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Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. I - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2012
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Léducation thérapeutique en question
Si on devait expliquer l’éducation thérapeutique à un profane,
on dirait quil s’agit d’apprendre au patient à devenir son propre
médecin. Du moins est-ce le but idéal. Si l’on croit vraiment
à cet objectif de l’éducation thérapeutique, il est particulièrement
intéressant de se demander comment se soignent les médecins
compétents en diabétologie lorsquils sont eux-mêmes diabétiques.
À la vérité, ils ressemblent fort aux autres patients diabétiques.
Et c’est finalement assez rassurant ! Néanmoins, on ne peut qu’être
interpellé par le comportement de certains, excellents pour soigner
les autres et ayant les plus grandes difficultés à se soigner eux-mêmes.
J’ai ainsi enseigné le diabète et son traitement pendant 10 ans
aux internes de médecine générale, avec un médecin généraliste.
Celui-ci, arrivé à l’âge de la retraite, me consulte car ses glycémies
sont à plus de 2 grammes, et me confie : Je ne prends aucun
médicament, je ne pense pas qu’ils sont efficaces. J’étais un peu
surpris ! Nous avons hospitalisé dans le service, pour un mal perforant
plantaire, un professeur de radiologie spécialisé dans la radiologie
ostéo- articulaire et ayant publié des articles sur l’imagerie de
l’ostéo-athropathie nerveuse diabétique. Il avait complètement
oublié qu’il était diabétique ! Le fond d’œil, fait au lit, montra
une rétinopathie proliférante nécessitant un traitement par laser
en urgence. Un chirurgien vasculaire ayant ponté des diabétiques,
en ayant amputé dautres, lui-même triple ponté coronarien, ne
prenait aucun médicament. Il m’est adressé par les ophtalmologistes
pour la découverte d’une rétinopathie diabétique, et entre dans le box
Pour ouvrir le numéro 4 et clore en beauté cette première année
de Correspondances en Onco-Théranostic, j’ai choisi de vous faire partager
les réflexions du Pr André Grimaldi sur l’éducation thérapeutique et, plus
particulièrement, sur l’attitude des médecins face à leurs propres maux. Ce texte
nous porte à réfléchir. Et vous verrez que sa dernière phrase (“Je suis convaincu
qu’à nous 2, on pourra faire mieux”) est tout à fait en ligne avec notre dossier
”Réparation“, puisqu’elle illustre parfaitement le concept de la létalité synthétique !
F. Penault-Llorca
Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. I - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2012
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de consultation en levant les mains en l’air : Je me rends !” Et cette
ophtalmologue qui “lasérisait la rétine de ses patients pendant
que son rein se détruisait, jusqu’à ce quelle bénéficie d’une double
greffe rein-pancréas… Et tant d’autres…
Que conclure ? Qu’il est bien connu que les cordonniers sont les plus
mal chaussés ? Peut-être… Plus fondamentalement, je pense que,
si les médecins se soignent souvent mal, cest que ce sont des gens
normaux.
Quatre leçons me semblent devoir être tirées.
La connaissance est nécessaire. Elle est indispensable, mais elle nest
jamais suffisante pour changer un compor tement ou supprimer la
pensée magique qui nous fait croire que cela n’arrive qu’aux autres.
L’homme est un être de raison, mais il nest pas qu’un être de
raison. Il est aussi un être de besoins parfois impérieux, et de désirs
parfois déraisonnables. Mais, comme le dit Lacan : “La ruse de la raison
consiste à faire croire aux individus que le sujet sait ce quil veut !”
Chacun veut bien être différent, mais pas anormal, de peur d’être
réduit à sa maladie, victime de l’arrogance des gens “normaux”,
et finalement dévalorisé aux yeux des autres et à ses propres yeux.
Le médecin prenant soin d’un patient atteint d’une maladie
chronique devrait toujours être habité par une double conviction :
Je ne suis pas sûr qu’à sa place je ferais mieux que lui ;
Je suis convaincu qu’à nous 2, on pourra faire mieux.
André Grimaldi
Service de diabétologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris.
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