Diabète Soins infirmiers et lésions des pieds éviter aussi le bandage trop serré, de peur d’aggraver l’ischémie. « Les plaies sur les orteils comportent également de gros risques de frottement et de macération, souligne Anne Liron. On utilisera donc, entre les orteils, un pansement en accordéon, qui protège, mais ne comprime pas. » Pour recouvrir le pied, on utilise de préférence un pansement américain que l’on replie aux quatre coins. Il protège des chocs. Mais il est malaisé de trouver ces pansements non remboursés lors de soins à domicile. On peut alors utiliser un surgifix maintenu par un chausson. Les ulcères du pied diabétique sont graves et fréquents. Ils sont dus à la neuropathie et à la macroangiopathie qui compliquent le diabète. C’est dire l’importance des soins infirmiers au patient diabétique. « Les ongles L’ hyperkératose cicatricielle d’un ulcère neuropathique du pied nécessite d’être découpée, rappelle Anne Liron, infirmière, de la consultation vasculaire de l’hôpital Saint-Joseph, à Paris. Se trouvant face à beaucoup de corne, l’infirmière a peur de faire saigner. Mais le risque est beaucoup plus grand en laissant l’hyperkératose agir à l’intérieur des chairs. » Il faut donc découper l’hyperkératose cicatricielle et l’amputer. Le rosé de la peau apparaît quand la kératose est ôtée. Soins des lésions du pied « Il faut intervenir couche par couche, dit Anne Liron. Nous ne connaissons pas toujours la profondeur de l’hyperkératose que l’on va retirer. C’est pourquoi je préfère le bistouri no 15 au bistouri no 11 ou 23. Son bout en est arrondi, et le risque de faire saigner est moindre. Il est mieux adapté à ce type de soins, pour éviter de blesser. » Il arrive qu’une hyperkératose soit une sorte de “cache-misère”. « Quand elle est très macérée, explique-t-elle, nous réalisons, une fois celle-ci découpée, que la plaie est plus grande et que le pertuis va plus loin que nous l’avions pensé au début du geste de soins. En cas de plaies nécrotiques et fibrineuses, je fais appel aux hydrogels. J’utilise les alginates, les hydrocellullaires et le charbon pour les plaies suintantes. Si je ne peux pas faire autrement, ce sera le corticotulle pour les plaies hyperbourgeonnantes, mais avec réserve et pour peu de temps. En cas d’épidermisation, les hydrocolloïdes, mais minces, et les hydrocellulaires sont utiles. » Les pansements Mieux vaut éviter de mettre des sparadraps sur la peau lors de la fermeture des pansements. « On risque de commencer en soignant une plaie et de se retrouver avec deux ou trois plaies », dit-elle. Il faut Pour les ongles, il importe, si besoin, de traiter les mycoses et de meuler l’ongle. Mais les pédicures ne veulent pas réaliser ces soins chez les diabétiques. Aussi un appareil de meulage est-il précieux dans la panoplie d’une infirmière. La contention Des suintements fréquents peuvent être observés chez le diabétique. « Cela rend nécessaire la contention, explique Anne Liron. Mais les bandes doivent être posées correctement. Une contention doit rester confortable, sinon le patient la retirera. » La méthode de pose reste cruciale. « On commence toujours par poser la bande à la base des orteils, ditelle. Puis on remonte peu à peu vers le haut de la jambe, c’est-à-dire sous le genou. Il ne s’agit donc pas de faire trois petits tours avec la bande sur une zone, puis de remonter à la va-vite et sans serrer vers le genou. » Mise en décharge et douleur Anne Liron souligne par ailleurs le rôle de la mise en décharge de la jambe et du pied, mais aussi la difficulté de la réaliser correctement. Une orthèse peut alors être utile. En cas de douleur, enfin, des anesthésiants locaux peuvent être utilisés : crème Emla®, lidocaïne en spray à 5 % ou bien en gel à 2 %. « Si la douleur est forte, on attendra un quart d’heure, après l’application de l’anesthésiant, dit Anne Liron. Avec la lidocaïne à 5 %, cinq à dix minutes suffisent, même pour une plaie très douloureuse. La crème Emla® doit en revanche être posée sur les plaies une demiheure avant la réalisation du pansement. » Marc Blin Propos tenus lors de la conférence organisée avec le soutien du laboratoire Janssen-Cilag. Professions Santé Infirmier Infirmière - No 33-34 - janvier-février 2002 27 Spécial RSTI La lésion ischémique Comment reconnaître la gravité d’une lésion ischémique du pied ? Une graduation est proposée par le Groupe international du pied diabétique. our reconnaître les patients à risque de trouble trophique, la graduation proposée est P la suivante : © D. Arnoult • grade 0 : absence d’artérite ou de neuropathie, présence ou non de troubles morphostatiques indépendants du diabète : pied creux, hallux valgus, orteils en griffe ; • grade 1 : existence d’une neuropathie (sensibilité vibratoire inférieure ou égale à 4 ou nonperception du monofilament de 10 g). Risque de trouble trophique multiplié par 5 à 10 ; • grade 2 : neuropathie associée à l’existence d’une artérite ou à des troubles morphostatiques. Risque de trouble trophique multiplié par 10 ; • grade 3 : antécédent d’ulcération d’une durée supérieure à 3 mois ou pied de Charcot. Risque de nouvelle lésion multiplié par 25. Cette graduation du risque a été validée par une étude prospective sur 3 ans qui montre la survenue d’ulcérations chez respectivement 5 %, 14 %, 19 % et 56 % des patients de grades 0, l et 3, et la survenue d’amputations chez 3 % et 21 % des patients de grades 2 et 3 (Peters et al., Diabetes Care 2001 ; 24 : 1442-7). Deux autres études ont montré l’efficacité de cette prise en charge graduée pour réduire au moins de moitié le taux des amputations (Mac Cabe et al., Diabetic Medecine 1998 ; 15 : 80-4 ; Patout et al., Diabetes Care 2000 ; 23 : 1339-42). La prise en charge doit être adaptée à la graduation du risque. A partir du grade 1, sont nécessaires pour tous les patients : 1. le rappel des conseils de prévention à chaque consultation ; 2. une prise en charge graduée en matière de soins podologiques, d’orthèses et de chaussures. Une prise en charge spécialisée, comportant la recherche systématique d’une cardiopathie ischémique et son traitement, doit être organisée pour les patients du grade 3. En effet, la survenue d’une lésion signale un risque élevé de mortalité, principalement cardiovasculaire. Ce risque est doublé chez les patients dont l’ulcère a cicatrisé sans séquelle, et il est multiplié par 4 chez les patients ayant subi une amputation. Une étude italienne (Faglia, Diabetes Care 2001 ; 24 : 78-83) révèle que 44 % des sujets ayant eu un ulcère des pieds sont décédés après 6-5 ans de suivi, dans 61 % des cas d’une cardiopathie ischémique. Le risque est particulièrement élevé en cas d’amputation majeure (74 % de décès) et il est prédit par un index bras-cheville inférieur ou égal à 0,5 ; Auditoire attentif aux propos d’orateurs de qualité. 28 Professions Santé Infirmier Infirmière - No 33-34 - janvier-février 2002 3. l’observation de règles de référence particulières en cas de lésion. Le patient à risque En cas de lésion chez un patient à risque (dès le grade 1), la référence rapide à une équipe ou à un centre spécialisé pour évaluation doit être la règle. C’est aux diabétologues que revient la mission d’organiser et de coordonner ces équipes afin d’assurer la prise en charge rapide et efficace des patients. Ces derniers devront être examinés dans un délai maximal de 48 heures après l’appel du médecin traitant. La décision d’hospitaliser ou non devra être prise par ces référents, en concertation avec l’équipe de soins. Les soins pourront être poursuivis en ambulatoire si neuf critères sont réunis : 1. plaie superficielle et de diamètre inférieur à 2 cm, cellulite comprise ; 2. possibilité de revoir le patient dans les 48 heures ; 3. absence de signes généraux ; 4. pas d’hospitalisation récente pour lésion du pied ; 5. absence d’artérite hémodynamique ; 6. cause de la plaie reconnue et curable ; 7. diabète correctement équilibré ; 8. possibilité de soins à domicile par une infirmière ; 9. possibilité de supprimer l’appui ou le frottement sur la plaie par un moyen simple (découpe du chausson, CHTS, orthoplastie...). La majorité des patients atteints d’une lésion ischémique du pied devront donc être hospitalisés. Seuls les patients atteints d’une lésion de petite taille et localisée au niveau d’un orteil pourront être suivis en ambulatoire. Dans le cas de soins ambulatoires, la prescription initiale doit comporter : – les moyens pour assurer la suppression de l’appui et du frottement : chaussures Barouk ou Sanital, découpe des chaussons, éventuelle orthoplastie... ; – une antibiothérapie probabiliste après prélèvement adapté ; – des soins quotidiens par une infirmière avec prescription du nettoyage, de la détersion au bistouri stérile, du mode de pansement ; – une vaccination antitétanique ; – un rendez-vous de contrôle dans les 48 heures. Évaluer la gravité de l’ischémie Cette évaluation repose sur des explorations non invasives dont le but est d’évaluer la probabilité de cicatrisation et de poser l’indication d’une procédure de revascularisation. • Les radios sans préparation des jambes et des pieds renseignent sur le degré de calcification des artères (médiacalcose). • L’écho-Doppler de l’aorte et des axes iliofémoraux et poplités doit être systématique pour le bilan anatomique et hémodynamique des lésions. Une écho-Doppler des axes cervicaux, à la recherche d’une sténose nécessitant un traitement préalable à celui des axes des membres inférieurs, doit être associée. • La mesure de l’index bras-cheville (IBC) : un IBC inférieur à 0,5 ou une pression systolique à la cheville inférieure ou égale à 50 mmHg indiquent qu’il existe une “ischémie critique” et une faible probabilité de cicatrisation spontanée. Des valeurs supérieures peuvent être faussement rassurantes à cause de l’induration artérielle. Du fait de sa simplicité, elle mérite d’être réalisée devant toute plaie ischémique, mais elle prédit assez mal la cicatrisation : des mesures de pression plus distales sont nécessaires pour cela. • La mesure de la pression systolique du gros orteil est réalisée par pléthysmographie à l’aide d’un brassard gonflable placé à la racine de l’orteil. Une pression inférieure à 30 mmHg révèle une “ischémie critique” et une faible probabilité de cicatrisation spontanée. • La mesure transcutanée de la pression partielle d’oxygène (TcPO2) mesure le débit sanguin nutritif et est le meilleur témoin de l’ischémie cutanée. Elle est utilisable en cas de médiacalcose. Elle permet de prédire la cicatrisation : si ]a pression est inférieure à 30 mmHg, il est illusoire d’espérer la cicatrisation d’un trouble trophique. Cet examen doit être réalisé s’il existe un doute sur l’indication d’une procédure de revascularisation devant une plaie du pied. Il peut également être réalisé en post-procédure de revascularisation et si l’on envisage une oxygénothérapie hyperbare. Ces explorations doivent être rapides. En présence d’une lésion du pied associée à des signes d’ischémie : – les explorations vasculaires non invasives doivent être réalisées dès l’admission avec un délai maximal de 48 heures ; – l’avis du chirurgien vasculaire doit être pris dès qu’une procédure