CANCERS DU SEIN
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La Lettre du Cancérologue - Volume XIV - n° 3 - mai-juin 2005
L
es résultats majeurs concernant l’impact d’une théra-
pie ciblée par trastuzumab dans le traitement adjuvant
du cancer du sein HER2+ ont été présentés durant le
congrès, lors d’une séance organisée au dernier moment. L’onco-
gène HER2, cible de l’anticorps, a été décrit initialement par
D.J. Slamon et al. dans Science en 1987 (1). L’efficacité du tras-
tuzumab dans le cancer du sein HER2+ avait été montrée au
congrès de 1998 dans un essai en phase métastatique (publié dans
le New England Journal of Medicine en 2001) (2). Elle se traduit
aujourd’hui par des gains en survie sans récidive et même en sur-
vie globale impressionnants grâce à l’utilisation de ce produit en
adjuvant. Ces résultats font espérer une augmentation nette de la
curabilité de cette forme plus agressive de cancer du sein qu’est
le sous-type surexprimant HER2+. Il faut donc probablement
revoir les schémas de référence des traitements adjuvants.
ÉPIDÉMIOLOGIE ET PRÉVENTION
Les statines inhibent l’enzyme HMG-CoA-réductase. Cette
enzyme, qui régule plusieurs voies de transmission du signal,
semble jouer un rôle clé dans le développement du cancer.
V. Khurana (abstract 514) a évalué l’effet des statines dans une
étude cas-contrôle chez 40 421 femmes (556 cas de cancer du
sein, 39 865 contrôles) américaines d’un âge médian de 58 ans.
Les données ont été contrôlées pour l’âge, le tabagisme, la
consommation d’alcool et le diabète. Le risque de cancer du sein
est réduit de 51 % chez les utilisatrices de statines (p < 0,0001).
Cette diminution du risque n’apparaît qu’après 3 à 4 ans d’utili-
sation, et l’on constate au contraire un pic d’incidence de cancer
du sein au début du traitement.
Une consommation même modérée d’alcool (moins de 10 g/j) serait
associée à une élévation du risque de cancer du sein selon l’étude
présentée par W.Y. Chen (abstract 515) et réalisée sur 121 700 infir-
mières (Nurses’ Health Study). Cependant, ce risque est très modéré
(augmentation de 7 % du risque pour 10 g d’alcool/j). On estime
que la contribution de l’alcool dans le risque du cancer du sein n’est
que de 2 % aux États-Unis, contre 15 % en Italie.
L’effet de la réduction de l’apport alimentaire en graisses dans
l’étude WINS (Women’s Intervention Nutrition Study) a été pré-
senté par R.T. Chlebowski, de l’UCLA (abstract 10). Il s’agis-
sait d’un essai randomisé comparant, chez 2 437 patientes opé-
rées d’un cancer du sein localisé, un régime alimentaire normal
à un régime réduisant la consommation en graisses de près de
30 %. Le suivi médian était de 5 ans. Chez les patientes ayant
suivi un régime restrictif, le risque de récidive du cancer du sein
est significativement réduit de 24 %. Fait plutôt surprenant, la
réduction du risque était significative chez les patientes dont la
tumeur n’était pas hormonosensible (p = 0,018). Il s’agit de la
première étude prospective randomisée démontrant le bénéfice
d’une réduction de l’apport en graisses sur la survie sans récidive
après cancer du sein. Les patientes qui suivaient le régime ont
perdu en moyenne 2,5 kg.
BIOLOGIE
C. Sotiriou (abstract 506) a montré une très bonne corrélation
entre les grades histologiques 1 et 3 et un profil spécifique en
puces d’expression. En revanche, le grade 2 ne se dégageait pas
comme une entité propre, et les tumeurs étaient classées selon
un profil soit de grade 1, soit de grade 2. Cette classification en
seulement deux grades histopronostiques était fortement corré-
lée à la survie globale. Cet indice pronostique semblait même
meilleur que la signature des 70 gènes développés par le groupe
d’Amsterdam (3).
