc a = 0 ou b = 0, i.e a ∈ I ou b ∈ I. Donc I est premier. b) Soit I un idéal maximal de A. Considérons a un élément de A tel que a 6= 0 et montrons que a est inversible dans A/I : comme a 6= 0, a 6∈ I donc l’idéal (a) + I est un idéal vérifiant I ⊂ (a) + I ⊂ A et (a) + I = 6 I donc, comme I est un idéal maximal de A, on a (a)+I = A. On en déduit que 1 ∈ (a)+I : il existe donc b ∈ A et c ∈ I tels que 1 = ab + c d’où 1 = ab + 0 = ab et ainsi a possède un inverse dans A/I : A/I est donc un corps. Réciproquement, soit I un idéal de A tel que l’anneau A/I est un corps. Considérons un idéal J de A tel que I ⊂ J ⊂ A ; si J = 6 I, alors il existe a ∈ J tel que a 6∈ I, donc a 6= 0 et ainsi a est inversible dans le corps A/I : il existe donc b ∈ A tel que 1 = ab donc il existe c ∈ I tel que 1 = ab + c. Par conséquent, 1 ∈ J puisque a ∈ J et c ∈ I ⊂ J : on en déduit aussitôt que J = A d’après 5.4, et ainsi J est un idéal maximal de A. 7.6 Caractéristique d’un anneau Soit A un anneau commutatif. Alors l’application ϕ : Z −→ A n 7−→ n1A est un homomorphisme d’anneaux de Z dans A. Son noyau ker ϕ est alors un idéal de Z donc il existe un unique q ∈ N tel que ker ϕ = qZ ; cet entier q est appelé la caractéristique de l’anneau A. Si A est intègre, alors sa caractéristique est nulle ou est un nombre premier. Ainsi, si q 6= 0, q est le plus petit entier ≥ 1 tel que q1A = 0A (d’où ∀a ∈ A, qa = 0A ). Si q = 0 et si A est intègre, alors, ∀n ∈ Z, ∀a ∈ A, on a na = 0A =⇒ n = 0 ou a = 0A . 14 Preuve : Il est clair que ϕ est un homomorphisme d’anneaux de Z dans A. Si A est intègre et si sa caractéristique q est non nulle, montrons que q est un nombre premier : d’après 7.3, ϕ induit un isomorphisme d’anneaux de Z/qZ sur Imϕ ; or Imϕ est un sous-anneau de A donc est intègre, par conséquent l’anneau Z/qZ est lui aussi intègre et ainsi q est un nombre premier. Exemples Les anneaux Z, Q, R, C sont de caractéristique nulle. Pour tout n ≥ 1, l’anneau Z/nZ est de caractéristique n. 15 . 16 II ANNEAUX EUCLIDIENS, PRINCIPAUX, FACTORIELS Dans tout le chapitre, les anneaux considérés sont commutatifs. 1. Anneaux euclidiens On sait qu’il existe une division dite euclidienne sur l’anneau Z et sur l’anneau R[X]. On va donner ci-dessous un autre exemple d’anneau muni d’une division euclidienne, puis on dégagera une définition générale de division euclidienne recouvrant ces trois exemples. 1.1 Proposition √ √ On considère l’anneau Z[i 2]. Pour tout z ∈ Z[i 2], on pose N(z)√= zz = |z|2 . Soient √ a, b ∈ Z[i 2], avec b 6= 0. Alors il existe deux éléments q et r de Z[i 2] vérifiant a = bq + r avec N(r) < N(b). Le couple (q, r) n’est pas nécessairement unique. Preuve : √ √ Posons a = a1 + a2 i 2 et b = b1 + b2 i 2 où a1 , a2 sont des entiers et b1 , b2 sont des entiers non tous deux nuls. Alors : √ √ √ a a1 + a2 i 2 a1 b1 + 2a2 b2 + (a2 b1 − a1 b2 )i 2 √ = 2 = = u + vi b b21 + 2b22 b1 + b2 i 2 1 où u, v ∈ Q. Il existe x ∈ Z tel que |u − x| ≤ : il suffit de prendre x = E(u) si 2 1 1 E(u) ≤ u ≤ E(u) + et x = E(u) + 1 si E(u) + ≤ u ≤ E(u) + 1. De même il existe 2 2 √ √ 1 y ∈ Z tel que |v − y| ≤ . Posons alors q = x + yi 2 et r = a − bq ; q, r ∈ Z[i 2] et 2 √ √ √ a r = a − bq = b( − q) = b(u + vi 2 − x − yi 2) = b (u − x) + (v − y)i 2 . b Donc √ N(r) = |r|2 = |b|2 |(u − x) + (v − y)i 2|2 = N(b) (u − x)2 + 2(v − y)2 3 1 1 = N(b) < N(b). +2 donc N(r) ≤ N(b) 4 4 4 Le couple (q, r) n’est pas nécessairement unique puisque, dans le cas où u = E(u) + 1 par 2 exemple, on a deux choix possibles pour x : x = E(u) ou x = E(u) + 1. √ √ Exemple Il existe quatre divisions possibles de 19 + 76i 2 par 50 + 2i 2 ; en effet √ 19 + 76i 2 1 3 √ √ = + i 2 2 2 50 + 2i 2 √ √ √ √ donc on peut prendre q = 0 + i 2 ou q = 0 + 2i 2 ou q = 1 + i 2 ou q = 1 + 2i 2 et les restes correspondants. 17 1.2 Définition On dit qu’un anneau A est euclidien si a) A est intègre ; b) il existe une application g de A dans N, appelée stathme ou valuation, telle que ∀a ∈ A, ∀b ∈ A − {0A }, ∃ q, r ∈ A tels que a = bq + r et g(r) < g(b). 1.3 Exemples a) Z est un anneau euclidien pour le stathme g(n) = |n| ; b) R[X] est un anneau euclidien pour le stathme g(P ) = d˚(P ) ; √ c) Z[i 2] est un anneau euclidien pour le stathme g(z) = |z|2 ; d) Z[i] est un anneau euclidien pour le stathme g(z) = |z|2 (cf. exercice). 2. Anneaux principaux 2.1 Définition Soit A un anneau ; un idéal I de A est dit principal s’il existe a ∈ A (en fait a ∈ I) tel que I = (a). Si I est un idéal principal engendré par a 6= 0A , alors l’élément a n’est pas unique, plus précisément, on a la proposition suivante : 2.2 Définition et proposition Soit A un anneau intègre, alors on a ∀a, b ∈ A − {0A } (a) = (b) ⇐⇒ a|b et b|a ⇐⇒ ∃ u ∈ A∗/ a = bu. On dit alors que a et b sont associés. La relation “a est associé à b” est une relation d’équivalence sur A − {0A }. Preuve : Si (a) = (b), alors ∃ u, v ∈ A tels que a = bu et b = va, d’où a = uva ; donc a(1A − uv) = 0A . Or a 6= 0A et A est intègre, donc uv = 1A et u est inversible. Réciproquement, si a = bu où u est inversible, alors (a) ⊂ (b), et comme b = au−1 , on a aussi (b) ⊂ (a). D’autre part, il est clair qu’on définit ainsi une relation d’équivalence sur A − {0A }. Exemples a) Dans Z, a et b associés ⇐⇒ a = ±b ; b) dans R[X], P et Q associés ⇐⇒ ∃ c ∈ R∗ , P = cQ ; c) dans Z[i], a et b associés ⇐⇒ a = b ou a = −b ou a = ib ou a = −ib. 18 2.3 Définition On dit qu’un anneau A est principal si a) A est intègre ; b) tous les idéaux de A sont principaux. 2.4 Exemple Z est un anneau principal ; de plus la preuve de ce théorème repose sur l’existence d’une division euclidienne sur Z. Cette démonstration se généralise pour donner le théorème suivant : 2.5 Théorème Tout anneau euclidien est principal ; la réciproque est fausse. Preuve : Soit A un anneau euclidien pour le stathme g, et soit I un idéal de A. Si I = {0A }, alors I = (0A ) donc est principal. Si I = 6 {0A }, considérons le sous-ensemble E de N défini par E = {g(x)/ x ∈ I − {0A }} ; E est non vide et minoré donc possède un plus petit élément n. Comme n ∈ E, il existe a ∈ I − {0A } tel que n = g(a). Montrons que I = (a) ; considérons x ∈ I et effectuons la division euclidienne de x par a : il existe q et r dans A tels que x = qa+ r et g(r) < g(a). Supposons r 6= 0A alors, comme r = x−qa, r ∈ I − {0A }, d’où g(r) ∈ E et ainsi g(r) ≥ n = g(a), ce qui est absurde. Donc r = 0A et x = qa ∈ (a) d’où I ⊂ (a). Réciproquement, comme a ∈ I et I est un idéal, on a (a) ⊂ I. 2.6 Exemples a) R[X] est euclidien donc principal ; " √ # 1 + i 19 b) l’anneau Z est principal non euclidien ; 2 c) l’anneau Z[X] n’est pas principal. Preuve : b) admis. c) Montrons que Z[X] n’est pas principal. Considérons l’idéal I = (2) + (X) = {2P + XQ/ P, Q ∈ Z[X]}. Montrons que I n’est pas un idéal principal. Tout d’abord, I = {A ∈ Z[X]/ A(0) est pair } en effet, soit A ∈ I alors ∃ P, Q ∈ Z[X] tels que A = 2P + XQ, donc A(0) = 2P (0) est pair. Réciproquement, si A(0) est pair, alors A s’écrit A = an X n + an−1 X n−1 + · · · a1 X + 2a0 où an , ..., a1 , a0 ∈ Z, d’où A = 2a0 + X(an X n−1 + an−1 X n−2 + · · · a1 ) et ainsi A ∈ I. Supposons I principal ; alors, il existe P0 ∈ I tel que I = (P0 ). Or 2 et X appartiennent à I, donc P0 divise 2 et X. Comme P0 divise 2, P0 est constant et vaut ±1 ou ±2 ; or 2 et −2 ne divisent pas X dans Z[X], donc, nécessairement, P0 = ±1, mais alors P0 (0) n’est pas pair, ce qui est absurde. Donc I n’est pas un idéal principal. 19 2.7 Définition Soient A un anneau principal et a et b deux éléments non nuls de A ; on appelle pgcd de a et b tout élément de A qui engendre l’idéal (principal) I = (a)+(b) = {ax+by/ x, y ∈ A}. Ainsi, on n’a pas l’unicité : si d est un pgcd de a et b, alors tout élément associé à un pgcd de a et b est aussi un pgcd de a et b. Exemple Dans l’anneau Z[i], les éléments inversibles sont 1, −1, i − i. Tout couple d’éléments non nuls de Z[i] possède donc quatre pgcd. Cependant, dans l’anneau principal R[X], on peut définir le pgcd de deux polynômes de manière unique : pour tous polynômes non nuls P et Q on appelle pgcd de P et Q l’unique polynôme unitaire qui engendre l’idéal I = (P ) + (Q). On a ainsi le théorème suivant : 2.8 Théorème Soient P , Q et R des polynômes non nuls de R[X]. Alors, on a a) si D = pgcd(P, Q), alors ∃ A, B ∈ R[X] tels que D = AP + BQ ; b) tout diviseur commun à P et Q divise leur pgcd ; c) on a le théorème de Bezout : pgcd(P, Q) = 1 ⇐⇒ ∃ U, V ∈ R[X], UP + V Q = 1. On dit alors que P et Q sont premiers entre eux ; d) on a le lemme de Gauss : ∗ si P |QR et si pgcd(P, Q) = 1, alors P |R ; ∗ si pgcd(P, Q) = 1, alors P |R et Q|R =⇒ P Q|R ; e) R[X] étant un anneau euclidien, on peut effectuer l’algorithme d’Euclide pour calculer le pgcd de deux polynômes, tout comme dans Z : le pgcd est le dernier reste non nul, divisé par son coefficient dominant (pour avoir un polynôme unitaire). Preuve : analogue à celle faite dans Z. 3. Anneaux factoriels 3.1 Définition Soient A un anneau intègre et x un élément non nul de A ; on dit que x est irréductible dans A si a) x est non inversible dans A ; b) si a et b sont des éléments de A tels que x = ab, alors a ou b est inversible dans A. Autrement dit, les seuls diviseurs de x, autres que les éléments inversibles, sont ses éléments associés. 3.2 Exemples a) Les éléments irréductibles de Z sont les nombres premiers ; b) les éléments irréductibles de R[X] sont les polynômes du premier degré et les polynômes du second degré à discriminant < 0 ; c) dans l’anneau Z[i], l’élément 3 est irréductible ; en effet, considérons l’application N de Z[i] dans N définie par N(z) = |z|2 . S’il existe z et z ′ dans Z[i] tels que 3 = zz ′ , alors, N(3) = 9 = N(z)N(z ′ ), donc N(z) = 1, 3 ou 9 ; si N(z) = 1, alors zz = 1 donc z est 20 inversible dans Z[i] d’inverse z, si N(z) = 9 alors N(z ′ ) = 1 et c’est z ′ qui est inversible. Si N(z) = 3, alors N(z ′ ) = 3 aussi ; notons z = u + iv où u, v ∈ Z, alors 3 = N(z) = u2 + v 2 , 2 2 2 2 2 2 donc 2 ou u2 = 2 et v 2 = 1. Mais √ u√= 0 et v = 3, ou u = 3 et v = 0 ou u = 1 et v = ′ 2 et 3 ne sont pas des entiers, donc le cas N(z) = N(z ) = 3 est impossible. Donc 3 est irréductible dans Z[i] ; d) 5 est irréductible dans l’anneau Z, mais ne l’est pas dans l’anneau Z[i] : en effet, on a 5 = (2 + i)(2 − i). Le caractère irréductible d’un élément dépend donc de l’anneau dans lequel on le considère. 3.3 Proposition Soit A un anneau intègre et x un élément non nul et non inversible de A tel que (x) soit un idéal premier de A ; alors x est irréductible dans A. Preuve : Soit x un élément non nul et non inversible de A tel que (x) soit un idéal premier de A ; soient a et b dans A tels que x = ab, alors ab ∈ (x) donc a ou b ∈ (x) puisque (x) est un idéal premier i.e x|a ou x|b. Supposons que x|a, alors ∃ y ∈ A tel que a = xy, d’où x = xyb, i.e. x(1A − yb) = 0A . Or A est intègre et x 6= 0A , donc 1A = yb ; b est donc inversible dans A, et ainsi x est irréductible. Remarque La réciproque de la proposition mais ce n’est√ pas √ √ 3.3 est vraie dans Z (lemme d’Euclide), le cas en général : ainsi 1+i 5 est irréductible dans l’anneau Z[i 5] mais l’idéal (1+i 5) n’est pas premier (cf. exercice). C’est toutefois le cas dans un anneau principal : 3.4 Proposition Le lemme d’Euclide est vérifié dans tout anneau principal A : si x est un élément irréductible de A alors (x) est un idéal premier de A, i.e il vérifie la condition (P) ∀a, b ∈ A, x|ab =⇒ x|a ou x|b. Preuve : Soit x irréductible dans A tel que x|ab, alors ∃ y ∈ A tel que ab = xy. Considérons l’idéal (a) + (x) : comme A est principal, il existe d ∈ A tel que (a) + (x) = (d) (d est un pgcd de a et x). Alors, en particulier, d|x donc ∃ x′ ∈ A tel que x = dx′ . Or x est irréductible, donc x′ ou d est inversible. Si x′ est inversible, alors x et d sont associés et (x) = (d) = (a) + (x), donc a ∈ (x) i.e. x|a. Si d est inversible, alors (d) = A, et ainsi, 1A ∈ (d) = (a) + (x), donc ∃ u, v ∈ A tel que 1A = au + xv (ce résultat n’est rien d’autre que le théorème de Bezout dans un anneau principal), donc b = abu + xbv = xyu + xbv = x(yu + bv), d’où x|b. 21 3.5 Définition On dit qu’un anneau A est factoriel si a) A est intègre ; b) tout élément a non nul et non inversible de A s’écrit sous la forme a = up1 p2 · · · pr où u ∈ A∗ et p1 , p2 , ..., pr sont des éléments irréductibles de A ; c) la décomposition en produit d’éléments irréductibles est essentiellement unique i.e. pour tout élément a non inversible et non nul dans A, si on a a = up1 p2 · · · pr = vq1 q2 · · · qs où u, v ∈ A∗ et p1 , p2 , ..., pr , q1 , q2 , ..., qs irréductibles dans A, alors r = s et il existe une permutation σ ∈ Sr telle que pour tout i ∈ [1, r], pi et qσ(i) sont associés. 3.6 Proposition Soit A un anneau factoriel et soit P = {pi / i ∈ I} un système de représentants des éléments irréductibles pour la relation d’équivalence “a est associé à b” sur A − {0A }. Alors tout élément a non nul de A s’écrit de manière essentiellement unique sous la forme Y a=u pαi i i∈I où u ∈ A∗ et où pour tout i ∈ I, αi ∈ N et les αi sont presque tous nuls i.e αi = 0 sauf pour un nombre fini de i ∈ I. 3.7 Définition Soit A un anneau factoriel et soit P = {pi / i ∈ I} un système de représentants des éléments irréductibles pour la relation d’équivalence “a est associé à b” sur A − {0A }. Y Y β Soient a = u pαi i et b = v pi i deux éléments de A − {0A } où u, v ∈ A∗ et où pour i∈I i∈I tout i ∈ I, αi ∈ N et βi ∈ N sont presque tous nuls ; on définit le pgcd et le ppcm de a et b de la manière suivante Y Inf (α ,β ) Y Sup(α ,β ) i i i i pgcd(a, b) = pi et ppcm(a, b) = pi . i∈I i∈I Ainsi le pgcd et le ppcm de a et b sont définis à un élément inversible près. Si pgcd(a, b) est un élément inversible, on dit que a et b sont premiers entre eux. Exemples Z est un anneau factoriel, plus généralement, on a le résultat suivant : 3.8 Théorème Tout anneau principal est factoriel. Preuve : Lemme : Il n’existe pas de suite strictement croissante d’idéaux dans un anneau principal. 22 Considérons en effet une suite croissante d’idéaux (Ik )k∈N d’un anneau principal A. Soit I la réunion des idéaux Ik quand k décrit N ; alors I est un idéal de A, car la suite (Ik )k∈N est croissante, donc ∃ b ∈ I tel que I = (b). Or I est la réunion des idéaux Ik , donc ∃ n ∈ N tel que b ∈ In , d’où pour tout m ∈ N, les inclusions (b) ⊂ In ⊂ In+m ⊂ I = (b) et ainsi la suite (Ik )k∈N est stationnaire à partir du rang n. Il n’existe donc pas de suite strictement croissante d’idéaux dans un anneau principal. Existence : soit a un élément non nul et non inversible de A. Supposons que a n’admette pas de décomposition en produit d’éléments irréductibles. Alors, en particulier, a n’est pas irréductible, donc il existe a1 et b1 non inversibles dans A tels que a = a1 b1 . Comme a n’est pas produit d’éléments irréductibles, alors a1 ou b1 n’est pas irréductible, par exemple a1 , donc il existe a2 et b2 non inversibles dans A tels que a1 = a2 b2 , d’où a = a2 b1 b2 et ainsi a2 ou b1 ou b2 est non irréductible, par exemple a2 ,etc. On construit ainsi une suite d’éléments a1 , a2 , ...., an , ... tels que, pour tout i, ai+1 |ai et ai et ai+1 sont non associés, d’où la suite strictement croissante d’idéaux de A suivante (a) ⊂ (a1 ) ⊂ (a2 ) ⊂ .... ⊂ (an ) ⊂ (an+1 ) ⊂ ..... Or, d’après le lemme, il n’existe pas de suite strictement croissante d’idéaux dans un anneau principal, d’où la contradiction. Donc a admet une décomposition en produit d’éléments irréductibles. Unicité essentielle : la démonstration est analogue à celle faite dans le cas de l’anneau Z ; il suffit d’appliquer le lemme d’Euclide qui est vrai dans tout anneau principal, d’après 3.4. 