de revascularisation est envisagée, sans aucun retard ; – l’artériographie doit être réalisée immédiatement avant ou après ; – à partir du moment où la procédure de revascularisation est décidée, elle doit être réalisée le plus rapidement possible. Ces délais ont pour but d’éviter l’extension de la nécrose et la perte de substance cutanée. ●●● Professions Santé Infirmier Infirmière - No 33-34 - janvier-février 2002 29 Spécial RSTI ●●● Évaluation L’existence d’une infection est par elle-même un signe de gravité. L’infection est reconnue cliniquement par l’existence d’un écoulement, d’une odeur, d’un pourtour inflammatoire avec rougeur, œdème et augmentation de la chaleur locale, ce qui définit une cellulite. La fièvre et l’hyperleucocytose ne sont pas présentes dans 50 % des cas, mais leur existence témoigne de la gravité de l’infection (cf. encadré). Trois stades d’infection conditionnent le choix de l’antibiothérapie initiale Infection modérée Elle ne met en jeu ni le pronostic vital ni le pronostic fonctionnel : – cellulite modérée d’extension inférieure à 2 cm ; – sans signes généraux (fièvre) ; – sans signes ischémiques ; – sans signes d’ostéomyélite. Infection profonde Elle met en jeu le pronostic fonctionnel : – écoulement purulent, cellulite extensive supérieure à 2 cm, avec œdème, rougeur et chaleur au-delà du pourtour de la plaie, possibilité de Iymphangite, d’une décoloration pourpre de la peau ; – syndrome septique avec au moins deux des anomalies suivantes : température > 38o ou < 36o, FC > 90/mn, fréquence respiratoire > 20/mn, leucocytose > 12 000/mm3 ou < 4 000/mm3 ; – signes cliniques d’ischémie ; – signes d’ostéite : contact osseux, mobilité totale d’une articulation, écoulement synovial, orteil rose et boursouflé, signes radiologiques : érosion corticale, décollement périosté, destruction osseuse ; ces signes peuvent être retardés, d’où la nécessité de faire des clichés successifs à intervalles minimum de 10 jours. Infection sévère Elle peut mettre en jeu le pronostic vital : – syndrome septique sévère : hypotension artérielle (PAS < 90 mmHg ou réduction > 40 mmHg), acidose, oligurie, encéphalopathie, hypoxémie ; – choc septique ; – cellulite sévère. En résumé, reconnaître la gravité d’une lésion ischémique du pied diabétique est capital pour adapter la prise en charge à cette gravité. Les éléments de gravité qui conditionnent cette prise en charge sont : 30 – la survenue d’une lésion chez un patient reconnu à risque : cela nécessite une référence immédiate à une équipe spécialisée pour évaluation et décision d’hospitalisation ou de traitement ambulatoire. Une tentative de traitement par le médecin qui a diagnostiqué la lésion doit être exclue, car, en cas d’échec, elle expose à un retard lourd de conséquences ; – la gravité de l’ischémie : la reconnaissance d’une ischémie sévère, qui ne permet pas la cicatrisation, nécessite la référence rapide à un chirurgien vasculaire et une artériographie ; – l’existence d’une infection qui nécessite une antibiothérapie adaptée à son stade de gravité, dans son type comme dans sa durée. Dr Michel Varroud-Vial Diabétologue, CH Sud-Francilien (91) et coordinateur du réseau REVEDIAB. Artériopathie diabétique L’artériopathie diabétique se révèle souvent au cours de l’examen systématique chez un patient diabétique, par une claudication intermittente ou encore par des troubles paresthésiques. a survenue d’un trouble trophique localisé à un orteil ou à l’avant-pied, douloureux ou Ltotalement insensible, et étendu en profondeur avec atteinte ostéo-articulaire, constitue un mode de révélation fréquent, tout comme la survenue d’emblée d’un phlegmon plantaire né d’un trouble trophique minime négligé. Cette dernière situation constitue ce que l’on appelle habituellement le “pied diabétique”. Les phénomènes combinés d’ischémie artérielle et d’infection locale doivent être pris en charge immédiatement, afin de limiter la diffusion de l’infection avec, parallèlement, la réalisation d’un bilan lésionnel vasculaire associé à un bilan général complet pour mener à bien une conduite thérapeutique. Le bilan biologique du patient permet d’équilibrer l’état diabétique compte tenu du type de diabète, de son ancienneté et de ses retentissements. En cas de troubles trophiques, la mise à plat et l’assèchement des lésions constituent un Professions Santé Infirmier Infirmière - No 33-34 - janvier-février 2002 impératif absolu, car la persistance du moindre foyer purulent s’oppose à l’action des médicaments antidiabétiques. Des soins locaux et une antibiothérapie adaptée sont de rigueur. Le bilan lésionnel commence par une radiographie sans préparation du squelette osseux du pied et de la jambe, afin de dépister les lésions ostéo-articulaires et les calcifications artérielles. L’écho-Doppler artérielle permet de poser l’indication d’une artériographie bilatérale des membres inférieurs, qui reconnaît les atteintes artérielles classiques du pied diabétique : sténothrombose des artères plantaires, oblitération ou sténoses étagées des artères de jambe, du trépied jambier et de l’axe fémoro-poplité. Les gestes vasculaires vont de la sympathectomie à l’amputation, en passant par la réalisation d’un pontage distal ou d’une dilatation endovasculaire. Les complications vasculaires du pied diabétique demeurent redoutables et nécessitent des soins constants et de longue durée, d’où le rôle fondamental de l’infirmier, qu’il s’exerce au cours de l’hospitalisation ou à domicile. Dr Jacques Busquet Chirurgien, clinique du Val-d’Or, Saint-Cloud (92). Vasculaire Risque vasculaire des membres