Le périnée neurologique L

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Le périnée neurologique
● J.J.
es patients porteurs de lésions neuroL
logiques ont fréquemment des troubles
sphinctériens qui méritent d’être précisés.
L’atteinte urinaire a été assez bien analysée
avec le développement de la neuro-urologie.
Elle associe des troubles de la miction et de la
continence, sources d’un handicap sphinctérien important, à des risques sur le haut appareil qui motivent une surveillance assez régulière. Les troubles ano-rectaux sont moins
connus ; ils relèvent de mesures thérapeutiques symptomatiques assez simples mais qui
justifient une éducation permettant des défécations régulières. Les interrelations vessierectum doivent être abordées dès que l’on analyse une situation périnéale qui cherche son
équilibre et peut facilement être déstabilisée à
l’occasion d’une pathologie locale ou d’un
traitement chirurgical.
Les troubles sphinctériens urinaires ou anorectaux sont parfois les éléments révélateurs
d’une pathologie neurologique. Quand faut-il
s’alarmer ? S’il existe des signes évocateurs,
aucun n’est spécifique.
PHYSIOPATHOLOGIE
Atteinte centrale
Encéphalique
Les lésions encéphaliques peuvent altérer le
comportement social, altérer la perception du
besoin, diminuer le contrôle volontaire et favoriser la désinhibition ainsi que la spasticité
périnéale, mais elles n’altèrent pas la coordination réservoir-sphincter.
* Clinique urologique, Hôtel-Dieu,
Nantes.
Labat*
Médullaire
Les lésions médullaires peuvent altérer la perception du besoin, diminuer le contrôle volontaire et favoriser la désinhibition, favoriser la
spasticité périnéale, altérer la coordination
réservoir-sphincter (dyssynergie vésicosphinctérienne et asynchronisme rectosphinctérien) et ralentir le transit, mais elles
n’altèrent pas l’innervation autonome
Atteinte périphérique
Les atteintes périphériques au niveau radiculaire sacré ou plexique peuvent altérer la perception du besoin, diminuer le contrôle volontaire et altérer la réflectivité périnéale ; la
poussée abdominale va tendre à compenser le
défaut de contraction du réservoir.
La flaccidité périnéale associée à la poussée
abdominale majore le risque de prolapsus et
de périnée descendant.
Une atteinte sacrée isolée permet le maintien
d’un tonus sphinctérien lisse d’origine sympathique participant à la continence.
L’association atteinte sympathique et sacrée
(paraplégie flasque, lésions pelviennes élargies tumorales, postopératoires ou traumatiques) peut entraîner une chute importante des
pressions sphinctériennes.
LES PROBLÈMES DES
MALADIES NEUROLOGIQUES
Lésions médullaires
La neurovessie
Après une phase de choc spinal au cours de
laquelle le détrusor est inactif et l’urètre hypertonique, justifiant un drainage vésical, l’apparition d’une réflectivité sous-lésionnelle
explique la possibilité de mictions réflexes de
type percussions ; l’existence d’une dyssynergie vésico-sphinctérienne explique quant
Le Courrier de colo-proctologie - Volume II - n° 1 - mars 2001
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à elle des contractions vésicales de forte amplitude, prolongées et pas toujours efficaces avec
des résidus postmictionnels variables.
Ce type de neuro-vessie peut être dangereux
pour le haut appareil, car les pressions vésicales élevées pendant la phase de remplissage
perturbent l’écoulement urétral.
Le traitement des troubles mictionnels peut
relever de deux options. La première est d’obtenir des mictions réflexes par percussions ou
équivalents (toucher rectal, par exemple) avec
souvent des fuites par impériosité justifiant le
port d’un étui pénien chez l’homme. C’est un
choix souvent fait chez le tétraplégique qui ne
pourra pas s’autosonder. La deuxième va privilégier la continence par l’administration
d’anticholinergiques provoquant une vessie à
basse pression, en rétention, dont la vidange
sera assurée par autosondage intermittent ;
c’est un choix souvent fait chez le paraplégique capable de s’autosonder et chez la
femme spastique inappareillable.