N. Harbeck (abstract 505) a montré que le niveau de méthyla-
tion du gène PITX2 (gène de transcription de facteurs spéci-
fiques de l’hypophyse), étudié par RT-PCR quantitative, était
fortement prédictif d’une évolution favorable a lorsque ce
niveau est bas, chez des patientes ayant un cancer du sein sans
atteinte ganglionnaire et ayant reçu du tamoxifène en adjuvant.
G.A. Milano (abstract 501) a analysé par PCR-RFLP le poly-
morphisme de l’ADN tumoral sur le codon 655 au niveau du
domaine transmembranaire de HER2 chez 57 patientes traitées
par trastuzumab à un stade avancé de la maladie. Il n’a pas
trouvé de relation entre certains variants et la réponse au tras-
tuzumab, mais il existe vraisemblablement une relation avec la
cardiotoxicité.
La détection des cellules tumorales mammaires circulantes
dans le sang périphérique a déjà fait l’objet d’une publication
(4) et d’une nouvelle présentation (abstract 524). G.T. Budd
(abstract 503), de la même équipe, a montré que ce paramètre
était utilisable pour évaluer la réponse à un traitement chez des
patientes ayant un cancer du sein métastatique sans maladie
mesurable. F. André (abstract 9501) a montré que le profil
d’expression des récepteurs aux chemokines permet de prédire
le site d’apparition des métastases.
Cancers du sein
Breast cancer
J.Y. Pierga*, V. Diéras*
* Institut Curie, Paris.
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La Lettre du Cancérologue - Volume XIV - n° 3 - mai-juin 2005
CANCERS DU SEIN
TRAITEMENT ADJUVANT
Hormonothérapie
L’actualisation de l’essai ITA, présenté par F.M. Boccardo (abs-
tract 526), avec un recul moyen de 52 mois, confirme le bénéfice
du switch de l’hormonothérapie adjuvante par anastrozole
(Arimidex®) après 2 à 3 ans de tamoxifène par rapport au tamoxi-
fène administré pendant 5 ans. La différence en termes de survie
sans événement était largement significative (RR 0,42 ; p =
0,0001). En revanche, il n’y avait pas de différence en termes de
survie globale.
Les données de toxicité de l’essai BIG 1-98, randomisé en double
aveugle et comparant le tamoxifène au létrozole en traitement
adjuvant des patientes ménopausées ayant un cancer du sein RH+,
ont été présentées par B.J. Thurlimann (abstract 511). Cet essai
portant sur 8 028 patientes ménopausées dont la tumeur était RH+
comparait quatre modalités d’hormonothérapie différentes : A =
5 ans de tamoxifène ; B = 5 ans de létrozole (Fémara®); C= 2ans
de tamoxifène puis 3 ans de létrozole ; D = 2 ans de létrozole puis
3 ans de tamoxifène. L’analyse en termes de survie sans récidive,
présentée pour la première fois au congrès de Saint-Gall en jan-
vier 2005, montrait un bénéfice en faveur du létrozole. En raison
du faible recul, l’analyse avait été réalisée sur les quatre bras de
l’étude mais en censurant les données à 2,5 ans après le switch
pour les deux bras (C et D) qui comportent une alternance dans
la séquence d’hormonothérapie. Le taux de récidive était signi-
ficativement diminué dans le bras létrozole, avec un taux de réci-
dive à 5 ans de 13,6 % pour le tamoxifène, contre 10,2 % pour
le létrozole (RR = 0,81 [0,70-0,93] ; p = 0,0002). Avec le létro-
zole, on constate significativement moins d’accidents thrombo-
emboliques (p < 0,0001), de bouffées de chaleurs (33 contre %),
de saignements vaginaux, de sueurs nocturnes et de cancers de
l’endomètre (6 cas contre 15 ; p = 0,08). En revanche, on observe
plus de fractures osseuses, de douleurs articulaires, d’hypercho-
lestérolémie (43,5 cas contre 19,1 %) et d’accidents cardiaques
tels que des infarctus de myocarde (p = 0,013).
