Dossier
tmiqu
Le Courrier de la Transplantation - Volume VI - n
o 4 - octobre-novembre-décembre 2006
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en évidence sur le cerveau, la moelle
et le nerf périphérique dans une variété
de situations : traumatisme cérébral ou
médullaire, ischémie ou ischémie-reper-
fusion, hypoxie, privation en glucose,
toxique (cisplatine, acide kaïnique)
infection (neuropaludisme animal),
métabolique (diabète) ou immunologique
(encéphalite auto-immune). Ces résul-
tats ont été obtenus sur divers animaux
(porc, lapin, rat, souris, gerbille). Chez
l’homme, un essai suggère que l’admi-
nistration précoce de fortes doses d’EPO
pourrait limiter la cicatrice cérébrale d’un
accident vasculaire ischémique ainsi que
ses conséquences fonctionnelles. Un
des modes propres de neuroprotection
serait le recrutement de BDNF (brain
derived neurotrophic factor) (J Neuro-
chem 2005).
Cardioprotection
(6-8)
Comme pour le cerveau, de multiples
données expérimentales montrent que
l’EPO et ses dérivés protègent le tissu
cardiaque d’une agression ischémique
aiguë ou subaiguë ou d’une séquence
ischémie-reperfusion myocardique. Dans
la plupart, si ce n’est pour la totalité, des
études, il existe de forts arguments pour
penser que les effets favorables de l’EPO
sont directs, et non la conséquence de
l’effet érythropoïétique de la molécule
testée.
Il existe aussi des arguments expéri-
mentaux et cliniques suggérant l’intérêt
de l’EPO dans l’insufsance cardiaque
chronique d’origine ischémique. Chez
l’homme, des études rétrospectives
avaient suggéré son intérêt dans la
correction de l’anémie des patients
insufsants cardiaques sévères (non
dialysés), ayant pour conséquences une
amélioration de la tolérance à l’effort
et une diminution de la morbi-morta-
lité de ces patients (11). Il faut toute-
fois rappeler que, en 1998, il avait été
montré, chez des patients hémodialysés
et atteints de cardiopathie ischémique,
que la normalisation de l’hémoglo-
bine par l’EPO (au-delà de la simple
correction partielle de l’anémie) pouvait
entraîner une augmentation de la morbi-
mortalité dans cette sous-population.
Dans l’insuffisance cardiaque chro-
nique – affection dans laquelle l’EPO
et ses analogues sont en phase d’essais
cliniques –, il ne sera probablement pas
aisé de distinguer les éventuels effets
cardioprotecteurs directs des agents
érythropoïétiques des conséquences
fonctionnelles cardiaques de la correc-
tion de l’anémie.
Néphroprotection
(1, 2, 12, 13)
L’administration de fortes doses
d’EPO, de darbépoétine ou de CEPO
protège le tissu rénal d’agressions
ischémiques (clampage) ou toxi-
ques (platine, ciclosporine, produits
de contraste iodés). Dans certaines
études, cet effet cytoprotecteur n’est
pas uniquement préventif vis-à-vis de
la survenue de l’insufsance rénale
aiguë (IRA) [ou de sa gravité], mais
s’observe aussi quand l’EPO est admi-
nistrée après l’agression ischémique
rénale. Dans les études de protection
rénale (comme pour les études de
cardioprotection), les doses d’EPO
utilisées sont très supérieures aux doses
suffisantes pour stimuler l’érythro-
poïèse. Toutefois, là encore, l’effet
néphroprotecteur est indépendant de
l’éventuel effet érythropoïétique. Il
n’existe aujourd’hui aucun essai ayant
établi l’intérêt néphroprotecteur de
l’EPO dans la prévention ou le trai-
tement de l’insufsance rénale aiguë
humaine. De nombreuses situations
à risque élevé d’insufsance rénale
aiguë pourraient se prêter à l’étude de
l’intérêt de l’EPO dans cette patho-
logie (administration de médicaments
néphrotoxiques, chirurgie cardiovascu-
laire avec CEC ou clampage aortique,
états de choc, transplantation rénale,
etc.).
Autres tissus cibles
(7, 13)
Expérimentalement, l’intérêt cytopro-
tecteur de l’EPO a été montré dans
d’autres organes ou tissus, incluant le
foie, l’intestin, la rétine et la peau. Des
essais cliniques sont en cours, en parti-
culier en ophtalmologie et en pathologie
rétinienne.
Mécanismes de la protection cellulaire
et tissulaire
(2, 3, 5, 7)
Ils ne seront pas envisagés “organe par
organe”, mais abordés d’une façon plus
générale. Tel ou tel mécanisme peut
prendre plus ou moins d’importance
selon le tissu ou l’organe considérés. En
général, chaque étude nous renseigne sur
l’implication d’un ou deux mécanismes
protecteurs. Certains mécanismes, comme
la mise en jeu du BDNF pour le tissu céré-
bral, peuvent être spéciques d’organe.
Effet antiapoptotique (3, 5). L’in-
hibition de l’apoptose des progéniteurs
érythropoïétiques est un mécanisme
essentiel dans l’effet érythropoïétique de
l’EPO ; elle semble aussi être un méca-
nisme majeur de cytoprotection générale
(figures 1 et 2). Les effets antiapoptoti-
ques de l’EPO ont été mis en évidence
sur de nombreux types cellulaires, aussi
bien in vitro qu’in vivo. Les voies de
signalisation du message antiapoptotique
incluent l’activation des systèmes PI-
3K-AKT et JAK2-STAT5, alors que les
signaux de prolifération sont médiés par
MAPK p42/44 et JAK2-STAT5. La phos-
phorylation de JAK2 active la protéine
STAT5 et sa translocation nucléaire. La
xation de STAT5 à l’ADN induit une
réponse cellulaire comportant une surex-
pression des gènes antiapoptotiques bcl-
2 et bcl-XL. La protéine AKT inactive les
molécules pro-apoptotiques : caspase 9,
Bad, glycogène synthase kinase-3 bêta.
La phosphorylation de Ikappa B s’as-
socie à une rétention cytoplasmique des
protéines FOXO, qui sont connues pour
activer les molécules apoptotiques Fas
ligand et Bim.
Dans le tissu rénal, il a été montré que
l’EPO pouvait induire la protéine Hsp70
(heat shock protein 70). Les effets anti-
apoptotiques de Hsp70 sont en partie sous
la dépendance de l’inhibition de Ap-af-1
(apoptosis protease-activating factor-1)
et de A-if (apoptosis-inducing factor).
Effets prolifératifs. En dehors des
effets antiapoptotiques, qui laissent une
place à la différenciation et à la multi-
plication des cellules non apoptotiques,
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