VI E P R O F E S S I O N N E L L E La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé Quelques points essentiels ● M. Dupont* nnoncée fin juin 1999 à l’issue des États généraux de la santé, la loi du 4 mars 2002 a finalement vu le jour près de trois ans plus tard. Elle introduit des innovations importantes dans le droit de la santé (pour l’essentiel dans le code de la santé publique). La loi est composée de quatre titres, dont sont tirés ici certains points essentiels. A TITRE I Le titre I vise la “Solidarité envers les personnes handicapées”. Faisant suite à la jurisprudence “Perruche”, il dispose que “Nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance” et que toute personne handicapée a droit à la solidarité de la collectivité nationale, et ce quelle que soit la cause de sa déficience. Visant la naissance avec un handicap “dû à une faute médicale”, le législateur, dans une perspective classique en droit de la responsabilité, a prévu la possibilité d’une réparation du préjudice “lorsque l’acte fautif a provoqué directement le handicap ou l’a aggravé, ou n’a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l’atténuer”. Le texte retient une distinction entre les parents, contractuellement en rapport avec le praticien, et l’enfant né avec un handicap “non décelé pendant la grossesse à la suite d’une faute caractérisée”. Les parents auront le droit de demander une indemnisation devant les juridictions – mais essentiellement au titre du préjudice moral –, à raison de la faute contractuelle du médecin. En revanche, l’enfant qui souffre d’un handicap pourra obtenir, non une réparation, mais une “compensation” au titre de la solidarité nationale, dans des conditions qui restent à définir. TITRE II Le titre II est intitulé “Démocratie sanitaire”. Il énonce en premier lieu un certain nombre de droits fondamentaux des malades : droit à la protection de la santé ; droit au respect de la dignité de la personne malade ; droit de recevoir des soins visant à soulager la douleur (douleur qui doit être en toute circonstance prévenue, évaluée, prise en compte et traitée) ; droit * Chef du département des droits du malade, AP-HP, direction générale. La Lettre du Neurologue - n° 8 - vol. VI - octobre 2002 à “une vie digne jusqu’à la mort”. La loi interdit toute discrimination dans l’accès à la prévention ou aux soins, et le cas échéant en raison des caractéristiques génétiques. Sont ensuite abordées les questions suivantes : Le secret professionnel Un nouvel article L. 1110-4 du code de la santé publique affirme le droit au secret jusqu’alors essentiellement fondé sur des dispositions pénales. Ce droit s’articule sur la volonté du malade de communiquer ou non des informations médicales qui le concernent. Il est expressément justifié par la protection de la vie privée. Il s’applique à tout professionnel de santé, à tout membre du personnel hospitalier et à toute personne en relation, de par ses activités, avec les hôpitaux (on pense aux bénévoles, aux fournisseurs, etc.). Il n’est prévu que deux atténuations à ce principe de secret : les professionnels de santé peuvent, sauf opposition de la personne, échanger des informations relatives à une même personne prise en charge (notion de secret partagé), afin d’assurer la continuité des soins ou déterminer la meilleure prise en charge possible ; lorsque la personne est prise en charge par une équipe hospitalière, les informations la concernant “sont réputées confiées par le malade à l’ensemble de l’équipe” (notion de secret collectif). Le secret médical ne s’oppose pas à la délivrance d’informations aux ayants droit du patient décédé. Trois motifs sont recevables pour cela : connaître les causes de la mort ; défendre la mémoire du défunt ; faire valoir ses droits. Le droit à l’information médicale Point d’orgue d’une évolution récente de la jurisprudence très commentée, la loi affirme “le droit de toute personne à être informée sur son état de santé”. Elle distingue l’information préalable et l’information postérieure aux actes médicaux : • L’information préalable. Le patient doit recevoir une information sur “les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés” (le contenu de l’acte médical envisagé), “leur utilité, leur urgence éventuelle” (l’appréciation de l’opportunité de l’acte) et “leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus” (la portée de l’acte ou de l’absence d’acte). Sur ce dernier point, on note une inflexion par rapport aux données de la jurisprudence récente qui prévoyait une obli309 VI E P R O F E gation sur les risques graves et connus, même exceptionnels. Les tribunaux devront apprécier au cas par cas, mais la volonté du législateur ne semble pas avoir été de créer une obligation de dresser au patient une liste interminable de la totalité des conséquences possibles, mais de les limiter aux risques graves ou fréquents. Il est de plus ajouté que le professionnel n’est tenu de cette obligation d’information