R. Jakesz a présenté les résultats d’un essai d’hormonothérapie
adjuvante réalisé par l’Austrian Breast and Colorectal Cancer
Study Group (abstract 527). Cette étude prolongeait un essai
publié par M. Schmitt et R. Jakesz (9) et qui comparait une hor-
monothérapie adjuvante par tamoxifène pendant 5 ans à une asso-
ciation tamoxifène et aminoglutéthimide (Orimétène®) pendant
2 ans suivie de 3 ans de tamoxifène seul. L’aminoglutéthimide
est un inhibiteur de l’aromatase de première génération qui n’est
plus utilisé actuellement. Cette étude ne montrait pas de diffé-
rence entre les deux bras. Les auteurs ont proposé une nouvelle
randomisation aux patientes à l’issue de ces 5 ans d’hormono-
thérapie initiale : la surveillance simple ou 3 ans d’anastrozole,
inhibiteur d’aromatase de dernière génération. Quarante-deux
pour cent des patientes de l’étude initiale ont pu être incluses dans
cet essai, soit 856 patientes. Après 5 ans de suivi médian, la dif-
férence en termes de survie sans récidive est significativement
en faveur de l’anastrozole (p = 0,047).
J. Cuzick (abstract 658) a modélisé les différents essais comparant
les antiaromatases au tamoxifène en adjuvant dans le cancer du sein.
Il a ainsi comparé l’impact des différents schémas d’utilisation des
inhibiteurs de l’aromatase sur la survenue d’une récidive (figure 1).
Cette compilation montrerait que le bénéfice des inhibiteurs de
l’aromatase, démontré en utilisation d’emblée, ne serait pas rat-
trapé dans les schémas séquentiels. La différence serait plus nette
en faveur des inhibiteurs de l’aromatase dans le groupe des
patientes RH+, RP-. Cette courbe était reprise par G. Hortobagyi
dans la discussion de l’essai BIG 1-98 comparant dans quatre
bras le tamoxifène pendant 5 ans, le létrozole pendant 5 ans ou
une séquence comportant 2 ans de tamoxifène puis 3 ans de létro-
zole ou 2 ans de létrozole puis 3 ans de tamoxifène. Cependant,
il s’agit d’une analyse rétrospective, et en aucun cas d’une ana-
lyse comparative dans un essai randomisé.
CHIMIOTHÉRAPIE
L’essai randomisé E2197 de l’ECOG (L.J. Goldstein, abstract 513)
a comparé chez 2 952 patientes une chimiothérapie adjuvante par
4 cycles d’adriamycine-docétaxel (AT) ou par 4 cycles d’adria-
mycine-cyclophosphamide (AC) standard. Les critères d’inclusion
étaient représentés par des tumeurs N+ (< 4) ou N- mesurant plus
de 1 cm. Avec un suivi médian de 53 mois, aucune différence
n’était observée entre les deux bras en termes de survie sans réci-
dive ou de survie globale. L’association AT était plus hémato-
toxique, avec 28 % de neutropénies fébriles contre 10 %, et 4 décès
toxiques versus aucun. On constate d’abord un excellent pronos-
tic pour ces patientes, avec une survie sans maladie de 87 % à 4 ans,
contre les 78 % attendus. Le faible nombre d’événements rend plus
difficile l’observation d’une différence. La dose de docétaxel était
faible, de 60 mg/m2, au lieu des 75 mg/m2habituellement utilisés.
La durée de la chimiothérapie n’était que de 4 cycles. Enfin, dans
l’analyse en sous-groupe, on observait une tendance, non signifi-
cative, en faveur du bras AT chez les patientes RH-. Chez les
patientes RH+, un suivi beaucoup plus long est nécessaire pour
observer une différence, les courbes pouvant ne s’écarter qu’au-
delà de la cinquième année. Ces résultats donnent des arguments
supplémentaires pour une supériorité de l’utilisation séquentielle
des taxanes sur l’utilisation en association.
