Lire l'article complet

publicité
congrès congrès
Écho des congrès
Abords de la schizophrénie
Compte rendu du congrès franco-marocain
Marrakech, 26-29 octobre 2000
S. Harrois*
Organisation de la prise
important pour la société.
e congrès, organisé par l’association de formation C’est probablement le
en charge des schizophrènes au Maroc
médico-psychologique de la clinique de Quissac, a trouble psychiatrique le
(Pr K. Raddaoui)
permis de rassembler des intervenants d’horizons diffé- plus sévère, qui débute
Au Maroc, les personnes rents : des psychiatres cliniciens, des universitaires, une tôt et a des conséquences
durant la vie entière.
de catégorie sociale élevée
neuropsychologue.
Plusieurs
exposés
ont
été
présentés
sur
Faut-il dépister et traiter
consultent leur médecin
les syndromes précuren libéral tandis que les la schizophrénie.
seurs ? L’hypothèse enviautres vont à l’hôpital.
Malgré l’apparition de
sagée est celle d’un dianouvelle et de savoir que souvent le patient
structures légères, beaucoup de schizognostic plus précoce conditionnant un
a une représentation négative de la maladie
phrènes sont hospitalisés. Cela se fait soumeilleur pronostic.
mentale va entraîner un retard d’annonce du
vent par recours à l’autorité, ce qui génère
Dépister tôt permettrait d’infléchir l’évodiagnostic. La famille et les patients sont
une relation particulière entre soignant(s)
lution défavorable de la maladie, d’en
également réticents. Ces derniers devront
et soigné(s). En ce qui concerne l’activité
retarder la phase d’état. Traiter les profaire un travail d’acceptation de la maladie,
ambulatoire, les centres de santé se dévedromes permettrait de retarder son incice qui est loin d’être facile.
loppent. Les hôpitaux recevant des schizodence et de diminuer sa morbidité après
phrènes fonctionnent de plus en plus selon
Connaître les capacités d’introspection du
l’installation des troubles. Mais est-il bon
le mode de l’hôpital de jour. Les neurolepsujet, l’étendue de ses troubles cognitifs, l’efde traiter tôt ? Intervenir dès les prodromes
tiques constituent la base du traitement de la
fet du traitement reçu est nécessaire avant de
pourrait exposer les individus aux effets
schizophrénie ; cependant, l’emploi des thédécider d’informer ou non le malade.
secondaires des traitements ; de plus, on
rapies familiales se généralise. En dépit des
pourrait traiter les “faux positifs”. CepenL’information sera présentée différemment
efforts considérables accomplis dans la prise
dant, l’absence d’intervention précoce
selon que le patient traverse une phase aiguë
en charge des psychoses, il reste encore
pourrait conduire à ne pas traiter les “vrais
ou se trouve en phase de stabilisation de la
beaucoup à faire, les croyances et la conceppositifs” et à laisser évoluer la maladie et
maladie. Informer le patient, c’est permettre
tion négative de la folie chez les Marocains
ses risques.
l’établissement d’une relation de collabora(comme ailleurs !) allant à l’encontre de tout
tion, de confiance et améliorer la compliance
changement.
Aspects pharmacologiques
au traitement. C’est aussi lui permettre de
différentiels des antipsychotiques
mieux
appréhender
les
mesures
thérapeuAnnonce de la maladie
au niveau des récepteurs : implication
tiques qui lui sont proposées. L’objectif est
aux patients et à leur famille
clinique et thérapeutique
avant
tout
de
veiller
à
son
confort,
de
ne
pas
(Dr A. Carre)
(Dr J.P. Chabanne)
aggraver sa souffrance, en améliorant son
Faut-il dire la vérité au malade ? Cette quesinsertion sociale globale et en incluant la
Deux zones cérébrales sont impliquées dans
tion suscite un grand nombre de réticences
famille qui déplore souvent le manque de
la schizophrénie : les régions mésolimbique
chez les médecins qui doivent rester prudents
renseignements fournis par les médecins sur
et préfrontale. La transmission dopaminerafin de ne pas “coller une étiquette psychiala maladie.
gique est plus importante dans le système
trique”. Le fait d’annoncer une mauvaise
limbique que dans la zone préfrontale où il
Schizophrénie :
y a moins de récepteurs D2 mais davantage
faut-il traiter les prodromes ?
de récepteurs sérotoninergiques. La dopa(Dr B. Astruc)
* Neuropsychologue, service
mine est le neurotransmetteur impliqué
de psychiatrie adultes du Pr. C.S. Peretti,
La schizophrénie et ses conséquences sont
directement dans la schizophrénie, la séroCHU Robert-Debré, Reims.
à l’origine d’un coût médico-économique
tonine joue un rôle de neurorégulateur.
C
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (18) n° 1, janvier 2001
12
congrès congrès
Écho des congrès
Pour lutter contre la psychose, il serait souhaitable de jouer sur la balance dopaminesérotonine. Le traitement à envisager serait
le blocage des récepteurs D2 ; ainsi, les
symptômes positifs de la schizophrénie
seraient réduits. Les neuroleptiques agissent bien sur les récepteurs D2 mais favorisent l’apparition d’un syndrome extrapyramidal et le dysfonctionnement
tubéro-infundibulaire.
