SÉNAT – SÉANCE DU 5 JUILLET 2007 2075
La première de ces ambitions est de bâtir une justice
proche des Français, une justice que nos compatriotes
comprennent, dans laquelle ils se reconnaissent, en laquelle
ils aient confi ance. Ce texte est, à ce titre, indispensable :
en matière de récidive, l’attente de nos concitoyens est à la
mesure de leurs doutes et de leurs inquiétudes.
Le manque de respect de l’autre, les incivismes de toutes
sortes et la délinquance violente exaspèrent au quotidien
les Français et sapent leur confi ance dans la justice. Ces
comportements insupportables traduisent l’état d’esprit
d’une société ravagée par l’individualisme, une société de
droits, une société sans obligations.
Nous nous devons de répondre à cette France exaspérée,
dont l’obsession n’est pas la sécurité, mais la tranquillité et
la sûreté.
Cette inquiétude est justifi ée parce qu’elle s’ancre dans
une réalité diffi cile. Il suffi t pour en prendre la mesure de
considérer les chiffres. On pourrait en citer de nombreux. Je
n’en retiendrai que quatre. Ils parlent d’eux-mêmes.
Entre 2000 et 2005, le nombre de condamnations en
récidive pour des crimes et délits a augmenté de près de
70 %.
Les condamnations en récidive pour des délits violents
ont augmenté de 145 %.
Le nombre des mineurs condamnés pour des délits de
violence a augmenté de près de 40 %.
En 2006, 46 % des personnes mises en cause pour des
vols avec violence étaient des mineurs. (M. Jacques Mahéas
proteste.)
La sûreté des citoyens est le premier devoir de l’État.
La délinquance répétitive, spécialement la récidive, porte
une grave atteinte à cette sûreté. Il est impossible de laisser
sans réponse les interrogations angoissées suscitées par cet
état de fait.
Il est de notre devoir de responsables politiques de veiller
à ce que soient mises en œuvre des réponses nouvelles, à
la hauteur des diffi cultés rencontrées, des réponses suscep-
tibles de redonner du sens, car c’est en produisant du sens
que l’on restaure la confi ance.
La deuxième ambition à laquelle s’attache ce projet de
loi est de contribuer à bâtir une justice qui protège les plus
faibles et, en premier lieu, les victimes.
Nous devons bien sûr aux coupables une justice digne,
garantissant l’équité et le respect des droits. Mais ce respect,
cette équité, nous les devons au premier chef à ceux qui ont
souffert, dans leur chair ou dans leurs biens, des agissements
des délinquants et des criminels.
La troisième ambition à laquelle répond ce texte est celle
d’une justice vraiment sereine, qui donne aux femmes et
aux hommes ayant la charge d’en exercer l’administration
des outils adaptés.
Je veux ici, solennellement, leur rendre hommage.
Ils exercent un métier diffi cile. Je connais bien la diffi culté
d’analyser les situations qui leur sont soumises, la capacité
qu’ils ont de transformer une abstraction légale en une
décision fi ne, juste et concrète.
Je sais les contraintes auxquelles sont soumis les magis-
trats. Je les connais, comme je connais celles qu’affrontent
au quotidien tous ceux qui composent la chaîne judiciaire.
Je veux saluer chacun des magistrats, des greffi ers, des
fonctionnaires, des éducateurs, des policiers, des gendarmes,
des responsables d’associations, des auxiliaires de justice et
des élus.
Je veux, au nom de nos concitoyens, au nom du Président
de la République, au nom du Gouvernement, saluer ici,
dans l’enceinte du Sénat, le dévouement et l’esprit de service
public dont ils font preuve au quotidien.
Ils sont, en première ligne, l’incarnation de la justice. (Très
bien ! sur les travées de l’UMP.)
Leur donner les moyens dont ils ont besoin est au cœur
de la mission du garde des sceaux. J’entends y veiller sans
relâche. Devant vous, je veux leur dire qu’ils peuvent
compter sur moi.
La quatrième ambition, enfi n, est l’affi rmation d’une
justice ferme.
Il n’y a pas de justice forte, crédible et respectée qui ne
sache adapter et renforcer ses sanctions pour faire face à
des circonstances exceptionnelles ou à des formes de délin-
quance exceptionnelles.
Nous ne parlons pas ici de justice en général ou de délin-
quants en général. Nous parlons d’un champ de délinquance
et de criminalité bien particulier.
Il s’agit, tout d’abord, des récidivistes, c’est-à-dire des
délinquants ou des criminels, majeurs ou mineurs, déjà
condamnés et à l’égard desquels la menace de la sanction,
puis la condamnation ont échoué à exercer leur rôle de
dissuasion et de réinsertion.
Il s’agit, ensuite, des délinquants sexuels.
Dois-je vous rappeler qu’au 1er avril 2007, 20 % des
détenus l’étaient pour des infractions de nature sexuelle ?
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce n’est pas nuire à la
sérénité qui sied à la justice et à l’examen d’un projet de loi
la concernant que de penser à la douleur que ces comporte-
ments font naître.
Je vous le dis clairement, mon devoir est de tout mettre
en œuvre pour éviter autant que possible que de tels drames
ne se reproduisent. Rien ne me détournera de ce but.
À situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle. À
situation nouvelle, réponse nouvelle.
En matière d’environnement, le principe de précaution
est inscrit dans la Constitution ! Pourquoi ne pas l’appli-
quer aux victimes ?
La récidive est aujourd’hui une réalité d’une ampleur et
d’une gravité nouvelle et exceptionnelle. Ces comporte-
ments intolérables doivent être réprimés sans faiblesse.
Mais il ne suffi t pas, pour cela, de renforcer l’existant. Il
faut apporter à ces situations extrêmes une réponse claire
aux yeux de nos concitoyens, légitime aux yeux des victimes,
effi cace à l’encontre des criminels !
Cela exige de nous un véritable effort d’innovation. C’est
pourquoi ce projet de loi prévoit, en réponse à la récidive,
l’instauration d’un régime pénal nouveau.
Il vise à instaurer, en premier lieu, des peines minimales
d’emprisonnement dès la première récidive, applicables tant
aux majeurs qu’aux mineurs.
En cas de seconde récidive, c’est-à-dire lorsqu’une
personne commet pour la troisième fois des crimes ou des
délits violents, la loi sera encore plus ferme. Face à un récidi-