L’étude de l’European Cooperative Trial in Operable Breast
Cancer (ECTO) a été présentée par L. Gianni, du groupe de Milan
(abstract 513). L’essai, portant sur 1 355 patientes ayant une
TAM = tamoxifène.
Figure 1.
Modélisation du timing optimal de l’utilisation des inhi-
biteurs de l’aromatase (IA) en traitement adjuvant chez les
patientes ménopausées RH+.
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La Lettre du Cancérologue - Volume XIV - n° 3 - mai-juin 2005
CANCERS DU SEIN
tumeur du sein opérable de plus de 2 cm, comparait dans trois bras :
après chirurgie, une chimiothérapie adjuvante de 4 cycles
d’adriamycine seule (75 mg/m2) suivis de 4 cycles de CMF en
intraveineux (bras A) ;
après chirurgie, une chimiothérapie adjuvante par 4 cycles de
l’association adriamycine (60 mg/m2) et paclitaxel (200 mg/m2)
suivis de 4 cycles de CMF (bras B) ;
une chimiothérapie néoadjuvante par 4 cycles de l’association
adriamycine-paclitaxel puis 4 cycles de CMF avant la chirurgie.
La survie sans progression était plus élevée dans le bras com-
portant l’adjonction de paclitaxel en adjuvant (p = 0,01). L’étude
confirmait également l’absence de différence entre la chimio-
thérapie néoadjuvante (préopératoire) et la chimiothérapie adju-
vante (postopératoire). Enfin, les auteurs retrouvaient aussi la
valeur pronostique très nette de la réponse histologique complète
sur la survie.
CHIMIOTHÉRAPIE ET TRAITEMENTS MÉDICAUX CIBLÉS
Une analyse combinée de deux essais adjuvants américains de
trastuzumab (Herceptin®) a été réalisée afin d’obtenir la puis-
sance statistique nécessaire pour montrer une différence en sur-
vie. Les deux essais nord-américains (NSABP B31 et l’essai de
l’intergroupe NCCTG N9831) ont été menés de façon séparée.
Le B31 comparait, chez les patientes HER2+ après tumorecto-
mie ou mastectomie, 4 cures d’adriamycine-cyclophosphamide
(AC) suivies de 4 cures de paclitaxel toutes les 3 semaines (bras
1 contrôle) au même schéma, mais associé à du trastuzumab heb-
domadaire pendant un an (bras 2). Le trastuzumab était instauré
de façon concomitante au paclitaxel, après la fin de la séquence
avec AC. Le statut HER2 était confirmé par FISH ou par immuno-
histochimie (IHC) cotée à 3+ par un laboratoire centralisé ou par
un laboratoire de référence. Les patientes étaient toutes N+.
L’objectif d’inclusion de 2 770 patientes avait été atteint. L’autre
essai N9831 comportait trois bras : un bras contrôle (A) de 4 cures
d’AC suivies de 12 injections de paclitaxel hebdomadaire
(3 mois), un bras séquentiel (B) instaurant le trastuzumab heb-
domadaire après la fin de la séquence complète de chimiothéra-
pie, et un bras concomitant (C) faisant commencer le trastuzu-
mab après la fin de la séquence avec AC mais en même temps
que le paclitaxel. L’objectif d’inclusion de 3 300 patientes avait
été atteint. Les patientes sans atteinte ganglionnaire mais de mau-
vais pronostic pouvaient être incluses. Elles représentent 11 %
de l’effectif. La positivité de HER2 était vérifiée par IHC et/ou
FISH par un laboratoire centralisé (figure 2).