inférieurs L’artériopathie des membres inférieurs est une maladie chronique évolutive. Ce qui fait la particularité de cette affection, c’est qu’elle peut s’aggraver à tout moment. ans l’artériopathie des membres inférieurs, il est important de discerner le passage à D un stade d’aggravation et d’agir promptement. La maladie se manifeste d’abord par une ischémie musculaire intermittente : la douleur du mollet survenant à la marche (claudication intermittente du mollet) est typiquement révélatrice. Cette ischémie musculaire intermittente peut s’aggraver et devenir une ischémie permanente (douleur de décubitus) qui, à son tour, peut dégénérer en une ischémie musculaire ET cutanée. C’est à ce stade que la vie de l’artériopathe est bouleversée, car il entre dans un autre système de soins (dont les soins locaux, le stade d’ischémie cutanée étant celui du stade trophique), avec la menace constante de l’amputation. Stade de la claudication L’angiologue intervient pour faire le bilan de l’athérosclérose par écho-Doppler : – avec prise des pressions à la cheville : loca- lisation et importance des lésions de sténose ; – afin de faire le point sur les facteurs de risque : tabac, diabète, dyslipidémie, HTA ; – afin de proposer un “traitement médical seul” : traitement antiagrégant et traitement vasoactif ; – afin d’initier un réentraînement à l’effort visant à augmenter le périmètre de marche ; – enfin, dans le but d’informer le patient ou, mieux, de faire son éducation sur sa maladie et d’indiquer le signe d’alarme. Ce dernier peut marquer une aggravation qui est le passage d’une claudication de 300 m, par exemple, à une claudication à 50 m. La transformation de ce symptôme a une valeur prédictive hautement significative : elle signale l’aggravation et indique qu’il faut, dans les meilleurs délais, refaire un bilan par écho-Doppler et réévaluer la maladie (en recherchant notamment une localisation autre qu’aux membres inférieurs : cœur, rein et cerveau, par l’exploration des carotides). Stade des douleurs permanentes Au stade d’ischémie musculaire permanente un examen écho-Doppler avec prise des pressions artérielles à la cheville donne non seulement des renseignements sur la localisation des lésions mais aussi (et surtout) sur leurs conséquences en matière d’altération de l’hémodynamique (une sténose, même importante, peut ne pas donner de retentissement hémodynamique s’il existe une colatéralité suffisamment active). Habituellement, à ce stade, est demandée une artériographie ou une angio-IRM, le traitement médical n’étant qu’adjuvant, car il existe des lésions artérielles menaçantes qu’il faut le plus souvent traiter par la chirurgie. ●●● Professions Santé Infirmier Infirmière - No 33-34 - janvier-février 2002 31 Spécial RSTI ●●● Stade du trouble trophique L’ischémie cutanée exige un examen écho-Doppler, la prise des pressions artérielles à l’orteil par pléthysmographie, la prise de la pression transcutanée en oxygène (TcPO2) au plus près de la lésion, qui reflète exactement l’état de la vascularisation cutanée (la pression doit être supérieure à 30 mmHg, sinon il est certain que la lésion cutanée ne cicatrisera pas en l’absence de revascularisation chirurgicale). Le traitement médical n’est qu’adjuvant. Il consiste en des soins locaux en collaboration avec l’infirmière (vasoactif = prostanoïdes injectables, antalgiques, anti-infectieux). La prise en charge d’un patient atteint d’une artériopathie chronique oblitérante des membres inférieurs est actuellement de plus en plus multidisciplinaire, car la maladie est multifactorielle. Le choix de mesures thérapeutiques adaptées permet de freiner l’évolution de la maladie athéromateuse, de limiter l’insuffisance artérielle et de corriger les lésions menaçantes qui pourraient exister. Dr Philippe Roth Angiologue, hôpital de Juvisy-sur-Orge (91). Artériopathie du dialysé diabétique Les patients dialysés sont de plus en plus souvent âgés, diabétiques et athéroscléreux. Le thème de l’artériopathie en dialyse mérite de ce fait d’être pris en considération. une surmortalité du dialysé diabétique rapport à celle du dialysé non diabétique, Iquelparexiste le diabète du patient soit de type I ou de type II devenu insulinorequérant lorsque celuici est en dialyse (les antidiabétiques oraux étant alors le plus souvent abandonnés). Dans la statistique rapportée par la revue Seminars in dialysis (1995), la mortalité du diabétique est de 24 % dans l’année, celle du non-diabétique est de 16 %. La surmortalité des dialysés diabétiques s’explique principalement par les causes cardiaques, mais aussi, dans une moindre mesure, par les accidents vasculaires cérébraux et, pour mémoire, par les infections. 32 Comorbidités du dialysé diabétique Cette même publication rapporte la prévalence des comorbidités cardiovasculaires observées chez les diabétiques dialysés. On note la très haute fréquence de l’HTA, observée chez près de neuf patients sur dix, et de l’insuffısance coronaire sous ses différentes formes, observée chez plus d’un patient sur deux. Ces complications cardiovasculaires sont liées d’abord à l’athérosclérose : la macroangiopathie chez le diabétique. L’athérosclérose, dont les facteurs de risque sont connus, peut atteindre tous les gros troncs artériels. L’un de ces facteurs de risque est le diabète, qui peut ajouter ses effets aux autres facteurs de risque que sont en particulier l’HTA, l’hypercholestérolémie LDL, le tabac, de même que l’hypertriglycéridémie et l’hyperuricémie. La microangiopathie du diabétique Chez le diabétique, une atteinte artériolaire distale, particulière