Traitement des manies : perspectives internationales Données actuelles J.A. Meynard*, S. Seguin**, P. Bendimerad*** Le remaniement classificatoire, toujours en cours, des troubles bipolaires a entraîné une modification des stratégies thérapeutiques dans l’approche des manies. Une meilleure connaissance des contreindications du lithium et des limites de son efficacité, ainsi que le développement récent de nouveaux produits comme les anticonvulsivants et les antipsychotiques, ont également participé à ces changements d’orientation. type II” (BP II) proposé par Dunner en 1974 a été officialisé par le DSM IV en 1994 (2, 3). Cette forme clinique est constituée essentiellement d’épisodes dépressifs mais dont le suivi évolutif laisse apparaître de loin en loin la présence cyclique d’épisodes maniaques caractérisés par une intensité moindre, appelés “épisodes hypomaniaques”. Lors de ces derniers, l’humeur est expansive ou irritable sur une durée de quelques jours (1). Bref rappel sémiologique Autres troubles bipolaires Le spectre des troubles bipolaires s’est élargi depuis les années 1990 à d’autres formes de cyclicité. Ces dernières ont été isolées sur des critères comme les antécédents familiaux de troubles thymiques, les tempéraments affectifs sousjacents à la pathologie, l’inversion thymique pharmacologiquement induite, etc. Ce remembrement des troubles, qui se poursuit à l’heure actuelle, n’est pas encore intégré dans les classifications internationales. Trouble bipolaire I Connu sous l’ancien vocable de “psychose maniaco-dépressive”, il représente le trouble bipolaire dans sa forme la plus pure, aujourd’hui nommée “bipolarité de type I” (BP I). Il s’agit d’une affection chronique de l’humeur qui se manifeste par la succession, à un rythme plus ou moins déterminé, d’états thymiques, soit vers le pôle positif de l’humeur, avec expansion (épisode maniaque ou état mixte) soit vers le pôle négatif (dépression) (1). Trouble bipolaire II Le trouble bipolaire II, “bipolarité de Le pôle maniaque du trouble bipolaire Classification des manies On peut schématiquement décrire quatre grandes catégories de manies. * Chef de service, CHS Marius-Lacroix, La Rochelle. ** Interne, service du Dr J.A. Meynard, La Rochelle. ***Assistant, service du Dr J.A. Meynard, La Rochelle. Manie euphorique La plus classique. Elle est caractérisée par un état expansif ou irritable de l’humeur durant au moins une semaine et dans lequel le sujet se présente avec une Act. Méd. Int. - Psychiatrie (21), n° 4, avril 2004 L ’ élargissement du spectre des troubles bipolaires au cours des deux dernières décennies a permis de revisiter la clinique des manies. Cette nouvelle lecture autorise la mise en place de stratégies thérapeutiques pour la phase aiguë de la pathologie et la prévention des récidives. Nous savons que l’approche nosologique, voire les concepts cliniques, diffèrent d’un pays à l’autre. Pourtant, au niveau international, les options thérapeutiques, bien qu’encore hétérogènes, semblent esquisser un vaste mouvement de convergence auquel les classifications ne sont pas étrangères. Nous avons essayé, à partir de différentes sensibilités culturelles, de faire le point sur cette ligne consensuelle, en les comparant aux pratiques natio■ nales, elles-mêmes évolutives. toute-puissance, des idées de grandeur, une fuite des idées, une réduction du besoin de sommeil, une logorrhée et une hyperactivité avec agitation psychomotrice intense. État mixte ou manie dysphorique Cette catégorie a été individualisée en 1907 par Kraepelin (4) qui en faisait la troisième forme clinique de la “folie maniaco-dépressive”, la décrivant comme l’association de manifestations mélancoliques et maniaques avec de nombreuses transitions depuis les formes fondamentales réalisant des “contraires psychologiques”. Cette forme plutôt féminine, comporterait un potentiel élevé d’énergie, d’excitation psychomotrice, d’impulsivité, d’hypersyntonie à l’environnement, associé en continuité avec des affects dépressifs francs, serait à haut risque de passage à l’acte suicidaire. 