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La Lettre du Cancérologue - Volume XIV - n° 3 - mai-juin 2005
CANCERS DU SEIN
TRAITEMENT ADJUVANT
Hormonothérapie
L’actualisation de l’essai ITA, présenté par F.M. Boccardo (abs-
tract 526), avec un recul moyen de 52 mois, confirme le bénéfice
du switch de l’hormonothérapie adjuvante par anastrozole
(Arimidex®) après 2 à 3 ans de tamoxifène par rapport au tamoxi-
fène administré pendant 5 ans. La différence en termes de survie
sans événement était largement significative (RR 0,42 ; p =
0,0001). En revanche, il n’y avait pas de différence en termes de
survie globale.
Les données de toxicité de l’essai BIG 1-98, randomisé en double
aveugle et comparant le tamoxifène au létrozole en traitement
adjuvant des patientes ménopausées ayant un cancer du sein RH+,
ont été présentées par B.J. Thurlimann (abstract 511). Cet essai
portant sur 8 028 patientes ménopausées dont la tumeur était RH+
comparait quatre modalités d’hormonothérapie différentes : A =
5 ans de tamoxifène ; B = 5 ans de létrozole (Fémara®); C= 2ans
de tamoxifène puis 3 ans de létrozole ; D = 2 ans de létrozole puis
3 ans de tamoxifène. L’analyse en termes de survie sans récidive,
présentée pour la première fois au congrès de Saint-Gall en jan-
vier 2005, montrait un bénéfice en faveur du létrozole. En raison
du faible recul, l’analyse avait été réalisée sur les quatre bras de
l’étude mais en censurant les données à 2,5 ans après le switch
pour les deux bras (C et D) qui comportent une alternance dans
la séquence d’hormonothérapie. Le taux de récidive était signi-
ficativement diminué dans le bras létrozole, avec un taux de réci-
dive à 5 ans de 13,6 % pour le tamoxifène, contre 10,2 % pour
le létrozole (RR = 0,81 [0,70-0,93] ; p = 0,0002). Avec le létro-
zole, on constate significativement moins d’accidents thrombo-
emboliques (p < 0,0001), de bouffées de chaleurs (33 contre %),
de saignements vaginaux, de sueurs nocturnes et de cancers de
l’endomètre (6 cas contre 15 ; p = 0,08). En revanche, on observe
plus de fractures osseuses, de douleurs articulaires, d’hypercho-
lestérolémie (43,5 cas contre 19,1 %) et d’accidents cardiaques
tels que des infarctus de myocarde (p = 0,013).
R. Jakesz a présenté les résultats d’un essai d’hormonothérapie
adjuvante réalisé par l’Austrian Breast and Colorectal Cancer
Study Group (abstract 527). Cette étude prolongeait un essai
publié par M. Schmitt et R. Jakesz (9) et qui comparait une hor-
monothérapie adjuvante par tamoxifène pendant 5 ans à une asso-
ciation tamoxifène et aminoglutéthimide (Orimétène®) pendant
2 ans suivie de 3 ans de tamoxifène seul. L’aminoglutéthimide
est un inhibiteur de l’aromatase de première génération qui n’est
plus utilisé actuellement. Cette étude ne montrait pas de diffé-
rence entre les deux bras. Les auteurs ont proposé une nouvelle
randomisation aux patientes à l’issue de ces 5 ans d’hormono-
thérapie initiale : la surveillance simple ou 3 ans d’anastrozole,
inhibiteur d’aromatase de dernière génération. Quarante-deux
pour cent des patientes de l’étude initiale ont pu être incluses dans
cet essai, soit 856 patientes. Après 5 ans de suivi médian, la dif-
férence en termes de survie sans récidive est significativement
en faveur de l’anastrozole (p = 0,047).
J. Cuzick (abstract 658) a modélisé les différents essais comparant
les antiaromatases au tamoxifène en adjuvant dans le cancer du sein.
Il a ainsi comparé l’impact des différents schémas d’utilisation des
inhibiteurs de l’aromatase sur la survenue d’une récidive (figure 1).
Cette compilation montrerait que le bénéfice des inhibiteurs de
l’aromatase, démontré en utilisation d’emblée, ne serait pas rat-
trapé dans les schémas séquentiels. La différence serait plus nette
en faveur des inhibiteurs de l’aromatase dans le groupe des
patientes RH+, RP-. Cette courbe était reprise par G. Hortobagyi
dans la discussion de l’essai BIG 1-98 comparant dans quatre
bras le tamoxifène pendant 5 ans, le létrozole pendant 5 ans ou
une séquence comportant 2 ans de tamoxifène puis 3 ans de létro-
zole ou 2 ans de létrozole puis 3 ans de tamoxifène. Cependant,
il s’agit d’une analyse rétrospective, et en aucun cas d’une ana-
lyse comparative dans un essai randomisé.
CHIMIOTHÉRAPIE
L’essai randomisé E2197 de l’ECOG (L.J. Goldstein, abstract 513)
a comparé chez 2 952 patientes une chimiothérapie adjuvante par
4 cycles d’adriamycine-docétaxel (AT) ou par 4 cycles d’adria-
mycine-cyclophosphamide (AC) standard. Les critères d’inclusion
étaient représentés par des tumeurs N+ (< 4) ou N- mesurant plus
de 1 cm. Avec un suivi médian de 53 mois, aucune différence
n’était observée entre les deux bras en termes de survie sans réci-
dive ou de survie globale. L’association AT était plus hémato-
toxique, avec 28 % de neutropénies fébriles contre 10 %, et 4 décès
toxiques versus aucun. On constate d’abord un excellent pronos-
tic pour ces patientes, avec une survie sans maladie de 87 % à 4 ans,
contre les 78 % attendus. Le faible nombre d’événements rend plus
difficile l’observation d’une différence. La dose de docétaxel était
faible, de 60 mg/m2, au lieu des 75 mg/m2habituellement utilisés.
La durée de la chimiothérapie n’était que de 4 cycles. Enfin, dans
l’analyse en sous-groupe, on observait une tendance, non signifi-
cative, en faveur du bras AT chez les patientes RH-. Chez les
patientes RH+, un suivi beaucoup plus long est nécessaire pour
observer une différence, les courbes pouvant ne s’écarter qu’au-
delà de la cinquième année. Ces résultats donnent des arguments
supplémentaires pour une supériorité de l’utilisation séquentielle
des taxanes sur l’utilisation en association.
L’étude de l’European Cooperative Trial in Operable Breast
Cancer (ECTO) a été présentée par L. Gianni, du groupe de Milan
(abstract 513). L’essai, portant sur 1 355 patientes ayant une
TAM = tamoxifène.
Figure 1.
Modélisation du timing optimal de l’utilisation des inhi-
biteurs de l’aromatase (IA) en traitement adjuvant chez les
patientes ménopausées RH+.