que dans les limites des connaissances au moment de l’information. Il est confirmé que la preuve de l’information donnée repose sur le médecin et qu’elle peut être donnée par tout moyen (et donc pas nécessairement par écrit). • L’information a posteriori. Il s’agit ici d’un sujet qui a été emblématique de la loi puisque concernant l’accès au dossier médical (la loi n’emploie pas ce terme et parle d’informations médicales). Le patient (ou ses ayants droit en cas de décès, ou les titulaires de l’autorité parentale pour les mineurs) peut choisir une communication directe des documents médicaux (en fait : de leur copie) ou, comme c’était déjà le cas auparavant, par l’intermédiaire d’un médecin qu’il désigne. Les informations communicables sont des informations “formalisées” (les notes personnelles ne sont pas communicables, ni les observations des étudiants). La communication doit être effectuée sous 8 jours (2 mois si les documents ont plus de 5 ans). Des restrictions sont apportées lorsque le patient est atteint de troubles mentaux et soigné sous contrainte (HO ou HDT) : le médecin peut alors demander que la communication se fasse par l’intermédiaire d’un médecin. Le mineur peut également demander qu’un médecin fasse l’intermédiaire si ses parents demandent la communication de son dossier. Un décret du 29 avril 2002 a précisé ces dispositions. En matière de recherche biomédicale, la personne qui s’est prêtée à une recherche doit obligatoirement être informée des résultats globaux qui en sont issus. Le consentement Un grand principe de notre droit à la santé est sur ce point consacré : “Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé.” Le consentement du mineur doit systématiquement être recherché en fonction de ses capacités. Précisant la conduite à tenir dans certains cas délicats (par exemple, celui classique des témoins de Jéhovah en cas de transfusion sanguine), la loi souligne que le médecin doit respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix : si la volonté du patient de refuser ou d’interrompre un traitement met sa vie en danger, le médecin doit respecter la volonté du patient mais doit tout mettre en œuvre pour le convaincre d’accepter les soins indispensables. Ces dispositions ne s’appliquent cependant pas aux mineurs : en ce qui les concerne, le médecin doit même en cas de refus délivrer les soins indispensables. 310 S S I O N N E L L E Le droit des mineurs au secret Les médecins pourront se dispenser du consentement des parents pour soigner un mineur demandant le secret, “lorsque le traitement ou l’intervention s’impose pour sauvegarder la santé du mineur”. La personne de confiance Les malades pourront désigner une “personne de confiance” qui sera consultée au cas où ils seraient hors d’état d’exprimer leur volonté et de recevoir l’information nécessaire à cette fin. Les commissions de conciliation disparaissent et seront remplacées par des “commissions des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge”. Ces nouvelles commissions seront ultérieurement dotées par décret de toute une série de compétences pour la gestion des litiges avec les usagers, et pour la définition et le suivi de la politique de chaque hôpital en ce qui concerne l’accueil et la prise en charge des malades. TITRE III Le Titre III précise notamment les missions et le fonctionnement de l’Ordre national des médecins et crée un “Conseil des professions d’infirmier, masseur-kinésithérapeute, pédicurepodologue, orthophoniste et orthoptiste”. L’objectif général ici recherché est de garantir par la compétence certifiée des professionnels la protection des patients et la qualité des prestations de soins. TITRE IV Le Titre IV modifie profondément le droit de la réparation des accidents médicaux : obligation d’assurance pour tout professionnel de santé exerçant à titre libéral et pour tout établissement de santé ; réparation sur le fondement de la solidarité nationale des accidents médicaux graves qui ne sont pas consécutifs à une faute (aléa thérapeutique) ; création dans chaque région d’une “Commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales” chargée d’examiner de façon amiable des demandes d’indemnisation des préjudices d’origine médicale ; création d’un “Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales”, notamment compétent pour l’indemnisation des préjudices “non fautifs” ; réforme de l’expertise médicale. Un article important inclus (L. 1142-4) prévoit que toute personne victime d’un dommage imputable à l’activité hospitalière (ou ses ayants droit en cas de décès) doit être informée par le professionnel ou l’hôpital, sur les circonstances et les causes de ce dommage. “Cette information lui est délivrée au plus tard dans les 15 jours suivant la découverte du dommage ou sa demande expresse, lors d’un entretien au cours duquel la personne peut se faire assister par un médecin ou une autre personne de son choix.” ■ La Lettre du Neurologue - n° 8 - vol. VI - octobre 2002