La spasticité
Les contractures sous-lésionnelles sont
déclenchées par l’étirement musculaire
(réflexe myotatique) et par les épines irritatives sous-lésionnelles. Celles-ci ne sont pas
toujours connues du sujet dans la mesure où
elles surviennent en zone anesthésique. Les
plus fréquentes sont les escarres, les ongles
incarnés, les infections urinaires, les hémorroïdes inflammatoires, les fécalomes. La spasticité va s’exprimer par des contractures en
triple flexion des membres inférieurs mais
également par une majoration de la spasticité
sphinctérienne avec une aggravation de la dyssynergie vésico-sphinctérienne et de la dyschésie.
F O R M E R
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L’hypertonie anale est appréciable au toucher
anal, l’étirement rapide de l’anus entraîne une
contraction réflexe vive (strech réflexe).
L’hypertonie anale est favorisée par les stimuli
locaux, la stase veineuse, elle-même aggravée
par la station assise permanente, et la stase
stercorale. Cette hypertonie peut entraîner un
cercle vicieux : l’émission de selles étant plus
difficile, les déclenchements sont plus agressifs et vont eux-mêmes majorer l’hypertonie
anale.
La spasticité peut s’exprimer au niveau végétatif par une majoration de l’hyperréflectivité
vésicale avec majoration de fuites réflexes.
L’hyperréflexie autonome (HRA)
Les épines irritatives sous-lésionnelles peuvent également générer des orages végétatifs
par hyperactivité sympathique souslésionnelle d’autant plus grave que le niveau
neurologique est élevé, car le secteur vasculaire adaptatif sus-lésionnel est d’autant plus
restreint. Le problème concerne donc surtout
les tétraplégiques. Tout acte proctologique est
susceptible de déclencher une HRA qui s’exprime par une poussée hypertensive parfois
maligne (hémorragie rétinienne ou méningée),
des céphalées, un érythème sus-lésionnel, une
bradycardie, des sueurs. Il faut donc s’en
méfier, prescrire de l’Adalate® (nifédipine)
sublingual à titre préventif, ne pas faire de
geste sans anesthésie sous le prétexte que le
patient n’a pas de sensibilité et se méfier des
suites opératoires souvent difficiles. Devant
une HRA, le premier geste consiste à vider la
vessie et à verticaliser le patient.
Les douleurs sous-lésionnelles
Elles se projettent habituellement dans les
membres inférieurs et parfois au niveau périnéal. Leur survenue en territoire anesthésique
est évocatrice du caractère de déafférentation ;
il s’agit de douleurs souvent permanentes, de
type brûlures, influencées par l’état thymique.
Il ne faut pas les interpréter comme le témoin
d’une pathologie locale sous-lésionnelle,
celle-ci s’exprimant par des contractures plus
ou moins localisées.
Les interrelations vessie-rectum
L’existence d’un fécalome ou d’une pathologie anale favorise facilement la rétention urinaire chez le paraplégique, mais à l’opposé, le
traitement de ces problèmes proctologiques
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peut faciliter à terme l’obtention d’une vessie
équilibrée (vidange facile et absence de fuites).
Il est indispensable de réévaluer la fonction
vésico-sphinctérienne avant toute chirurgie
proctologique. Dans les suites d’une intervention proctologique, il peut y avoir une
décompensation de la situation vésicosphinctérienne : parce que le patient ne peut
plus déclencher ses mictions de façon réflexe
par toucher rectal, parce que la dyssynergie
vésico-sphinctérienne est majorée avec risque
de rétention postopératoire, ou par majoration
de la réflectivité vésicale avec aggravation des
fuites.
Ces problèmes proctologiques peuvent également favoriser des phénomènes de rétraction
de verge entraînant des difficultés d’adaptation des étuis péniens.
La rééducation intestinale
Faciliter le transit et l’exonération
– lutter contre la constipation de transit :
régime, son, médicaments, verticalisation,
apports hydriques, massages abdominaux dans
le sens du cadre colique, ceintures abdominales ;
– déclencher l’exonération régulièrement
(24 ou 48 heures) par les méthodes réflexes :
simple toucher rectal le plus souvent, suppositoires de glycérine et d’Éductyl®, soit sur les
toilettes, soit en décubitus latéral droit, jambes
fléchies ;
– utiliser le réflexe gastro-exonérateur et
déclencher l’exonération à heure fixe en général après le petit déjeuner.
