TR A I T E M E N T S D I F F I C I L E S
La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 3 - vol. VII - mai-juin 2004
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Toute décision thérapeutique,venant s’ajouter à cet état, est suscep-
tible de rendre le patient “malade” au sens propre et au sens figuré.
En effet, prendre un traitement stigmatisera la maladie et, de plus,
risquera d’entraîner des effets secondaires physiques et psychiques
d o u l o u reu x pour un patient qui était préalablement asymptomat i q u e.
Être observant ou compliant à un traitement incertain dans ses résul-
tats et dans son vécu, ainsi que potentiellement dangereux psychi-
quement en l’absence d’information, d’éducation et de toute antici-
p ation au cours de l’initiation thérapeutique ne pourra que plus
sensibiliser un patient déjà fragilisé.
Favoriser l’observance
Dans un contexte où il faut limiter les risques de passage à l’acte
impulsif (tentat ive de suicide, u s a ge de toxique ou ru p t u r e théra-
peutique), il devient inconcevable de fonctionner dans l’urgence ou
dans l’intervention isolée. Demander un avis psychiatrique pour ces
patients, afin d’avaliser une indication thérapeutique sans qu’un suivi
spécialisé soit programmé, ou souhaiter une intervention en urgence
auprès d’un patient qui n’a jamais vu de psychiatre lorsque “tout va
m a l ” , ne fe ra que multiplier les risques de ru p t u re ou de prise en ch a rge
i n a d aptée (arrêt du tra i t e m e n t , choix de psych o t ropes inadap t é s , e t c .).
Anticiper les troubles psychiatriques par une prise en charge spécia-
lisée précoce,c’est offrir au patient la possibilité d’anticiper son ave-
nir social, familial et professionnel, ainsi que son état clinique. Cette
anticipation, ainsi que le dialogue autour de ses choix sociaux, fami-
liaux et professionnels (la réflexion autour de bénéfices secondaires
potentiels est très utile aux deuils nécessaires que peut provoquer la
m a l a d i e ) , associée à une disponibilité d’une équipe psych i at r ique spé-
cialisée qui l’aura déjà rencontré et qui l’aura informé et éduqué, lui
mais aussi sa famille,sur les troubles psychiatriques et “leur dépis-
t age ” , s u s c ep t i bles d’ap p a ra î t re sous traitement antiv i ra l , sont un véri-
table gage de sécurité dans le cadre de ce soin. Le patient passera dès
l o rs de l’observance à l’adhésion thérap e u t i q u e,re l ation beaucoup
plus souple et, de ce fait, moins susceptible de se rompre.
Cette info rm ation initiale pourra s’accompag n e r, si le patient le décide,
d’un traitement antidépresseur préventif avant l’initiation du traite-
ment antiviral, accompagné ou non de traitements adjuvants (anxio-
lytiques ou hypnotiques). Il sera maintenu tout au long du traitement
antiviral et après l’arrêt de celui-ci pendant plusieurs semaines.
La prescription des traitements psychotropes dans ce domaine ne doit
pas se faire au hasard. Certaines molécules ont été étudiées dans ce
c a d re et répondent plus spécifiquement aux nécessités cliniques et
p h a r macocinétiques qu’imposent la maladie et son t r aitement ( 1 ) . Cette
p r e s c ription ne peut se fa i r e de manière isolée et doit être accompagnée
d’informations, d’éducation et d’anticipation au sein d’un contexte
psychothérapique. La prescription à l’aveugle d’un traitement anti-
dépresseur ou anxiolytique peut être dangereuse.