3.9 Corollaire Tout polynôme P non constant de R[X] s’écrit de manière essentiellement unique sous la forme P = cP1 P2 · · · Pr où c ∈ R∗ et P1 , P2 , ...Pr sont des polynômes irréductibles de R[X], i.e. des polynômes de degré 1 ou des polynômes de degré 2 à discriminant < 0. Preuve : R[X] étant euclidien est principal, donc factoriel. Remarque : L’existence de la décomposition en produit de polynômes irréductibles dans R[X] est assurée par le théorème précédent, ce qui ne signifie pas que l’on sache explicitement la calculer pour un polynôme donné (contrairement au cas des entiers) : c’est en général un problème difficile, pour ne pas dire insoluble. 3.10 Proposition Le lemme d’Euclide est vrai dans tout anneau factoriel : si x est un élément irréductible de A, alors l’idéal (x) est premier, i.e il vérifie la condition (P) ∀a, b ∈ A, x|ab =⇒ x|a ou x|b. 23 Preuve : Soit x irréductible dans A factoriel ; si x|ab, alors ∃ y ∈ A tel que ab = xy. Si a est inversible, alors b = a−1 xy et ainsi x|b, de même si b est inversible, alors x|a. Si a et b ne sont pas inversibles, alors y ne l’est pas non plus, sinon x = aby −1 ce qui est impossible puisque x est irréductible ; ainsi a,b et y se décomposent en produit d’éléments irréductibles : a = up1 p2 · · · pr , b = vq1 q2 · · · qs et y = wm1 m2 · · · mt où u, v, w ∈ A∗ et p1 , p2 , ..., pr , q1 , q2 , ..., qs , m1 , m2 , ..., mt sont irréductibles dans A. Alors on a uvp1p2 · · · pr q1 q2 · · · qs = wxm1 m2 · · · mt . Alors, par unicité essentielle de la décomposition, ou bien x est associé à l’un des pi , et alors x|pi donc x|a, ou bien x est associé à l’un des qj et alors x|b. 4. Théorèmes de transfert aux anneaux de polynômes Il est intéressant de se poser la question suivante : si l’anneau A est euclidien, principal ou factoriel, en est-il de même de l’anneau de polynômes A[X] ? 4.1 Proposition a) Si l’anneau A est euclidien, l’anneau A[X] n’est pas euclidien en général. b) Si l’anneau A est principal, l’anneau A[X] n’est pas principal en général. En effet, Z est euclidien, donc principal alors que Z[X] n’est pas principal donc n’est pas euclidien. On a en fait le théorème suivant : 4.2 Théorème Soit A un anneau commutatif ; alors A[X] est euclidien ⇐⇒A[X] est principal ⇐⇒ A est un corps. Preuve : Si A[X] est euclidien, il est principal. Si A[X] est principal, montrons que A est un corps : soit a un élément non nul de A, considérons l’idéal (X) + (a) de A[X] ; comme A[X] est principal, il existe donc un polynôme P (non nul) tel que (X) + (a) = (P ). En particulier a ∈ (P ) i.e il existe Q ∈ A[X] tel que a = P Q ; l’anneau A[X] étant principal, il est intègre donc A aussi, par conséquent 0 = deg a = deg P + deg Q d’où deg P = 0 et ainsi P est une constante c non nulle. D’autre part on a aussi X ∈ (P ) i.e il existe R ∈ A[X] tel que X = P R = cR, d’où deg R = 1 et en identifiant les termes de degré 1, on établit l’existence d’un élément b de A tel que 1 = cb donc P = c est inversible dans A et ainsi l’idéal (P ) est égal à A[X]. En particulier, 1 ∈ (P ) = (a) + (X) i.e il existe T et S dans A[X] tels que 1 = aS + XT d’où 1 = aS(0) + 0.T (0) = aS(0) et ainsi a possède un inverse dans A : A est un corps. Enfin, si A est un corps, A[X] est euclidien d’après I 6.15. 4.3 Proposition Soit K un corps ; alors tout idéal premier de l’anneau K[X] non nul et distinct de K[X] est maximal. 24 Preuve : Soit I un idéal premier non nul de K[X], comme K est un corps, K[X]est un anneau principal donc il existe P ∈ K[X] non nul tel que I = (P ) ; (P ) étant un idéal premier distinct de K[X], d’après 3.3 P est irréductible dans K[X], montrons alors que l’idéal (P ) est maximal : soit J un idéal de K[X] tel que (P ) ⊂ J ⊂ K[X] alors il existe Q ∈ K[X] tel que J = (Q) ; comme (P ) ⊂ (Q), Q divise P et ainsi il existe R ∈ K[X] tel que P = QR, or P est irréductible dans K[X] donc Q ou R est inversible : si Q est inversible, alors J = (Q) = K[X] et si R est inversible alors P et Q sont associés i.e (P ) = (Q) = J : l’idéal (P ) est donc maximal. On va maintenant prouver que si A est factoriel, alors A[X] est factoriel : 4.4 Définition et Proposition Soit A un anneau factoriel. a) Soit P = an X n + · · · + a1 X + a0 un élément de A[X] ; on appelle contenu de P et on note c(P ) le pgcd (défini à la multiplication d’un élément inversible près) des coefficients an , · · · , a1 , a0 . Si c(P ) = 1, on dit que P est un polynôme primitif. b) Soient P et Q deux éléments de A[X] ; alors c(P Q) = c(P )c(Q). Preuve : Considérons P = an X n + · · · + a1 X + a0 et Q = bm X m X + · · · + b1 X + b0 deux éléments de n+m A[X] alors P Q = cn+m X + · · · + c1 X + c0 où ck = ai bj pour tout 1 ≤ k ≤ n + m. i+j=k 1er cas : on suppose P et Q primitifs ; si P Q n’est pas primitif, alors il existe un élément irréductible p de A tel que p divise c(P Q) = pgcd(cn+m, · · · , c0 ). D’autre part, p ne divise pas tous les coefficients de P sinon il diviserait leur pgcd, i.e c(P ), ce qui est impossible puisque c(P ) = 1 ; il existe donc un entier i0 tel que p divise ai pour tout i < i0 et p ne divise pas ai0 . De même il existe un entier j0 tel que p divise bj pour tout j < j0 et p ne divise pas bj0 . Alors, on a p | ci0 +j0 = X ai bj = ai0 bj0 + i+j=i0 +j0 X ai bj i+j=i0 +j0 i<i0 ou j<j0 donc p | ai0 bj0 , or A est factoriel donc, d’après le lemme d’Euclide, p | ai0 ou p | bj0 , ce qui est absurde. Donc c(P Q) = 1. 1 P et Q1 = d sont primitifs et ainsi c(P1 Q1 ) = 1 ; or P Q = deP1 Q1 donc c(P Q) = c(P )c(Q). Cas général : on pose d = c(P ) et e = c(Q) puis P1 = 1 Q, alors P1 et Q1 e de c(P1 Q1 ) = de = 25 4.5 Théorème Soit A un anneau factoriel et soit K son corps des fractions ; alors les polynômes irréductibles de A[X] sont : 1) Les éléments de A irréductibles dans A ; 2) Les polynômes P de A[X] de degré ≥ 1, primitifs et irréductibles dans K[X]. Preuve : Montrons d’abord que les éléments cités ci-dessus sont bien irréductibles dans A[X] : Soit a un élément irréductible de A : si a s’écrit sous la forme a = P Q où P et Q sont des polynômes de A[X], alors deg a = 0 = deg P + deg Q donc deg P = deg Q = 0, d’où P et Q sont des éléments de A et par conséquent P ou Q ∈ A∗ puisque a est irréductible dans A, donc a fortiori P ou Q est inversible dans A[X] (cf. I 6.9) et ainsi a est irréductible dans A[X]. Soit un polynôme P de A[X] de degré≥ 1, primitif et irréductible dans K[X] : si P s’écrit sous la forme P = QR où Q et R sont des polynômes de A[X], alors, par exemple Q considéré comme polynôme de K[X] est inversible dans K[X], i.e est une constante non nulle : Q = a ∈ A − {0}. On en déduit que P = aR et donc a divise c(P ) dans A ; or P est primitif donc a est inversible dans A donc dans A[X] : P est donc irréductible dans A[X]. Considérons maintenant un polynôme P irréductible de A[X]. Si deg P = 0, alors P ∈ A donc est irréductible dans A ; si deg P ≥ 1, alors, comme c(P ) divise P , nécessairement c(P ) = 1 puisque P est irréductible dans A[X], il reste donc à montrer que P est irréductible dans K[X] : supposons qu’il existe des polynômes Q et R de K[X] tels que P = QR ; le polynôme Q s’écrit sous la forme an a1 a0 Q = Xn + · · · + X + bn b1 b0 où an , · · · , a0 ∈ A et bn , · · · , b0 ∈ A − {0}. En multipliant Q par b = ppcm(bn , · · · , b0 ), on obtient un polynôme bQ ∈ A[X] et en notant a = c(bQ), on a bQ = aQ1 où Q1 est un polynôme primitif de A[X], d’où a Q = Q1 . b De même on peut écrire d R = R1 e où d et e sont des éléments de A − {0} et où R1 est un polynôme primitif de A[X]. Alors on a ad P = Q1 R1 be ou encore beP = adQ1 R1 Alors c(beP ) = be c(P ) = c(adQ1 R1 ) = ad c(Q1 )c(R1 ) d’où l’existence d’un élément u ∈ A∗ tel que ad = ube puisque P , Q1 et R1 sont primitifs. Donc on a P = uQ1 R1 , or P est irréductible dans A[X] donc, par exemple, Q1 est inversible dans A[X], i.e Q1 est un élément de A∗ , donc Q est une constante non nulle de K donc un élément inversible de K[X] : P est donc irréductible dans K[X]. 26 4.6 Théorème Soit A un anneau commutatif. Si A est factoriel, alors A[X] est factoriel. Preuve : L’anneau A étant factoriel est intègre donc peut être plongé dans son corps des fractions K. Existence : soit P un polynôme de A[X] non nul et non inversible ; si P ∈ A, on décompose P en produit de facteurs irréductibles dans l’anneau factoriel A, sinon deg P ≥ 1 et P est aussi un polynôme de K[X], on distingue alors deux cas : 1er cas : P est primitif ; K étant un corps, l’anneau K[X] est euclidien donc factoriel ; on peut donc écrire P sous la forme P = P1α1 · · · Prαr où P1 , · · · , Pr sont des polynômes irréductibles de K[X] distincts deux à deux et α1 , · · · , αr sont des entiers ≥ 1. ai Comme dans la preuve de 4.5, on peut écrire chaque polynôme Pi sous la forme Pi = Pei bi e où Pi est un polynôme primitif de A[X] et où ai et bi sont des éléments non nuls de A, bi ainsi on a Pei = Pi donc Pei est irréductible dans K[X] donc dans A[X] d’après 4.4. On ai a alors r r Y Y αi ( b )P = ( aαi )Pe1α1 · · · Perαr . i i i=1 i=1 En calculant les contenus des polynômes, on obtient alors ( r Y bαi i )c(P ) i=1 r Y = ( aαi i )c(Pe1 )α1 · · · c(Per )αr . i=1 Or les polynômes considérés sont tous primitifs, donc il existe u ∈ A∗ tel que r Y aαi i = u bαi i i=1 i=1 On en déduit r Y P = uPe1α1 · · · Perαr et ainsi P est produit de polynômes irréductibles de A[X]. 2ème cas : si P n’est pas primitif, on écrit P = c(P )Pe où Pe est primitif, on décompose c(P ) en produit d’irréductibles dans A puis Pe en produit d’irréductibles dans A[X] comme ci-dessus et on obtient ainsi la décomposition de P en produit d’irréductibles dans A[X]. Unicité essentielle : Comme dans Z, la démonstration repose sur le lemme d’Euclide ; il suffit donc de montrer que le lemme d’Euclide est valide dans l’anneau A[X], ou encore, que si P est un polynôme irréductible de A[X], alors l’idéal P A[X] est premier dans A[X]. Considérons donc un polynôme P irréductible de A[X] : ∗ si P est constant alors P = p ∈ A ; on a alors l’application ϕ: A[X] −→ A/(p)[X] n n X X ak X k 7−→ ak X k k=0 k=0 27 qui est clairement un homomorphisme d’anneaux surjectif. n n X X k Calculons ker ϕ : Soit Q = ak X ∈ ker ϕ, i.e ak X k = 0 alors, pour tout k on a k=0 k=0 ak = 0 c’est-à-dire ak ∈ (p) donc Q ∈ pA[X] et réciproquement, donc ker ϕ = pA[X]. Alors, d’après I.7.3, on a l’isomorphisme d’anneaux A[X]/pA[X] ≃ A/(p)[X]. Or p est irréductible dans A[X] et constant donc est irréductible dans A, par conséquent l’idéal (p) est premier dans l’anneau factoriel A d’après 3.8, on en déduit que l’anneau A/(p) est intègre donc que l’anneau de polynômes A/(p)[X] est intègre puis, par isomorphisme, que l’anneau A[X]/pA[X] est lui aussi intègre. Donc l’idéal pA[X] est premier dans A[X]. ∗ si deg P ≥ 1, alors P est primitif d’après 4.5 ; on considère l’application ψ: A[X]/P A[X] −→ Q mod P A[X] 7−→ Q K[X]/P K[X] mod P K[X] Cette application est bien définie puisque P A[X] ⊂ P K[X] et est clairement un homomorphisme d’anneaux. Montrons que ψ est injective : pour celà il suffit de montrer que P K[X] ∩ A[X] ⊂ P A[X]. Soit donc Q ∈ P K[X] ∩ A[X], alors il existe R ∈ K[X] tel que ae Q = P R. On écrit alors R sous la forme R = R où a et b sont des éléments non nuls de b e est un polynôme primitif de A[X], et Q = cQ e où Q e est un polynôme primitif A et où R e = aP R, e d’où, en calculant les contenus, on établit l’existence de A[X]. Alors on a bcQ d’un élément u ∈ A∗ tel que bc = au donc b divise a et ainsi R ∈ A[X], d’où Q ∈ P A[X]. On peut donc considérer que A[X]/P A[X] est un sous-anneau de K[X]/P K[X] ; or P est irréductible dans A[X] et de degré ≥ 1 donc est irréductible dans K[X] d’après 4.5, de plus l’anneau K[X] est euclidien donc l’idéal P K[X] est premier donc l’anneau K[X]/P K[X] est intègre, et par conséquent, le sous-anneau A[X]/P A[X] est lui aussi intègre, i.e l’idéal P A[X] est premier. 5 Polynômes irréductibles de Z[X] 5.1 Théorème Soit P = an X n + · · · + a1 X + a0 un polynôme de degré ≥ 1 de Z[X] ; s’il existe un nombre premier p tel que an 6= 0 dans le corps Z/pZ et tel que P = an X n + · · · + a1 X + a0 est irréductible dans Z/pZ[X], alors P est irréductible dans Q[X]. Si de plus P est primitif, alors P est irréductible dans Z[X]. Preuve : Soient Q = bq X q + · · · + b0 et R = cr X r + · · · + c0 dans Z[X] avec bq 6= 0 et cr 6= 0 tels que P = QR, alors P = Q R d’où an = bq cr ; or an 6= 0 donc bq 6= 0 et cr 6= 0 puisque Z/pZ est intègre. On en déduit que deg(Q) = deg(Q) et deg(R) = deg(R). Or P est irréductible dans Z/pZ[X] donc, par exemple, Q est inversible, i.e deg(Q) = 0, d’où deg(Q) = 0 et ainsi Q est inversible dans Q[X], donc P est irréductible dans Q[X]. 28 5.2 Critère d’Eisenstein Soit P = an X n + · · · + a1 X + a0 un polynôme de degré ≥ 1 de Z[X] ; s’il existe un nombre premier p tel que p divise a0 , a1 , · · · , an−1 , p ne divise pas an et p2 ne divise pas a0 , alors P est irréductible dans Q[X]. Si de plus P est primitif, alors P est irréductible dans Z[X]. Preuve : Soient Q = bq X q +· · ·+b0 et R = cr X r +· · ·+c0 dans Z[X] tels que P = QR et supposons q ≥ 1 et r ≥ 1 ; alors on a P = an X n = Q R on en déduit que Q et R sont des monômes d’où Q = bq X q et R = cr X r . Par conséquent bq−1 = · · · = b0 = 0 et cr−1 = · · · = c0 = 0, ainsi p divise b0 ,...bq−1 et c0 ,...cr−1 , d’où p2 divise b0 c0 = a0 ce qui est impossible. Donc q = 0 ou r = 0 et ainsi P est irréductible dans Q[X]. Exemple Si a = p1 p2 · · · pn où p1 , p2 , · · · , pn sont des nombres premiers deux à deux distincts, alors pour tout entier m ≥ 1, le polynôme P = X m ± a est irréductible dans Z[X]. 29 . 30 III GROUPES 1 Groupes 1.1 Définition Soit G un ensemble non vide muni d’une loi de composition interne notée multiplicativement : G × G −→ G (x, y) 7−→ x.y noté aussi xy On dit que (G, .) est un groupe (multiplicatif) si les conditions suivantes sont vérifiées : a) la loi est associative : ∀x, y, z ∈ G, (xy)z = x(yz) ; b) il existe un élément neutre e ∈ G : ∀x ∈ G, xe = ex = x ; c) tout élément possède un symétrique : ∀x ∈ G, ∃ y ∈ G tel que xy = yx = e. Si de plus la loi est commutative, on dit que G est un groupe commutatif ou abélien. 1.2 Exemples a) Z, Q, R, C munis de l’addition sont des groupes commutatifs. Plus généralement, tout anneau est un groupe commutatif pour l’addition. b) Q∗ , R∗ , C∗ munis de la multiplication sont des groupes commutatifs. Plus généralement, pour tout corps K, K ∗ = K − {0K } est un groupe pour la multiplication. En fait, avec le vocabulaire des groupes, on a la définition des corps suivante : (K, +, .) est un corps si et seulement si (K, +) est un groupe commutatif, (K − {0K }, .) est un groupe et la multiplication est distributive par rapport à l’addition. c) Si A est un anneau, l’ensemble A∗ des éléments inversibles est un groupe pour la multiplication. Par exemple, (Z[i])∗ = {1, −1, i, −i} est un groupe pour la multiplication. d) Soit n ∈ N∗ . On appelle permutation à n éléments toute bijection de l’ensemble {1, 2, ..., n} sur lui-même et on note Sn l’ensemble des permutations à n éléments. Alors Sn muni de la loi de composition des applications est un groupe à n! éléments, appelé groupe symétrique. Pour n ≥ 3, Sn n’est pas commutatif. Preuve : c) Soit A un anneau ; montrons que (A∗ , .) est un groupe. Tout d’abord la multiplication est bien une loi interne à A∗ : si a et b ∈ A∗ , alors ab ∈ A∗ , en effet son inverse est b−1 a−1 . De plus la multiplication étant associative dans A, l’est aussi dans A∗ ; 1A ∈ A∗ est élément neutre, et évidemment, tout élément x de A∗ possède un symétrique dans A∗ , à savoir x−1 . d) Tout d’abord, Card(Sn ) = n! ; en effet, soit σ ∈ Sn : pour σ(1) on a n choix possibles parmi {1, 2, ..., n}, une fois σ(1) fixé, comme σ est injective, on a n − 1 choix possibles pour σ(2) parmi {1, 2, ..., n} − {σ(1)}. Par une récurrence finie, pour σ(k), on a n − (k − 1) choix possibles pour σ(k) parmi {1, 2, ..., n} − {σ(1), σ(2), ..., σ(k − 1)}. Donc le nombre total de permutations est n(n − 1) · · · (n − k + 1) · · · 2.1 = n! Montrons que (Sn , ◦) est un groupe ; la loi de composition des applications est interne à Sn (la composée de deux bijections est une bijection). De plus, la loi de composition 31 des applications est toujours associative. Il y a un élément neutre, à savoir l’application identité Id de {1, 2, ..., n} dans {1, 2, ..., n}. Enfin, par définition même, toute bijection possède une bijection réciproque qui est donc son symétrique. 