au diabète, est présente. Celleci touche les petites artères périphériques de manière diffuse. Cette microangiopathie ajoute ses effets à la macroangiopathie des gros troncs proximaux. Elle est souvent silencieuse, c’est-àdire sans douleur. Parmi les complications de cette microangiopathie, on retrouve : – l’ischémie coronaire, qui peut être silencieuse sans angor ; – la cardiomyopathie ischémique ; – l’artérite des membres inférieurs, qui peut être sans claudication intermittente (mais bien sûr avec les pieds froids et violacés par exemple) ; – la glomérulosclérose spécifique du diabète (grande cause de l’insuffisance rénale du diabétique). La fonction rénale peut demeurer normale pendant de nombreuses années. Les antihypertenseurs IEC, inhibiteurs de l’enzyme de conversion, sont aujourd’hui recommandés dans le traitement de la glomérulopathie diabétique, avec ou sans hypertension : ils retardent l’évolution vers l’insuffisance rénale terminale. On retrouve enfin la rétinopathie proliférative spécifique du diabète. Cette microangiopathie touche aussi les artères nourricières des troncs nerveux et explique en partie les neuropathies du diabétique. Le diabétique qui arrive en dialyse a déjà derrière lui un long passé de macroangiopathie et de microangiopathie. Il survit grâce aux nouveaux traitements, en particulier coronariens, et grâce à l’épuration extrarénale. Ces malades viennent en dialyse à un stade plus avancé et avec davantage de complications qu’autrefois. Professions Santé Infirmier Infirmière - No 33-34 - janvier-février 2002 La dialyse n’est pas la cause première de ces complications, mais elle permet leur émergence par une évolution plus prolongée de la maladie, c’est pourquoi les diabétiques meurent de plus en plus souvent en service de dialyse. Certes, le diabétique qui est passé en dialyse en raison de sa glomérulopathie et/ou de sa néphroangiosclérose présente, de ce fait, des facteurs de risque supplémentaires d’ischémie tissulaire, qui aggravent les effets de la macroangiopathie et de la microangiopathie. Il importe donc de corriger l’anémie par l’EPO afin de maintenir, si possible, une hémoglobinémie supérieure à 11 ou 12 g/100 ml. De même, les calcifications artérielles liées aux désordres de l’équilibre phosphocalcique sont responsables d’une médiacalcose artérielle. Les à-coups hypertensifs et hypotensifs, en particulier en dialyse, sont source de microaccidents ischémiques et de microthromboses latentes mais répétées. Les enjeux artériopathiques Chez le dialysé diabétique, il faut pouvoir : – retarder, minimiser l’insuffisance coronarienne et l’infarctus ; – prévenir les AIT (accidents ischémiques transitoires) et les AVC (accidents vasculaires cérébraux) pour qu’il n’y ait pas de déficit neurologique ; – lutter contre les plaies ischémiques, les nécroses périphériques, sources d’amputations, elles-mêmes sources de décompensation dans les autres territoires comme les territoires coronarien ou encéphalique. Il faut enfin éviter ou retarder les décès par mort subite du fait d’une insuffisance cardiaque, d’une septicémie ou d’une cachexie, décès liés directement ou indirectement aux décompensations artériopathiques. La rétinopathie proliférative est présente chez quasiment tous les diabétiques dialysés. En fin de vie, le dialysé diabétique est aveugle dans un cas sur trois environ. Action infirmière durant les séances de dialyse • Prévenir l’hypoglycémie reste une préoccupation constante. • Prévenir l’hypotension est parfois difficile chez le diabétique. Cette tendance hypotensive est liée à la neuropathie du système nerveux autonome, avec défaut de tachycardie réactionnelle et de vasoconstriction artériolaire en réponse à une baisse de la volémie. Il faut corriger en amont l’anémie ou la dénutrition, brancher à blanc, c’est-à-dire avec le sérum contenu dans les lignes, ou à l’albumine, pouvoir dialyser avec un sodium élevé, utiliser l’UF séquentielle, dialyser à l’albumine. Il faut que le patient hypertendu ayant tendance à des chutes de tension en dialyse ne prenne pas d’hypotenseurs juste avant la séance. Alerte vis-à-vis de l’artériopathie L’infirmière doit s’alarmer devant : – toute lésion cutanée, même localisée, mais nouvelle ; – toute plaie soi-disant bénigne, mais qui ne guérit pas ; – toute douleur nouvelle des orteils ; – toute douleur thoracique, de type angineux ou non immédiatement explicable (zona ou fracture de côte par exemple) ; – tout trouble de la vision, même transitoire ; – une hémiparésie même rapidement transitoire d’un membre ; – un trouble du langage (les mots manquent, le patient achoppe sur les mots) ; – une ataxie, un trouble de l’équilibre. Attention, la plupart des signes d’alerte neurologiques peuvent très bien être provoqués par une hypoglycémie : avant de dire que tel ou tel incident est d’origine neurologique organique, il faut donc vérifier qu’il n’y a pas d’hypoglycémie. L’infirmière coordonnatrice L’action infirmière durant les séances de dialyse vise à prévenir la douleur, l’hypoglycémie et l’hypotension. • La douleur coronarienne est prévenue par un patch nitré et de l’oxygène nasal en préventif ; la douleur ischémique des orteils par des antalgiques intraveineux et un patch morphinique en préventif. Les douleurs sont favorisées par les à-coups hypotensifs, dont on sait par ailleurs qu’ils peuvent conduire à des micro- ischémies diffuses et à des microthromboses. Face aux problèmes posés par le dialysé, en particulier diabétique, l’infirmière du Centre de dyalise est présente au sein du réseau des compétences, avec le néphrologue, le