Éviter l’incontinence
– toujours éviter les laxatifs qui peuvent
entraîner des suintements ;
– surveiller la consistance des selles, éviter les
aliments accélérateurs de transit et prévenir les
diarrhées ;
– en l’absence de besoin, la régularité du transit est le meilleur garant de la continence.
Les complications proctologiques
Hémorroïdes et fissures anales
La moitié des paraplégiques sont porteurs
d’une pathologie hémorroïdaire. La stase veineuse, accentuée par le séjour inhabituel des
matières dans l’ampoule rectale et les efforts
prolongés de poussée, favorise les thromboses
et les saignements hémorroïdaires. Les fissures anales sont moins fréquentes et peuvent
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être favorisées par les agressions répétées du
toucher évacuateur.
Anites
En l’absence de douleur du fait de l’absence
de sensibilité, elles peuvent évoluer vers l’abcès de la marge anale. C’est une cause fréquente d’hypertonie anale.
Les prolapsus
Ils sont favorisés par les efforts de poussée
défécatoire mais également mictionnelle. Ils
sont plus souvent hémorroïdaires que
muqueux. Chez les paraplégiques anciens, on
retrouve souvent d’énormes prolapsus en
“chou-fleur”, non réductibles et épithélialisés.
Fécalomes
C’est une tendance spontanée au cours de la
paraplégie en raison de l’existence des troubles
de la perception du besoin d’exonérer, c’est
pourquoi l’éducation du paraplégique nécessite l’apprentissage d’une exonération régulière. C’est, bien sûr, la première cause de
“diarrhée” du paraplégique.
Stase gazeuse
Elle est courante et favorisée par l’hypertonie
anale. Elle peut être diminuée en renforçant
l’activité intestinale et la défécation. Chez le
tétraplégique, un épisode de météorisme
abdominal peut aggraver un déficit respiratoire. Les situations aiguës peuvent motiver la
mise en place d’une sonde rectale.
L’hypertonie anale justifie parfois une sphinctérotomie mais, actuellement, elle devrait relever de façon préférentielle d’injections intrasphinctériennes de toxine botulinique.
Syndrome de la queue de cheval
Le syndrome de la queue de cheval est secondaire aux fractures de la région lobaire ou
sacrée ou à des compressions radiculaires
sacrées dans le cadre de hernies discales compliquées, de canaux lombaires étroits ou de
séquelles tumorales.
La neurovessie
Dans le syndrome de la queue de cheval, la
lésion périphérique des racines sacrées altère
la réflectivité sacrée ; à l’absence de besoin,
s’associe un défaut de contraction vésicale,
source de dysurie. Le tonus sphinctérien n’est
que modérément diminué du fait de la
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persistance d’un tonus sympathique d’origine adrénergique, puisque la voie hypogastrique, sympathique d’origine thoracolombaire, est préservée. La perte de réflectivité sacrée explique aussi la perte d’adaptation réflexe à la toux. Celle-ci va expliquer des
fuites urinaires d’effort malgré une pression
de clôture urétrale relativement maintenue.
Ce défaut de contraction vésicale peut être
compensé par une poussée abdominale, plus
facilement efficace chez la femme que chez
l’homme, du fait de résistances urétrales
basses.
La miction est donc obtenue par poussée abdominale (contractions des abdominaux en station assise même chez l’homme, pour éviter
une défécation simultanée). Elle est plus facilement efficace chez la femme que chez
l’homme. Cette acquisition d’une poussée
abdominale peut faire appel à un travail de
musculation abdominale. La manœuvre de
Crédé, qui consiste à réaliser une expression
manuelle sus-pubienne, est actuellement évitée car délétère sur la statique périnéale et du
fait de la facilité de recourir à l’autosondage.
L’autosondage est donc une alternative quand
on veut éviter des poussées abdominales trop
importantes. Dans la pratique, le patient victime d’un syndrome de la queue de cheval brutal apprend habituellement rapidement l’autosondage, ce qui lui permet d’être autonome.
Progressivement, il reprend des mictions par
poussée abdominale et, quand le résidu a disparu, l’autosondage peut être interrompu.