1.3 Propriétés Soit G un groupe multiplicatif. Alors a) L’élément neutre e est unique ; b) tout élément possède un unique symétrique ; c) G est régulier à gauche et à droite : ∀x, y, z ∈ G, zx = zy =⇒ x = y et xz = yz =⇒ x = y. Preuve : immédiat. 1.4 Notations Le plus souvent on emploie la notation multiplicative pour les groupes. Si (G, .) est un groupe, on note généralement e ou eG son élément neutre, et pour tout x ∈ G, on note x−1 son symétrique et on l’appelle l’inverse de x. n fois z }| { Pour tout n ∈ N et tout x ∈ G, on note x = x · · · x et x0 = e par convention. ∗ n Pour n ∈ Z− , on note xn = (x−1 )−n . On remarquera que, si G n’est pas commutatif, pour tous x, y ∈ G et tout n ∈ N∗ (xy)n = (xy)(xy) · · · (xy) 6= xn y n en général. Il arrive qu’on utilise la notation additive, principalement quand le groupe G est commutatif ; on parle alors de groupe additif. Dans ce cas, on note généralement 0G son élément neutre, le symétrique d’un élément x est noté −x et est appelé opposé de x. n fois z }| { Pour tout n ∈ N et tout x ∈ G, on note nx = x + · · · + x et 0x = 0G par convention. ∗ Pour n ∈ Z− , on note nx = −((−n)x). 1.5 Table d’un groupe Quand le groupe est fini, et de cardinal "raisonnable", on peut écrire la table du groupe. Exemple : Table de S3 . S3 a 6 éléments : 1 1 2 3 , σ1 = e= 1 2 3 2 1 2 3 1 σ4 = , σ5 = 3 1 2 2 1 2 3 1 2 3 2 3 , , σ3 = ,σ = 3 2 1 1 3 2 1 3 2 2 3 . 3 1 On a la table suivante : 32 ր e σ1 σ2 σ3 σ4 σ5 e e σ1 σ2 σ3 σ4 σ5 σ1 σ1 e σ4 σ5 σ2 σ3 σ2 σ2 σ5 e σ4 σ3 σ1 σ3 σ3 σ4 σ5 e σ1 σ2 σ4 σ4 σ3 σ1 σ2 σ5 e σ5 σ5 σ2 σ3 σ1 e σ4 2. Homomorphismes 2.1 Définition Soient G et G ′ deux groupes multiplicatifs et ϕ une application de G dans G ′ . On dit que ϕ est un homomorphisme de groupes si ∀x, y ∈ G, ϕ(xy) = ϕ(x)ϕ(y). On appelle isomorphisme de groupes tout homomorphisme de groupes bijectif et automorphisme de groupes tout isomorphisme d’un groupe sur lui-même. 2.2 Propriétés Soient G et G ′ deux groupes et soit ϕ : G −→ G ′ un homomorphisme de groupes. Alors, on a a) ϕ(eG ) = eG ′ ; b) ∀x ∈ G, ϕ(x−1 ) = (ϕ(x))−1 . Preuve : immédiat. 2.3 Exemples a) L’application det : GLn (R) −→ R∗ est un homomorphisme de groupes ∀A, B ∈ GLn (R), det(AB) = det(A) det(B). b) L’application ln : R+∗ −→ R est un homomorphisme de groupes de (R+∗ , .) dans (R, +) ∀a, b ∈ R+∗ , ln(ab) = ln(a) + ln(b) . c) Si G est un groupe multiplicatif, pour tout a ∈ G, l’application : ϕa : G −→ G x 7−→ axa−1 est un automorphisme de groupes de G, appelé automorphisme intérieur. On dit que axa−1 est le conjugué de x par a. Cette notion d’automorphisme intérieur n’a d’intérêt que dans un groupe non commutatif ; en effet, dans un groupe commutatif, ∀a, x ∈ G, on a axa−1 = aa−1 x = x et ainsi ϕa = Id. 33 2.4 Proposition Soient G, G ′ et G ′′ trois groupes et ϕ : G −→ G ′ et ψ : G ′ −→ G ′′ deux homomorphismes de groupes. Alors la composée ψ ◦ ϕ : G −→ G ′′ est un homomorphisme de groupes. Si ϕ est un homomorphisme de groupes bijectif de G dans G ′ , alors ϕ−1 est un homomorphisme de groupes de G ′ dans G. Preuve : Si x, y ∈ G, alors, (ψ ◦ ϕ)(xy) = ψ(ϕ(xy)) = ψ(ϕ(x)ϕ(y)) = ψ(ϕ(x))ψ(ϕ(y)). Donc ψ ◦ ϕ est un homomorphisme de groupes. Si ϕ est bijectif, alors, pour tous x, y ∈ G ′ , ϕ(ϕ−1 (xy)) = xy. Or on a également ϕ(ϕ−1 (x)ϕ−1 (y)) = ϕ(ϕ−1 (x))ϕ(ϕ−1 (y)) = xy puisque ϕ est un homomorphisme de groupes. Donc, ϕ(ϕ−1 (xy)) = ϕ(ϕ−1 (x)ϕ−1 (y)), d’où ϕ−1 (xy) = ϕ−1 (x)ϕ−1 (y) par injectivité de ϕ. 2.5 Définition et proposition On dit que deux groupes G et G ′ sont isomorphes s’il existe un isomorphisme de groupes de G sur G ′ ; on note G ≃ G ′ . La relation d’isomorphisme ≃ est une relation d’équivalence sur l’ensemble des groupes. Preuve : La relation ≃ est réflexive : l’application identique de G sur G est un isomorphisme de groupes. La relation ≃ est symétrique : si G ≃ G ′ , il existe un isomorphisme de groupes ϕ de G sur G ′ ; alors ϕ−1 est un isomorphisme de groupes de G ′ sur G d’après 2.4, donc G ′ ≃ G. La relation ≃ est transitive : si G ≃ G ′ et si G ′ ≃ G ′′ , il existe un isomorphisme de groupes ϕ de G sur G ′ et un isomorphisme de groupes ψ de G ′ sur G ′′ ; alors la composée ψ ◦ ϕ est un isomorphisme de groupes de G sur G ′′ , d’après 2.4. 2.6 Définition et proposition Soient G et G ′ deux groupes multiplicatifs ; on peut définir une loi de composition interne sur le produit G × G ′ de la façon suivante : ∀(x, y), (x′, y ′ ) ∈ G × G ′ , (x, y).(x′ , y ′) = (xx′ , yy ′). Alors G × G ′ muni de cette loi de composition est un groupe : ∗ l’élément neutre de G × G ′ est (eG , eG ′ ) ; ∗ l’inverse d’un élément (x, y) est (x−1 , y −1) ; ∗ si G et G ′ sont commutatifs, G × G ′ est commutatif ; ∗ on a des isomorphismes G × {eG ′ } ≃ G et {eG } × G ′ ≃ G ′ . Preuve : sans difficultés ; l’isomorphisme entre G × {eG ′ } et G n’est autre que l’application ϕ définie par ϕ(x, eG ′ ) = x. 34 2.7 Définition Soient G et G ′ deux groupes et ϕ : G −→ G ′ un homomorphisme de groupes. On appelle noyau de ϕ et on note ker ϕ le sous-ensemble de G défini par ker ϕ = {x ∈ G/ ϕ(x) = eG ′ }. On appelle image de ϕ et on note Im ϕ le sous-ensemble de G ′ défini par Im ϕ = ϕ(G) = {ϕ(x)/ x ∈ G} = {y ∈ G ′ / ∃ x ∈ G, y = ϕ(x)}. On remarque que eG ∈ ker ϕ et eG ′ ∈ Im ϕ d’après 2.2. Exemples a) Pour l’homomorphisme det : GLn (R) −→ R∗ , ker(det) = {A ∈ GLn (R)/ det(A) = 1} ; ce noyau est un groupe, appelé groupe spécial linéaire et noté SLn (R). b) Pour l’homomorphisme ln : R+∗ −→ R, ker(ln) = {a ∈ R+∗ / ln(a) = 0} = {1}. 2.8 Proposition Soient G et G ′ deux groupes et ϕ : G −→ G ′ un homomorphisme de groupes. Alors, on a a) ϕ est injective ⇐⇒ ker ϕ = {eG } ; b) ϕ est surjective ⇐⇒ Im ϕ = G ′ . Preuve : a) Supposons ϕ injective et soit x ∈ ker ϕ alors ϕ(x) = eG ′ , or ϕ(eG ) = eG ′ d’après 2.2, donc x = eG par injectivité, d’où ker ϕ = {eG }. Réciproquement, supposons que ker ϕ = {eG } et soient x, y ∈ G tels que ϕ(x) = ϕ(y) ; alors ϕ(x)(ϕ(y))−1 = eG ′ or d’après 2.2, (ϕ(y))−1 = ϕ(y −1), donc eG ′ = ϕ(x)ϕ(y −1) = ϕ(xy −1 ). Donc xy −1 ∈ ker ϕ, d’où xy −1 = eG et ainsi x = y. Donc ϕ est injective. b) Evident par définition même d’une application surjective. 3. Sous-groupes 3.1 Définition Une partie non vide H d’un groupe G est appelée sous-groupe de G si et seulement si H muni de la loi de composition de G est un groupe. 3.2 Proposition Soit H un sous-groupe d’un groupe G. Alors la loi de composition de G est interne à H, l’élément neutre eH du groupe H n’est autre que l’élément neutre eG de G. De plus, pour tout x ∈ H, l’inverse de x considéré comme élément du groupe H est le même que l’inverse de x considéré comme élément du groupe G. 35 Preuve : On a eH eH = eH dans le groupe H, mais aussi eH eG = eH dans le groupe G, d’où eH eH = eH eG ; on en déduit eG = eH par régularité du groupe G. Pour tout x ∈ H, considérons son inverse x−1 dans le groupe G et x′ son inverse dans le groupe H ; alors xx′ = eH = eG = xx−1 d’où x′ = x−1 , toujours par régularité du groupe G. 3.3 Proposition Soit H une partie d’un groupe multiplicatif G. Alors H est un sous-groupe de G si et seulement si les conditions suivantes sont vérifiées : a)H = 6 ∅; b) ∀x, y ∈ H, xy ∈ H ; c) ∀x ∈ H, x−1 ∈ H. Les deux conditions b) et c) sont équivalentes à la condition b’) suivante : b’) ∀x, y ∈ H, xy −1 ∈ H. Preuve : Soit H un sous-groupe de G alors, par définition, H = 6 ∅. De plus, la loi est interne à H, donc la condition b) est vérifiée. Enfin, l’inverse dans le groupe H d’un élément x de H est évidemment dans H ; or, d’après 3.2, il coïncide avec l’inverse x−1 de x dans le groupe G, donc x−1 ∈ H. Réciproquement, soit H une partie de G vérifiant les conditions a), b) et c). Alors la loi est interne à H grâce à b) et la loi est encore associative dans H. De plus, H étant non vide, il contient au moins un élément x, donc il contient également x−1 par c) et, par conséquent, il contient xx−1 = eG par b). Enfin, tout élément x de H possède un inverse dans H d’après c). Donc H est bien un sous-groupe de G. 3.4 Remarque : en notation additive, les conditions b), c) et b’) s’écrivent sous la forme b) ∀x, y ∈ H, x + y ∈ H ; c) ∀x ∈ H, −x ∈ H ; b’) ∀x, y ∈ H, x − y ∈ H. Exemples a) Pour tout groupe G, {eG } et G sont des sous-groupes de G. b) (Z, +) est un sous-groupe de (R, +). c) Si n ∈ N∗ , Un = {z ∈ C/ z n = 1} est un sous-groupe de (C∗ , .). d) {e, σ1 } est un sous-groupe de S3 (cf. 1.5). 36 e) Tout idéal d’un anneau A est un sous-groupe de (A, +). f) Pour tout groupe G, on appelle centre de G et on note Z(G) le sous-ensemble suivant : Z(G) = {x ∈ G / ∀y ∈ G, xy = yx} alors Z(G) est un sous-groupe de G. g) Si G et G ′ sont des groupes, G × {eG ′ } et {eG } × G ′ sont des sous-groupes de G × G ′ . 3.5 Proposition a) L’intersection de deux sous-groupes d’un groupe G est un sous-groupe de G. Plus \ Gi est un sousgénéralement, si (Gi )i∈I est une famille de sous-groupes de G, alors i∈I groupe de G. b) Soient G et G ′ deux groupes et ϕ : G −→ G ′ un homomorphisme de groupes. Alors ker ϕ est un sous-groupe de G et Im ϕ est un sous-groupe de G ′ . Si H est un sous-groupe de G, alors ϕ(H) est un sous-groupe de G ′ . Preuve a) Soit H = \ i∈I Gi . Alors H est non vide puisque pour tout i ∈ I, Gi contient eG . Soient x, y ∈ H alors, pour tout i ∈ I, x et y ∈ Gi , donc xy −1 ∈ Gi puisque Gi est un sous-groupe de G, d’où xy −1 ∈ H. Ainsi H est un sous-groupe de G. b) ker ϕ est non vide puisqu’il contient au moins eG . Soient x, y ∈ ker ϕ, alors ϕ(xy −1) = ϕ(x)ϕ(y −1) = ϕ(x)(ϕ(y))−1 = eG ′ e−1 G ′ = eG ′ donc xy −1 ∈ ker ϕ et ainsi ker ϕ est un sous-groupe de G. Soit H un sous-groupe de G, alors H contient eG , donc ϕ(H) contient ϕ(eG ) = eG ′ . Soient y, y ′ ∈ ϕ(H), il existe x, x′ ∈ H tels que y = ϕ(x) et y ′ = ϕ(x′ ), alors yy ′−1 = ϕ(x)(ϕ(x′ ))−1 = ϕ(x)ϕ(x′−1 ) = ϕ(xx′−1 ). Or xx′−1 ∈ H puisque H est un sous-groupe, donc yy ′−1 ∈ ϕ(H) et ainsi ϕ(H) est un sous-groupe de G ′ . Dans le cas particulier où H = G, on a ϕ(H) = Im ϕ qui est donc un sous-groupe de G ′ . Remarque : la réunion de deux sous-groupes n’est pas un sous-groupe en général. Par exemple, 2Z et 3Z sont des sous-groupes de (Z, +), mais 2Z ∪ 3Z n’est pas un sous-groupe de (Z, +), en effet 2 ∈ 2Z et 3 ∈ 3Z, mais 3 − 2 = 1 6∈ 2Z ∪ 3Z. 3.6 Définition et proposition Soit G un groupe et A une partie non vide de G. Alors l’intersection de tous les sousgroupes de G contenant A est un sous-groupe de G, appelé sous-groupe engendré par A et noté hAi ; hAi est aussi le plus petit sous-groupe de G contenant A, i.e. H = hAi si et seulement si les deux conditions suivantes sont vérifiées : ∗ H est un sous-groupe de G contenant A ; ∗ pour tout sous-groupe K de G contenant A, H ⊂ K. 37 Preuve : Soit (Gi )i∈I la famille des sous-groupes de G contenant A (elle est non vide puisqu’elle contient G). \ Si H = hAi, alors par définition H = Gi . Donc H est lui-même un sous-groupe de G i∈I contenant A, et si K est un sous-groupe de G contenant A, alors K est l’un des Gi , donc contient H. Réciproquement, si H vérifie les deux conditions, alors, il existe i0 ∈ I tel que H = Gi0 et ∀i ∈ I, on a H ⊂ Gi . On en déduit \ H⊂ Gi ⊂ Gi0 = H. i∈I d’où H= \ i∈I Gi = hAi. Exemples a) Le sous-groupe de Z engendré par {n} est nZ. b) Le sous-groupe de Z engendré par {n, m} est nZ + mZ = dZ où d = pgcd(n, m). 3.7 Définition et proposition Soit G un groupe multiplicatif et x un élément de G. Le sous-groupe de G engendré par la partie {x} est appelé sous-groupe engendré par x est noté hxi (plutôt que h{x}i). On a hxi = {xn / n ∈ Z} en notation multiplicative et hxi = {nx/ n ∈ Z} en notation additive. On dit qu’un groupe G est cyclique ou monogène s’il existe x ∈ G tel que G = hxi. Preuve : Notons H = {xn / n ∈ Z} ; H contient x et est un sous-groupe de G. En effet, pour tous n, m ∈ Z, xn (xm )−1 = xn−m ∈ H. Soit K un sous-groupe de G contenant x, alors, comme K est stable pour la loi de groupe de G, ∀n ∈ N∗ , xn ∈ K ; x−1 ∈ K également, donc (x−1 )n = x−n ∈ K, et x0 = e ∈ K. Donc H ⊂ K. Ainsi H est bien le sous-groupe engendré par x d’après 3.6. Exemples a) le groupe additif Z est cyclique : Z = h1i = h−1i. b) pour tout entier n ≥ 1, le groupe nZ est cyclique : nZ = hni = h−ni. 38 3.8 Définition Soit G un groupe ; on appelle ordre de G et on note |G| le cardinal du groupe G. Soit x ∈ G ; on appelle ordre de x et on note ord(x) l’ordre du groupe hxi. Remarque : Si G est un groupe d’ordre fini, alors tout élément de G est évidemment d’ordre fini, mais la réciproque est fausse : l’ensemble G = {z ∈ C/ ∃ n ∈ N∗ , z n = 1} est un groupe d’ordre infini dont tous les élément sont d’ordre fini. Exemples a) Dans tout groupe G, l’élément neutre est d’ordre 1 (et c’est le seul élément d’ordre 1 de G). b) Dans le groupe S3 , σ1 , σ2 , σ3 sont d’ordre 2, σ4 et σ5 sont d’ordre 3. 4. Relations d’équivalence dans les groupes 4.1 Définition et proposition Soit G un groupe multiplicatif et soit H un sous-groupe de G. On définit une relation Rg sur G de la façon suivante : x Rg y ⇐⇒ x−1 y ∈ H. Rg est une relation d’équivalence sur G ; les classes d’équivalence de Rg sont les ensembles xH où x ∈ G, on les appelle classes à gauche modulo H. L’ensemble-quotient est noté (G/H)g . On a bien sûr les équivalences : x Rg y ⇐⇒ y ∈ xH ⇐⇒ x ∈ yH ⇐⇒ xH = yH. De même, on définit une relation Rd sur G de la façon suivante : x Rd y ⇐⇒ yx−1 ∈ H. Rd est une relation d’équivalence sur G ; les classes d’équivalence de Rd sont les ensembles Hx où x ∈ G, on les appelle classes à droite modulo H. L’ensemble-quotient est noté (G/H)d . Preuve : Rg est réflexive : en effet ∀x ∈ G, x−1 x = e ∈ H donc x Rg x. Rg est symétrique : si x Rg y, alors x−1 y ∈ H donc (x−1 y)−1 ∈ H, or (x−1 y)−1 = y −1x, ainsi y −1 x ∈ H, i.e. y Rg x. Rg est transitive : si x Rg y et si y Rg z, alors x−1 y ∈ H et y −1 z ∈ H donc le produit x−1 yy −1z = x−1 z ∈ H, d’où x Rg z. Donc Rg est une relation d’équivalence sur G. De même Rd est une relation d’équivalence sur G. 39 Remarques : Si le groupe G est commutatif, les relations Rg et Rd coïncident, on note alors simplement R. En notation additive, on a donc x R y ⇐⇒ x − y ∈ H. Dans le cas où G = Z, comme tout sous-groupe est de la forme nZ, on retrouve la définition des relations de congruence modulo n. 4.2 Théorème de Lagrange et définition Soit G un groupe fini et soit H un sous-groupe de G. Alors les ensembles-quotients (G/H)g et (G/H)d sont finis et ont même cardinal, appelé indice de H dans G et noté [G : H]. De plus, on a |G| . [G : H] = |H| On en déduit que l’ordre d’un sous-groupe divise l’ordre du groupe. Preuve : Il est clair que (G/H)g et (G/H)d sont finis puisque G est fini. Considérons l’application : f : (G/H)g −→ (G/H)d xH 7−→ Hx−1 Montrons que f est injective ; soient x et y dans G tels que f (xH) = f (yH), alors Hx−1 = Hy −1 . Or x−1 ∈ Hx−1 , donc x−1 ∈ Hy −1 , i.e. il existe h ∈ H tel que x−1 = hy −1 , donc x = (hy −1)−1 = yh−1 ∈ yH, d’où xH = yH : f est injective. Montrons que f est surjective ; tout élément de (G/H)d est de la forme Hy où y ∈ G, alors y −1 H est un antécédent de Hy par f . Donc f est surjective. Donc f est une bijection et ainsi (G/H)g et (G/H)d ont même cardinal, noté [G : H]. Montrons que [G : H] = |G| . |H| Posons [G : H] = r et considérons un système de représentants (x1 , x2 , ..., xr ) de (G/H)g ; les classes d’équivalence x1 H, x2 H,...,xr H forment alors une partition de G. Donc |G| = Card(x1 H) + Card(x2 H) + · · · + Card(xr H). Or chaque classe xi H a même cardinal que H ; en effet, on voit facilement que l’application : fi : H −→ xi H h 7−→ xi h est une bijection. On en déduit que |G| = r|H| = [G : H]|H|. 