Choix du traitement précoce
Dans ce contexte,nous avons proposé en première intention un
t rai tement antidépresseur précoce par sert r aline (50 % de nos
prescriptions) et par citalopram (35 % de nos prescriptions). La
viloxazine (5 % de nos prescriptions), la mirtazapine, la tianep-
tine ont également été utilisées. Un traitement déjà prescrit préa-
l a blement et bien toléré n’a jamais été changé initialement (moins
de 5 % des situat i o n s :p a rox é t i n e,a m i t ri p t y l i n e,fl u oxétine). Près
de 85 % de ces prescriptions n’ont pas été modifiées au cours du
suivi spécialisé et toutes les réévaluations thérapeutiques se sont
limitées aux molécules préconisées précédemment.
Cette prise en charge est très satisfaisante dans ses résultats et le
soulagement psychosocial qu’elle procure, puisqu’elle diminue
le risque d’ap p a rition de tro u bles affectifs sous tra i t e m e n t , l ’ i n t e n-
sité et la répercussion des symptômes psychiques, le risque de
rupture thérapeutique et facilite l’action en urgence.
Près de 85 % des patients déjà traités par interféron et ayant souffert
d’un épisode dépressif ayant justifié l’arrêt ou non d’un traitement
antiviral ont estimé que ce suivi précoce leur ont apporté un bénéfice
psychosocial indéniable et permis le plus souvent de mener à terme
leur traitement pour la dose et la durée efficace (90 % des patients
aux antécédents de ru p t u re de soins ont terminé leur tra i t e m e n t ) .
CONCLUSION
À l’heure de la curabilité de l’infection par le virus de l’hépat i t e C ,
il est nécessaire de multiplier les indications thérapeutiques, de
favoriser l’observance et de limiter les ruptures thérapeutiques.
Les troubles affectifs sont probablement le principal obstacle de
cette prise en charge. Dans ce contexte, il convient de prévenir
l’apparition de ces troubles par une prise en charge précoce et
globale au sein d’une équipe multidisciplinaire disponible dans
l’urgence. Selon nous, il y a lieu de proposer une prise en charge
psychiatrique spécialisée à chaque patient sans préjugé, et ce au
moins dès qu’une décision thérapeutique est posée,dans le cadre
d’un bilan préthérapeutique.
La réfl exion que nous menons sur ce sujet nous conduit à penser
qu’il est probablement important, pour ne plus limiter l’accès aux
soins, de réévaluer les contre-indications psychiatriques du traite-
ment par interféron et d’informer globalement les différents inter-
venants de cette prise en ch a rge. C’est par cette seule voie que nous
a r rive rons à endiguer cette maladie et ses complicat i o n s , ainsi qu’à
initier une démarche de recherche dans ce domaine.
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RÉ F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S
1 . O r e fice C, Lang JP. Prise en ch a rge des patients atteints d’hépatite C, t ra i t é s par
interféron alpha et présentant des troubles dépressifs. Synapse 2000;162: 43-51.
2. Lang JP,Nivoix J, Vecchionacci V. Prise en charge des troubles maniaco-
d é p ressifs chez les patients séropositifs au VHC. Synapse janvier 2001;17 :27-30.
3. Lang JP. Les troubles dépressifs chez les patients séropositifs au VIH et au VHC.
Synapse septembre 1999;158:31-6.
4. Lang JP,Hallenguen O, Valli P. Nécessité d’une prise en charge spécialisée des
troubles affectifs chez les patients séropositifs au VHC. Communication orale au
Congrès de psychiatrie et neurologie de langue française. Hammamet juin 2001.
En cours de parution.
5. Touati MA, Sayet L. Syndrome dépressif majeur avec deux épisodes d’angoisse
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de substitution aux opiacés. Courrier des addictions 2001;1(3):29-30.
6. Garre JB,Braconier L, Gohiez B, Pettenati H, Duverger P,Cales P. Hépatite
virale C chronique,interféron alpha et troubles anxiodépressifs. Annales Psychia-
triques 2000;Ardix:45-52
7. Lang JP, Michel L, Halleguen O. Prise en charge des troubles affectifs chez les
patients séropositifs à l’hépatite C : une enquête prospective chez 50 patients. En
cours de parution.