La dénervation périnéale
À la paralysie périnéale s’associe une hypotonie périnéale retrouvée au niveau de l’anus
et du plancher périnéal. La poussée abdominale utilisée par la miction et la défécation, si
elle est trop importante, favorise la distension
et la descente périnéale, conduisant parfois à
de véritables hernies périnéales. Cette poussée abdominale favorise également la survenue de prolapsus génitaux (cystocèle, hystéroptose, rectocèle) mais aussi de prolapsus
rectaux.
Les douleurs lésionnelles
De type brûlures permanentes, parfois plus
vives en station assise, elles apparaissent dans
les territoires anesthésiques, c’est-à-dire au
niveau périnéal. Il faudra donc les interpréter
en tant que douleurs neuropathiques et ne pas
leur donner valeur de complications proctologiques, car elles perdureront au-delà des traitements locaux.
La défécation, la continence
Le réflexe recto-anal inhibiteur est préservé
dans les atteintes de la queue de cheval, car il
répond à une innervation intrinsèque organisée localement. Il est donc possible de déclencher l’exonération par l’utilisation de suppositoires à dégagement gazeux. En revanche,
l’absence de réflectivité sacrée fait disparaître
les contractions rectales et le sphincter anal est
hypotonique. La défécation peut être obtenue
par poussée abdominale. Celle-ci doit en général survenir de façon régulière, à heure fixe.
Dans les lésions incomplètes, certains patients
retrouveront un besoin adapté. Dans d’autres
cas, il faudra se méfier de troubles sensitifs qui
amènent le patient à interpréter des “sensations” rectales (parfois désagréables, voire
douloureuses) comme des besoins d’exonérer
et l’incitent à déclencher des exonérations plusieurs fois par jour, donc à répéter de façon
infructueuse des efforts de poussée abdominale avec un risque majoré sur la statique périnéale.
L’incontinence peut là aussi être secondaire à
la stase stercorale favorisée par les troubles du
besoin et une évacuation incomplète. Les épisodes diarrhéiques sont mal tolérés du fait de
l’importance de l’hypotonie sphinctérienne et
de l’absence de contrôle volontaire.
La rééducation sphinctérienne
Pour éviter ces complications, il est souhaitable de laisser le patient et surtout la patiente
à l’autosondage intermittent, et cela même si
la poussée abdominale permet de vider la vessie sans résidu postmictionnel. En fait, le choix
entre poursuite de l’autosondage ou poussée
abdominale est fonction de l’importance de la
dénervation périnéale et de l’intensité de la
poussée abdominale effectuée.
La sclérose en plaques (SEP)
La SEP est une atteinte multifocale du système
nerveux central. Les problèmes ano-rectaux
sont liés à l’existence d’une importante constipation de transit associée à des difficultés
d’exonération par asynchronisme rectosphinctérien. Cet asynchronisme, contrairement à celui des pathologies purement fonctionnelles, réagit mal à la rééducation dans la
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mesure où le patient est incapable de contrôler la relaxation et la contraction anale. Les
anus de ces patients sont spastiques avec un
strech réflexe marqué mais acontractiles : anus
hypertoniques et figés.
Le traitement est essentiellement médical, faisant appel aux laxatifs osmotiques et aux suppositoires à dégagement gazeux.
Dans les formes évoluées avec troubles cognitifs, certains patients peuvent avoir de véritables défécations réflexes incontrôlées qu’il
n’est possible de prévenir que par des présentations régulières aux toilettes.
Les troubles urinaires sont fréquents, associant
hyperréflexie vésicale et dyssynergie vésicosphinctérienne. Le traitement des troubles urinaires justifie souvent de faire appel aux anticholinergiques qui aggravent la constipation.
Le spina bifida paralytique
Les enfants présentant lesspina bifidaque l’on voit
actuellement en France sont des formes sacrées,
avec problèmes orthopédiques mineurs et
dont le handicap est essentiellement sphinctérien.
La neurovessie
Les troubles urinaires associent la plupart du
temps une vessie acontractile et une insuffisance sphinctérienne. Cependant, ces vessies
sont souvent animées de petites contractions
vésicales autonomes, inefficaces pour les vider
mais participant à un travail vésical parasite
qui peut être dangereux pour le haut appareil
urinaire. La compliance vésicale se détériore
souvent au cours de la surveillance, surtout
après les interventions chirurgicales visant à
renforcer la résistance urétrale.