Pour atteindre la puissance statistique suffisante, les investiga-
teurs ont donc cumulé les données des deux essais. Ils ont consti-
tué un bras contrôle sans trastuzumab regroupant les bras
contrôles des deux études (bras A et bras 1), considérant que
4cures de paclitaxel toutes les 3 semaines était équivalentes à
3mois de paclitaxel hebdomadaire. Le nombre de patientes ana-
lysables était de 1 679.
Le bras “expérimental” était constitué par le bras trastuzumab de
l’essai B31 et par le bras trastuzumab concomitant (bras C) du
N9831, tous les deux étant également considérés comme com-
parables. Le bras B du N9831, séquentiel (trastuzumab après la
fin de la chimiothérapie), était exclu de cette analyse. Le nombre
de patientes analysables était de 1 672. Il faut noter que l’objec-
tif principal de l’étude NSABP B31 était la survie globale, alors
que celui de l’essai de l’intergroupe NCCTG N9831 était la
survie sans récidive.
La différence en survie sans maladie avec un recul médian de
seulement deux ans est majeure, avec une réduction du risque de
récidive de 52% à trois ans en faveur du traitement avec trastu-
zumab (p < 3 x 10-12).
Figure 2.
Modélisation du timing optimal de l’utilisation des inhibiteurs de l’aromatase (IA) en traitement adjuvant chez les patientes m+.
.../...
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Cette réduction du risque était retrouvée dans tous les sous-
groupes (âge, statut des récepteurs hormonaux, taille de la tumeur,
nombre de ganglions envahis), sauf pour les patientes N-, mais
celles-ci ne représentaient que 6 % de la totalité de l’effectif de
l’étude. La réduction du risque de récidive se retrouvait égale-
ment lors de l’analyse séparée des deux essais. De plus, la sur-
vie sans métastases était très significativement différente. Ce
bénéfice se maintient à distance au- delà de trois ans (figure 3).
Alors que le recul est court, cette différence est telle dans cette
population de patientes de mauvais pronostic présentant un can-
cer du sein HER2+, chez qui les récidives surviennent de façon
souvent précoce, que la différence était significative en termes
de survie globale. En analysant de façon séparée les deux études,
la différence n’est plus significative pour la survie globale
(figure 4).
E. Perez a présenté ensuite l’analyse séparée de l’essai N9831,
qui comporte trois bras, mais dont seuls deux ont été utilisés dans
l’analyse combinée (joint analysis).
On constate, en comparant le bras contrôle (A) au bras trastuzumab
en séquentiel (B), que la différence en termes de survie sans mala-
die n’est pas significative (p = 0,29). Les effectifs sont moins impor-
tants, et le recul est court. La comparaison du bras séquentiel (B)
avec le bras concomitant (C), tous deux comportant du trastuzumab,
est significative (p = 0,0114) en faveur du bras concomitant. Cette
différence montrerait l’intérêt d’administrer le trastuzumab de façon
concomitante à la chimiothérapie plutôt que d’attendre la fin com-
plète de celle-ci. De plus, les études en phase métastatique ont mon-
tré la synergie du trastuzumab associé à la chimiothérapie.
M. Piccart-Gebhart, du centre Jules-Bordet (Bruxelles), a pré-
senté les résultats de l’essais HERA. Cette étude comporte trois
bras. Un bras contrôle sans trastuzumab, un bras avec trastuzu-
mab toutes les 3 semaines pendant une durée totale d’un an et un
bras avec trastuzumab toutes les 3 semaines pendant 2 ans. L’ana-
lyse intermédiaire présentée à l’ASCO étant très précoce, avec
un an de recul médian, seule la comparaison entre le bras contrôle
et le bras trastuzumab pendant un an a été réalisée et communi-
quée. Les résultats en survie portent donc sur 3 387 patientes au
lieu des 5 090 incluses au total dans cet essai. L’analyse a été
faite en intention de traiter. Pour les données de toxicité, les
patientes randomisées dans les bras avec trastuzumab mais qui
ne l’ont pas reçu ont été affectées au bras contrôle (n=1736 pour
le bras contrôle et 1 677 pour le bras traité). Les patientes étaient
incluses après la fin de leur chimiothérapie adjuvante. Elles pou-
vaient également avoir reçu une chimiothérapie préopératoire.
