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Mise au point
Mise au point
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (21), n° 4, avril 2004
mondiales en matière de traitement des
manies. L’ensemble des données fait
apparaître qu’il y a, dans la plupart de
ces pays, notamment anglo-saxons, une
relative homogénéité des approches thé-
rapeutiques, même s’il subsiste quelques
nuances selon les cultures. Les autorisa-
tions administratives d’exploitation des
molécules jouent un rôle d’importance
dans le choix des produits.
✓ États-Unis
Traitement de l’épisode maniaque
Après le passage incontournable au
début du XXesiècle par des molécules
sédatives ou anesthésiques comme le
chloral, l’uréthane, le bromure de potas-
sium puis, plus tard, par un anticonvulsi-
vant comme le paraldéhyde, les électro-
convulsivothérapie (ECT), dès leur
découverte en 1935, furent utilisées
comme traitement de la manie. Après
1952, elles ont été relayées par la chlor-
promazine, puis, dès 1963, à la suite des
travaux de Cade et Schou, par les sels de
lithium. Cependant, l’halopéridol est
resté pendant longtemps la molécule de
référence. Il a été élu médicament de
choix en 1963 par Sargent et Slater.
L’argumentation théorique actuelle des
cliniciens américains repose sur des
données où le lithium donne :
– une meilleure réponse pour les manies
pures (18, 19) ;
– une moins bonne réponse dans les
manies dysphoriques (20, 21) ;
– une moins bonne réponse chez les
patients à cycles rapides – plus de quatre
épisodes par an – (22) ;
– une moins bonne réponse pour les
patients ayant souffert de plus de deux
épisodes thymiques antérieurs et a for-
tiori lorsqu’il s’agit de dix épisodes
antérieurs (23) ;
– une faible réponse (36 %) pour les
manies mixtes alors qu’elle est
globalement de 75 % pour les manies
pures (24);
– une faible réponse chez les patients
présentant des signes neurologiques (5).
D’aucuns mettront en cause jusqu’aux
essais cliniques qui ont prévalu à son
emploi, expliquant ainsi les échecs
constatés (25, 26).
Au décours des années 1990, de nou-
velles stratégies vont se dessiner peu à
peu, intégrant, d’une part, une moindre
prescription des sels de lithium (27) au
profit des molécules anticonvulsivantes
(notamment le divalproate) (28) et,
d’autre part, une diminution sensible de
l’emploi des neuroleptiques.
Toutes ces constatations, doublées de la
tendance à diagnostiquer plus facile-
ment des états de manie aiguë, antérieu-
rement appelés “bouffées délirantes”,
“états psychotiques aigus” ou “décom-
pensations schizophréniques aiguës”,
ont conduit progressivement les psy-
chiatres américains à une plus grande
prescription des thymorégulateurs (29).
Au regard des données controversées sur
le lithium, ils ont donc recherché de
nouvelles voies pharmacologiques dans
le traitement de la bipolarité (21, 30).
L’évolution des prescriptions dans la
manie aux États-Unis se traduit dans
l’évolution des recommandations for-
mulées par l’APA sur quatorze années.
En 1980, l’APA recommande dans le
traitement de la manie aiguë l’emploi
des antipsychotiques pour réduire l’ex-
citation et l’instabilité.
En 1994, cette même association recom-
mande dans ses “guidelines” l’emploi
des antipsychotiques dans la perspective
d’une coprescription avec les thymoré-
gulateurs (lithium et/ou valproate) ou
avec les ECT quand la manie s’accom-
pagne d’agitation extrême, de comporte-
ments dangereux ou d’éléments psycho-
tiques (31).
En 1996, un consensus d’experts de
Caroline du Nord préconise l’emploi
du lithium et du valproate comme traite-
ment de première intention dans la manie
(32), réservant les antipsychotiques
comme adjuvants des thymorégulateurs
dans les formes psychotiques (33).
En 1999, l’édition d’une série de recom-
mandations par le département des
affaires pour les vétérans propose l’em-
ploi du lithium pendant trois semaines,
suivi, en cas d’échec, d’un changement
pour un thymorégulateur différent ou, en
cas de réponse seulement partielle,
d’une association de deux thymorégula-
teurs. Les antipsychotiques sont réser-
vés aux formes délirantes avec halluci-
nations. De fait, entre 1989 et 1993, la
prescription de thymorégulateurs chez
les psychotiques double dans certains
centres américains (34).
Les pratiques aux États-Unis et en
France semblent donc se différencier au
niveau de la prescription des anticonvul-
sivants, en particulier du valproate et,
désormais, du divalproate (21, 35).
Si, des deux cotés de l’Atlantique, une
grande proportion de patients maniaques
prennent toujours, pendant leur hospita-
lisation, et six mois après leur sortie, des
molécules neuroleptiques (36), la majo-
rité d’entre eux sont traités aux États-
Unis par des molécules anticonvulsi-
vantes en première intention et en pro-
phylaxie des récidives.
L’olanzapine plus récemment introduite,
couvrant une définition de spectre très
élargie, est employée ici également dans
les formes de manies aiguës psycho-
tiques et non psychotiques (37). Son
arrivée récente explique le peu de don-
nées disponibles sur son réel volume de
prescription.
La clozapine reste réservée aux cas dif-
ficiles et résistants ; sa prescription est
très limitée malgré un intérêt certain des
prescripteurs (12).
La pratique des ECT varie d’un État à
l’autre de l’Union, mais demeure un
traitement de référence pour les formes
d’emblée graves, violentes, très psycho-
tiques ou résistantes (38, 39).
En résumé, le traitement de la manie
aiguë s’inspire aux États-Unis des
recommandations d’experts, elles-
mêmes appuyées sur les essais cliniques
les plus récents. Le rôle des anticonvul-