L’objectif thérapeutique est donc d’assurer à
la fois l’acquisition de la continence et la protection du haut appareil urinaire. Les anticholinergiques sont souvent utilisés. Le sondage intermittent est souvent proposé et réalisé
initialement par l’entourage et dès l’âge de
8 ans par l’enfant. Les agrandissements vésicaux sont parfois réalisés pour diminuer la
pression vésicale et protéger les reins. Les
interventions de continence comme les sphincters artificiels sont implantés quand l’enfant a
acquis suffisamment d’autonomie, c’est-à-dire
toujours après l’âge de dix ans.
La défécation, la continence
L’anus du spina est très souvent considérablement hypotonique, béant. À l’examen
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clinique, on constate parfois des ouvertures
spontanées complètes du sphincter anal, parfois déclenchées par la stimulation de la marge
anale. Bien sûr, l’enfant n’a pas de besoin et,
en l’absence de mesures éducatives spécifiques, la tendance spontanée est au développement de fécalomes.
La défécation peut être obtenue par poussée,
par vidange digitale (par les parents ou par
l’enfant) ou par suppositoire.
L’éducation et la rééducation
La prise en charge rééducative est avant tout
éducative. Ces enfants n’ont pas la notion de
la continence ni celle de la propreté qu’ils
n’ont jamais connues (contrairement aux
lésions acquises). Il est illusoire d’attendre
qu’ils utilisent un besoin d’uriner ou de déféquer qui leur est étranger, mais il faut leur faire
acquérir des rythmes (et des rites) de miction
et de défécation réguliers, à heure fixe, le plus
tôt possible. Le rôle de l’entourage est donc
essentiel.
Dans les incontinences anales persistant malgré les mesures thérapeutiques habituelles, on
peut être conduit à proposer des lavements
évacuateurs réguliers mais, du fait de l’importance de l’hypotonie sphinctérienne, il faut
alors utiliser des sondes avec ballonnets occlusifs pour que le lavement soit efficace.
Il peut y avoir indication à proposer des lavements antérogrades par l’appendice grâce à
une intervention de Malone.
Si l’on est sûr qu’il n’y a pas de défaut de
vidange rectale, on peut proposer l’utilisation
de bouchons anaux. Les indications de sphincter artificiel anal sont dans ces conditions
exceptionnelles.
SIGNES URINAIRES RÉVÉLATEURS
DE PATHOLOGIE NEUROLOGIQUE
Devant un certain nombre de symptômes, il
faut savoir évoquer le diagnostic de “périnée
neurologique”, ceux-ci pouvant en effet révéler la pathologie neurologique.
Si certains symptômes sont évocateurs, aucun
n’est spécifique.
Signes fonctionnels
Un bon signe d’intégrité neurologique est l’aptitude à déclencher volontairement sa miction,
en dehors de tout besoin, à bas volume de remplissage et sans poussée abdominale. Ne pas
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pouvoir contrôler ainsi sa miction ne permet
cependant pas d’affirmer une lésion neurologique (inhibition passagère, insuffisance
sphinctérienne). Pouvoir interrompre volontairement son jet témoigne également d’un bon
contrôle neurologique, mais ne pas pouvoir le
faire n’est pas spécifique.
Des troubles sensitifs peuvent se révéler par
un émoussement, voire une disparition du
besoin, des troubles de la sensation du passage
des urines.
Une rétention aiguë et indolore d’urine est toujours suspecte.
Si l’incontinence peut prendre les masques les
plus banals, son association à une dysurie est
plus évocatrice. La séquence mictions impérieuses ou fuites par impériosité puis incapacité ou retard au déclenchement, miction polyphasique est évocatrice d’une dyssynergie
vésico-sphinctérienne telle qu’on l’observe
dans les lésions médullaires incomplètes. Les
pertes par impériosité n’appartiennent pas de
façon spécifique à la pathologie neurologique
centrale mais peuvent l’accompagner. Les
“urinations” sont des pertes d’urines brutales,
survenant sans besoin préalable, entraînant
une vidange vésicale complète, auxquelles
assiste passivement le patient incapable du
moindre contrôle ; elles peuvent être le témoin
de phénomènes de désinhibition corticale à
connotation psychiatrique mais également
appartenir à un syndrome frontal.