diabétologue, l’interniste, le généraliste, le cardiologue, le chirurgien vasculaire, le dermatologue, le pédicure, le podologue de même que l’infirmière à domicile, l’infirmière d’hospitalisation, et le service hospitalier lourd, compétent pour le diabétique dialysé victime de complications. Il faut rappeler le handicap qu’entraîne l’insuffisance rénale associée au diabète, qui ●●● Professions Santé Infirmier Infirmière - No 33-34 - janvier-février 2002 33 Spécial RSTI rendement, un peu trop standardisée. Les diabétiques dialysés mériteraient une meilleure prise en charge, une autre considération de leurs problèmes. Un programme pédagogique et éditorial, avec la constitution d’un référentiel d’aide contextuelle, devrait être élaboré par tous les intervenants (infirmières, médecins spécialistes mais aussi patients). ●●● affecte l’estime de soi, les relations familiales, les relations conjugales et presque tous les aspects de la vie quotidienne. L’équilibre glycémique passe un peu au second plan. Chez ces patients au stade de l’artériopathie multiple, on estime que les risques d’une hypoglycémie brutale sont bien plus grands que les risques d’une hyperglycémie relativement modérée au long cours. Sommes-nous, actuellement, à la hauteur des besoins considérables des diabétiques dialysés ? La réponse est certainement non, car nous sommes dans une dialyse de routine, soumise à Michèle Nazon Infirmière, avec le soutien du Dr Pierre Desoutter, chirurgien vasculaire, et du Dr Gérard Dongradi, néphrologue. Neurologie L’attaque cérébrale : des perspectives pleines d’espoir rovasculaire spécifiques (stroke unit) qui se sont multipliées dans les pays anglo-saxons. Quant à la France, elle devra combler le retard qu’elle a pris dans ce domaine thérapeutique, car plusieurs méta-analyses ont conclu à une diminution de la mortalité de 30 % et à une réduction du séjour hospitalier dans les stroke unit. Concernant le diagnostic, grâce à l’imagerie non invasive, il a été possible de diminuer la morbidité constatée avec l’angiographie de contraste conventionnelle. L’IRM de diffusion, qui visualise le tissu cérébral en souffrance dans les deux heures qui suivent l’agression ischémique, est désormais considérée comme un “électrocardiogramme du cerveau”. D’autres techniques non invasives sont également utilisées pour mieux sélectionner les malades et définir le tissu à sauver en faisant une thrombolyse précoce, laquelle doit être mise en place dans L’AVC est une urgence médicale dont le pronostic dépend de la rapidité et de la qualité de la prise en charge. D’où l’importance de l’ouverture d’unités de neurologie vasculaire spécifiques, afin que tous les patients puissent avoir accès au meilleur traitement. du cerveau. On a assisté, ces dernières années, à des progrès qui modifient radicalement la prise en charge des AVC, à savoir le développement de l’imagerie non invasive et l’arrivée de la thrombolyse. Ces avancées étaient très attendues, car les AVC, deuxième cause de mortalité et première cause de handicap, sont un enjeu majeur de santé publique pour les années à venir : on estime que 100 000 à 120 000 nouveaux cas par an apparaissent en France. Comme l’a souligné le Pr Pierre Amarenco (hôpital Bichat, Paris), la prise en charge adéquate des AVC peut être assurée 24 heures sur 24 par des unités d’urgence neu34 © D. Arnoult traitement devrait intervenir dans des optimales dans les trois heures Lquieconditions suivent l’agression ischémique au niveau Professions Santé Infirmier Infirmière - No 33-34 - janvier-février 2002 les trois heures qui suivent l’AVC. Cette thérapeutique fait désormais appel à rt-PA, activateur du plasminogène tissulaire qui permet de guérir 140 patients de plus pour 1 000 patients traités, au prix de possibles complications hémorragiques mais sans augmentation de la mortalité. Outre la thrombolyse par voie veineuse, une équipe multidisciplinaire spécialisée et entraînée peut administrer la thrombolyse intra-artérielle, dans les six heures suivant l’AVC. D’autres antithrombotiques (aspirine, HBPM et héparine), sont utilisés en phase aiguë de l’AVC selon les facteurs de risque du patient. Pour que le traitement puisse être instauré le plus rapidement possible, il est nécessaire que tous les soignants, de même que le patient et sa famille, reconnaissent et ne sous-estiment pas les signes d’alerte d’un AVC, comme la faiblesse, le trouble de la sensibilité, la cécité monoculaire ou l’aphasie. En outre, pendant le transport, il faut savoir ce qui est à éviter, comme baisser la pression artérielle, administrer trop de liquides ou donner du sucre au patient. Ludmila Couturier La maladie d’Alzheimer : un besoin criant d’informations et de formations Dans le contexte actuel de manque de moyens et de structures d’accueil, la circulaire d’octobre 2001 témoigne de la prise de conscience de l’urgence à s’orienter vers une politique coordonnée des soins gériatriques. objectif est de mieux dépister les premiers symptômes de la maladie d’Alzheimer, de déL’ velopper les consultations mémoire de proximité, de renforcer les aides à tous les niveaux. Il est admis aujourd’hui que la prise en charge précoce permet d’éviter une “perte de chances” pour certains des patients. Comme l’a rappelé le Dr P. Lutzler, de l’hôpital de Lagny, à Marne-la-Vallée (94), les pertes de mémoire sont un motif de consultation de plus en plus fréquent, surtout depuis la mise sur le marché, vers 1995, de médicaments combattant la maladie d’Alzheimer. La plainte mnésique doit être objectivement validée, grâce aux examens cliniques et au