Les investigateurs n’avaient pas défini de schéma de chimiothé-
rapie de référence en raison de la très grande diversité des pays
participant à cette étude et de l’absence de consensus sur la chi-
miothérapie de référence en situation adjuvante. La répartition
des patientes entre les deux bras était bien équilibrée. Seules 6 %
n’avaient pas reçu d’anthracyclines au cours de leur chimiothé-
rapie adjuvante, qui devait comporter un minimum de 4 cycles.
Trente-deux pour cent n’avaient pas d’envahissement ganglion-
naire. Malgré le recul médian de seulement un an, la différence de
survie sans maladie est déjà très nettement significative en faveur
du traitement avec trastuzumab. La différence était également nette
en termes de survie sans métastase. L’analyse est trop précoce pour
que l’on dispose d’éléments précis sur la survie globale (figure 5).
La principale toxicité constatée et attendue était cardiaque. Toutes
les patientes n’ayant pas une fraction d’éjection ventriculaire
gauche (FEVG) normale étaient exclues de ces études. Les deux
études nord-américaines prévoyaient une surveillance tous les
3mois de la fonction cardiaque. Dans la joint analysis, lorsque la
FEVG s’abaissait de plus de 15 % et/ou descendait en dessous de
Figure 3.
Joint Analysis. Survie sans récidive B31-N9831.
Figure 5.
Survie sans maladie (SSM) dans l’étude HERA.
Figure 4.
Joint Analysis. B31-N9831. Survie globale.
.../...
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La Lettre du Cancérologue - Volume XIV - n° 3 - mai-juin 2005
CANCERS DU SEIN
5% de la normale sur plus de deux examens répétés, le trastuzu-
mab était arrêté. On constate que, au final, 20 % des patientes dans
les bras avec trastuzumab ont dû interrompre leur traitement avant
l’échéance prévue. Les données de toxicité cardiaque de l’essai
N9831 ont été détaillées par E.A. Perez (abstract 556). La toxicité
cardiaque paraît plus élevée dans le bras concomitant que dans le
bras séquentiel (3,3 % contre 2,2 %), le trastuzumab étant admi-
nistré à moindre distance des AC. Dans l’essai HERA, l’incidence
des insuffisances cardiaques cliniques reste très modeste (0,5 %).
Le problème de la modification de la chimiothérapie adjuvante
pour permettre l’utilisation plus précoce du trastuzumab par rap-
port à la date de la chirurgie est posé par l’essai du BCIRG 006,
qui comporte un bras sans AC : docétaxel et sels de platine.
STADE MÉTASTATIQUE
Chimiothérapie
S. Chan a présenté, au nom des investigateurs, l’essai européen
comparant une association gemcitabine-docétaxel (GD) à l’asso-
ciation capécitabine-docétaxel (CD) chez des patientes ayant déjà
reçu des anthracyclines, soit en première ligne métastatique, soit
en néoadjuvant (abstract 581). Trois cent cinq patientes ont été
incluses et 295 randomisées. L’objectif principal était de démon-
trer la supériorité en termes de survie sans progression du bras
GD. L’hypothèse de départ était une survie sans progression
(SSP) de 6 mois contre 8,2 mois, avec une puissance de 80 %.
Aucune différence n’était observée en termes de survie sans pro-
gression ou de survie globale entre les deux bras de l’étude. Sur
les toxicités principales, il n’y avait pas de différence significa-
tive. La seule différence était un taux plus important de syndromes
mains-pieds, de diarrhées et de mucites dans le bras avec capé-
citabine. Lors de la discussion, il était souligné que la dose de
capécitabine était de 2 500 mg/m2par jour, qui correspond à la
dose de référence pour l’association avec le docétaxel (5), mais
dont on sait qu’elle est souvent mal tolérée. Les doses de
2000 mg/m2ou moins sont employées en pratique courante.