La survenue d’une énurésie secondaire chez
l’adulte est possible à la suite de modifications
de la qualité du sommeil, souvent du fait de
l’influence de drogues psychotropes, mais elle
peut également révéler un syndrome d’apnée
du sommeil (la polyurie nocturne pouvant être
un signe de syndrome d’apnée du sommeil) ;
enfin, ce peut être l’un des premiers signes
d’un syndrome démentiel.
La poussée abdominale peut remplacer une
contraction vésicale défaillante, mais beaucoup de femmes urinent ainsi, alors que
l’homme en est souvent incapable ; y parvenir sans percevoir le besoin est chez lui évocateur d’une dénervation.
La survenue d’une incontinence anale peut
faire suspecter une pathologie neurologique
quand elle survient chez l’homme sans antécédent proctologique, surtout en cas d’hypotonie sphinctérienne.
Une constipation de transit et une dyschésie
d’apparition récente peuvent évoquer une
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pathologie neurologique centrale avec asynchronisme lésionnel rebelle à la rééducation
périnéale (SEP, myélopathie cervicarthrosique).
La survenue de paresthésies ou de dysesthésies périnéales et notamment périanales prend
beaucoup de valeur dans le cadre d’un syndrome douloureux radiculaire (véritable “syndrome de menace” dans le cadre de sciatique)
ou de douleurs sacrées, pouvant évoquer une
atteinte des racines de la queue de cheval, surtout s’il s’y associe des troubles de la discrimination gaz-matières ou une perte de la sensation du passage des selles.
L’association aux troubles urinaires d’un
dysfonctionnement sexuel (impuissance,
anéjaculation, anorgasmie) ou d’une constipation récente est peut-être ce qu’il y a de
plus spécifique d’une étiologie neurologique.
L’examen clinique neurologique
C’est souvent lui qui, en retrouvant des anomalies objectives, déclenchera l’enquête étiologique.
L’examen neuro-périnéal
Il explore la sensibilité des derniers métamères
sacrés : S2 à la face postérieure des cuisses ;
S3 au niveau du scrotum, de la verge ou des
grandes lèvres, des plis fessiers ; S4 dans la
région périanale.
Le réflexe anal à la piqûre, à l’étirement ou au
contact du doigt intrarectal explore S4. La
contraction anale à la toux est un réflexe faisant intervenir de nombreux segments situés
plus haut. Le réflexe bulbo-caverneux et le
réflexe bulbo-anal explorés à la piqûre, au pincement ou à l’étirement d’une sonde à
demeure explorent S3.
La motricité des métamères sacrés est explorée lors du testing des muscles releveurs par
voie vaginale ou rectale, mais également par
la contraction volontaire des muscles ischiocaverneux et du sphincter anal.
Le tonus musculaire n’est guère apprécié cliniquement qu’au niveau de l’anus.
Un anus “figé” (dont le tonus ne se modifie ni
à l’effort de retenue, ni lors de la poussée) est
suspect quand il est normo- ou hypertonique.
Ce peut être un signe d’atteinte centrale (SEP,
par exemple), un signe appartenant à la série
extrapyramidale ou un stigmate d’antécédent
d’abus sexuel de l’enfance.
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s a n s
f r o n t i è r e s
L’examen neurologique
Il s’intéresse essentiellement aux membres
inférieurs, recherchant des signes d’atteinte
périphérique (abolition des réflexes ostéotendineux, amyotrophie, déficit moteur segmentaire, troubles sensitifs métamériques touchant l’ensemble des sensibilités), des signes
d’atteinte centrale de type médullaire (syndrome pyramidal avec hyperréflectivité, signe
de Babinski, déficit aux manœuvres globales
et troubles sensitifs dissociés dans le territoire
sous-lésionnel) ou de type supramédullaire
(hémiparésie, syndrome extrapyramidal, syndrome cérébelleux, troubles des fonctions
supérieures).
L’examen général
Il recherche des signes d’accompagnement
comme des pieds creux, une scoliose, une malformation cutanée ou osseuse de la région
lombo-sacrée qui peuvent orienter vers un dysraphisme spinal congénital. Des radiographies
de cette région lombo-sacrée apprécieront
l’existence du diamètre du canal sacré avec
scalloping, d’un élargissement interpédiculaire, d’un spondylolisthésis, d’une ostéolyse.