Que faut-il prescrire ? Des neuroleptiques ? Des antipsychotiques ? Les deux
classes de médicaments ?
Prescrire des neuroleptiques ne met pas à
l’abri du syndrome malin. Des effets collatéraux, des syndromes déficitaires secondaires ou un recours plus important aux
correcteurs peuvent apparaître. L’intérêt
d’utiliser des antipsychotiques est qu’ils se
fixent sur les récepteurs D2 au niveau du
système limbique, l’inconvénient est qu’ils
bloquent ces récepteurs au niveau du noyau
nigrostrié et tubéro-infundibulaire. Mieux
vaudrait alors ne pas prescrire neuroleptiques et antipsychotiques ensemble.
Historique du développement
de la molécule de rispéridone
(Dr J.C. Levron)
L’histoire des neuroleptiques a commencé
dans les années 1950 avec la chlorpromazine dans le traitement des psychoses. L’implication du système dopaminergique et de
sa régulation dans les phénomènes psychotiques fut ensuite mise en évidence.
En 1958, l’halopéridol était découvert. Ce
neuroleptique capable d’inhiber la transmission dopaminergique en bloquant les
récepteurs D2 postsynaptiques était efficace sur les symptômes positifs de la schizophrénie mais ne l’était pas sur les symptômes négatifs. La découverte ultérieure de
l’implication du système sérotoninergique
dans la régulation dopaminergique conduisit à utiliser la ritansérine (antagoniste des
récepteurs sérotoninergiques) associée à
l’halopéridol. Dès lors, l’efficacité sur les
symptômes négatifs était observée. Il fal-
lait donc synthétiser des molécules pouvant
bloquer les récepteurs sérotoninergiques et
responsables d’une inhibition des récepteurs D2. Ainsi apparut la rispéridone.
La rispéridone au travers
d’études cliniques récentes
(Dr P. Bouhours)
Les neuroleptiques représentent un traitement au long cours indispensable, efficace
sur l’ensemble des symptômes. Quel bénéfice peut-on attendre des antipsychotiques?
Une étude a comparé l’efficacité et l’acceptabilité de la rispéridone et de l’halopéridol
chez des patients stabilisés souffrant de schizophrénie. La rispéridone s’y est révélée plus
efficace, notamment sur les symptômes
positifs, et a réduit les symptômes psychotiques et le risque de rechute. La tolérance à
long terme y était satisfaisante.
Une étude compara les effets de la rispéridone à ceux de l’olanzapine dans le traitement de la schizophrénie. Leur efficacité
était comparable à court terme sur les symptômes productifs et négatifs. En revanche,
dans une autre étude à long terme, la rispéridone a fait preuve d’une efficacité supérieure sur les symptômes psychotiques. La
tolérance des deux produits s’est révélée
comparable. Chez des patients présentant un
délire et des hallucinations intenses, la rispéridone constituerait une molécule de choix
dans le traitement de première intention.
Génétique et schizophrénie
(Dr P. Courtet)
Des études familiales ont montré que le
risque de voir apparaître une schizophrénie
augmentait en fonction de la proximité
génétique. L’interaction gènes-environnement constitue une alternative à l’hypothèse
neurodéveloppementale de la maladie.
La schizophrénie est une maladie à hérédité
complexe. Les formes les plus sévères
seraient les plus “héritables”. Les apparentés de sujets schizophrènes présenteraient un
risque accru de troubles psychotiques et de
la personnalité.
13
Des études (études d’adoption ou études de
jumeaux) ont été menées dans le but de
déterminer si des caractéristiques présentes
chez les schizophrènes et leurs apparentés
sains étaient en rapport avec la vulnérabilité génétique. Des gènes délétères seraient
responsables de certains traits schizophréniques. Cette observation suggère l’implication de facteurs génétiques dans la vulnérabilité à la schizophrénie, l’importance
de l’environnement intra-utérin et ce, indépendamment des conditions postnatales
socio-éducatives.
Troubles cognitifs
dans la schizophrénie
(Pr. C.S. Peretti)
Les schizophrènes présenteraient d’importants troubles de la mémoire. La mémoire
à court terme (mémoire de travail) serait
altérée. Concernant la mémoire à long
terme, une perturbation de la mémoire
explicite avec une perte de cohérence de la
remémoration consciente est constamment
observée. Une altération de la mémoire
contextuelle et une perte de la capacité de
représentation d’une situation, d’un acte ou
d’un événement complexe ont été décrites.
La mémoire implicite serait quant à elle
préservée. Des troubles attentionnels sont
également présents. Ces altérations cognitives peuvent entraîner des troubles de
l’adaptation, une modification des compétences sociales et un déficit des habiletés
cognitives. La rispéridone préserve la
mémoire de travail des patients traités.
Conclusion
Ces quatre jours ont été l’occasion pour les
participants d’aborder la schizophrénie sous
différents angles. Ils ont permis de confronter des connaissances dans des domaines
différents et incité à jeter un regard nouveau
sur cette maladie. Des perspectives de
recherche et une modification de la prise en
charge sont apparues, porteuses d’espoir.
Compte rendu réalisé grâce au soutien
des laboratoires Janssen-Cilag.
Téléchargement