Quand les plaies sont indolores

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Le pied diabétique
Quand les plaies sont indolores
En constante augmentation, le diabète est un problème
de santé publique, notamment par les complications
qu’il engendre. Les troubles trophiques du pied diabétique, responsables de nombreuses journées d’hospitalisation, doivent retenir l’attention des soignants.
L
es troubles trophiques des
membres inférieurs et particulièrement des pieds chez les
diabétiques représentent des complications qui peuvent mener sournoisement à l’amputation.
Que recouvre le pied diabétique ?
Il peut s’agir du pied à prédominance neurotrophique compliqué
par des maux perforants ou du
pied à prédominance ischémique,
artériel, susceptible de se compliquer d’ulcération, voire d’infection.
Les plaies du pied diabétique sont
souvent des plaies d’origine vasculaire. Les erreurs qui mènent à une
amputation sont causées par des
manques à l’hygiène, des accidents,
le port de chaussures inadaptées.
Pour le Pr André Grimaldi, (hôpital Pitié-Salpêtrière à Paris) « 5 à
10 % des diabétiques seront un jour
victimes d’une amputation et plus de
50 % des amputations de cuisse ou de
jambe sont réalisées chez des diabétiques ; les troubles trophiques des
pieds diabétiques sont responsables de
25 % des journées d’hospitalisation
diabétologiques ».
Éviter l’amputation
Comment expliquer ces extrêmes
qui font d’un malade un handicapé ? La première explication se
situe d’abord essentiellement dans
l’absence de douleur. Une chaussure qui fait mal alerte l’individu,
sauf le diabétique qui, ne ressentant
rien, continue de marcher sur sa
plaie et remet des chaussures qui
l’ont déjà blessé. Cette insensibilité
explique la gravité évolutive des lésions. Souvent obèse, arthrosique,
le patient a du mal à se surveiller
minutieusement et régulièrement.
Mais le réflexe des soignants est-il
toujours présent pour un examen
systématique des pieds chez ces
patients ? Et puis, souligne le
Pr Grimaldi, « Pour certains, le pied
est-il un organe noble ? ». Cette raison purement psychologique, peu
avouable, est bien réelle. Or, toute
plaie minime, due au banal frottement d’une chaussure ou à la
blessure d’un ongle incarné risque
de ne pas cicatriser. La surinfection
de la plaie peut être responsable
d’une décompensation brutale,
avec constitution en quelques
heures d’une gangrène d’un orteil.
Quels patients ?
Le patient à plus haut risque présente le plus souvent une artérite,
une neuropathie ou les deux ensemble. La neuropathie intervient
en supprimant la perception de la
douleur, par les troubles moteurs
et les troubles de la sensibilité
profonde responsables d’appuis
anormaux qui sont la cause de
durillons et callosités à l’origine
d’une hyperkératose. La neuropathie végétative est cause d’une sécheresse cutanée anormale, susceptible d’entraîner une nécrose
talonnière, par exemple. Elle peut
être à l’origine de shunts artérioveineux avec perte de réflexe artériel. Peuvent se constituer aussi des
ostéonécroses et des fractures indolores responsables de l’ostéoarthropathie nerveuse. La fracturenécrose-luxation située dans les
zones de contrainte maximale entraîne l’effondrement de l’arche interne du pied : c’est le classique
Charcot diabétique. Compte tenu
de ces insensibilités, le diabétique
à risque podologique doit apprendre à protéger ses pieds. Il doit
être adressé à une consultation spécialisée de podo-diabétologie pour
recevoir une éducation spécifique
pour la prévention des plaies.
A.-L.P.
Pour en savoir plus
Grimaldi A., Sachon C., Bosquet F. Les diabètes, comprendre pour traiter. Éditions médicales internationales, Paris 1995 : 411-21.
Dépistage
Le dépistage repose sur l’examen clinique annuel du pied de tout diabétique. Un antécédent de blessure non perçue par le malade doit être
systématiquement recherché. L’échographie Doppler artériel est indispensable en cas d’artérite cliniquement patente.
Les diabétiques à risques podologiques sont essentiellement :
– les diabétiques âgés qui associent neuropathie et troubles statiques
liés à l’âge. Certains handicaps, même mineurs (vue, rhumatismes), peuvent empêcher chez eux la bonne autosurveillance et l’autosoin ;
– les diabétiques alcoolo-tabagiques associant souvent artérite et neuropathie avec, parfois, un diabète secondaire à une pancréatite chronique ;
– les diabétiques ayant une micro-angiopathie sévère et, parmi eux, les
greffés rénaux et greffés rein-pancréas.
Le soignant doit demander à un diabétique à risque d’examiner ses pieds
en ne lui désignant pas le durillon ou l’ongle mal taillé. C’est au patient
de le montrer au soignant qui doit l’alerter sur l’importance de toujours
passer ses mains dans la chaussure avant de l’enfiler et de la secouer
pour faire tomber le plus petit objet.
Professions Santé Infirmier Infirmière - No 26 - mai 2001
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