Spécificité urodynamique ou de manométrie
ano-rectale ?
Il n’y a pas de critère urodynamique pathognomonique de vessie neurologique. Sont
évocatrices des contractions vésicales dyssynergiques, d’aspect ondulatoire ou de très
fortes amplitudes, ainsi que l’existence de
contractions rectales simultanées, l’absence de
tout besoin lors du remplissage ou l’absence
de toute contraction vésicale.
En manométrie ano-rectale, on peut retrouver
des signes de suspicion d’atteinte neurogène
mais pas de signe de certitude. Ces signes peuvent être : des troubles de la perception du
besoin avec une augmentation des volumes
seuils de perception consciente, une absence
de gain de pression anale lors d’une contraction volontaire, un réflexe recto-anal inhibiteur
vif et marqué par un retour brutal à la pression
basale, un asynchronisme recto-sphinctérien.
Les explorations électrophysiologiques
Elles vont fournir des arguments objectifs de
l’atteinte du système nerveux. L’électromyographie (EMG) des sphincters et des muscles
périnéaux et la latence du réflexe bulbocaverneux permettent d’identifier des éléments de souffrance nerveuse périphérique.
Elles sont indiquées, dans ce contexte, devant
une dysurie par inactivité vésicale essentiellement. Les potentiels évoqués somesthésiques
obtenus à la stimulation génitale ou des
membres inférieurs recherchent une souffrance des cordons postérieurs médullaires.
L’étude des potentiels évoqués moteurs obtenue après stimulation transcorticale et recueil
périnéal explore la voie pyramidale. Ces examens sont indiqués en cas de suspicion de
lésion médullaire, donc dans un contexte d’hyperactivité vésicale insolite. Enfin, on recherchera parfois des signes de dissémination, dans
le cadre d’une pathologie inflammatoire, en
demandant une étude des potentiels évoqués
auditifs ou visuels, ou dans le cadre d’une neuropathie périphérique, une étude des vitesses
de conduction motrice et sensitive des
membres supérieurs et inférieurs avec EMG.
Les explorations neuroradiographiques
Elles sont indispensables à l’affirmation de
toute pathologie compressive, au niveau des
racines sacrées médullaires ou supramédullaires. Des examens tomodensitométriques du
petit bassin, du rachis (sacré, lombaire, dorsal
ou cervical), de l’encéphale, saccoradiculographie et myélographie, IRM de la charnière
cervico-occipitale, de la moelle cervicale, dorsale, lombo-sacrée seront donc parfois proposés en fonction du contexte clinique. En cas
de suspicion de pathologie inflammatoire,
l’IRM encéphalique recherchera des hypersignaux dans les régions périventriculaires.
25
CONCLUSION
Au terme de ce bilan clinique, on peut être
orienté soit vers un périnée de type périphérique, c’est-à-dire hypotonique – avec de
faibles contractions volontaires, des troubles
de perception lors de la distension de l’ampoule rectale, une descente périnéale à la poussée, une diminution de la réactivité à la toux,
une utilisation de la poussée abdominale pour
uriner – ou vers un périnée de type central –
avec un anus hypertonique mais souvent acontractile, une réponse réflexe lors de l’étirement
anal (strech), des troubles du besoin, des fuites
par urgence.
Les atteintes périphériques sont essentiellement radiculaires : syndrome de la queue de
cheval par hernie discale, canal lombaire
rétréci, tumeur de la queue de cheval, séquelles
de chirurgie pelvienne élargie, dysraphisme
spinal type spina bifida ou dysraphisme
occulte.
Les atteintes de type central sont liées à des
atteintes médullaires (avec dyssynergie
vésico-sphinctérienne et asynchronisme rectosphinctérien) et/ou encéphaliques (compression médullaire, SEP, pathologie extrapyramidale, lésion frontale).
■
R É F É R E N C E S
B I B L I O G R A P H I Q U E S
• Costa P, Labat JJ. Troubles vésico-sphinctériens
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Le Courrier de colo-proctologie - Volume I - n° 3 - mars 2001
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