10 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 1 - janvier 2012
Résumé
L’année 2011 s’achève sur des avancées importantes en matière de cancer du sein. On peut les classer en fonction
des sous-types. Pour les formes exprimant les récepteurs hormonaux, dites “luminales”, progressant après
un inhibiteur de l’aromatase non stéroïdien, un effet majeur d’un inhibiteur de mTOR, l’évérolimus, associé à
l’hormonothérapie a été démontré. Pour les formes HER2+, un double ciblage par 2anticorps −lepertuzumab
combiné au trastuzumab− entraîne un bénéfice majeur au stade métastatique mais également en néo- adjuvant.
Pour les formes triple-négatives, les nouvelles sont plus sombres avec les résultats négatifs de l’étude de
phaseIII gemcitabine+ carboplatine± iniparib (inhibiteur de PARP). Les résultats de l’essai randomisé de
phaseII avaient suscité de grands espoirs dans cette situation au pronostic particulièrement péjoratif. La place
des disphosphonates en situation adjuvante n’est pas démontrée mais reste débattue. Enfin, plusieurs études
remettent en cause l’intérêt de l’analyse par immunohistochimie du ganglion sentinelle à la fois sur le plan
pronostique mais aussi sur le bénéfice de la reprise du curage axillaire en cas de positivité du ganglion sentinelle.
Mots-clés
Cancer du sein
Pertuzumab
Évérolimus
Ganglion sentinelle
Iniparib
Disphosphonates
Summary
The year 2011 ended with
important advances in breast
cancer. They can be classified
according to tumor subtypes.
In tumor expressing hormone
receptors called luminal,
progressing after non-steroidal
aromatase inhibitor, a major
effect of an mTOR inhibitor,
everolimus, in combination
with hormone therapy has
been demonstrated. For HER2
positive subtype, a double
antibody targeting with pertu-
zumab combined with trastu-
zumab causes a major benefit
in the metastatic as well as in
neoadjuvant setting. That is in
triple negative forms where
the news is darker with nega-
tive results of the PhaseIII
gemcitabine-carboplatin
+/-iniparib (PARP inhibitor).
The results of the randomized
Phase II had raised great hopes
in this situation with particu-
larly pejorative prognosis. The
place of bisphosphonates in the
adjuvant setting is not shown
but is still discussed. Finally,
several studies question the
value of the immunohisto-
chemical analysis of sentinel
lymph node both in terms of
prognosis but also the benefit
of the resumption of axillary
dissection in case of positivity
of SNB.
Keywords
Breast cancer
Pertuzumab
Everolimus
Sentinel node
Iniparib
Disphosphonates
opérées d’un cancer du sein avec une atteinte
ganglionnaire (pN+) ou une tumeur pN0 à risque (8).
Après un suivi médian de 62 mois, on observe, dans le
bras avec irradiation ganglionnaire, une amélioration
de la survie sans récidive (SSR) qui passe de 84 à
89,7 % à 5 ans (p = 0,0003) mais également de celle
de la SSR métastatique à distance (87 versus 92,4 % ;
p = 0,002). En revanche, la différence de SG n’était
pas statistiquement significative (p = 0,07).
Cela confirme les données de la méta-analyse d’Oxford
actualisées cette année (9) sur 10 801 patientes dans
17 essais randomisés, qui montrent que pour 4 réci-
dives locales évitées par la radiothérapie, on éviterait
1 décès par cancer du sein. La réduction absolue du
risque de récidive locale est de 15,7 %, et la réduction
de décès à 15 ans est de 3,8 % (2p = 0,00005). Au
total, après traitement conservateur du sein, la réduc-
tion du risque de récidive locale est de 50 % et celui
de décès, de plus de 15 %. Ces études démontrent
que l’irradiation locorégionale non seulement permet
un contrôle local mais prévient également l’évolu-
tion métastatique à distance ; elle réduirait donc la
mortalité à long terme.
Traitement adjuvant
Disphosphonates
L’étude AZURE évaluait chez 3 360 patientes
l’adjonction ou non d’acide zolédronique en asso-
ciation avec le traitement adjuvant classique (chimio-
thérapie et/ou hormonothérapie) chez des patientes
traitées pour un cancer du sein localisé (10). On n’ob-
serve aucune différence en SSR ou en SG pour l’en-
semble de la population de l’étude. Cependant, une
analyse de sous-groupes planifiée a montré que chez
les patientes de plus de 60 ans ou chez celles méno-
pausées depuis plus de 5 ans, l’acide zolédronique
apportait un avantage en SSR et en SG (p = 0,017).
Les données actualisées de l’acide zolédronique de
l’essai ABCSG-12 – chez des patientes non ménopau-
sées recevant une hormonothérapie par tamoxifène
ou anastrozole associée à un agoniste de la Lutei-
nizing Hormone-Releasing Hormone (LH-RH) – sont
confirmées avec un recul de plus de 5 ans (11) et
une différence en SG apparaît à 80 mois de suivi.
L’essai NSABP B 34, qui a porté sur plus de
3 200 patientes, n’a pas montré de bénéfice du
clodronate par rapport au placebo sur la SSR mais
éventuellement un impact sur la survie sans méta-
stase osseuse (12).
L’étude ZO-FAST, chez 1 065 patientes recevant du
létrozole adjuvant, comparait un traitement par acide
zolédronique d’emblée ou en cas d’apparition d’une
ostéopénie. À 5 ans de suivi, il existe une amélioration
de la SSR (p = 0,03) dans le bras avec acide zolédro-
nique d’emblée (13). Au total, l’utilisation des disphos-
phonates en situation adjuvante ne peut faire l’objet
de recommandations systématiques car les études
sont négatives sur leurs critères principaux, mais un
effet clinique en rapport avec le statut hormonal
des tumeurs et de la patiente semble bien exister.
Hormonothérapie
Malgré un bénéfice reconnu des inhibiteurs de l’aro-
matase sur la SSR comparés au tamoxifène, il n’existait
pas de démonstration de leur bénéfice sur la SG. C’est
en cela que l’analyse avec 8 ans de recul de l’essai
BIG 1-98 montrant un bénéfice en SG du létrozole
par rapport au tamoxifène en monothérapie pendant
5 ans (14, 15) a un grand intérêt. Une méta-analyse
sur données publiées montre que la toxicité des inhi-
biteurs de l’aromatase pourrait expliquer l’absence
de bénéfice en SG avec l’augmentation des décès
non liés au cancer du sein (16). L’actualisation de la
méta-analyse d’Oxford à 15 ans sur 21 457 patientes
confirme le bénéfice sur la SG du tamoxifène admi-
nistré en adjuvant uniquement en cas d’expression
des récepteurs hormonaux par la tumeur (17).
Chimiothérapie et thérapie ciblée
Les résultats de l’essai BCIRG 06 connus et présentés
depuis plusieurs années ont enfin été publiés dans
le New England Journal of Medicine cette année.
Ils confirment que chez 3 222 patientes ayant une
tumeur HER2+ en situation adjuvante, l’adjonction
de trastuzumab augmente la SSR et la SG (18). Six
cures de l’association docétaxel + carboplatine +
trastuzumab (TCH) seraient une alternative à 4 cures