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Éditorial
L’éducation thérapeutique en question
André Grimaldi
(Service de diabétologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris)
S
i on devait expliquer l’éducation thérapeutique à un profane,
on dirait qu’il s’agit d’apprendre au patient à devenir
son propre médecin. Du moins est-ce le but idéal.
Si l’on croit vraiment à cet objectif de l’éducation t­ hérapeutique,
il est particulièrement intéressant de se demander comment
se soignent les médecins compétents en diabétologie lorsqu’ils
sont eux-mêmes diabétiques. À la vérité, ils ressemblent fort
aux autres patients diabétiques. Et c’est finalement assez rassurant !
Néanmoins, on ne peut qu’être interpellé par le comportement
de certains, excellents pour soigner les autres et ayant
les plus grandes difficultés à se soigner.
J’ai ainsi enseigné le diabète et son traitement pendant 10 ans aux internes
de médecine générale, avec un médecin généraliste. Celui-ci, arrivé à l’âge
de la retraite, me consulte car ses glycémies sont à plus de 2 grammes, et
me confie : “Je ne prends aucun médicament, je ne pense pas qu’ils sont
efficaces”. J’étais un peu surpris ! Nous avons hospitalisé dans le service,
pour un mal ­perforant ­plantaire, un professeur de radiologie spécialisé dans
la radiologie ostéo-articulaire et ayant publié des articles sur l’imagerie de
l’ostéo-­arthropathie nerveuse diabétique. Il avait complètement oublié qu’il
était diabétique ! Le fond d’œil, fait au lit, montra une rétinopathie proliférante
nécessitant un traitement par laser en urgence. Un chirurgien vasculaire
ayant ponté des diabétiques, en ayant amputé d’autres, lui-même triple ponté
coronarien, ne prenait aucun médicament. Il m’est adressé par les ophtalmo­
logistes pour la découverte d’une rétinopathie diabétique, et entre dans le box
de consultation en levant les mains en l’air : “Je me rends !” Et cette ophtalmo­
logue qui “lasérisait” la rétine de ses patients pendant que son rein se détruisait, jusqu’à ce qu’elle bénéficie d’une double greffe rein-pancréas… Et tant
d’autres…
© La Lettre
du ­Neurologue
- Vol. XVI - no10
Décembre 2012.
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Que conclure ? Qu’il est bien connu que les cordonniers sont les plus mal
chaussés ? Peut-être… Plus fondamentalement, je pense que si les médecins
se soignent souvent mal, c’est que ce sont des gens normaux. Quatre leçons
me semblent devoir en être tirées.
Images en Dermatologie • Vol. VI • no 2 et 3 • mars-juin 2013
Éditorial
✔✔ La connaissance est nécessaire. Elle est indispensable, mais elle n’est
jamais suffisante pour changer un comportement ou supprimer la pensée
magique qui nous fait croire que cela n’arrive qu’aux autres.
✔✔ L’homme est un être de raison, mais il n’est pas qu’un être de raison. Il est
aussi un être de besoins parfois impérieux et de désirs parfois déraisonnables.
Mais, comme le dit Lacan : “La ruse de la raison consiste à faire croire aux
individus que le sujet sait ce qu’il veut !”
✔✔ Chacun veut bien être différent, mais pas anormal, de peur d’être réduit
à sa maladie, victime de l’arrogance des gens “normaux”, et finalement dévalorisé aux yeux des autres et à ses propres yeux.
✔✔ Le médecin prenant soin d’un patient atteint d’une maladie chronique
devrait toujours être habité par une double conviction : “Je ne suis pas sûr
qu’à sa place je ferais mieux que lui” ; “Je suis convaincu qu’à nous 2, on
pourra faire mieux”.
II
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Images en Dermatologie • Vol. VI • no 2 et 3 • mars-juin 2013
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