40 Remarque La réciproque du théorème de Lagrange est fausse : si G est un groupe fini d’ordre n et si k divise n, il n’existe pas toujours de sous-groupe ou d’élément de G d’ordre k. Exemples Considérons les éléments de S4 suivants : 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 , , σ3 = , σ2 = , σ1 = e= 2 1 3 4 4 3 2 1 3 4 1 2 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 σ4 = , σ5 = , σ6 = , σ7 = , 1 3 4 2 1 4 2 3 3 2 4 1 4 2 1 3 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 . , σ11 = , σ10 = , σ9 = σ8 = 3 1 2 4 2 3 1 4 4 1 3 2 2 4 3 1 et notons A4 l’ensemble de ces éléments. Alors A4 est un sous-groupe de S4 d’ordre 12 qui ne possède aucun élément d’ordre 6 ; en effet, e est d’ordre 1, σ1 , σ2 , σ3 sont d’ordre 2 et tous les autres éléments sont d’ordre 3. On montre que A4 ne possède pas non plus de sous-groupe d’ordre 6. 5. Sous-groupes distingués - Groupes-quotients On a défini au § 4 pour tout sous-groupe H d’un groupe G deux ensembles-quotients (G/H)g et (G/H)d : on va voir à quelle condition ces deux ensembles-quotients coïncident et on va alors munir ce quotient d’une loi de groupe. 5.1 Définition et proposition Soit G un groupe multiplicatif et soit H un sous-groupe de G ; on dit que H est un sous-groupe distingué de G si et seulement si il vérifie l’une des 5 conditions équivalentes suivantes : a) (G/H)g = (G/H)d ; b) ∀x ∈ G, xH = Hx ; c) ∀x ∈ G, xH ⊂ Hx ; d) ∀x ∈ G, xHx−1 ⊂ H ; e) ∀x ∈ G, xHx−1 = H. On note alors H ⊳ G. Preuve : Seule l’implication d) =⇒ e) n’est pas immédiate : supposons donc d) vérifié ; alors, pour tout x ∈ G, on a l’inclusion xHx−1 ⊂ H, mais aussi, puisque x−1 ∈ G, l’inclusion x−1 H(x−1 )−1 ⊂ H, i.e x−1 Hx ⊂ H, d’où H ⊂ xHx−1 et ainsi l’égalité xHx−1 = H. 5.2 Exemples a) Soit G un groupe, alors {eG } est un sous-groupe distingué de G. b) Si G un groupe commutatif, alors tout sous-groupe de G est distingué dans G. 41 c) Soit ϕ : G −→ G ′ un homomorphisme de groupes, alors ker ϕ est un sous-groupe distingué de G. d) Le centre d’un groupe G est un sous-groupe distingué de G. Preuve : c) Soit ϕ : G −→ G ′ un homomorphisme de groupes ; considérons x ∈ G et h ∈ ker ϕ et montrons que xhx−1 ∈ ker ϕ : ϕ(xhx−1 ) = ϕ(x)ϕ(h)ϕ(x−1 ) = ϕ(x)eG ′ (ϕ(x))−1 = eG ′ donc xhx−1 ∈ ker ϕ. d) Considérons x ∈ G et h ∈ Z(G) et montrons que xhx−1 ∈ Z(G) ; ∀y ∈ G, on a : (xhx−1 )y = x(hx−1 )y = x(x−1 h)y = (xx−1 )hy = hy puisque h commute avec tout élément de G. De même on a : y(xhx−1 ) = yx(hx−1 ) = yx(x−1 h) = y(xx−1 )h = yh = hy. Donc xhx−1 commute avec tout élément de G : xhx−1 ∈ Z(G). 5.3 Théorème Soit G un groupe multiplicatif et soit H un sous-groupe distingué de G, alors les relation d’équivalence Rg et Rd coïncident (on note alors simplement R) et sont compatibles avec la loi de groupe de G ; par conséquent l’ensemble quotient (G/H)g = (G/H)d que l’on note dans ce cas G/H, est muni d’une loi de groupe définie de la manière suivante : Soient α et β ∈ G/H ; il existe x et y ∈ G tels que α = x et β = y. On pose alors αβ = x y = xy. On dit que G/H est le groupe-quotient de G par H. De plus la surjection canonique de G sur G/H : p : G/ −→ G/H x 7−→ x est un homomorphisme de groupes. Enfin, si G est commutatif ,alors G/H l’est aussi. Preuve : Soient x, x′ , y, y ′ ∈ G tels que x R x′ et yRy ′ i.e x−1 x′ ∈ H et y −1 y ′ ∈ H, alors il existe h ∈ H tel que x−1 x′ = h et il existe k ∈ H tel que y −1y ′ = k ou encore y ′ = yk ; montrons que xy R x′ y ′ : (xy)−1 x′ y ′ = (y −1 x−1 )x′ y ′ = y −1(x−1 x′ )y = y −1 hy ′ = y −1 hyk = (y −1 hy)k ∈ H car y −1hy ∈ H puisque H ⊳ G. Donc xy R x′ y ′ . 42 5.4 Théorème Soient G et G ′ deux groupes multiplicatifs et soit ϕ un homomorphisme de groupes de G dans G ′ . Alors ϕ induit un isomorphisme de groupes ϕ : G/ ker ϕ −→ Im ϕ x 7−→ ϕ(x) Preuve : L’application ϕ étant un homomorphisme de groupes, ker ϕ est un sous-groupe distingué de G et G/ ker ϕ est un groupe. L’application ϕ est bien définie sur le groupe G/ ker ϕ en effet, si x = y il existe h ∈ ker ϕ tel que y = xh, d’où ϕ(y) = ϕ(xh) = ϕ(x)ϕ(h) = ϕ(x)eG ′ = ϕ(x) et ainsi ϕ(x) ne dépend pas du représentant choisi pour la classe x. D’autre part, ϕ est un homomorphisme de groupes ; pour tous x, y ∈ G, on a en effet ϕ(xy) = ϕ(xy) = ϕ(xy) = ϕ(x)ϕ(y) = ϕ(x)ϕ(y). Il est clair que ϕ est surjective puisque son ensemble d’arrivée est Im ϕ. Montrons que ϕ est injective ; soit x ∈ ker ϕ, on a eG = ϕ(x) = ϕ(x) donc x ∈ ker ϕ. On en déduit que x = eG et ainsi ϕ est injective. 5.5 Proposition Soit H un sous-groupe distingué d’un groupe G ; alors les sous-groupes de G/H sont exactement les groupes-quotients K/H où K est un sous-groupe de G contenant H. Preuve : Si K est un sous-groupe de G contenant H, il est clair que H est distingué dans K puisqu’il l’est dans G et que K/H est un sous-groupe de G/H. Réciproquement, si A est un sous-groupe de G/H et si p désigne la surjection canonique de G sur G/H : p : G −→ G/H x 7−→ x alors, en posant K = p−1 (A), on voit facilement que K est un sous-groupe de G contenant H et que A = K/H. 43 6. Groupes-quotients de (Z, +) 6.1 Proposition Soit H une partie de Z. Alors, on a H est un sous-groupe de Z ⇐⇒ ∃ k ∈ Z, H = kZ. Preuve : cf. cours de 2ème année. 6.2 Proposition a) Pour tout n ∈ N∗ , le groupe-quotient (Z/nZ, +) est cyclique d’ordre n. b) Soit n ∈ N∗ et a ∈ Z. Alors, on a a engendre Z/nZ ⇐⇒ pgcd(a, n) = 1. Preuve : a) On a pour tout m ∈ Z, m = m1 dans Z/nZ donc Z/nZ = h1i est cyclique. b) Supposons Z/nZ = hai. Alors, en particulier, 1 s’écrit 1 = ka = ka pour un certain entier k, donc il existe m ∈ Z tel que 1 = ka + mn ; on en déduit alors que pgcd(a, n) = 1 d’après le théorème de Bezout. Réciproquement, si pgcd(a, n) = 1, alors d’après le théorème de Bezout, il existe k, m ∈ Z tels que 1 = ka + mn, d’où 1 = ka + 0 = ka. Alors, pour tout l ∈ Z, l = l1 = lka, donc Z/nZ = hai. 6.3 Théorème Le théorème des restes chinois vu en 2ème année peut s’exprimer de la façon suivante : soient n, m ∈ N∗ , alors l’application ϕ: Z/nmZ −→ Z/nZ × Z/mZ k (mod nm) 7−→ ( k (mod n), k (mod m)) est bien définie et est un homomorphisme de groupes. De plus, on a : pgcd(n, m) = 1 ⇐⇒ ϕ est un isomorphisme . Preuve : L’application ϕ est bien définie, en effet, si k ≡ l (mod nm) alors nm divise k − l, donc n et m divisent k − l et ainsi k ≡ l (mod n) et k ≡ l (mod m). Montrons que ϕ est un homomorphisme de groupes : Si k ∈ Z, notons k la classe de k (mod n) , b k la classe de k (mod m) et e k la classe de k (mod nm). Pour tous k, l ∈ Z, on a alors + l) = (k + l, b k +b l) = (k, b k) + (l, b l) = ϕ(e k) + ϕ(e l). ϕ(k] + l) = (k + l, k[ 44 Donc ϕ est un homomorphisme de groupes. Dire que ϕ est bijectif revient à dire que pour tout (a, bb) ∈ Z/nZ × Z/mZ, il existe b e e un unique élément k ∈ Z/nmZ tel que ϕ(k) = (a, b), i.e. le système de congruences k ≡ a (mod n) possède une unique solution dans Z modulo nm. Or le théorème des k ≡ b (mod m) restes chinois affirme que c’est le cas si et seulement si n et m sont premiers entre eux. On a vu que Z et Z/nZ sont des groupes cycliques ; en fait, à isomorphisme près, ce sont les seuls : 6.4 Théorème 1) Soit G un groupe cyclique. Alors a) Si G est infini, G est isomorphe à Z. b) Si G est d’ordre fini n, G est isomorphe à Z/nZ. Preuve : 1) G étant un groupe cyclique, il existe x ∈ G tel que G = hxi = {xm / m ∈ Z} en notation multiplicative. Considérons l’application : ϕ : Z −→ G m 7−→ xm Alors, ϕ est un homomorphisme de groupes, en effet : ∀k, m ∈ Z, ϕ(k + m) = xk+m = xk xm = ϕ(k)ϕ(m). Donc ker ϕ est un sous-groupe de Z et ainsi, il existe n ∈ N tel que ker ϕ = nZ. De plus, ϕ est clairement surjective, puisque G = {xm / m ∈ Z}. Donc, d’après 5.4, on a l’isomorphisme Z/nZ ≃ G. Si G est fini alors il est donc d’ordre n. Si G est infini, alors Z/nZ aussi donc nécessairement, n = 0 donc ker ϕ = {0} et ainsi ϕ est un isomorphisme de Z sur G. 6.5 Proposition Soit G un groupe multiplicatif d’ordre fini et soit x ∈ G. Alors l’ordre de x est le plus petit des entiers k ≥ 1 vérifiant xk = e et on a hxi = {e, x, x2 , ..., xord(x)−1 }. De plus, pour tout m ∈ Z, on a : xm = e ⇐⇒ ord(x)|m. 45 Preuve : Soit x ∈ G ; comme hxi est un sous-groupe du groupe fini G, il est lui-même fini, d’ordre n ≥ 1. Considérons l’homomorphisme de groupes ϕ : Z −→ G m 7−→ xm alors, il est clair que Imϕ = hxi, de plus ker ϕ est un sous-groupe de Z donc il existe d ∈ N tel que ker ϕ = dZ. Donc, d’après 5.4, on a l’isomorphisme Z/dZ ≃ hxi on en déduit aussitôt que d = n ; par conséquent, on a pour tout entier k xk = e ⇐⇒ ϕ(k) = e ⇐⇒ k ∈ ker ϕ ⇐⇒ k ∈ nZ ⇐⇒ n|k et ainsi ord(x) est bien le plus petit des entiers k ≥ 1 vérifiant xk = e. Montrons maintenant que hxi = {e, x, x2 , ..., xord(x)−1 } : notons E = {e, x, x2 , ..., xord(x)−1 }, il est clair que E ⊂ hxi ; réciproquement, considérons un élément y de hxi : il existe m ∈ Z tel que y = xm . Effectuons la division euclidienne de m par n : m = nq+r où 0 ≤ r ≤ n−1 ; alors y = xm = (xn )q xr = eq xr = xr ∈ E d’où hxi ⊂ E et ainsi hxi = E. 6.6 Corollaire Soit G un groupe fini d’ordre n. Comme pour tout x ∈ G, l’ordre de x divise l’ordre de G, on a ∀x ∈ G, xn = e. Exemple Dans le groupe fini Un , e 2iπ n est d’ordre n. 6.7 Notation additive Soit G un groupe additif et x ∈ G, alors hxi = {nx/ n ∈ Z}. Si G est fini, alors ord(x) est le plus petit des entiers k ≥ 1 tels que kx = 0G et hxi = {0G , x, 2x, ..., (ord(x) − 1)x}. De plus, pour tout m ∈ Z on a : mx = 0G ⇐⇒ ord(x)|m. 6.8 Théorème Tout sous-groupe d’un groupe cyclique est cyclique. Preuve : Soit H un sous-groupe d’un groupe cyclique G. Si G est infini, G est isomorphe à Z ; comme les sous-groupes de Z sont tous cycliques d’après 3.4 alors, par isomorphisme, les sous-groupes de G sont tous cycliques également. Si G est d’ordre fini n, alors G = hxi = {e, x, x2 , ..., xn−1 }. Soit H un sous-groupe de G : 46 Si H = {e}, alors H est engendré par e donc cyclique. Si H = 6 {e}, l’ensemble E ′ = {k ≥ 1/ xk ∈ H} est non vide, puisque H est un sous-groupe de {e, x, x2 , ..., xn−1 }, non réduit à {e}. Donc E ′ possède un plus petit élément d ≥ 1 ; montrons que H = hxd i. Il est clair que hxd i ⊂ H, puisque xd ∈ H, réciproquement, soit a ∈ H alors a fortiori a ∈ G, donc il existe k ∈ {0, 1, ..., n − 1} tel que a = xk . Effectuons la division euclidienne de k par d : k = qd + r où 0 ≤ r ≤ d − 1, alors a = xk = (xd )q xr donc xr = a(xd )−q d’où xr ∈ H, puisque xd ∈ H et a ∈ H. Si r ≥ 1 alors r ∈ E ′ donc r ≥ d, ce qui est absurde, donc r = 0 et ainsi a = (xd )q ∈ hxd i. Donc H = hxd i : H est cyclique. 6.9 Théorème Le produit direct de deux groupes cycliques finis H et K est cyclique si et seulement si les ordres de H et K sont premiers entre eux. Preuve : Soient H et K deux groupes cycliques finis d’ordre respectivement n et m. Alors d’après 6.4 on a H ≃ Z/nZ et K ≃ Z/mZ. Donc, si n et m sont premiers entre eux, d’après 6.3 on a H × K ≃ Z/nmZ donc H × K est cyclique. Réciproquement, supposons que H × K est cyclique : alors il existe un élément (h, k) de H × K qui engendre H × K, i.e qui est d’ordre nm. Démontrons le lemme suivant : Lemme : Soient H et K deux groupes finis et soient (h, k) ∈ H × K ; alors l’ordre de (h, k) est le ppcm des ordres de h et k. En effet, si on note ord(h) = r, ord(k) = s, ord(h, k) = t et ppcm(r, s) = u, alors (eH , eK ) = (h, k)t = (ht , k t ) d’où ht = eH et k t = eK donc r et s divisent t et ainsi u = ppcm(r, s) divise t. D’autre part, r divise u donc hu = eH et s divise u donc k u = eK , d’où (h, k)u = (eH , eK ) et ainsi t divise u, donc t = u. Appliquons le lemme à (h, k) : notons ord(h) = r, ord(k) = s, alors on a nm = ord(h, k) = ppcm(r, s) or h ∈ H qui est d’ordre n donc r divise n i.e il existe n′ ∈ N tel que n = rn′ , de même s divise m donc il existe m′ ∈ N tel que m = sm′ , ainsi on a n′ m′ rs = ppcm(r, s) ; or ppcm(r, s) divise rs, i.e il existe u ∈ N tel que rs = u × ppcm(r, s), donc n′ m′ u × ppcm(r, s) = ppcm(r, s) d’où n′ m′ u = 1 et ainsi n′ = m′ = u = 1. On en déduit que n = r et m = s donc nm = ppcm(n, m), d’où pgcd(n, m) = 1. 7. Groupes isomorphes L’un des problèmes centraux de la théorie des groupes consiste à pouvoir dire si deux groupes donnés sont isomorphes ou pas ; s’ils le sont, il suffit pour le prouver d’exhiber un isomorphisme entre les deux, s’ils ne le sont pas, il suffit de montrer qu’une propriété que l’on sait commune à deux groupes isomorphes est vérifiée par l’un et pas par l’autre. 47 D’où l’utilité de faire une liste (non exhaustive !) de propriétés communes à deux groupes isomorphes : 7.1 Théorème Soient G et G ′ deux groupes isomorphes ; notons ϕ un isomorphisme de G sur G ′ . Alors, on a : a) Si G est commutatif, G ′ aussi ; b) Si G est infini, alors G ′ aussi ; c) Si G est fini, alors G ′ aussi et |G| = |G ′ | ; d) ∀x ∈ G, ord(x) = ord(ϕ(x)) (éventuellement infini). Pour un entier k donné, G et G ′ ont le même nombre d’éléments d’ordre k (éventuellement aucun !) ; e) Si G est cyclique, G ′ aussi ; f) Si G possède un sous-groupe H d’ordre k, alors G ′ aussi, à savoir ϕ(H). Pour un entier k donné, G et G ′ ont le même nombre de sous-groupes d’ordre k (éventuellement aucun !). Preuve : a) : immédiat. b) et c) : proviennent du fait que ϕ est bijectif. d) et e) : en notation multiplicative hxi = {xn / n ∈ Z}, alors, on a ϕ(hxi) = {ϕ(xn )/ n ∈ Z} = {(ϕ(x))n / n ∈ Z} = hϕ(x)i. D’où le résultat. f) Si H est un sous-groupe de G, alors ϕ(H) est un sous groupe de G ′ d’après 3.5, et de même cardinal que H puisque ϕ est bijectif. 7.2 Exemples a) Z/4Z et Z/6Z ne sont pas isomorphes car ils sont d’ordres différents. b) Z/6Z et S3 ne sont pas isomorphes : ils ont certes le même ordre, mais l’un est commutatif et l’autre ne l’est pas. c) Z/4Z et Z/2Z × Z/2Z ne sont pas isomorphes : ils ont le même ordre, sont tous deux commutatifs, mais Z/4Z possède un élément d’ordre 4, alors que Z/2Z × Z/2Z n’en possède pas. En effet : Z/2Z × Z/2Z = {(0, 0), (0, 1), (1, 0), (1, 1)}. et (0, 0) est d’ordre 1 , (0, 1), (1, 0), (1, 1) sont d’ordre 2. Z/2Z × Z/2Z est appelé groupe de Klein. 8 Groupe symétrique On a défini au § I le groupe symétrique Sn comme le groupe des bijections de l’ensemble En = {1, 2, · · · , n} sur lui même. On va étudier plus en détail sa structure. 48 8.1 Définition et proposition Soit σ ∈ Sn ; on définit une relation Rσ sur En de la façon suivante : k Rσ m ⇐⇒ ∃ p ∈ Z / m = σ p (k) La relation Rσ est une relation d’équivalence. La classe d’équivalence d’un élément k de En est appelée orbite de k suivant σ et notée Oσ (k) Oσ (k) = {σ p (k) / p ∈ Z} Les orbites suivant σ forment alors une partition de En . Preuve : immédiate. 8.2 Définition Soit σ ∈ Sn − {Id} ; on appelle support de σ et on note supp(σ) le sous-ensemble de En défini par : supp(σ) = {i / 1 ≤ i ≤ n et σ(i) 6= i}. 8.3 Définition Soit d un entier ≤ n ; on dit qu’un élément σ ∈ Sn est un d-cycle si et seulement si une seule de ses orbites, dont le cardinal est d, n’est pas réduite à un élément. Cette orbite est alors le support du cycle σ. Autrement dit, σ est un d-cycle si et seulement si il existe d éléments a1 , a2 , · · · , ad distincts deux à deux de En tels que σ(ai ) = ai+1 pour 1 ≤ i ≤ d − 1 et σ(ad ) = a1 σ(j) = j pour j ∈ En − {a1 , a2 , · · · , ad } On a alors supp(σ) = {a1 , a2 , · · · , ad } et on note σ = (a1 a2 · · · ad ). Un 2-cycle est appelé une transposition : il échange deux éléments de En et laisse fixes tous les autres. On dit que deux cycles sont disjoints si leurs supports respectifs sont disjoints. 