Mini-Mental State Examination (MMSE), qui permet de passer en revue différentes facettes des fonctions cognitives. Hors diagnostic évident (trouble dépressif, prise de psychotropes, etc.) un minimum d’examens complémentaires est indispensable, ainsi qu’une évaluation de la répercussion des troubles de la mémoire sur l’autonomie. Une fois le diagnostic évoqué, il faudra s’attacher à faire le bilan d’environnement et l’inventaire des aides techniques et humaines, et à organiser la prise en charge médico-psycho-sociale au fur et à mesure de l’évolution de la maladie. « Devant l’annonce du diagnostic, le plus souvent, il n’y a pas de déni de la part de la famille qui le soupçonnait déjà, observe Mme Catherine Ollivet (Association France Alzheimer). Cela dit, l’immense majorité des familles expriment leur regret quant à l’absence de temps qui leur est consacré à ce moment-là et quant à la banalisation encore fréquente de la plainte par les médecins généralistes ». En institution, le projet de soins, individualisé et adapté au handicap physique et psychologique du patient, implique la collaboration des différents partenaires de soins et des familles, lesquelles sont accompagnées tout au long de l’hospitalisation de leur parent ou conjoint. L’objectif est toujours de préserver l’autonomie le plus longtemps possible. Certes, il faut beaucoup de patience, en prenant le temps d’écouter la personne atteinte et en essayant toujours de la rassurer. Pour les soignants, il peut être déroutant et épuisant de prendre en charge les différents troubles dont souffre un patient atteint de la maladie d’Alzheimer, notamment l’agressivité ou la fugue, mais aussi la perte de la maîtrise sphinctérienne, les troubles du sommeil, les troubles de la conduite alimentaire et ceux du comportement psychomoteur, qui nécessitent une surveillance constante. D’où l’importance des échanges au sein d’une équipe pluridisciplinaire, de la participation à des groupes de parole et à des formations concernant la communication pour acquérir de nouveaux outils ou supports (reformulation, analyse transactionnelle). Rester à domicile aussi longtemps que possible est un droit qui devrait être garanti à toute personne âgée. Les demandes de prise en charge concernant des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou de troubles apparentés représentaient 72,8 % en 2000 dans le ●●● Professions Santé Infirmier Infirmière - No 33-34 - janvier-février 2002 35 Spécial RSTI ●●● service de soins à domicile (SSAD) municipal d’Aulnay-sous-Bois. Comme l’a rapporté Mme Anne Jochem (cadre de santé), le SSAD passe par la coordination des soins et des aides. L’entretien au domicile du patient se déroule dans la mesure du possible avec ses proches, afin que l’infirmière puisse réunir le maximum de renseignements sur la vie quotidienne du patient, son état de santé, ses fonctions mentales, cognitives et physiques. Dès cette phase, le personnel explique à la famille quelles modifications seraient souhaitables pour le mieux-être et la sécurité du patient ainsi que les contraintes et les limites à la prise en charge au domicile. L’équipe du SSAD planifie les actions de la prise en charge et de nouvelles évaluations, régulières, pour la réadapter aux besoins. Étant donné l’impact de cette pathologie sur les proches, le soutien est indispensable pour qu’ils soient capables de réagir de façon adaptée aux changements de comportement du malade et de faire face à leurs sentiments d’angoisse et d’isolement, mais aussi à des problèmes sociaux et financiers. Ludmila Couturier D’après les propos tenus lors de la conférence organisée avec les laboratoires Eisai/Pfizer. Sclérose en plaques : retarder le handicap Le malade atteint de sclérose en plaques a droit à la vérité mais pas au désespoir. Aussi l’accompagnement est-il fondamental pour renforcer son adhésion aux traitements, faciliter l’organisation de sa vie, et éviter l’isolement social. n l’état actuel des connaissances, il est difficile de prévoir de façon fiable la vitesse d’agE gravation du handicap chez un individu donné. La sclérose en plaques (SEP), caractérisée par des foyers de démyélinisation disséminés dans la moelle et l’encéphale, débute le plus souvent chez un adulte jeune (entre 20 et 40 ans). Cependant, l’évolution globale de la maladie est mieux connue : pour 50 % des malades, huit ans environ séparent le début de la maladie d’un commencement de réduction du périmètre de marche ; après quinze ans d’évolution intervient 36 la nécessité de s’aider d’une canne dans les déplacements ; après un délai de trente ans, le recours à un fauteuil roulant devient parfois nécessaire. Ces données sont issues de grandes séries statistiques générales et ne sont pas applicables à un individu donné. Si l’appréciation du handicap moteur est privilégiée pour évaluer la sévérité de la maladie (échelle EDSS), d’autres éléments de handicap peuvent aussi avoir des conséquences socioprofessionnelles désastreuses, à savoir les troubles cognitifs, la fatigue et les troubles psychiques. Certes, la dépression consécutive à l’annonce du diagnostic – il ne devrait être annoncé que s’il est certain – de la maladie neurologique chronique et incurable est une réaction compréhensible. Cela dit, il est primordial, dès les premières manifestations, d’aborder avec le malade le retentissement de sa maladie et de l’aider à envisager l’avenir avec un maximum de courage, cela lui permettant de rester impliqué dans l’organisation sociale et relationnelle de sa vie quotidienne. Côté espoir, le patient devrait avoir toutes les explications