81 Mise au point Mise au point Manie avec symptômes psychotiques Les états de manie peuvent s’associer à une perte de contact avec la réalité se traduisant par des productions mentales psychotiques. On rapporte ainsi, au cours d’un épisode maniaque (trouble bipolaire I), jusqu’à 15 % d’hallucinations et 48 % d’idées délirantes (5). Si le fond est fréquemment constitué d’un délire de toute-puissance mégalomane enrichi par des mécanismes et des thèmes variés, on retrouve dans la littérature jusqu’à 56 % de symptômes psychotiques non congruents à l’humeur (6). Hypomanie Les troubles sont minorés par rapport à l’accès classique. L’humeur est joviale, animée, les propos volontiers sarcastiques. L’hypomaniaque recherche et multiplie les contacts sociaux. Sa créativité, son dynamisme, son originalité surprennent souvent son entourage qui ne perçoit pas d’emblée le caractère pathologique d’une euphorie et d’une hyperactivité opposées à ses habitudes et son comportement. Toutes les formes de manie sus-décrites évoluent par accès, et peuvent se reproduire cycliquement. On définit l’évolution des épisodes thymiques par la longueur des cycles et le nombre des épisodes annuels. On décrit ainsi des épisodes de “manie brève” quand l’accès dure moins de quatre jours. On décrit également des “cycleurs rapides” qui présentent plus de quatre épisodes thymiques annuels. Ces troubles répondraient mieux à la prescription de molécules anticonvulsivantes. Données françaises Traitement de l’épisode maniaque En France, le traitement médicamenteux de la manie peut être daté de l’apparition des barbituriques au début du XXe siècle. Plus tard, après 1935, la pratique des sis- mothérapies prend progressivement le relais. La mise en évidence par J.F.J. Cade des effets positifs des sels de lithium en 1949, puis la découverte de la chlorpromazine en 1952 orientent le traitement des phases maniaques vers une double direction. D’une part, celle de la sédation, que confirme l’emploi des nombreux neuroleptiques au fur et à mesure de leur apparition, d’autre part, celle de la prophylaxie des récidives, argumentée sur les travaux de M. Schou (7). Classiquement, en France, le traitement de la manie aiguë reste, et ce depuis l’avènement des neuroleptiques, sur une base qui associe des molécules sédatives à des molécules plus incisives pour les troubles psychotiques observés (plus de 50 % de troubles psychotiques dans le cours évolutif d’un BP I). L’adjonction de benzodiazépines à visée tranquillisante est relativement fréquente. Ainsi, le traitement de l’épisode aigu comprend généralement, au minimum, trois psychotropes, auxquels s’ajoute éventuellement la molécule thymorégulatrice. L’on remarque, cependant, depuis quelques années, une évolution dans les pratiques de certains cliniciens, vers une prescription plus précoce et plus constante de divalproate. Le divalproate, seule molécule anticonvulsivante à posséder une AMM dans le traitement des épisodes maniaques, est disponible en France depuis bientôt trois ans. Depuis un an, l’olanzapine, introduite sur ce créneau thérapeutique, y compris dans les formes non psychotiques, progresse dans les prescriptions. Dans certains cas d’agitation extrême ou de résistance au traitement, des séances de sismothérapies sont proposées. Traitement prophylactique Depuis leur introduction par Schou et Cade, les sels de lithium constituent généralement le traitement que reçoit le patient au décours de l’épisode maniaque. Ils sont encore choisis préférentiellement à d’autres molécules, notamment anticonvulsivantes, trop souvent encore réservées aux contre-indications et aux patients à l’observance moins assurée. À partir de la fin des années 1960, des molécules comme l’acide valproïque ou la carbamazépine ont été utilisées. Au regard des effets secondaires moindres et d’une efficacité intéressante (8, 9), elles prennent une place de plus en plus importante dans les prescriptions. Le divalproate est actuellement le premier prescrit aux États-Unis et devrait progressivement être utilisé en première intention en France. À noter l’évaluation actuelle d’autres molécules anticonvulsivantes (10, 11). Les antipsychotiques de deuxième génération, en raison de leur excellente tolérance neurologique, semblent faire l’objet de prescription en lieu et place de traitements antiproductifs classiques comme l’halopéridol. Nombre d’essais cliniques sont actuellement en cours pour évaluer l’effet antimaniaque de ces molécules (6, 12-17). À ce jour, seule l’olanzapine a reçu l’AMM pour le traitement de la manie, que ce soit dans sa phase aiguë ou dans la prévention des récidives, qu’il y ait ou non des signes psychotiques. Les traitements par neuroleptiques sédatifs comme les phénothiazines et/ou par benzodiazépines pour calmer l’agitation sont cependant toujours prescrits avec la même importance quantitative. Ajoutons