8.4 Proposition Soit σ et τ des cycles de Sn . Alors on a : a) Si σ est un d-cycle, ord(σ) = d ; b) supp(σ) = supp(σ −1 ) et σ(supp(σ)) = supp(σ) ; c) supp(σ ◦ τ ) ⊂ supp(σ) ∪ supp(τ ) ; d) Si σ et τ sont disjoints alors σ ◦ τ = τ ◦ σ et supp(σ ◦ τ ) = supp(σ) ∪ supp(τ ). Preuve : a) Soit σ = (a1 a2 · · · ad ) un d-cycle ; il est facile de voir que σ k (a1 ) = a1+k pour 1 ≤ k ≤ d − 1, d’où σ d−1 (a2 ) = σ d−1 (σ(a1 )) = σ(σ d−1 (a1 )) = σ(ad ) = a1 , ....., σ d−1 (ad ) = σ d−1 (σ(ad−1 )) = σ(σ d−1 (ad−1 )) = σ(ad−2 ) = ad−1 ; on en déduit, d’une part que σ k 6= Id 49 si 1 ≤ k ≤ d − 1, et d’autre part que σ d (a1 ) = σ(ad ) = a1 ,....., σ d (ad ) = σ(ad−1 ) = ad , d’où σ d = Id. Donc ord(σ) = d. b) Soit j ∈ En , alors on a j 6∈ supp(σ) ⇐⇒ σ(j) = j ⇐⇒ σ −1 (j) = j ⇐⇒ j 6∈ supp(σ −1 ). Donc supp(σ) = supp(σ −1 ). D’autre part il est clair que σ(supp(σ)) = supp(σ). c) Soit j ∈ En tel que j 6∈ supp(σ) et j 6∈ supp(τ ) ; alors σ(j) = j et τ (j) = j, d’où σ◦τ (j) = j et ainsi j 6∈ supp(σ◦τ ). Donc, par contraposée, supp(σ◦τ ) ⊂ supp(σ)∪supp(τ ). d) Supposons σ et τ disjoints et soit j ∈ En ; comme supp(σ) et supp(τ ) sont disjoints, il n’y a que 3 cas de figure pour j : ∗ 1er cas : j 6∈ supp(σ) et j 6∈ supp(τ ) ; alors σ(j) = j et τ (j) = j donc σ ◦ τ (j) = j = τ ◦ σ(j). ∗ 2ème cas : j 6∈ supp(σ) et j ∈ supp(τ ) ; alors σ(j) = j donc τ ◦ σ(j) = τ (j), d’autre part, τ (j) ∈ supp(τ ) d’après b) et supp(σ) et supp(τ ) sont disjoints donc τ (j) 6∈ supp(σ) d’où σ ◦ τ (j) = τ (j) et ainsi σ ◦ τ (j) = τ ◦ σ(j). ∗ 3ème cas : j ∈ supp(σ) et j 6∈ supp(τ ) ; on se ramène au 2ème cas en échangeant les rôles de σ et τ . Donc ∀j ∈ En , σ ◦ τ (j) = τ ◦ σ(j) : σ ◦ τ = τ ◦ σ. Montrons maintenant que supp(σ ◦ τ ) = supp(σ) ∪ supp(τ ) ; d’après c) on a l’inclusion supp(σ ◦ τ ) ⊂ supp(σ) ∪ supp(τ ), il reste à montrer l’inclusion inverse : soit j ∈ En tel que j 6∈ supp(σ ◦ τ ), alors σ ◦ τ (j) = τ ◦ σ(j) = j. Supposons que σ(j) 6= j, alors τ (j) 6= j, en effet, si τ (j) = j, alors σ ◦ τ (j) = σ(j) 6= j ce qui est absurde, donc j ∈ supp(σ) ∩ supp(τ ) ce qui est impossible puisque supp(σ) et supp(τ ) sont disjoints. Donc σ(j) = j et par conséquent, j = τ ◦ σ(j) = τ (j), d’où j 6∈ supp(σ) et j 6∈ supp(τ ). On en déduit aussitôt que supp(σ) ∪ supp(τ ) ⊂ supp(σ ◦ τ ). 8.5 Proposition Soit (σi )1≤i≤p une famille de cycles deux à deux disjoints et soit σ = σ1 ◦ · · · ◦ σp ; alors, on a : [ a) σ coïncide avec σj sur supp(σj ) pour tout 1 ≤ j ≤ p, et avec Id sur En − supp(σi ). 1≤i≤p b) Les supports des σi sont les orbites suivant σ non réduites à un élément. Preuve : a) Soit k ∈ supp(σj ), alors on a pour tout iY 6= j, k 6∈ supp(σi ) puisque les supportsYsont σi , deux à deux disjoints d’où σi (k) = k donc σi (k) = k d’où, en écrivant σ = σj i6=j on obtient σ(k) = σj (k). Soit maintenant k ∈ En − σ(k) = k. [ 1≤i≤p i6=j supp(σi ), alors pour tout 1 ≤ i ≤ p, σi (k) = k d’où 50 b) Soit k ∈ supp(σi ), alors on peut écrire supp(σi ) = {σim (k) / m ∈ Z} = Oσi (k) car supp(σi ) est la seule orbite non réduite à un élément. Or d’après a) σ(k) = σi (k) puisque k ∈ supp(σi ), donc pour tout m ∈ Z, on a σ m (k) = σim (k) car σi (k) ∈ supp(σi ) et par conséquent supp(σi ) = {σ m (k) / m ∈ Z} = Oσ (k) et ainsi supp(σi ) est une orbite suivant σ. De plus, d’après a), on a [ supp(σi ) = {k ∈ En / σ(k) 6= k} 1≤i≤p donc toute orbite suivant σ non réduite à un élément est l’un des supp(σi ). 8.6 Théorème et définition Toute permutation σ ∈ Sn distincte de Id s’écrit de manière unique, à l’ordre près, comme produit d’une famille de cycles disjoints deux à deux : σ = σ1 ◦ · · · ◦ σp où σi est un di -cycle avec d1 ≤ d2 ≤ · · · ≤ dp : le p-uplet (d1 , · · · , dp ) est appelé le type de σ. De plus ord(σ) = ppcm(ord(σ1 ), · · · , ord(σp )). Preuve : Soit σ ∈ Sn distincte de Id, alors les orbites suivant σ ne sont pas toutes réduites à un seul élément ; considérons donc la famille (Ti )1≤i≤p des orbites suivant σ non réduites à un seul élément et pour tout 1 ≤ i ≤ p notons σi la permutation qui coïncide avec σ sur Ti et avec Id sur En − Ti : il est clair que σi est un cycle de support Ti . Les orbites d’une permutation formant une partition de En , il est clair que les ensembles Ti sont disjoints deux à deux, donc les cycles σi commutent entre eux deux à deux. Posons alors σ ′ = σ1 ◦ · · · ◦ σp . [ Montrons que σ = σ ′ : si k ∈ En − supp(σi ), alors σ(k) = k = σ ′ (k) et si k ∈ supp(σj ), ′ alors en écrivant σ = σj Y 1≤i≤p ′ σi , on a σ (k) = σj (k) = σ(k). Donc σ = σ ′ . i6=j Montrons maintenant l’unicité, à l’ordre près, de la décomposition : si σ = τ1 ◦ · · · ◦ τq où τ1 , · · · , τq sont des cycles disjoints deux à deux , alors d’après 8.5, les supports des τj sont exactement les orbites suivant σ non réduites à un élément, donc ce sont les ensembles Ti , par conséquent p = q et, quitte à réindexer les τi , on a supp(τi) = Ti pour tout 1 ≤ i ≤ p. On en déduit, toujours [ d’après 8.5, que pour tout 1 ≤ i ≤ p, τi coïncide avec σ sur Ti et avec Id sur En − supp(σi ). Or σi coïncide avec σ sur Ti et avec Id sur En − supp(σi ), 1≤i≤p de plus, comme les supports des cycles σj sont disjoints deux à deux, σi coïncide avec Id sur Tj pour tout j 6= i ; donc τi = σi pour tout 1 ≤ i ≤ p. 51 Notons m = ppcm(ord(σ1 ), · · · , ord(σp )) et n = ord(σ) ; comme σ1 , · · · , σp commutent entre eux deux à deux, on a σ m = σ1m ◦ · · · ◦ σpm = Id ◦ · · · ◦ Id = Id, d’où n divise m. Réciproquement, on a Id = σ n = σ1n ◦ · · · ◦ σpn donc σ1n = (σ2−1 )n ◦ · · · ◦ (σp−1 )n , donc supp(σ1n ) = supp((σ2−1 )n ◦ · · · ◦ (σp−1 )n ) ⊂ supp(σ2 ) ∪ · · · ∪ supp(σp ) d’après 8.4. Or, si σ1n 6= Id, son support est non vide et contenu dans supp(σ1 ) ; mais comme les cycles σ1 , · · · , σp sont disjoints deux à deux, supp(σ1 ) et supp(σ2 ) ∪ · · · ∪ supp(σp ) sont disjoints, ce qui est absurde. Donc σ1n = Id ; de la même manière, on montre que σ2n = · · · = σpn = Id et ainsi n est multiple des ordres des σi donc de leur ppcm m. On en déduit que n = m. Exemple Considérons la permutation 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 σ= 9 10 1 8 7 4 5 2 3 6 et déterminons ses orbites : O(1) = {1, 9, 3}, O(2) = {2, 10, 6, 4, 8} et O(5) = {5, 7} Alors, en posant σ1 = (1 9 3), σ2 = (2 10 6 4 8) et σ3 = (5 7), on a aussitôt σ = σ1 ◦ σ2 ◦ σ3 et ainsi ord(σ) = ppcm(3, 5, 2) = 30. 8.7 Application On peut facilement calculer la puissance nieme d’une permutation à partir de sa décomposition en cycles : si σ = σ1 ◦ · · · ◦ σp où les σi sont des di -cycles deux à deux disjoints donc commutant entre eux deux à deux , alors σ m = σ1m ◦ · · · ◦ σpm et, puisque σi est d’ordre di , σim = σiri où ri est le reste de la division euclidienne de m par di : 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 3071 Exemple : Calcul de σ si σ = 9 10 1 8 7 4 5 2 3 6 alors σ = σ1 ◦ σ2 ◦ σ3 où σ1 = (1 9 3), σ2 = (2 10 6 4 8) et σ3 = (5 7), d’où σ 3071 = σ13071 ◦ σ23071 ◦ σ33071 et σ13071 = σ12 = (3 9 1) , σ23071 = σ2 = (2 10 6 4 8) et σ33071 = σ3 = (5 7) donc σ 3071 = 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 3 10 9 8 7 4 5 2 1 6 8.8 Théorème a) Si n ≥ 2, toute permutation σ ∈ Sn s’écrit comme produit de transpositions (la décomposition n’est pas unique). b) Si n ≥ 2, toute permutation σ ∈ Sn s’écrit comme produit de transpositions du type (i i + 1). Preuve : a) Il suffit de constater que tout cycle peut s’écrire comme produit de transpositions grâce à l’identité (a1 a2 a3 · · · ad−1 ad ) = (a1 a2 ) ◦ (a2 a3 ) · · · (ad−1 ad ) 52 et d’utiliser le théorème 8.6. b) Avec a) il suffit de montrer que toute transposition (a b) où a < b peut s’écrire comme produit de transpositions du type (i i + 1) : si b = a + 1, c’est clair et si b > a + 1 , on fait une récurrence sur b − a à l’aide de l’identité (a b) = (b − 1 b)(a b − 1)(b − 1 b). 8.9 Théorème Deux permutations σ et σ ′ de Sn sont conjuguées (i.e il existe τ ∈ Sn tel que σ ′ = τ ◦σ◦τ −1 ) si et seulement si σ et σ ′ ont le même type. Preuve : Si σ et σ ′ ∈ Sn sont conjuguées, alors il existe τ ∈ Sn tel que σ ′ = τ ◦ σ ◦ τ −1 ; écrivons σ = σ1 ◦ · · · ◦ σp où les σi sont des di -cycles deux à deux disjoints. Il est facile de vérifier que le conjugué d’un di -cycle est un di -cycle, plus précisément si σi = (a1 a2 · · · adi ) on a: alors τ ◦ σi ◦ τ −1 = (τ (a1 ) τ (a2 ) · · · τ (adi )) = σi′ σ ′ = τ ◦ σ ◦ τ −1 = (τ ◦ σ1 ◦ τ −1 ) ◦ (τ ◦ σ2 ◦ τ −1 ) ◦ · · · ◦ (τ ◦ σd ◦ τ −1 ) = σ1′ ◦ · · · ◦ σp′ donc σ ′ a même type que σ. Réciproquement, si σ et σ ′ ont le même type alors on a les décompositions en produit de cycles disjoints σ = σ1 ◦ · · · ◦ σp où σi = (ai1 ai2 · · · aidi ) est un di-cycle et σ ′ = σ1′ ◦ · · · ◦ σp′ où σi′ = (a′1 i a′2 i · · · a′di i ) est aussi un di-cycle. Comme les cycles sont disjoints deux à deux, on peut définir une permutation τ en posant pour tout 1 ≤ i ≤ p et pour tout 1 ≤ j ≤ di , τ (aij ) = a′j i et τ (a) = a si a n’est dans aucun support des σi , alors on a pour tout 1 ≤ i ≤ p, τ ◦ σi ◦ τ −1 = σi′ d’où σ ′ = τ ◦ σ ◦ τ −1 . 8.10 Définition Soit σ ∈ Sn : on appelle signature de σ et on note ε(σ) l’entier (−1)n−m où m désigne le nombre d’orbites suivant σ. 8.11 Proposition a) ε(Id) = 1 ; b) Si σ est une transposition, ε(σ) = −1 ; c) Si σ est un d-cycle, ε(σ) = (−1)d−1 . Preuve : a) Dans Sn , Id possède n orbites, d’où ε(Id) = (−1)n−n = 1. b) Une transposition σ de Sn possède n − 1 orbites : son support réduit à deux éléments et n − 2 orbites réduites à un élément, d’où ε(σ) = −1. c) Soit σ un d-cycle de Sn : σ = (a1 a2 a3 · · · ad−1 ad ), alors O(a1 ) = O(a2 ) = · · · = O(ad ) et O(a) = {a} si a 6∈ {a1 , a2 a3 , · · · , ad } donc σ possède n − d + 1 orbites, d’où ε(σ) = (−1)d−1 . 53 8.12 Proposition Soit σ ∈ Sn et soit τ une transposition ; alors ε(σ ◦ τ ) = −ε(σ). Preuve : Soit m le nombre d’orbites suivant σ. Posons τ = (a b) et σ ′ = σ ◦ τ , alors σ ′ (a) = σ(b) , σ ′ (b) = σ(a) et σ ′ (x) = σ(x) si x 6= a et b, donc seules les orbites suivant σ contenant a ou b sont modifiées par τ . 1er cas : a et b sont dans la même orbite O de cardinal p suivant σ, alors O = {a, σ(a), · · · , σ p−1(a)} et il existe 0 < q ≤ p − 1 tel que b = σ q (a) ; calculons l’orbite suivant σ ′ contenant a : σ ′ (a) = σ(b) = σ(σ q (a)) = σ q+1 (a), σ ′2 (a) = σ ′ (σ(b)) = σ(σ(b)) = σ q+2 (a),etc.....,σ ′k (a) = σ q+k (a), etc...., σ ′p−q−1 (a) = σ ′ (σ ′p−q−2 (a)) = σ ′ (σ p−2(a)) = σ p−1 (a) et σ ′p−q (a) = σ ′ (σ ′p−q−1 (a)) = σ ′ (σ p−1 (a)) = σ p (a) = a, d’où Oσ′ (a) = {a, σ q+1 (a), σ q+2 (a), · · · , σ p−1 (a)}. Donc b 6∈ Oσ′ (a) : on obtient deux orbites suivant σ ′ alors qu’on en avait une seule pour σ, donc σ ′ admet m + 1 orbites, d’où ε(σ ′ ) = (1)n−m−1 = −ε(σ). 2ème cas : a et b sont dans deux orbites distinctes O1 et O2 suivant σ O1 = {a, σ(a), · · · , σ p−1 (a)} et O2 = {b, σ(a), · · · , σ q−1 (b)} Alors σ ′ (a) = σ(b), σ ′2 (a) = σ ′ (σ(b)) = σ 2 (b),etc..., σ ′q (a) = σ ′ (σ ′q−1 (b)) = σ(σ q−1 (b)) = σ q (b) = b donc b ∈ Oσ′ (a) et par conséquent a et b sont dans la même orbite suivant σ ′ , donc σ ′ admet m − 1 orbites, d’où ε(σ ′ ) = (1)n−m+1 = −ε(σ). 8.13 Corollaire Si σ est produit de p transpositions, alors ε(σ) = (−1)p . Preuve : immédiate avec 8.12. 8.14 Définition et théorème Si σ ∈ Sn , on définit le nombre k d’inversions de σ comme le nombre de couples (i, j) ∈ En2 tels que i < j et σ(i) > σ(j) ; alors ε(σ) = (−1)k . Preuve : D’après 8.8 b) σ peut s’écrire comme produit de transpositions de la forme (i i + 1) et il est facile de voir que le nombre de transpositions nécessaires à cette écriture est exactement le nombre d’inversions k de σ, d’où ε(σ) = (−1)k d’après 8.13. 8.15 Théorème L’application signature est un homomorphisme de groupes de Sn dans le groupe multiplicatif {1, −1}, surjectif si n ≥ 2 : ∀σ, τ ∈ Sn , ε(σ ◦ τ ) = ε(σ)ε(τ ). 54 Preuve : Considérons σ et τ ∈ Sn , alors d’après 8.8 σ peut s’écrire comme produit de p transpositions et τ comme produit de q transpositions, donc σ ◦ τ peut s’écrire comme produit de p + q transpositions et ainsi d’après 8.13 : ε(σ ◦ τ ) = (−1)p+q = (−1)p (−1)q = ε(σ)ε(τ ) Donc ε est un homomorphisme de groupes de Sn dans le groupe multiplicatif {1, −1} ; de plus si n ≥ 2, Sn contient Id et au moins une transposition, donc ε est surjectif. 8.16 Calcul de la signature On a donc trois méthodes pour calculer la signature d’une permutation : a) en calculant le nombre d’orbites et en utilisant la définition 8.10 ; b) à partir de la décomposition en produit de cycles disjoints en utilisant 8.15 et 8.11 ; c) en comptant le nombre d’inversions de la permutation et en utilisant 8.14. Exemple Considérons la permutation de S10 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 σ= 9 10 1 8 7 4 5 2 3 6 On a vu dans 8.6 que σ comptait trois orbites, donc ε(σ) = (−1)10−3 = −1 ; d’autre part on a vu que σ = σ1 ◦ σ2 ◦ σ3 où σ1 = (1 9 3), σ2 = (2 10 6 4 8) et σ3 = (5 7), donc ε(σ) = ε(σ1 )ε(σ2 )ε(σ3 ) = (−1)3−1 (−1)5−1 (−1)2−1 = −1 ; enfin le nombre d’inversions de σ est égal à 8 + 8 + 0 + 6 + 5 + 2 + 2 + 0 + 0 = 31, donc ε(σ) = (−1)31 = −1. 8.17 Théorème et définition Le noyau de l’homomorphisme ε est un sous-groupe distingué de Sn , appelé groupe alterné et noté An : An = {σ ∈ Sn / ε(σ) = 1}. Les éléments de An sont appelées permutations paires et les éléments de Sn − An sont appelées permutations impaires. Si n ≥ 2, ε étant surjectif, on a l’isomorphisme de groupes Sn /An ≃ {1, −1} n! On en déduit que An est d’ordre : il y a donc autant de permutations paires que de 2 permutations impaires. Preuve : immédiat d’après 5.2, 5.4 et le théorème de Lagrange. 55 9. Equation des classes 9.1 Définition et proposition Soit G un groupe ; pour tout x ∈ G, l’ensemble Cx défini par Cx = {y ∈ G / xy = yx} est un sous-groupe de G appelé centralisateur de x. Preuve : immédiat. 9.2 Définition et proposition On considère la relation B dite de conjugaison sur un groupe G définie par x B y ⇐⇒ ∃ a ∈ G, y = axa−1 . Alors B est une relation d’équivalence sur G. Preuve : immédiat. 9.3 Théorème Soit G un groupe fini et soit (x1 , x2 , · · · , xr ) un système de représentants de la relation de conjugaison B tel que pour 1 ≤ i ≤ s, xi 6∈ Z(G) et pour s + 1 ≤ i ≤ r, xi ∈ Z(G) ; alors on a “l’équation des classes” X |G| = |Z(G)| + [G : Cxi ]. 1≤i≤s . Preuve : cf. exercice. 56 IV GROUPES COMMUTATIFS FINIS Dans tout le chapitre, on considère des groupes additifs commutatifs. 1 Somme directe de groupes 1.1 Définition Soit (G, +) un groupe commutatif et soient H1 , H2 , · · · , Hk des sous-groupes de G ; on dit que G est somme directe des sous-groupes H1 , H2 , · · · , Hk et on note G = H1 ⊕H2 ⊕· · ·⊕Hk si et seulement si on a : ∀x ∈ G, il existe un unique k-uplet (x1 , x2 , · · · , xk ) ∈ H1 × H2 × · · · × Hk tel que x= k X xj . j=1 Si H et K sont des sous-groupes de G, on dit H et K sont supplémentaires dans G si et seulement si H ⊕ K = G. 1.2 Proposition Soit (G, +) un groupe commutatif et soient H1 , H2 , · · · , Hk des sous-groupes de G ; alors on a : G = H1 + H2 + · · · + Hk \X G = H1 ⊕ H2 ⊕ · · · ⊕ Hk ⇐⇒ Hj = {0} ∀1 ≤ i ≤ k, H i j6=i Preuve : analogue à celle faite dans le cas des espaces vectoriels. 1.3 Remarques a) Si G = H1 ⊕ H2 ⊕ · · · ⊕ Hk , alors G ≃ k Y j=1 Hj . b) Si H est un sous-groupe de G, H ne possède pas nécessairement de supplémentaire dans G. 2 p-groupes 2.1 Définition Soit p un nombre premier et G un groupe commutatif ; on dit que G est un p-groupe ou un groupe p-primaire si et seulement si les ordres de tous les éléments de G sont des puissances de p. 57 Exemples a) Z/2Z, Z/8Z, (Z/2Z)3 × Z/4Z sont des 2-groupes (finis). b) Z/5Z[X] est un 5-groupe (infini). 2.2 Théorème Soit G un groupe commutatif fini et p un nombre premier ; alors on a : G est un p-groupe ⇐⇒ ∃ a ∈ N∗ , |G| = pa . Preuve : S’il existe a ∈ N∗ tel que |G| = pa alors, d’après le théorème de Lagrange, l’ordre de tout élément de G divise pa donc est une puissance de p : G est donc un p-groupe. Réciproquement, si G est un p-groupe, montrons qu’il existe a ∈ N∗ tel que |G| = pa par récurrence : si |G| = 2, alors |G| est une puissance de 2 ; soit n ≥ 2 et supposons le résultat démontré pour tous les p-groupes d’ordre ≤ n − 1 : considérons un p-groupe G d’ordre n et soit x ∈ G − {0}, alors il existe b ∈ N∗ tel que ord(x) = pb . Le groupe-quotient G/hxi est aussi un p-groupe, en effet : pour tout α ∈ G/hxi, il existe y ∈ G tel que α = y ; comme G est un p-groupe, y est d’ordre pk pour un certain entier k, donc pk y = 0, d’où pk y = 0, i.e pk α = 0 et ainsi l’ordre de α divise pk donc est une puissance de p. |G| < |G| donc on peut appliquer l’hypothèse de récurrence au p-groupe pb G/hxi : il existe c ∈ N tel que |G/hxi| = pc , d’où |G| = pb+c . De plus, |G/hxi| = 2.3 Définition et proposition Soit G un groupe commutatif fini et soit p un nombre premier divisant |G| ; on définit la composante p-primaire Gp de G de la façon suivante : Gp = {x ∈ G / ∃ a ∈ N, ord(x) = pa }. Gp est un sous-groupe de G (et évidemment un p-groupe). Preuve : Tout d’abord, 0 ∈ Gp , en effet ord(0) = 1 = p0 . Considérons maintenant x et y deux éléments de Gp : il existe deux entiers a et b tels que ord(x) = pa et ord(y) = pb ; si on suppose a ≥ b, alors on a pa (x − y) = pa x − pa y = 0 − 0 = 0 donc ord(x − y) divise pa , d’où ord(x − y) est une puissance de p : x − y ∈ Gp . 