La Lettre du Sénologue • n° 48 - avril-mai-juin 2010 | 39
MISE AU POINT
➤
La constitution d’hétérodimères entre les
membres de la famille HER, notamment HER1/
HER2 conduisant à l’inhibition de la dégradation
du complexe trastuzumab-récepteur (32-34). Les
TKI dirigés contre HER1, comme le lapatinib, sont
capables d’inhiber la croissance tumorale de lignées
cellulaires surexprimant les hétérodimères HER1/
HER2 (34).
➤L’interaction entre HER2 et d’autres récepteurs
tels que l’insulin growth factor (IGF-R) et le cMet
(35-37).
Les mécanismes de résistance au lapatinib ont été
beaucoup moins explorés. Si cette molécule repré-
sente une alternative aux 2 premiers modes de résis-
tance au trastuzumab (défaut d’internalisation du
récepteur et formation d’hétérodimères), il n’en reste
pas moins que les mécanismes d’altération de la
transduction du signal sont susceptibles d’affecter
non seulement la sensibilité au trastuzumab mais
aussi celle au lapatinib (38).
Comment cela se traduit-il cliniquement ?
L’expérience la plus connue, en raison de l’absence
d’autres alternatives jusqu’à récemment, est la réin-
troduction de la thérapeutique ciblée après échap-
pement, en association avec une autre molécule
cytotoxique. On peut être amené à se demander
si l’échappement thérapeutique ne serait pas lié,
dans certains cas, à un phénomène de résistance
à la chimiothérapie plutôt qu’à une résistance au
traitement anti-HER2. Ainsi, une tumeur qui a
répondu une première fois au trastuzumab peut
répondre à nouveau. Parallèlement à l’expérience
quotidienne des oncologues et des résultats des
études observationnelles, cette hypothèse est étayée
par les résultats de l’essai GBG-26 où l’association
trastuzumab-capécitabine, après progression sous
trastuzumab, conduit à des résultats significative-
ment supérieurs comparés aux résultats obtenus
sous capécitabine seule, avec la réserve déjà émise
sur la puissance non respectée de cet essai (15).
Plus récemment, l’arrivée d’autres molécules anti-
HER2, comme le lapatinib, a fait émerger la notion
de résistance à un traitement anti-HER2. Les données
de l’étude de K.L. Blackwell, notamment celles obser-
vées dans le bras monothérapie, montrent que la
résistance au traitement par trastuzumab est en
partie levée par l’administration de lapatinib et
confirment ainsi les données des études de phase
II chez des patientes progressant sous trastuzumab
(21). Cependant, il semble nécessaire de distinguer
2 types de résistance qui n’ont sans doute pas la
même origine ni les mêmes implications thérapeu-
tiques. Le premier type correspond à une résistance
de novo où une patiente traitée par anti-HER2
continue à progresser. La deuxième situation est
celle de la résistance acquise où, après une réponse
initiale au traitement anti-HER2, la tumeur progresse
à nouveau. Dans cette dernière situation, le débat
reste encore ouvert pour savoir s’il s’agit d’un réel
phénomène de résistance impliquant un changement
de molécule ou d’un simple phénomène de perte
de sensibilité.
Très peu de données sont disponibles concernant
l’évolution de la biologie entre la tumeur primitive et
la métastase dans le cas des patientes qui rechutent
après un traitement adjuvant par trastuzumab. En
tenant compte des variations des techniques d’éva-
luation, il semble que le statut HER2 reste assez
stable au cours du temps : c’est le cas pour 90 % des
tumeurs (39-44). Lorsqu’il y a des modifications du
statut HER2, il s’agit généralement d’une perte d’ex-
pression et/ou d’amplification et parfois d’une appa-
rition. Plus on avance dans les lignes thérapeutiques
chez les patientes HER2+ traitées par trastuzumab,
plus le risque de sélectionner les clones HER2- à la
faveur d’une élimination des contingents HER2+
augmente avec, par conséquent, un échappement
au traitement anti-HER2. Cependant, nous n’avons
pas les moyens d’évaluer en routine le fonctionne-
ment des voies de signalisation intracellulaire et
les éventuelles hyper- ou hypoactivités de tel ou
tel biomarqueur de ces voies, notamment PI3K/
AKT, PTEN, mTOR. Une étude récente a clairement
montré la différence entre le trastuzumab et le lapa-
tinib sur ces biomarqueurs de telle sorte que, face à
une résistance à l’un ou l’autre de ces traitements,
le changement de molécule anti-HER2 pourrait
représenter une option justifiée (45).
Enfin, il est également important de garder à l’es-
prit que les tumeurs HER2+ représentent un groupe
hétérogène. Une des limites de la classification
moléculaire de Sorlie et al. est que dans le groupe
des tumeurs HER2+, il n’y a quasiment que des
tumeurs n’exprimant pas les récepteurs aux estro-
gènes (RE) [46-48]. Les tumeurs HER2+ et RE+ sont
actuellement classées dans le groupe des tumeurs
luminales B. Ainsi, cette classification, qui ne permet
pas de regrouper toutes les tumeurs HER2+ dans
une même catégorie, met clairement en exergue
le fait que les tumeurs HER2 ne sont pas toutes
identiques. Cela a des implications thérapeutiques
puisque, cliniquement, on observe que certaines
sont longtemps sensibles à un traitement anti-HER2
alors que d’autres sont plus rapidement résistantes.
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