que si certains patients à forme psychotique particulièrement invalidante et résistante sont actuellement traités en France par la clozapine, leur nombre reste confidentiel. Données internationales Nous nous limiterons aux données des quelques pays d’Europe représentatifs et du continent nord-américain, qui ne résument évidemment pas les pratiques 82 Mise au point Mise au point mondiales en matière de traitement des manies. L’ensemble des données fait apparaître qu’il y a, dans la plupart de ces pays, notamment anglo-saxons, une relative homogénéité des approches thérapeutiques, même s’il subsiste quelques nuances selon les cultures. Les autorisations administratives d’exploitation des molécules jouent un rôle d’importance dans le choix des produits. ✓ États-Unis Traitement de l’épisode maniaque Après le passage incontournable au début du XXe siècle par des molécules sédatives ou anesthésiques comme le chloral, l’uréthane, le bromure de potassium puis, plus tard, par un anticonvulsivant comme le paraldéhyde, les électroconvulsivothérapie (ECT), dès leur découverte en 1935, furent utilisées comme traitement de la manie. Après 1952, elles ont été relayées par la chlorpromazine, puis, dès 1963, à la suite des travaux de Cade et Schou, par les sels de lithium. Cependant, l’halopéridol est resté pendant longtemps la molécule de référence. Il a été élu médicament de choix en 1963 par Sargent et Slater. L’argumentation théorique actuelle des cliniciens américains repose sur des données où le lithium donne : – une meilleure réponse pour les manies pures (18, 19) ; – une moins bonne réponse dans les manies dysphoriques (20, 21) ; – une moins bonne réponse chez les patients à cycles rapides – plus de quatre épisodes par an – (22) ; – une moins bonne réponse pour les patients ayant souffert de plus de deux épisodes thymiques antérieurs et a fortiori lorsqu’il s’agit de dix épisodes antérieurs (23) ; – une faible réponse (36 %) pour les manies mixtes alors qu’elle est globalement de 75 % pour les manies pures (24); – une faible réponse chez les patients présentant des signes neurologiques (5). D’aucuns mettront en cause jusqu’aux essais cliniques qui ont prévalu à son emploi, expliquant ainsi les échecs constatés (25, 26). Au décours des années 1990, de nouvelles stratégies vont se dessiner peu à peu, intégrant, d’une part, une moindre prescription des sels de lithium (27) au profit des molécules anticonvulsivantes (notamment le divalproate) (28) et, d’autre part, une diminution sensible de l’emploi des neuroleptiques. Toutes ces constatations, doublées de la tendance à diagnostiquer plus facilement des états de manie aiguë, antérieurement appelés “bouffées délirantes”, “états psychotiques aigus” ou “décompensations schizophréniques aiguës”, ont conduit progressivement les psychiatres américains à une plus grande prescription des thymorégulateurs (29). Au regard des données controversées sur le lithium, ils ont donc recherché de nouvelles voies pharmacologiques dans le traitement de la bipolarité (21, 30). L’évolution des prescriptions dans la manie aux États-Unis se traduit dans l’évolution des recommandations formulées par l’APA sur quatorze années. En 1980, l’APA recommande dans le traitement de la manie aiguë l’emploi des antipsychotiques pour réduire l’excitation et l’instabilité. En 1994, cette même association recommande dans ses “guidelines” l’emploi des antipsychotiques dans la perspective d’une coprescription avec les thymorégulateurs (lithium et/ou valproate) ou avec les ECT quand la manie s’accompagne d’agitation extrême, de comportements dangereux ou d’éléments psychotiques (31). En 1996, un consensus d’experts de Caroline du Nord préconise l’emploi du lithium et du valproate comme traitement de première intention dans la manie (32), réservant les antipsychotiques comme adjuvants des thymorégulateurs dans les formes psychotiques (33). Act. Méd. Int. - Psychiatrie (21), n° 4, avril 2004 En 1999, l’édition d’une série de recommandations par le département des affaires pour les vétérans propose l’emploi du lithium pendant trois semaines, suivi, en cas d’échec, d’un changement pour un thymorégulateur différent ou, en cas de réponse seulement partielle, d’une association de deux thymorégulateurs. Les antipsychotiques sont réservés aux formes délirantes avec hallucinations. De fait, entre 1989 et 1993, la prescription de thymorégulateurs chez les psychotiques double dans certains centres américains (34). Les pratiques aux États-Unis et en France semblent donc se différencier au niveau de la prescription des anticonvulsivants, en particulier du valproate et, désormais, du divalproate (21, 35). Si, des deux cotés de l’Atlantique, une grande proportion de patients maniaques prennent toujours, pendant leur hospitalisation, et six mois après leur sortie, des molécules neuroleptiques (36), la majorité d’entre eux sont traités aux ÉtatsUnis par des molécules anticonvulsivantes en première intention et en prophylaxie des récidives. L’olanzapine plus récemment introduite, couvrant une définition de spectre très élargie, est employée ici également dans les formes de manies aiguës psychotiques et non psychotiques (37). Son arrivée récente explique le peu de données disponibles sur son réel volume de prescription. La clozapine reste réservée aux cas difficiles et résistants ; sa prescription est très limitée malgré un intérêt certain des prescripteurs (12). La pratique des ECT varie d’un État à l’autre de l’Union, mais demeure un traitement de référence pour les formes d’emblée graves, violentes, très psychotiques ou résistantes (38, 39). En résumé, le traitement de la manie aiguë s’inspire aux États-Unis des recommandations d’experts, ellesmêmes appuyées sur les essais cliniques les plus récents. Le rôle des anticonvul- 83 Mise au point Mise au point sivants, particulièrement du divalproex, y est majeur par rapport aux pratiques européennes, qui privilégie encore les antipsychotiques classiques en première intention. Cependant, le différentiel semble se combler très progressivement de part et d’autre de l’Atlantique. Les pays à culture “neuroleptique” utilisent de plus en plus les anticonvulsivants, associés à des antipsychotiques classiques ; les pays à culture “thymorégulation” utilisent plus les antipsychotiques en préférant aujourd’hui les antipsychotiques de deuxième génération (28). Traitement prophylactique L’indication d’un traitement préventif est posée officiellement dans les recommandations américaines après deux épisodes de manie ou après un seul épisode particulièrement sévère, ou encore lorsqu’il existe une histoire familiale forte de trouble bipolaire. Pour les BP de type II, le traitement prophylactique est envisagé après trois épisodes d’hypomanie, lorsqu’il existe une hypomanie induite par la thérapeutique, lorsque les épisodes dépressifs sont très sévères ou encore lorsqu’il existe une histoire familiale de bipolarité très chargée. Le lithium, le divalproate ou l’association des deux restent les traitements prophylactiques princeps couramment utilisés. En coprescription, les antipsychotiques non conventionnels sont de plus en plus utilisés. Les neuroleptiques classiques restent prescrits en deuxième intention et dans leur forme retard lorsqu’il existe une mauvaise observance thérapeutique ou dans les cas de résistance (40). L’olanzapine, de par son nouveau positionnement dans la prévention des récidives, commence à être utilisée depuis 2003. ✓ Canada Les données du Canada sont proches de celles des États-Unis. Cependant, les auteurs canadiens se distinguent toujours par la préoccupation qu’ils portent à l’alliance thérapeutique avec le patient, et à la nécessité d’une prise en charge sociale et éducationnelle des troubles psychiatriques, en général, et bipolaires, en particulier (41). Ici également, le traitement suit des recommandations, celles de la CANMAT (The Canadian Network for Mood and Anxiety Treatments). Traitement de l’épisode maniaque On retrouve (42) ◗ Pour la forme classique bipolaire I : – le lithium, traitement de référence en association avec un traitement sédatif ; – le divalproate, le plus utilisé en monothérapie ou en association avec le lithium ; – la carbamazépine réservée aux nonrépondeurs au lithium et/ou aux états mixtes en monothérapie ; – les benzodiazépines, lorazépam et clonazépam, sont utilisées habituellement en association avec les régulateurs de l’humeur. ◗ Pour les cycles rapides : – le divalproate est la molécule de référence. ◗ Pour les états mixtes : – le divalproate et la carbamazépine sont employés de façon régulière, le divalproate étant le plus prescrit, au regard de sa meilleure tolérance. Prise en charge des suites de l’épisode maniaque Nous retiendrons également que les auteurs canadiens distinguent deux phases dans les suites de l’accès maniaque aigu : Une phase de stabilisation précoce qui associe : ◗ Des traitements pharmacologiques : – thymorégulateurs (divalproate et lithium) ; – benzodiazépines avec une diminution et un arrêt progressif ; – neuroleptiques : ✓ classiques : diminution progressive et arrêt, ✓ atypiques : même si le profil des effets secondaires est meilleur, ils ne doivent être maintenus que si des symptômes psychotiques persistent. ✓ L’olanzapine introduite plus récemment avec son nouveau profil mixte de thymorégulateur est employée même lors d’épisodes non psychotiques. ◗ Une prise en charge psycho-éducationnelle du patient, de la famille et de l’entourage avec normalisation des rythmes biologiques et sociaux. ◗ Une psychothérapie Une phase de maintenance ou prophylactique La décision d’un traitement prophylactique à long terme par un régulateur de l’humeur n’est pas strictement consensuelle. Lors d’un premier épisode avec faible risque de récurrence, il est recommandé de poursuivre le traitement pendant une période de consolidation de six mois. En cas de récidive, de formes graves de la maladie, d’antécédents familiaux de trouble bipolaire ou encore de forts risques de récurrence, un traitement à très long terme peut être proposé d’emblée après un premier épisode. Le traitement de référence est le lithium, mais plusieurs références plaident en faveur du divalproate qui aurait une efficacité équivalente. Nous n’avons pas de données encore sur l’emploi dans cette indication de l’olanzapine, trop récemment prescrite dans ce cadre. Pour quelques auteurs canadiens, cependant, les antipsychotiques atypiques restent sous-utilisés pour le traitement du trouble bipolaire, que ce soit pour le traitement des épisodes aigus ou pour la prévention des rechutes. Ces molécules pourraient devenir des solutions de rechange au lithium ou au divalproex en monothérapie, mais surtout en coprescription (17). ✓ Australie Les diverses publications sélectionnées font état de recommandations non officielles mais qui paraissent faire l’objet 84 Mise au point Mise au point d’un consensus au niveau du pays (43). Une ligne de convergence rapproche les prescriptions des recommandations nord-américaines. Traitement de l’épisode maniaque – Le lithium est utilisé en première intention, souvent associé à une benzodiazépine à visée sédative ; – les anticonvulsivants : ◗ Valproate, divalproex Il est utilisé en premier devant la carbamazépine en cas d’intolérance ou d’efficacité insuffisante du lithium, mais le plus souvent dans la pratique en association avec ce dernier. ◗ Carbamazépine Elle est utilisée en seconde intention, après le divalproate, s’il existe une intolérance ou une mauvaise réponse au traitement par le lithium. – L’électroconvulsivothérapie (ECT) Malgré son efficacité démontrée en phase aiguë (38), l’ECT est rarement utilisée en première ligne de traitement. Traitement prophylactique Peu de données référencées sont accessibles. ✓ Belgique Les articles référencés rapportent une modélisation tenant lieu, apparemment, de large consensus (44). Traitement de l’épisode maniaque Un thymorégulateur est classiquement utilisé en monothérapie. Le lithium est toujours prescrit en première intention mais depuis quelques années, le divalproate et la carbamazépine, auxquels le recours est de plus en plus fréquent, tendent à devenir des références de première ligne. Les benzodiazépines sont utilisées en coprescription pour leur action sédative et pour la régulation du sommeil. Les neuroleptiques classiques, mais également les antipsy- chotiques atypiques, sont employés en cas de présence de symptômes psychotiques. Ces deux traitements, considérés comme adjuvants, ne doivent être prescrits que de façon temporaire, en attente d’une action efficace des thymorégulateurs. Depuis un an, l’arrivée de l’olanzapine modifie progressivement la donne. Il n’existe pas d’éléments objectifs à ce jour sur sa prescription. Traitement prophylactique Il n’existe pas de données standardisées officielles. Les cliniciens belges paraissent se situer peu ou prou dans une tradition européenne évoluant rapidement dans le sens des recommandations nordaméricaines. ✓ Allemagne En Allemagne, les thymorégulateurs anticonvulsivants, notamment la carbamazépine, sont employés de longue date. Si leur utilisation est toujours importante, avec un grand accroissement de celle du divalproate, le lithium reste cependant la référence dans les épisodes maniaques classiques (8, 45). Traitement de l’épisode maniaque Les associations de thymorégulateurs, en particulier entre du valproate, mais