58 Exemple Considérons le groupe G = Z/60Z et calculons G2 : G2 = {k ∈ G / ∃ a ∈ N, ord(k) = 2a } or pour tout k ∈ G , ord(k) divise 60 donc si k ∈ G2 , ord(k) = 1, 2 ou 4 et ainsi G2 = {k ∈ G / 4k = 0} = {k ∈ G / k ∈ 15Z} = 15Z/60Z = {0, 15, 30, 45}. 2.4 Théorème Soit G un groupe commutatif fini d’ordre n ≥ 2 ; considérons la décomposition de n en produit de facteurs premiers n = pa11 pa22 · · · pakk où p1 , p2 , · · · , pk sont des nombres premiers distincts deux à deux et où a1 , a2 , · · · , ak sont des entiers ≥ 1, alors on a : G = Gp1 ⊕ Gp2 ⊕ · · · ⊕ Gpk . et pour tout 1 ≤ i ≤ k, ord(Gpi ) = pai i . De plus cette décomposition est unique à l’ordre près, plus précisément : si G = H1 ⊕ · · · ⊕ Hm où pour tout j, Hj est un sous-groupe de G qj -primaire avec q1 , · · · , qm des nombres premiers distincts deux à deux, alors k = m et, quitte à réindexer, pour tout 1 ≤ i ≤ k, on a qi = pi et Hi = Gpi . Preuve : Existence : posons pour tout i, ni = Y j6=i a pj j , alors il est clair que n1 , n2 , · · · , nk sont premiers entre eux dans leur ensemble, donc d’après le théorème de Bezout, il existe q1 , q2 , · · · , qk tels que n1 q1 + · · · + nk qk = 1 donc pour tout x ∈ G, on a x = (n1 q1 + · · · + nk qk )x = n1 q1 x + · · · + nk qk x alors en posant xi = ni qi x pour tout 1 ≤ i ≤ k, on a x = x1 + · · · + xk . Montrons que pour tout 1 ≤ i ≤ k, xi ∈ Gpi : on a pai i xi = pai i qi ni x = qi nx = 0 donc ord(xi ) divise pai i , d’où ord(xi ) est une puissance de pi : xi ∈ Gpi ; donc G = Gp1 + Gp2 + · · · + Gpk . Montrons maintenant que la somme est directe : soit 1 ≤ i ≤ k et y ∈ Gpi Comme y ∈ Gpi , il existe un entier b tel que ord(y) = y= X pbi ; de plus y ∈ \X X j6=i j6=i Gpj . Gpj donc c yj où yj ∈ Gpj pour tout j 6= i, donc il existe des entiers cj tel que ord(yj ) = pjj , j6=i c d’où pjj yj = 0. Posons alors q = Y c pjj , il est clair que qy = 0 : on en déduit alors que j6=i 59 b b ord(y) = pbi\ divise X q, or q et pi sont premiers entre eux, donc nécessairement pi = 1 d’où y = 0 : Gpi Gpj = {0}. Donc la somme est directe : j6=i G = Gp1 ⊕ Gp2 ⊕ · · · ⊕ Gpk d’où G ≃ Gp1 × Gp2 × · · · × Gpk donc |G| = |Gp1 | × · · · × |Gpk |. Or pour tout 1 ≤ i ≤ k, Gpi est un pi -groupe donc ∃ di ∈ N tel que |Gpi | = pdi i , d’où n = |G| = pd11 · · · pdkk Par unicité de la décomposition en produit de nombres premiers, on a alors pour tout 1 ≤ i ≤ k, di = ai et ainsi |Gpi | = pai i . Unicité : Supposons que G = H1 ⊕ · · · ⊕ Hm où pour tout j, Hj est un sous-groupe de G e qj -primaire d’ordre qj j avec q1 , · · · , qm des nombres premiers distincts deux à deux ; alors |G| = |H1 | × · · · × |Hm | donc em n = |G| = q1e1 · · · qm donc, toujours par unicité de la décomposition en produit de nombres premiers, m = k et quitte à réindexer, qi = pi et ei = ai pour tout 1 ≤ i ≤ k : ainsi chaque sous-groupe Hi est pi -primaire d’ordre pai i , donc Hi ⊂ Gpi et est de même ordre donc Hi = Gpi . Exemple Considérons le groupe G = Z/60Z ; comme 60 = 22 × 3 × 5, alors d’après 2.4 on a : G = G2 ⊕ G3 ⊕ G5 . On a déjà calculé G2 = 15Z/60Z en 2.3, de la même manière on montre que G3 = {k ∈ G / 3k = 0} = {k ∈ G / k ∈ 20Z} = 20Z/60Z et G5 = {k ∈ G / 5k = 0} = {k ∈ G / k ∈ 12Z} = 12Z/60Z d’où Z/60Z = 15Z/60Z ⊕ 20Z/60Z ⊕ 12Z/60Z. 2.5 Corollaire Tout groupe cyclique fini est somme directe de p-groupes cycliques. 60 Preuve : Si G est un groupe cyclique fini, il est commutatif donc on peut lui appliquer le théorème 2.4 : G est somme directe de p-sous-groupes ; or tout sous-groupe d’un groupe cyclique est cyclique, d’où le résultat. 3 Groupes p-élémentaires 3.1 Définitions a) Soit G un groupe commutatif fini et soit p un nombre premier ; on dit que G est p-élémentaire si et seulement si ∀x ∈ G, px = 0. b) Soit G un groupe commutatif fini et soit p un nombre premier ; on note G[p] = {x ∈ G / px = 0}. De manière évidente, G est p-élémentaire si et seulement si G = G[p]. 3.2 Proposition Soit G un groupe commutatif fini et soit p un nombre premier ; alors, on a : a) G[p] est un sous-groupe de G et un groupe p-élémentaire. b) Si G est un groupe p-élémentaire, alors tout sous-groupe de G est un groupe pélémentaire. c) x ∈ G[p] ⇐⇒ x = 0 ou x est d’ordre p. d) Si G est somme directe de sous-groupes G = H1 ⊕ · · · ⊕ Hm , alors G[p] = H1 [p] ⊕ · · · ⊕ Hm [p]. e) Si G ≃ G ′ , alors G[p] ≃ G ′ [p]. f) Pour tout entier n, Z/pn Z[p] = pn−1 (Z/pn Z). g) Tout groupe p-élémentaire est p-primaire. Preuve : a) et b) immédiat. c) Si px = 0, alors ord(x) divise p donc vaut 1 ou p, d’où le résultat, et réciproquement. d) Si G = H1 ⊕ · · · ⊕ Hm , considérons x ∈ G[p], alors px = 0 ; de plus x est un élément de G donc x s’écrit x = x1 + x2 + · · · + xm où xi ∈ Hi pour tout 1 ≤ i ≤ m, d’où px = px1 + px2 + · · · + pxm = 0. Or pour tout 1 ≤ i ≤ m, Hi est un sous-groupe donc pxi ∈ Hi , donc comme les Hi sont en somme directe, on en déduit que px1 = px2 = · · · = pxm = 0 61 donc pour tout 1 ≤ i ≤ m, xi ∈ Hi [p] et ainsi G[p] = H1 [p] + · · · + Hm [p]. De plus, pour tout 1 ≤ i ≤ m, Hi [p] ⊂ Hi et les Hi sont en somme directe donc les Hi [p] sont aussi en somme directe. e) Soit ϕ un isomorphisme entre G et G ′ : alors on voit facilement que ϕ(G[p]) = G ′ [p] et ainsi la restriction de ϕ à G[p] est un isomorphisme de G[p] sur G ′ [p]. f) Soit k ∈ Z/pn Z[p] alors pk = 0 i.e pn divise pk d’où pn−1 divise k et réciproquement, d’où le résultat. g) Evident. 3.3 Proposition Soit p un nombre premier et soit G un groupe commutatif p-élémentaire ; on peut définir sur G une multiplication externe ⊤ par les éléments du corps Z/pZ de la façon suivante : Z/pZ × G → G (k, x) 7→ k⊤x = kx Alors (G, +, ⊤) est un Z/pZ-espace vectoriel. Preuve : La multiplication externe par les éléments de Z/pZ est bien définie sur G car G est un groupe p-élémentaire ; il est ensuite facile de vérifier que la loi additive de groupe de G et la multiplication externe par les éléments de Z/pZ munissent G d’une structure d’espace vectoriel. 3.4 Proposition Soit p un nombre premier et soit G un groupe commutatif p-élémentaire ; alors on a : a) Tout sous-groupe H de G est un sous-espace vectoriel de l’espace vectoriel G sur Z/pZ ; b) si A est une partie non vide de G, alors le sous-groupe de G engendré par A coïncide avec le sous-espace vectoriel de G sur Z/pZ engendré par A ; c) si H1 , · · · , Hm sont des sous-groupes de G en somme directe, alors les sous-espaces vectoriels H1 , · · · , Hm sur Z/pZ sont aussi en somme directe, et la somme directe de H1 , · · · , Hm en tant que sous-groupes coïncide avec la somme directe de H1 , · · · , Hm en tant que sous-espaces vectoriels ; d) Si H est un sous-groupe de G, il admet un supplémentaire dans G en tant que sousespace vectoriel sur Z/pZ, donc en tant que sous-groupe. Preuve : immédiate. 62 3.5 Théorème Soit p un nombre premier et soit G un groupe commutatif p-élémentaire fini ; alors il existe x1 , x2 , · · · , xk ∈ G tels que G = hx1 i ⊕ hx2 i · · · ⊕ hxk i De plus, pour tout 1 ≤ i ≤ k, on a hxi i ≃ Z/pZ d’où G ≃ (Z/pZ)k . Preuve : Le groupe G étant fini, c’est un espace vectoriel de dimension finie sur Z/pZ : il admet donc une base finie x1 , x2 , · · · , xk et ainsi est somme directe des droites engendrées par x1 , x2 , · · · , xk . Par conséquent il est somme directe des sous-groupes engendrés par x1 , x2 , · · · , xk : G = hx1 i ⊕ hx2 i · · · ⊕ hxk i. De plus, pour tout 1 ≤ i ≤ k, xi 6= 0 donc xi est d’ordre p d’après 3.2, d’où hxi i ≃ Z/pZ en tant que groupe. 4 Théorèmes de décomposition 4.1 Théorème Soit G un groupe commutatif fini, alors G est somme directe de sous-groupes cycliques primaires ; de plus, dans deux décompositions de G en somme directe de sous-groupes cycliques primaires, il y a pour tout nombre premier p et tout entier n ≥ 1 le même nombre de facteurs d’ordre pn . Preuve : Existence : d’après 2.4, G est somme directe de sous-groupes primaires, il suffit donc de montrer le résultat pour un groupe G p-primaire où p est un nombre premier. Le groupe G étant p-primaire, il existe un entier m ≥ 1 tel que pm G = {0} ; montrons par récurrence sur m que G est somme directe de sous-groupes cycliques p-primaires : si m = 1, alors G est p-élémentaire et il suffit d’appliquer le théorème 3.5 ; supposons le résultat vrai pour tout groupe p-primaire H tel que pm−1 H = {0}. Posons H = pG, alors on a pm−1 H = {0}, donc par hypothèse de récurrence, il existe y1 , y2 , · · · , yk ∈ H d’ordres respectifs pb1 , pb2 · · · , pbk avec b1 , · · · , bk ≥ 1 et tels que H = hy1 i ⊕ hy2 i · · · ⊕ hyk i. Comme pour tout 1 ≤ i ≤ k, yi ∈ H, il existe zi ∈ G tel que yi = pzi : montrons que les sous-groupes hz1 i, · · · , hzk i sont en somme directe : 63 soit 1 ≤ i ≤ k et soit x ∈ hzi i \X j6=i hzj i : il existe m1 , · · · , mk ∈ Z tels que x = mi zi = X mj zj j6=i d’où px = mi yi = X j6=i mj yj ∈ hyi i \X j6=i hyj i. Or hy1 i, · · · , hyk i sont en somme directe donc pour tout 1 ≤ q ≤ k on a mq yq = 0, donc pbq divise mq : il existe sq ∈ N tel que mq = sq pbq , d’où X x = si pbi zi = sj pbj zj j6=i et x = si pbi −1 yi = X sj pbj −1 yj j6=i or hy1 i, · · · , hyk i sont en somme directe, d’où x = 0. Notons alors L = hz1 i ⊕ hz2 i · · · ⊕ hzk i. Construisons maintenant un sous-groupe M tel que G = L ⊕ M et tel que M soit somme directe de sous-groupes cycliques primaires : On a pour tout 1 ≤ i ≤ k, ord(yi) = pbi donc pbi zi ∈ G[p] : de plus pour tout 1 ≤ i ≤ k, pbi zi ∈ hzi i donc les sous-groupes hpbi zi i sont en somme directe ; or G[p] est un espace vectoriel de dimension finie sur Z/pZ, donc les hpbi zi i sont aussi en somme directe en tant que sous-espaces vectoriels de G[p], par conséquent hpb1 z1 i ⊕ hpb2 z2 i · · · ⊕ hpbk zk i admet un supplémentaire dans G[p] que l’on peut écrire sous la forme M = hx1 i ⊕ hx2 i · · · ⊕ hxs i. où x1 , · · · , xs sont des éléments de G[p], libres sur Z/pZ. Montrons que G = L + M : soit x ∈ G, alors px ∈ H = hy1i ⊕ hy2 i · · · ⊕ hyk i, i.e il existe des entiers n1 , · · · , nk tels que px = n1 y1 + · · · + nk yk = p(n1 z1 + · · · + nk zk ) d’où p(x − (n1 z1 + · · · + nk zk )) = 0 par conséquent x − (n1 z1 + · · ·+ nk zk ) ∈ G[p] ; on en déduit aussitôt qu’il existe des entiers λ1 , · · · , λk et µ1 , · · · , µs tels que x − (n1 z1 + · · · + nk zk ) = λ1 pb1 z1 + · · · + λk pbk zk + µ1 x1 + · · · + µs xs et ainsi x ∈ L + M. Montrons que L ∩ M = {0} : soit y ∈ L ∩ M, alors il existe des entiers n1 , · · · , nk et a1 , · · · , as tel que y = n1 z1 + · · · + nk zk = a1 x1 + · · · + as xs 64 d’où py = n1 y1 + · · · + nk yk = pa1 x1 + · · · + pas xs . Or y ∈ M ⊂ G[p] donc py = 0, d’où n1 y1 = · · · = nk yk = 0 puisque la somme est directe. On en déduit que pour tout 1 ≤ i ≤ k, ord(yi) = pbi divise ni : il existe un entier θi tel que ni = θi pbi . Donc y = θ1 pb1 z1 + · · · + θk pbk zk = a1 x1 + · · · + as xs or hpb1 z1 i⊕hpb2 z2 i · · ·⊕hpbk zk i est en somme directe avec hx1 i⊕hx2 i · · ·⊕hxs i, d’où y = 0. Donc G = L ⊕ M est bien somme directe de sous-groupes cycliques primaires. Unicité : montrons que pour tout nombre premier p et tout entier n ≥ 1 le nombre mn de facteurs d’ordre pn dans une décomposition de G en somme directe de sous-groupes cycliques primaires est donné par pmn = Card pn−1 G ∩ G[p]/pn G ∩ G[p] (et ainsi mn ne dépend que de G). D’après 2.4, G est somme directe de sous-groupes primaires, il suffit donc de montrer le résultat pour un groupe G p-primaire où p est premier : d’après le résultat d’existence démontré ci-dessus, on a une décomposition du type 1 s G = (G11 ⊕ · · · ⊕ Gm ) ⊕ · · · ⊕ (G1s ⊕ · · · ⊕ Gm ) s 1 où pour tous i, j, Gji ≃ Z/pi Z : ainsi pour tout entier 1 ≤ k ≤ s, mk est le nombre de facteurs d’ordre pk . Or on a pour tout entier k, pk Gji = {0} si k ≥ i et pk Gji ≃ pk (Z/pi Z) ≃ Z/pi−k Z si k < i ; on prouve en effet facilement que l’application ϕ : Z −→ Z/pi Z x 7−→ pk x = pk x est un homomorphisme de groupes tel que ker ϕ = pi−k Z et Imϕ = pk (Z/pi Z). Alors on a pour tout entier k : k+1 s ) pk G = (pk G1k+1 ⊕ · · · ⊕ pk Gm ) ⊕ · · · ⊕ (pk G1s ⊕ · · · ⊕ pk Gm s k+1 Or on voit facilement que pk G ∩ G[p] = (pk G)[p], donc, d’après 3.2 on a k+1 s )[p] pk G ∩ G[p] = (pk G1k+1 )[p] ⊕ · · · ⊕ (pk Gm )[p] ⊕ · · · ⊕ (pk G1s )[p] ⊕ · · · ⊕ (pk Gm s k+1 mais, pk Gji ≃ Z/pi−k Z, donc d’après 3.2, (pk Gji )[p] ≃ Z/pi−k Z[p] = pi−k−1 (Z/pi−k Z) ≃ Z/pZ d’où ! mk+1 pk G ∩ G[p] ≃ donc Y Z/pZ 1 65 ×···× ms Y 1 ! Z/pZ pk G ∩ G[p] ≃ (Z/pZ)mk+1 +···+ms par conséquent pk−1 G ∩ G[p]/pk G ∩ G[p] ≃ (Z/pZ)mk . Ainsi l’entier pmk ne dépend pas de la décomposition de G en somme directe de sousgroupes cycliques primaires. 4.2 Théorème et définition a) Soit G un groupe commutatif fini d’ordre n ; alors il existe une unique suite de nombres premiers p1 < p2 < · · · < pk et pour tout 1 ≤ i ≤ k il existe une unique suite d’entiers αkn α1n strictement positifs, αi1 ≤ αi2 ≤ · · · ≤ αini telles que n = pα1 11 · · · p1 1 · · · pαk k1 · · · pk k et α1n1 G ≃ Z/pα1 11 Z × · · · × Z/p1 αknk Z × · · · × Z/pαk k1 Z × · · · × Z/pk αknk α On dit que la suite d’entiers (pα1 11 , · · · , p1 1n1 , · · · , pαk k1 , · · · , pk Z. ) est le type de G. b) Deux groupes commutatifs finis sont isomorphes si et seulement si ils ont le même type. Preuve : c’est une conséquence immédiate de 4.1. Exemple Considérons le groupe G = Z/24Z × Z/30Z ; alors ord(G) = 720 = 24 × 32 × 5 donc sa décomposition en composantes primaires est la suivante G = G2 ⊕ G3 ⊕ G5 . On a : G2 = {(k, n e) ∈ G / ord(k, n e) est une puissance de 2} = {(k, n e) ∈ G / 24 (k, n e) = (0, e 0)} = {(k, n e) ∈ G / 3 divise k et 15 divise n} = (3Z/24Z) × (15Z/30Z) de même, on a G3 = {(k, n e) ∈ G / ord(k, n e) est une puissance de 3} = {(k, n e) ∈ G / 32 (k, n e) = (0, e 0)} = (8Z/24Z) × (10Z/30Z) et G5 = {(k, n e) ∈ G / ord(k, n e) est une puissance de 5} = {(k, n e) ∈ G / 5(k, n e) = (0, e 0)} = {0} × 6Z/30Z Or on peut écrire G2 = 3Z/24Z × {e 0} ⊕ {0} × 15Z/30Z 66 de même G3 = 8Z/24Z × {e 0} ⊕ {0} × 10Z/30Z . Donc la décomposition de G en somme directe de groupe cycliques primaires est la suivante : e e G = 3Z/24Z × {0} ⊕ {0} × 15Z/30Z ⊕ 8Z/24Z × {0} ⊕ {0} × 10Z/30Z ⊕ {0} × 6Z/30Z et le type de G est (2, 23 , 3, 3, 5). En fait, il n’est pas nécessaire dans ce cas précis de décomposer G en somme directe de groupes cycliques primaires pour calculer son type : il suffit de faire appel au théorème des restes chinois : G = Z/24Z × Z/30Z ≃ (Z/3Z × Z/8Z) × (Z/2Z × Z/3Z × Z/5Z) donc G ≃ (Z/2Z) × Z/23 Z × (Z/3Z) × (Z/3Z) × (Z/5Z) . 4.3 Théorème de Cauchy Soit G un groupe commutatif fini et soit p un nombre premier divisant |G| ; alors G admet au moins un élément d’ordre p. Preuve : On décompose G en somme directe de sous-groupes cycliques primaires d’après 4.1, et comme p est un nombre premier divisant |G|, l’un des sous-groupes cycliques primaires est d’ordre pa pour un certain entier a ≥ 1 : notons-le H et considérons un générateur x de H, alors pa−1 x est un élément d’ordre p de G. Remarque : le résultat est faux pour un entier non premier : le groupe de Klein Z/2Z × Z/2Z est d’ordre 4 et ne contient pas d’élément d’ordre 4. 