L’étude japonaise Japan Clinical Oncology Group (JCOG 9802)
comparait en première ligne métastatique soit une chimiothéra-
pie de type AC 6 cycles, soit une chimiothérapie de type docé-
taxel seul 6 cycles (N. Katsumata, abstract 521). À la progres-
sion, un cross-overétait réalisé, les patientes du bras AC recevant
du docétaxel et inversement. Un troisième bras de randomisation
étudiait une alternance d’AC et de docétaxel (un cycle de 42 jours)
trois fois, puis reprise de la même séquence à la progression. Les
doses de tous les produits été réduites (adriamycine 40 mg/m2,
cyclophosphamide 500 mg/m2, docétaxel 60 mg/m2) pour s’adap-
ter aux pratiques japonaises. Les données actualisées montrent
une différence significative en termes de survie globale en faveur
d’un traitement séquentiel commençant par le docétaxel par rap-
port à une première ligne par AC (26,2 mois contre 22,6 mois ;
p= 0,042). Il n’y avait pas de différence entre le bras alternance
et le bras débutant par docétaxel en survie globale. Les trois bras
ne différaient ni par la durée de réponse en première ligne, ni en
analyse de qualité de vie. Cet essai donnait donc des arguments
supplémentaires pour une stratégie séquentielle dans la chimio-
thérapie du cancer du sein métastatique (tableau).
L’étude multicentrique italienne MANTA étudiait l’intérêt d’un
traitement d’entretien par paclitaxel (Taxol®) après 6 à 8 cycles
d’une première ligne par anthracyclines et paclitaxel ; 451 pa-
tientes sont entrées dans l’étude (A. Gennari, abstract 522). En
cas de réponse complète ou partielle ou de stabilité tumorale après
le traitement “d’induction”, elles étaient randomisées entre la
poursuite d’une chimiothérapie par paclitaxel seul 175 mg/m2
toutes les 3 semaines ou une surveillance. L’étude s’est arrêtée
plus rapidement que prévu en raison de problèmes de recrute-
ment. Les investigateurs ne constatent aucune différence en termes
de survie sans progression ou de survie globale. En revanche, il
existe plus de toxicités, en particulier neurosensitives, dans le
bras entretien. Il faut noter que les patientes recevaient une hor-
monothérapie par tamoxifène quel que soit leur bras de rando-
misation. Elles la recevaient donc de manière concomitante à la
chimiothérapie. Cela peut aussi expliquer l’absence de différence
dans cet essai. A. Gennari a mis en perspective son étude néga-
tive avec les autres études publiées sur le traitement d’entretien
dans le cancer du sein métastatique, et en l’intégrant dans une
méta-analyse publiée par Stockler et qui, globalement, reste tou-
jours en faveur du traitement d’entretien (6).
Thérapie ciblée
K.D. Miller a présenté les résultats d’une étude de phase III com-
parant en première ligne métastatique une association paclitaxel
hebdomadaire et bevacizumab, anticorps monoclonal anti-VEGF,
au paclitaxel seul. Cette étude a inclus 715 patientes ; les contre-
indications étaient la présence de métastases cérébrales, un trai-
tement anticoagulant ou une protéinurie > 500 mg/j.
Les taux de réponses objectives sont doublés dans le bras asso-
ciation (28,2 % contre 14,2 % ; p < 0,0001) (figure 6).
Tableau.
Étude JCOG 9802.
nRéponse Réponse Durée Survie
première à la réponse globale p
ligne progression
AC D 146 30 % 24 % n = 113 9 mois 22,6 mois
DAC 147 41 % 19 % n = 114 9,2 mois 26,2 mois 0,042
AC-D 148 35 % 22 % n = 77 9,2 mois 25,9 mois 0,049
Figure 6.
Essai taxol versus taxol + bevacizumab.
D = docétaxel.
1 / 6 100%