aussi traditionnellement de la carbamazépine, et des neuroleptiques classiques comme l’halopéridol ou des benzodiazépines, sont souvent citées. Pour les cliniciens, ces associations auraient les meilleurs effets antimaniaques en aigu. Traitement prophylactique Il n’existe pas de données standardisées officielles. Officieusement, une évolution est notable vers les recommandations nord-américaines, avec l’emploi, de préférence, du divalproate et des antipsychotiques non conventionnels. Act. Méd. Int. - Psychiatrie (21), n° 4, avril 2004 ✓ Grande-Bretagne Les différences d’approche stratégique dans le traitement des manies entre le vieux continent et l’Amérique du Nord sont ici, pour des raisons de proximité culturelle, beaucoup discutées. Pour les cliniciens anglais, ces différences reposent plus sur des opinions que des évidences et tout cela mérite d’être nuancé. Ils restent, cependant, pour une grande part des Européens conservateurs et utilisent en aigu plus facilement les neuroleptiques, et le lithium en prophylaxie après deux, ou plus, épisodes de manie. Les tendances américaines de la dernière décennie vers la prescription de thymorégulateurs en première intention et l’allongement en traitement de maintenance pour de nombreuses années, telles qu’elles ont été présentées dans les “guidelines” (28) sont connues et font école. Les penchants actuels de la thérapie vont dans le sens des nouvelles stratégies, selon le vieux principe “what gets you well, keeps you well”, bien que les évaluations pour ces données soient objectivement manquantes. Conclusion Les avancées nosographiques du concept de bipolarité, qui se sont précisées dans les dix dernières années au niveau de la psychiatrie internationale, ont montré, à première vue, des divergences notoires existant dans la prescription des thérapeutiques. Ces différences mettent globalement en évidence une dipôle Europe/États-Unis. La mise en œuvre de recommandations plus ou moins officielles nous paraît avoir joué un grand rôle dans l’accentuation de ce différentiel, notamment sur le continent nord-américain. Plusieurs enseignements sont à retenir de ce survol des tendances modernes de la psychiatrie en matière de bipolarité : – une certaine avance des pays d’Amérique du Nord au niveau de la 85 Mise au point Mise au point création de recommandations sous la forme de guidelines qui font, dans les pays concernés, l’objet d’un très large consensus ; – une augmentation internationale nette des diagnostics de bipolarité, avec sa conséquence en termes de prescription de thymorégulateurs ; – une remise en question globale de l’indication des sels de lithium pour le spectre élargi de la bipolarité ; – une tendance très nette à préférer en première intention les thymorégulateurs anticonvulsivants et, à l’intérieur de cette classe thérapeutique, le divalproate ; – le foisonnement d’essais cliniques dans tous les pays concernés sur les propriétés antimaniaques et thymorégulatrices d’autres anticonvulsivants qui cliniquement ont déjà montré des effets sur le bipôle thymique ; – l’apparition et le développement dans ce même champ thérapeutique des antipsychotiques atypiques, qui sont pratiquement tous en cours d’étude, sur les formes avec ou sans signes psychotiques ; – l’olanzapine est la première molécule de la classe à avoir obtenu son visa d’exploitation dans le traitement de la manie aiguë ainsi que dans la prophylaxie des récidives. Gageons que le différentiel perçu entre les divers pays étudiés aura une tendance naturelle dans un avenir proche à se réduire et ce, au-delà de considérations socio-économiques. D’ores et déjà, ce différentiel paraît résider plus au niveau des pratiques individuelles que des recommandations officielles en cours ou à venir. Les cliniciens de part et d’autre des frontières trouveront, d’évidence, entre les “guidelines” officiels et la réalité de la pratique quotidienne leur vraie mesure. Références 1. American Psychiatric Association. DSM IV. Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. 4e édition (version interna- tionale, Washington DC, 1994). Traduction française par J.D. Guelfi et al., Paris : Masson, 1996. 2. Dunner DL, Fieve RR. Clinical factor in lithium prophylaxis failure. Arch Gen Psychiatry 1974;30:229-33. 3. Dunner DL, Fleiss JL, Fieve RR. The course of development of mania in patients with recurrent depression. Am J Psychiatry 1976;133:905. 4. Kraepelin E. 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