4.4 Théorème Soit G un groupe commutatif fini et soit d un entier ≥ 1 divisant |G| ; alors G admet au moins un sous-groupe d’ordre d. Preuve : D’après 2.4, G est somme directe de groupes primaires : il suffit donc de démontrer le théorème dans le cas où G est un groupe p-primaire pour un certain nombre premier p. Posons |G| = pa et montrons que G admet un sous-groupe d’ordre pb pour tout entier b vérifiant 0 ≤ b ≤ a par récurrence sur b : si b = 0, {0} est un sous-groupe de G d’ordre p0 = 1 ; si b ≥ 1, supposons que tout groupe fini p-primaire d’ordre ≥ pb−1 admet un sous-groupe d’ordre pb−1 ; comme |G| = pa , d’après le théorème de Cauchy, G admet un élément x d’ordre p, alors le groupe-quotient G/hxi est d’ordre pa−1 , donc est un p-groupe et pa−1 ≥ pb−1 donc on peut appliquer l’hypothèse de récurrence : G/hxi admet un sous-groupe A d’ordre pb−1 . Par conséquent, il existe un sous-groupe H de G tel que hxi ⊂ H ⊂ G et A = H/hxi et ainsi |H| = |A| × |hxi| = pb−1 p = pb . 67 4.5 Théorème Soit G un groupe commutatif fini ; alors il existe des groupes cycliques H1 , H2 , · · · , Hr tels que G ≃ H1 × H2 × · · · × Hr et pour tout 1 ≤ i ≤ r − 1 , |Hi+1 | divise |Hi |. De plus la décomposition est unique à isomorphisme près : s’il existe d’autres groupes cycliques K1 , K2 , · · · , Ks vérifiant G ≃ K1 × K2 × · · · × Ks et pour tout 1 ≤ i ≤ s − 1 , |Ki+1 | divise |Ki | alors s = r et pour tout 1 ≤ i ≤ r, Ki ≃ Hi . Preuve : Existence : D’après 4.2, il existe une unique suite de nombres premiers p1 < p2 < · · · < pk et pour tout 1 ≤ i ≤ k une unique suite d’entiers ∈ N∗ , αi1 ≤ αi2 ≤ · · · ≤ αini telles que α1n1 G ≃ Z/pα1 11 Z × · · · × Z/p1 α1n αknk Z × · · · × Z/pαk k1 Z × · · · × Z/pk αkn α1n Z. αkn Posons H1 = Z/p1 1 Z × · · · × Z/pk k Z ; comme p1 1 , · · · , pk k sont premiers entre eux deux à deux, d’après le théorème des restes chinois, H1 est cyclique et G ≃ H1 × G1 où α G1 est le produit des termes restants Z/pi ij Z où pour tout i et j , αij ≤ αini . On refait la même opération avec G1 et le groupe H2 obtenu vérifie |H2 | divise |H1 | puisque pour tous i et j on a αini ≥ αij , etc.... Comme G est fini, le processus est fini. Unicité : supposons qu’il existe d’autres groupes cycliques K1 , K2 , · · · , Ks vérifiant G ≃ K1 × K2 × · · · × Ks et pour tout 1 ≤ i ≤ s − 1 , |Ki+1 | divise |Ki | ; alors d’après 4.2,on a : Y β Ki ≃ Z/pj ji Z j et comme pour tout 1 ≤ i ≤ s , ord(Ki+1) divise ord(Ki), on a βji+1 ≤ βji pour tout j. De plus, d’après 4.1, le plus grand exposant est le même dans deux décompositions de G en somme directe de sous-groupes cycliques primaires, donc pour tout j, on a βj1 = αjnj . On que K1 ≃ H1 , puis on fait le quotient des deux décompositions de G par Q en déduit βji j Z/pj Z et on continue le processus : on obtient ainsi K2 ≃ H2 , etc... d’où finalement s = r et pour tout 1 ≤ i ≤ r, Ki ≃ Hi . Exemple Considérons à nouveau le groupe G = Z/24Z × Z/30Z ; alors on a : donc G ≃ Z/3Z × Z/23 Z × (Z/2Z × Z/3Z × Z/5Z) G ≃ Z/23 Z × Z/3Z × Z/5Z × (Z/2Z × Z/3Z) ≃ Z/120Z × Z/6Z alors H1 = Z/120Z et H2 = Z/6Z. 68 4.6 Corollaire Soit K un corps commutatif et soit G un sous-groupe fini du groupe multiplicatif K ∗ ; alors G est cyclique. En particulier, pour tout corps commutatif fini K, le groupe multiplicatif K ∗ est cyclique. Preuve : D’après 4.5, il existe des groupes cycliques H1 , H2 , · · · , Hr d’ordres respectifs n1 , n2 , · · · , nr tels que G ≃ H1 × H2 × · · · × Hr et pour tout 1 ≤ i ≤ r − 1 , ni+1 divise ni . Montrons que pour tout x ∈ G, xn1 = 1K : considérons ϕ un isomorphisme de G sur H1 × H2 × · · · × Hr : ϕ : G −→ H1 × H2 × · · · × Hr x 7−→ (x1 , x2 , · · · , xr ) Comme pour tout 1 ≤ i ≤ r − 1, ni+1 divise ni , alors ni+1 divise n1 et ainsi on a xnj 1 = eHj pour tout 1 ≤ j ≤ r, d’où (ϕ(x))n1 = (eH1 , · · · , eHr ) ; or (ϕ(x))n1 = ϕ(xn1 ) donc xn1 = 1K puisque ϕ est injective. On a ainsi prouvé que tout élément de G est racine du polynôme X n1 − 1K ; or K est un corps donc le polynôme X n1 − 1K a au plus n1 racines dans K, d’où |G| ≤ n1 . D’autre part |G| = n1 n2 · · · nr ≥ n1 , donc |G| = n1 et ainsi n2 = · · · = nr = 1, d’où Hi = {eHi } pour i = 2, · · · , r et par conséquent G ≃ H1 × {eH2 } × · · · × {eHr } ≃ H1 d’où G est cyclique. 69 . 70 V EXTENSIONS DE CORPS Dans tout le chapitre (sauf au § 5), on considère des corps commutatifs. Pour tout nombre premier p on notera Fp le corps Z/pZ. 1 Extensions algébriques 1.1 Définition et proposition a) Soit K un corps commutatif ; on dit qu’un sous-ensemble L de K est un sous-corps de K si et seulement si L muni de l’addition et de la multiplication de K est lui-même un corps ; on vérifie facilement que L est un sous-corps de K si et seulement si L est non vide et vérifie les conditions suivantes : ∗ ∀x, y ∈ L, x − y ∈ L et xy ∈ L ; ∗ ∀x ∈ L − {0}, x−1 ∈ L. b) Soit K un corps commutatif ; on appelle sous-corps premier de K l’intersection de tous les sous-corps contenus dans K : c’est aussi le plus petit sous-corps de K. Si K est de caractéristique 0, le sous-corps premier de K est isomorphe à Q. Si K est de caractéristique p (premier), le sous-corps premier de K est isomorphe à Fp . Preuve :\ Notons (Li )i∈I la famille des sous-corps de K ; alors le sous-corps premier de K est L = Li . i∈I Rappelons la définition de la caractéristique : on considère l’homomorphisme d’anneaux ϕ : Z −→ K n 7−→ n1K alors ker ϕ est un idéal de Z et par conséquent il existe un unique entier p ∈ N, appelé caractéristique de K, tel que ker ϕ = pZ et Imϕ est un sous-anneau de K isomorphe à Z/pZ. D’autre part, Imϕ ⊂ L, en effet tout sous-corps Li de K contient 1K donc contient Imϕ. Si p = 0, alors Imϕ ≃ Z donc le corps des fractions M de Imϕ est isomorphe à Q ; or Imϕ ⊂ L donc M ⊂ L, de plus il est clair que M est un sous-corps de K donc L ⊂ M d’où M = L et ainsi L ≃ Q. Si p 6= 0, alors p est un nombre premier et Imϕ ≃ Z/pZ = Fp est un sous-corps de K d’où L ⊂ Imϕ et ainsi L = Imϕ est isomorphe à Fp . 1.2 Proposition et définition Soit L un corps et K un sous-corps de L, alors L est un espace vectoriel sur K : on dit que L est une extension de K. On note [L : K] la dimension du K-espace vectoriel L et on l’appelle le degré de l’extension L de K. Preuve : immédiate. Exemple : C est une extension de R de degré 2. 71 1.3 Proposition Soit K un corps fini ; alors sa caractéristique est un entier premier p et son cardinal est de la forme pn pour un certain entier n ≥ 1. Preuve : Le corps K étant fini est nécessairement de caractéristique non nulle, sinon son sous-corps premier serait isomorphe à Q d’après 1.1 donc infini, ce qui est impossible ; donc la caractéristique de K est un nombre premier p et son sous-corps premier L est isomorphe à Fp , ainsi K est un L-espace vectoriel de dimension nécessairement finie n puisque K est de cardinal fini, d’où K ≃ Ln et ainsi Card(K) =Card(Ln ) = pn . 1.4 Théorème et définition Soit L une extension d’un corps K et soit a un élément de L ; considérons l’homomorphisme d’anneaux ψ : K[X] −→ L P 7−→ P (a) on notera K[a] = {P (a) / P ∈ K[X]} l’image de ψ et K(a) le plus petit sous-corps de L contenant K et a. 1er cas : ψ est injective, alors K[a] ≃ K[X] et K(a) ≃ K(X) : on dit alors que a est transcendant sur K ; ainsi a est transcendant sur K s’il n’existe aucun polynôme non nul de K[X] tel que P (a) = 0. 2ème cas : ψ n’est pas injective, alors il existe un unique polynôme unitaire P tel que ker ψ = (P ) d’où K[a] ≃ K[X]/(P ) ; de plus P est irréductible donc K[a] est un corps et ainsi K[a] = K(a). On dit alors que a est algébrique sur K et le polynôme P est appelé polynôme minimal de a : c’est donc le polynôme unitaire de plus petit degré de K[X] annulant a. De plus, le degré de l’extension K(a) de K est égal au degré du polynôme minimal de a : [K(a) : K] = deg(P ). On dit alors que a est algébrique de degré deg(P ). Preuve : 1er cas : ψ est injective, alors d’après I 7.3, Imψ = K[a] ≃ K[X]. De plus K(a) est le plus petit sous-corps de L contenant K et a donc il contient les éléments de la forme P (a) où P ∈ K[X], i.e K[a] ⊂ K(a) ; d’autre part, pour tout Q ∈ K[X] − {0}, Q(a) 6= 0 puisque ψ est injective, donc Q(a) est inversible dans L, on peut donc considérer l’application suivante ψe : K(X) −→ L P F =Q 7−→ F (a) = P (a)(Q(a))−1 il est facile de constater que ψe est un homomorphisme d’anneaux ; en outre, ψe est injective, P en effet soit F = ∈ K(X) tel que F (a) = P (a)(Q(a))−1 = 0 alors P (a) = 0 i.e P = 0 Q puisque ψ est injective, d’où F = 0. Montrons que Imψe = K(a) : comme ψe est injective, e e Imψe ≃ K(X) donc Imψe est un sous-corps de L, de plus il contient ψ(K) = K et ψ(X) =a 72 donc Imψe contient K(a) ; d’autre part, on a K[a] ⊂ K(a), donc pour tout Q ∈ K[X]−{0}, Q(a) ∈ K(a) et par conséquent (Q(a))−1 ∈ K(a), on en déduit alors que Imψe ⊂ K(a) et ainsi Imψe = K(a). Donc K(a) ≃ K(X). 2ème cas : ψ n’est pas injective, alors ker ψ est un idéal non nul de K[X] donc il existe un unique polynôme unitaire P tel que ker ψ = (P ) d’où K[a] ≃ K[X]/(P ) ; or K[a] ⊂ L donc K[a] est un anneau intègre, on en déduit que l’idéal (P ) est premier, donc d’après II 3.3 et II 4.3, P est irréductible dans K[X] et l’idéal (P ) est maximal, donc l’anneau-quotient K[X]/(P ) est un corps et ainsi K[a] est un corps également. On en déduit aussitôt que K[a] = K(a). Notons P = X d + ad−1 X d−1 + · · · + a0 et montrons que [K(a) : K] = d ; considérons Q ∈ K[X] et effectuons la division euclidienne de Q par P : il existe S et R dans K[X] tels que Q = P S + R et deg(R) ≤ d − 1 d’où Q(a) = P (a)S(a) + R(a) = 0 × S(a) + R(a) = R(a) et ainsi (1, a, · · · , ad−1 ) est un système générateur de K[a] = K(a). Montrons que le système (1, a, · · · , ad−1 ) est libre sur K : soient b0 , b1 , · · · , bd−1 dans K tels que b0 + b1 a + · · · + bd−1 ad−1 = 0 alors le polynôme b0 +b1 X +· · ·+bd−1 X d−1 ∈ ker ψ donc est multiple de P ; or deg(P ) = d donc nécessairement b0 +b1 X +· · ·+bd−1 X d−1 est le polynôme nul, i.e b0 = · · · = bd−1 = 0 : (1, a, · · · , ad−1 ) est donc libre sur K. Ainsi (1, a, · · · , ad−1 ) est une base de K(a) sur K : [K(a) : K] = d. Exemples √ √ a) 2 est algébrique sur Q, en effet 2 est racine du polynôme X 2 − 2 ∈ Q[X] ; de même √ 3 et i sont algébriques sur Q. √ √ √ √ b) a = 2 + 3 est algébrique sur Q, en effet, on a (a − 3)2 = 2 d’où a2 + 1 = 2 3a et, en élevant au carré, on obtient a4 − 10a2 + 1 = 0 ; plus généralement, la somme de deux éléments algébriques sur un corps K est algébrique sur K, mais il est en général difficile de le montrer directement : on montrera ce résultat en 1.7. c) e et π sont transcendants sur Q. 1.5 Proposition Soit L une extension d’un corps K et soit a un élément de L ; a est algébrique sur K si et seulement si il existe un sous-corps M de L contenant K et a tel que le degré [M : K] est fini. Preuve : D’après 1.4, si a est algébrique, alors K(a) est un sous-corps de L contenant K et a et [K(a) : K] est fini. 73 Réciproquement, s’il existe un sous-corps M de L contenant K et a tel que le degré [M : K] soit fini égal à m, alors la famille (1, a, · · · , am ) est liée puiqu’elle compte m + 1 éléments distincts, i.e il existe m + 1 éléments non tous nuls b0 , b1 , · · · , bm de K tels que b0 + b1 a + · · · + bm am = 0 ainsi le polynôme b0 + b1 X + · · · + bm X m est un polynôme non nul de K[X] qui annule a et par conséquent a est algébrique sur K d’après 1.4. 1.6 Théorème (dit de la base télescopique) Soit L une extension d’un corps K et soit M une extension du corps L, alors [M : K] = [M : L][L : K]. Preuve : Considérons (e1 , · · · , en ) une base de L sur K et (f1 , · · · , fp ) une base de M sur L : on va montrer que la famille (ei fj , 1 ≤ i ≤ n, 1 ≤ j ≤ p) est une base de M sur K. Soit x ∈ M, alors il existe b1 , · · · , bp ∈ L tels que x = b1 f1 + · · · + bp fp or, pour tout 1 ≤ j ≤ p, bj s’écrit bj = a1j e1 + · · · + anj en où a1j , · · · , anj ∈ K, d’où x= X aij ei fj i,j et ainsi (ei fj , 1 ≤ i ≤ n, 1 ≤ j ≤ p) engendre M sur K. Montrons que (ei fj , 1 ≤ i ≤ n, 1 ≤ j ≤ p) est libre sur K : soient aij des éléments de K pour 1 ≤ i ≤ n et 1 ≤ j ≤ p tels que X aij ei fj = 0 i,j alors XX ( aij ei )fj = 0 j donc pour tout 1 ≤ j ≤ p, on a i X aij ei = 0 i puisque (f1 , · · · , fp ) est libre sur L, d’où, pour tous 1 ≤ i ≤ n et 1 ≤ j ≤ p, aij = 0 puisque (e1 , · · · , en ) est libre sur K. 74 1.7 Théorème Soit L une extension d’un corps K ; alors l’ensemble des éléments de L algébriques sur K est un sous-corps de L. Preuve : Soient x et y deux éléments de L algébriques sur K : il suffit de montrer que x − y, xy sont algébriques sur K, et que si x 6= 0, x−1 est également algébrique sur K. Puisque x est algébrique sur K, on a [K(x) : K] < +∞ ; d’autre part, y est algébrique sur K donc sur K(x) (un polynôme à coefficients dans K est a fortiori un polynôme à coefficients dans K(x)), donc [K(x)(y) : K(x)] < +∞. Or d’après 1.6, on a [K(x)(y) : K] = [K(x)(y) : K(x)][K(x) : K] d’où [K(x)(y) : K] < +∞ et ainsi K(x)(y) est une extension de degré fini sur K et qui contient x − y, xy et x−1 si x 6= 0, donc d’après 1.5, x − y, xy et x−1 sont algébriques sur K. 1.8 Définition On dit qu’une extension L d’un corps K est une extension algébrique si tous les éléments de L sont algébriques sur K. 1.9 Proposition Toute extension L de degré fini d’un corps K est une extension algébrique. Preuve : immédiate d’après 1.5. Remarque : La réciproque est fausse : l’ensemble Q des éléments de C algébriques sur Q est une extension algébrique de Q de degré infini. (cf. 3.5) 2 Corps de rupture d’un polynôme 2.1 Proposition Soit K un corps et soit P un polynôme irréductible de K[X] ; alors le corps K[X]/(P ) est une extension de K, de degré do P , dans laquelle P admet au moins une racine. Preuve : Le polynôme P étant irréductible, l’anneau-quotient K[X]/(P ) est un corps ; de plus on voit facilement que la surjection canonique f : K[X] −→ K[X]/(P ) Q 7−→ Q (mod P ) est telle que sa restriction à K est injective, donc f (K) ≃ K ; on identifie alors K et f (K) et on pose f (a) = a pour tout a ∈ K et pour tout Q = aq X q + · · · + a1 X + a0 ∈ K[X], q f (Q) = aq X + · · · + a1 X + a0 ; alors K est un sous-corps de K[X]/(P ) et X est racine de P dans le corps K[X]/(P ). Enfin, si n = deg(P ) on montre comme dans la preuve de n−1 1.4 que (1, X, · · · , X ) est une base de K[X]/(P ) sur K. 75 2.2 Théorème et définition Soit K un corps et soit P un polynôme irréductible de K[X] ; alors il existe une extension L de K, unique à isomorphisme près, telle que P ait au moins une racine a dans L et telle que le plus petit sous-corps de L contenant K et a soit L. Cette extension est appelée corps de rupture du polynôme P . Preuve : Existence : d’après 2.1, le corps L = K[X]/(P ) répond à la question : P admet pour racine l’élément a = X de L et le plus petit sous-corps de L contenant K et a est bien L. Unicité : soit M une extension de K telle que P ait au moins une racine b dans M et telle que le plus petit sous-corps de M contenant K et b soit M ; considérons alors l’homomorphisme ω suivant : ω : K[X] −→ M Q 7−→ Q(b) il est clair que P ∈ ker ω, de plus P étant irréductible dans K[X], l’idéal (P ) est maximal donc ker ω = (P ) et ainsi Imω ≃ K[X]/(P ) donc Imω est un sous-corps de M contenant ω(X) = b et ω(K) = K : on en déduit que Imω = M et ainsi M ≃ K[X]/(P ) = L. 2.3 Théorème Soit K un corps et soit P un polynôme non constant de K[X] ; alors il existe une extension L de K dans laquelle P est scindé, i.e P est produit de polynômes de L[X] de degré 1. Preuve : La démonstration se fait par récurrence sur d = deg(P ) : écrivons P comme produit de facteurs irréductibles Q1 , Q2 , · · · , Qr dans l’anneau factoriel K[X]. Le théorème est évident si d = 1 ; si d ≥ 2 supposons le théorème vrai pour tout polynôme non constant de degré < d sur un corps quelconque. Considérons L1 le corps de rupture de Q1 et a1 ∈ L1 une racine de Q1 , alors il existe R1 ∈ L1 [X] tel que Q1 = (X − a1 )R1 (X). Appliquons l’hypothèse de récurrence à R1 : il existe une extension M1 de L1 dans laquelle R1 est produit de polynômes de M1 [X] de degré 1 donc Q1 est produit de polynômes de M1 [X] de degré 1 ; puis on construit de la même façon une extension M2 de M1 dans laquelle Q2 est produit de polynômes de M2 [X] de degré 1, etc... En effectuant l’opération pour tous les facteurs irréductibles de P , on construit une suite croissante de corps M1 ⊂ M2 ⊂ · · · ⊂ Mr de K et Mr est alors une extension de K dans laquelle P est scindé. 