© La Lettre
du Neurologue
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Décembre2012.
Images en Dermatologie • Vol. VI • n
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2 et 3 • mars-juin 2013
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Éditorial
L’éducation thérapeutique en question
André Grimaldi
(Service de diabétologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris)
Si on devait expliquer l’éducation thérapeutique à un profane,
ondirait qu’ils’agit d’apprendre au patient à devenir
sonpropre médecin. Du moins est-ce lebut idéal.
Si l’on croit vraiment à cet objectif de l’éducation thérapeutique,
ilestparticulièrement intéressant de se demander comment
sesoignent les médecins compétents en diabétologie lorsqu’ils
sont eux-mêmes diabétiques. À la vérité, ilsressemblent fort
auxautres patients diabétiques. Etc’estfinalement assez rassurant !
Néanmoins, on ne peut qu’être interpellé parlecomportement
decertains, excellents pour soigner les autres et ayant
lesplusgrandes difficultés à se soigner.
J’ai ainsi enseigné le diabète et son traitement pendant 10ans aux internes
demédecine générale, avec un médecin généraliste. Celui-ci, arrivé à l’âge
delaretraite, me consulte car ses glycémies sont à plus de 2grammes, et
me confie : “Jene prends aucun médicament, je ne pense pas qu’ils sont
efficaces”. J’étais un peu surpris ! Nousavons hospitalisé dans le service,
pour un mal perforant plantaire, un professeur de radiologie spécialisé dans
la radiologie ostéo-articulaire et ayant publié des articles sur l’imagerie de
l’ostéo- arthropathie nerveuse diabétique. Il avait complètement oublié qu’il
était diabétique ! Le fond d’œil, fait au lit, montra unerétinopathie proliférante
nécessitant un traitement par laser en urgence. Unchirurgien vasculaire
ayant ponté desdiabétiques, en ayant amputé d’autres, lui-même triple ponté
coronarien, ne prenait aucun médicament. Il m’est adressé par les ophtalmo-
logistes pour la découverte d’unerétinopathie diabétique, et entre dans le box
de consultation en levant les mains en l’air : “Jemerends !” Etcetteophtalmo-
logue qui “lasérisait” la rétine de ses patients pendant quesonrein se détrui-
sait, jusqu’à ce qu’elle bénéficie d’une double greffe rein-pancréas… Et tant
d’autres…
Que conclure ? Qu’il est bien connu que les cordonniers sont les plus mal
chaussés ? Peut-être… Plus fondamentalement, je pense que si les médecins
sesoignent souvent mal, c’est que ce sont des gens normaux. Quatre leçons
mesemblent devoir en être tirées.