précises et justes sur la maladie, y compris sur l’existence des cas d’évolution bénigne, avec des poussées occasionnelles suivies d’une rémission presque complète des symptômes. Dans un tiers des cas cependant, chaque poussée laisse un handicap et, dans un autre tiers, il s’agit de formes à progression secondaire. Notons, à ce propos, que les infirmières du Réseau Écoute et Conseils ont pour rôle de répondre à toutes les questions pratiques concernant le traitement, d’assurer un relais vers les professionnels de santé en cas de nécessité, en réorientant le malade vers eux. A l’écoute des patients, les infirmières de ce réseau participent à l’acceptation de la maladie par le patient et à son adaptation. A côté des corticoïdes, au moment des poussées et de la rééducation fonctionnelle, de nombreux médicaments ont été expérimentés comme la mitoxantrone, l’azathioprine, le cyclophosphamide, la ciclosporine A. L’arrivée des interférons a représenté un progrès thérapeutique dans la prise en charge des formes rémittentes en réduisant la fréquence et la sévérité des poussées. L’interféron bêta-1b a aussi démontré son efficacité dans les formes secondairement progressives en ralentissant la progression de la maladie. Bien qu’il soit toujours difficile de prédire son évolution, les interférons peuvent influencer favorablement le devenir du malade dans un certain nombre de cas, améliorant ainsi sa qualité de vie. Professions Santé Infirmier Infirmière - No 33-34 - janvier-février 2002 Ludmila Couturier D’après les propos tenus lors de la conférence organisée avec le soutien des laboratoires Schering SA. Maladie de Creutzfeldt-Jakob, nouveau variant et autres ESST Leur développement, comme celui des savoirs et des mesures de précaution, nécessitent de faire le point sur les encéphalopathies subaiguës spongiformes transmissibles humaines (ESST). « L es encéphalopathies spongiformes subaiguës transmissibles ou ESST sont des maladies dégénératives du système nerveux central, qui se présentent comme des démences », rappelle le Dr Jean-Philippe Brandel, attaché de consultation en neurologie à l’hôpital de la PitiéSalpêtrière à Paris. Elles sont au nombre de trois : – la maladie de Creutzfeldt-Jakob et son nouveau variant ; – le syndrome de Gerstmann-StraüsslerScheinker ; – l’insomnie fatale familiale. Ces ESST sont transmissibles entre animaux (tremblante du mouton, par exemple) et entre humains (transmission chirurgicale ou par les hormones de croissance). « On ne connaît pas l’agent en cause, poursuit le Dr Brandel. Le grand suspect, c’est la protéine prion. C’est une maladie liée à une accumulation anormale de cette protéine normale. » Les ESST sont donc caractérisées par l’accumulation d’une isoforme pathologique (PrPSc) d’une protéine normale (PrPC). « Cette maladie est transmissible, mais non contagieuse, précise le Dr Brandel. Elle est transmissible accidentellement, lors de procédures inhabituelles. Tous les accidents iatrogènes recensés ont eu lieu lors de manipulations du système nerveux central, par exemple lors de ponctions lombaires. » L’incubation est longue et silencieuse. On peut savoir qu’une personne est séropositive avant que le sida proprement dit ne se déclare, alors qu’il n’existe pas de test courant pour les encéphalopathies. « Quant au diagnostic de certitude, il ne peut être obtenu que lors d’une autopsie. Une biopsie, rarement faite, le permet également. » En raison de cette longue durée d’incubation, les données épidémiologiques sur le nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (nvMCJ) restent trop parcellaires pour estimer la prévalence de l’infection humaine. « Mais on sait que la maladie de Creutzfeldt-Jakob sporadique représente 80 % des cas d’ESST, dit le Dr Brandel. On estime à 80 le nombre de cas en France. Ce chiffre est à comparer aux 300 000 à 400 000 morts de la maladie d’Alzheimer. Les formes génétiques représentent 10 % des cas d’ESST. Les formes acquises et iatrogènes d’ESST représentent elles aussi 10 % des cas. Enfin, on compte quatre cas du nouveau variant en France. C’est la rareté de la rareté, ce qui n’est pas tout à fait vrai en Angleterre, où l’on compte 117 cas de nvMCJ. Par ailleurs, on compte un cas en Irlande et un cas à Hong Kong. » Nouveaux dispositifs de surveillance Il est désormais nécessaire de prendre en compte le risque lié au nouveau variant, dont la répartition tissulaire de l’infectiosité pourrait être plus large selon le ministère de la Santé. L’apparition du nvMCJ a conduit à renforcer le dispositif de surveillance et à élaborer de nouvelles recommandations concernant le risque de transmission interhumaine des ESST, notamment pour les soignants. « Nous disposons maintenant de grandes études épidémiologiques sur la maladie de CreutzfeldtJakob sporadique, notamment d’une enquête castémoin sur plus de 400 patients en Europe », poursuit le médecin. Parmi les soignants, qu’il s’agisse d’infirmières, de médecins ou de laborantins, il n’y a pas plus de cas que dans la population générale. « Dans le monde, trente cas de soignants ont été publiés : trois cas de médecins internistes, deux de chirurgiens, deux de neurochirurgiens, cinq de dentistes stomatothérapeutes, dix-huit cas d’infirmières ou d’aides-soignantes. » Pour les autres formes, nous n’avons que peu de données. Des travaux sont menés sur le nouveau variant, dont les résultats n’ont pas été publiés. En termes de prévention, il faut respecter les précautions universelles, toutes les précautions universelles. Marc Blin Professions Santé Infirmier Infirmière - No 33-34 - janvier-février 2002 37