2.4 Proposition Soit L une extension de degré fini d’un corps K et soit P un polynôme irréductible de K[X] ayant au moins une racine a dans L ; alors le degré de P divise le degré de l’extension [L : K]. 76 Preuve : En effet, d’après 1.6, on a [L : K] = [L : K(a)][K(a) : K] or [K(a) : K] = deg(P ) d’après 1.4. 2.5 Définition Soit K un corps et soit P un polynôme de K[X] de degré n ≥ 1 ; on appelle corps de décomposition de P sur K toute extension L de K vérifiant : a) P est scindé dans L ; b) L est minimal pour cette propriété, i.e L est engendré sur K par les racines de P . 2.6 Théorème Soit K un corps et soit P un polynôme de K[X] de degré n ≥ 1 ; alors il existe un corps de décomposition de P , unique à isomorphisme près. Preuve : Existence : elle est donnée par le théorème 2.3. Unicité : il suffit de démontrer le lemme suivant qui fournit un résultat meilleur Lemme : Soient K et K ′ deux corps et i un isomorphisme de K sur K ′ ; on considère P un polynôme de K[X] de degré n ≥ 1, L un corps de décomposition de P sur K et L′ un corps de décomposition de i(P ) sur K ′ : alors il existe un isomorphisme de L sur L′ prolongeant i. La démonstration se fait par récurrence sur [L : K] : si [L : K] = 1, alors L = K i.e P est scindé sur K donc i(P ) est scindé sur i(K) = K ′ et par minimalité, on a alors L′ = K ′ ; si [L : K] ≥ 2, on suppose que si L est une extension d’un corps M avec [L : M] < [L : K], alors le lemme est vrai pour tout polynôme de degré ≥ 1 de M[X] ; comme [L : K] ≥ 2, P n’est pas scindé sur K donc il existe α ∈ L − K tel que α est racine de P ; soit Q le polynôme minimal de α, alors Q est un facteur irréductible de P . De plus i induit de manière évidente un isomorphisme de K[X] sur K ′ [X] et un isomorphisme ei de K[X]/(Q) sur K ′ [X]/(i(Q)), d’où i(Q) est un facteur irréductible de i(P ) : considérons α′ une racine de i(Q) dans L′ et posons M = K(α) et M ′ = K ′ (α′ ), alors M (resp. M ′ ) est un corps de rupture de Q sur K (resp. de i(Q) sur K ′ ) ; on en déduit alors, d’après 2.2 qu’il existe un isomorphisme ψ de M sur M ′ prolongeant i, défini de la manière suivante : ∼ ei ∼ ψ : M = K(α) −→ K[X]/(Q) −→ K ′ [X]/(i(Q)) −→ M ′ = K ′ (α′ ) A(α) 7−→ A (mod Q) 7−→ i(A) (mod i(Q)) 7−→ i(A)(α′ ) et vérifiant ψ(α) = α′ . De plus, dans M[X], P s’écrit P = (X − α)S et dans M ′ [X], i(P ) s’écrit i(P ) = (X − α′ )T , d’où ψ(S) = T . Alors L est un corps de décomposition de S sur M et L′ est un corps de décomposition de T sur M ′ ; or [L : M] < [L : K], donc par hypothèse de récurrence, il existe un isomorphisme ϕ de L sur L′ prolongeant ψ donc prolongeant i. 77 3 Corps algébriquement clos - clôture algébrique 3.1 Définition On dit qu’un corps K est algébriquement clos si tout polynôme non constant de K[X] possède au moins une racine dans K. 3.2 Théorème Soit K un corps ; alors K est algébriquement clos si et seulement si il vérifie l’une des trois conditions équivalentes suivantes : a) tout polynôme non constant de K[X] est scindé dans K[X], b) tout polynôme irréductible de K[X] est de degré 1, c) toute extension algébrique de K coïncide avec K. Preuve : Tout d’abord, montrons que K est algébriquement clos si et seulement si il vérifie la condition a) : si a) est vérifiée, il est clair que K est algébriquement clos ; réciproquement, supposons que K est algébriquement clos et considérons un polynôme de degré d ≥ 1 : si d = 1, la condition a) est vérifiée ; si d ≥ 2, supposons la condition a) vérifiée pour tout polynôme de K[X] de degré < d : comme K est algébriquement clos, P admet au moins une racine a ∈ K et ainsi, il existe Q ∈ K[X] tel que P = (X − a)Q(X) ; alors deg(Q) = d − 1, donc par hypothèse de récurrence, Q est produit de facteurs de degré 1 dans K[X], il en est donc de même pour P . a)=⇒ b) : considérons un polynôme irréductible P de K[X] ; si deg(P ) = d ≥ 2 alors, comme d’après a) P est produit de d polynômes de degré 1, P ne serait pas irréductible, donc P est de degré 1. b)=⇒ c) : Soit L une extension algébrique de K et soit a ∈ L ; alors le polynôme minimal de a est irréductible dans K[X], donc est de degré 1 d’après b), on en déduit aussitôt que a ∈ K et ainsi L = K. c)=⇒ a) : supposons a) non vérifiée, alors, comme l’anneau K[X] est factoriel, celà signifie qu’il existe au moins un polynôme P irréductible de degré d ≥ 2 ; alors l’extension K[X]/(P ) de K est de degré d (donc algébrique) et contient strictement K puisque d 6= 1, ce qui contredit c) : donc a) est vérifiée. Exemples a) C est algébriquement clos. b) R n’est pas algébriquement clos : le polynôme X 2 + 1 n’admet pas de racine réelle. c) Un corps fini n’est jamais algébriquement Y clos : en effet, si K est un corps fini à n éléments K = {a1 , · · · , an }, le polynôme (X − ai ) + 1 ne possède pas de racine dans 1≤i≤n K. 78 3.3 Définition Soit K un corps : on appelle clôture algébrique de K tout corps algébriquement clos qui est une extension algébrique de K. 3.4 Théorème Tout corps K possède une clôture algébrique L unique à isomorphisme près : si L′ est une autre clôture algébrique de K, il existe un isomorphisme de corps ϕ : L −→ L′ dont la restriction à K est l’identité. Preuve : admise. 3.5 Théorème Soit Q l’ensemble des éléments de C qui sont algébriques sur Q : alors Q est une clôture algébrique de Q de degré infini sur Q. Preuve : D’après 1.7, Q est un sous-corps de C et est évidemment une extension algébrique de Q ; montrons que Q est algébriquement clos : soit P = an X n + · · · + a0 un polynôme de Q[X] ; on définit par récurrence une suite croissante de sous-corps de C, K0 ⊂ K1 ⊂ · · · ⊂ Kn en posant K0 = Q(a0 ) et Ki = Ki−1 (ai ) pour tout 1 ≤ i ≤ n, alors [Ki : Ki−1 ] = [Ki−1 (ai ) : Ki−1 ] < +∞ pour tout 1 ≤ i ≤ n puisque ai est algébrique sur Q donc sur son extension Ki−1 , et [K0 : Q] = [Q(a0 ) : Q] < +∞ ; on en déduit par le théorème de la base télescopique que [Kn : Q] < +∞. Considérons maintenant une racine complexe a de P et montrons que a ∈ Q : a est algébrique sur Kn puisque P (a) = 0 et P ∈ Kn [X] donc [Kn (a) : Kn ] < +∞, d’où [Kn (a) : Q] = [Kn (a) : Kn ][Kn : Q] < +∞ et ainsi a est algébrique sur Q d’après 1.5, i.e a ∈ Q. Donc P est produit de facteurs de degré 1 dans Q[X] : Q est donc algébriquement clos. Montrons enfin que [Q : Q] = +∞ : pour√ tout n ∈ N∗ , le polynôme X n − 2 est irréductible n dans Q[X] (critère d’Eisenstein) , donc 2 est un élément algébrique sur Q de degré n ; supposons [Q : Q] < +∞, alors d’après 2.4, n divise [Q : Q] et ce pour tout n ∈ N∗ , ce qui est impossible. Donc [Q : Q] = +∞. 4 Corps finis 4.1 Proposition Soit K un corps de caractéristique non nulle p (nombre premier) ; alors l’application F : K −→ K x 7−→ xp est un homomorphisme d’anneaux injectif appelé homomorphisme de Frobenius. De plus, si K est fini, F est un automorphisme, et si K = Fp , F est l’identité. Preuve : on a clairement F (1) = 1 et pour tous x, y ∈ K, on a F (xy) = (xy)p = xp y p = F (x)F (y) puisque K est commutatif. 79 p p D’autre part, F (x+y) = (x+y) = x + p−1 X Cpk xk y p−k +y p ; démontrons le lemme suivant : k=1 Lemme : soit p un nombre premier, alors pour tout 1 ≤ k ≤ p − 1, p divise Cpk . En effet, on a Cpk × k! = p(p − 1) · · · (p − k + 1) donc p divise Cpk × k!, or p est premier avec k! puisque 1 ≤ k ≤ p − 1 et p est un nombre premier, d’où p divise Cpk . On en déduit que Cpk xk y p−k = 0 pour tout 1 ≤ k ≤ p − 1 puisque K est de caractéristique p. D’où F (x + y) = (x + y)p = xp + y p = F (x) + F (y). Ainsi F est un homomorphisme d’anneaux. Montrons que F est injectif : ker F est un idéal du corps K donc ker F = {0} ou ker F = K, or F n’est pas l’homomorphisme nul donc ker F 6= K, d’où ker F = {0} et F est injectif. D’autre part, si K est fini, alors F étant injectif est bijectif, et si K = Fp , F est l’identité d’après le petit théorème de Fermat. 4.2 Théorème a) Soit K un corps fini à q éléments, alors il existe un nombre premier p et un entier n ≥ 1 tel que q = pn . b) Soit q = pn où p est un nombre premier et n un entier n ≥ 1, alors “le” corps de décomposition du polynôme X q − X sur Fp est un corps à q éléments. c) Soit q = pn où p est un nombre premier et n un entier n ≥ 1 et soit K un corps à q éléments ; alors K est isomorphe au corps de décomposition du polynôme X q − X sur Fp . Ainsi deux corps à q éléments sont isomorphes. On note alors Fq “le” corps à q éléments. Preuve : a) : cf. 1.3. b) : Soit q = pn où p est un nombre premier et n un entier n ≥ 1 et soit K “le” corps de décomposition du polynôme P = X q − X sur Fp ; considérons k = {x ∈ K / P (x) = 0} l’ensemble des racines de P sur K et montrons que k est un sous-corps de K : il est clair que 1K est racine de P donc 1K ∈ k ; soient x et y ∈ k, alors xq = x et y q = y d’où (xy)q = xq y q = xy et ainsi xy ∈ k ; montrons maintenant par récurrence sur n que (x − y)q = xq − y q : si n = 1, alors q = p et on a d’après 4.1, (x − y)p = xp + (−y)p = xp + (−1K )p y p ; or p est premier donc, soit p ≥ 3 et alors p est impair, soit p = 2 et K est alors de caractéristique 2, d’où 1K = −1K , donc dans tous les cas (−1K )p y p = −y p . On en déduit (x − y)p = xp − y p . n−1 n−1 n−1 si n ≥ 2, supposons que (x − y)p = xp − y p , alors on a n−1 n−1 n−1 pn pn−1 p pn−1 (x − y) = ((x − y) ) = (x − y p )p = (xp )p − (y p )p d’après le cas n = 1, n n n d’où (x − y)p = xp − y p . Ainsi on a (x − y)q = xq − y q = x − y puisque x et y ∈ k, d’où x − y ∈ k. Donc k est un sous-anneau de K ; de plus, pour tout x ∈ k ∗ , x possède un inverse x−1 dans le corps K et xq = x, d’où x−1 = (xq )−1 = x−q = (x−1 )q et ainsi x−1 ∈ k, donc k est un sous-corps 80 de K. On en déduit que K = k, puisque le corps de décomposition d’un polynôme est engendré par les racines de ce polynôme. De plus, P ′ = qX q−1 − 1 = pn X q−1 − 1 = −1 puisque K est de caractéristique p, donc toutes les racines de P sont simples, i.e Card(k) = q, donc K = k est un corps à q éléments. c) Soit K un corps à q = pn éléments, alors K ∗ = K − {0K } est un groupe multiplicatif à q − 1 éléments donc, d’après le théorème de Lagrange, tout x ∈ K ∗ vérifie xq−1 = 1K d’où xq = x ; cette égalité étant également vérifiée par 0K , on en déduit que tout élément de K est racine du polynôme X q − X. D’autre part, K étant de caractéristique p, le sous-corps premier k de K est isomorphe à Fp ainsi, puisque K est engendré sur k par les racines de X q − X, K est isomorphe au corps de décomposition de X q − X sur Fp . 5 Théorème de Wedderburn 5.1 Définition et proposition Soit n ∈ N∗ : on note Un = {z ∈ C / z n = 1} le groupe des racines nièmes de l’unité ; alors l’application f : Z/nZ −→ Un 2ikπ k 7−→ e n est un isomorphisme de groupes (et ainsi Un est cyclique) ; de plus on a les équivalences e 2ikπ n engendre Un ⇐⇒ k engendre Z/nZ ⇐⇒ k ∧ n = 1. On appelle racine primitive nième de l’unité tout élément de Un qui engendre Un , i.e qui est d’ordre n, et on note P (Un ) l’ensemble des racines primitives nièmes de l’unité : ainsi on a 2ikπ P (Un ) = {e n / k ∧ n = 1} et CardP (Un ) = ϕ(n) où ϕ est la fonction indicateur d’Euler. 5.2 Définition Soit n ∈ N∗ : on appelle nième polynôme cyclotomique le polynôme Φn (X) défini par Y Φn (X) = (X − α). α∈P (Un ) 5.3 Proposition Soit n ∈ N∗ ; alors on a : a) Φn (X) est unitaire et de degré ϕ(n) ; Y b) X n − 1 = Φd (X) ; d∈N∗ ,d|n c) Φn (X) est à coefficients dans Z. 81 Preuve : a) clair. b) Les ensembles P (Ud) forment une partition de Un quand d décrit l’ensemble des diviseurs positifs de n, en effet : pour tout diviseur positif d de n et pour tout α ∈ P (Ud ), on a αd = 1 donc αn = 1 d’où P (Ud ) ⊂ Un ; réciproquement, pour tout α ∈ Un , ord(α) divise n et α ∈ P (Uord(α) ), donc [ Un = P (Ud). d|n D’autre part, pour tout d le groupe Ud est cyclique donc P (Ud ) 6= ∅ et, si P (Ud ) ∩ P (Ud′ ) est non vide, alors pour tout α ∈ P (Ud ) ∩ P (Ud′ ) on a ord(α) = d = d′ : on a donc bien une partition. Or X n − 1 est unitaire et n’a que des racines simples dans C donc, par définition même de Un , on a Y (X − α) Xn − 1 = α∈Un d’où Xn − 1 = Y d|n Y (X − α) = α∈P (Ud ) Y Φd (X). d|n c) Montrons que Φn (X) est à coefficients dans Z par récurrence sur n : si n = 1, alors Φn (X) = X − 1 ∈ Z[X] ; si n ≥ 2, on suppose que Φm (X) ∈ Z[X] pour tout entier m ≤ n − 1 ; alors on a Y Xn − 1 = Φd (X) = Φn (X)R(X) d|n où R(X) = Y Φd (X) : ainsi R(X) est unitaire et à coefficients entiers par hypothèse d|n,d6=n de récurrence donc, quand on effectue la division euclidienne de X n − 1 par R, le quotient Φn (X) est aussi à coefficients entiers. 5.4 Théorème de Wedderburn Tout corps fini est commutatif ; ainsi pour tout corps fini K, il existe un nombre premier p et un entier n ≥ 1 tel que K ≃ Fpn . Preuve : Soit K un corps fini a priori non commutatif ; considérons le centre Z(K) défini par Z(K) = {x ∈ K / ∀ y ∈ K, xy = yx}. Notons q = Card(Z(K)), alors q ≥ 2 puisque 0K et 1K ∈ Z(K). On vérifie facilement que Z(K) est un sous-corps commutatif de K, et ainsi K est muni d’une structure de 82 Z(K)-espace vectoriel, de dimension finie n ≥ 1 puisque K est fini, d’où |K| = q n : on va montrer que n = 1, ainsi on aura Z(K) = K et K sera commutatif. Considérons x ∈ K ∗ et posons Kx = {y ∈ K / xy = yx}, alors on vérifie facilement que Kx est un sous-corps de K et que Z(K) ⊂ Kx donc Kx est muni d’une structure de Z(K)-espace vectoriel de dimension finie nx ≥ 1, d’où |Kx | = q nx . D’autre part, Kx∗ est un sous-groupe du groupe multiplicatif K ∗ donc d’après le théorème de Lagrange, |Kx∗ | = q nx − 1 divise |K ∗ | = q n − 1 ; on en déduit alors que nx divise n à l’aide du lemme suivant : Lemme : Soient a et b ∈ N∗ , alors on a : q b − 1 | q a − 1 ⇐⇒ b | a. En effet, si b | a, il existe k ∈ N∗ tel que a = bk, d’où q a − 1 = (q b )k − 1 = (q b − 1)((q b )k−1 + · · · + q b + 1). Réciproquement, si q b − 1 | q a − 1, effectuons la division euclidienne de a par b : a = bs + r où 0 ≤ r ≤ b − 1, alors q a − 1 = q bs q r − 1 = q r (q bs − 1) + q r − 1 or q b − 1 divise q a − 1 et q bs − 1 donc, si r 6= 0, q b − 1 divise q r − 1 ; comme q b − 1 ≥ 1 et q r − 1 ≥ 1, on en déduit que q b − 1 ≤ q r − 1, d’où b ≤ r puisque q ≥ 2 ce qui est impossible, donc r = 0 et b divise a. Le centre Z(K ∗ ) du groupe K ∗ n’est autre que Z(K)∗ = Z(K) − {0} et Kx∗ = Kx − {0} est le centralisateur de x dans K ∗ . Supposons n 6= 1 : alors K 6= Z(K) et ainsi K ∗ = 6 Z(K ∗ ), on a alors d’après III 9.3 “l’équation des classes” X |K ∗ | = |Z(K ∗ )| + [K ∗ : Kx∗ ] x6∈Z(K ∗ ) en prenant un et un seul x 6∈ Z(K ∗ ) par classe de conjugaison dans la somme. Alors on obtient qn − 1 = q − 1 + Or, d’après 5.3 on a X n − 1 = dans Z, d’où q − 1 = n Y d|n X x6∈Z(K ∗ ) Y d|n X qn − 1 |K ∗ | . = q − 1 + |Kx∗ | q nx − 1 ∗ x6∈Z(K ) Φd (X) et pour tout d ∈ N∗ , Φd (X) est à coefficients Φd (q) et Φn (q) divise q n − 1. De la même façon, on a pour tout x 6∈ Z(K ∗ ), q nx − 1 = n, si on note I = {d ∈ N∗ / d|n et d6 | nx }, on obtient Y qn − 1 Φd (q) = q nx − 1 d∈I 83 Y d|nx Φd (q) donc, puisque nx divise or, comme x 6∈ Z(K ∗ ), il existe y ∈ K tel que xy 6= yx d’où Kx 6= K et nx 6= n, par qn − 1 . On en déduit aussitôt conséquent l’ensemble I contient n et ainsi Φn (q) divise nx q −1 que Φn (q) divise q − 1, d’où |Φn (q)| ≤ |q − 1|. Or n 6= 1 donc, pour tout α = cos θ + i sin θ ∈ P (Un ), on a α 6= 1 donc q p p |q − α| = (q − cos θ)2 + sin2 θ = q 2 − 2q cos θ + 1 > q 2 − 2q + 1 = |q − 1| d’où |Φn (q)| = Y α∈P (Un ) |q − α| > |q − 1|ϕ(n) ≥ |q − 1| ce qui est absurde, donc n = 1 et ainsi K est commutatif. 84