La Lettre du Sénologue 48 - avril-mai-juin 2010 | 35
MISE AU POINT
O
n estime que le récepteur 2 à l’Human
Epidermal Growth Factor (HER2) est surex-
primé dans 15 % à 25 % des cancers du sein
(1), mais ce chiffre est aujourd’hui probablement plus
près de 10 %. En dehors de toute thérapie ciblée anti-
HER2, la surexpression et/ou l’amplification du gène
HER2 sont des facteurs de mauvais pronostic associés
à des critères anatomopathologiques d’agressivité
tumorale et sont corrélées à l’altération de la survie
sans rechute et de la survie globale (SG) [2, 3].
Le trastuzumab, anticorps monoclonal humanisé
dirigé contre le domaine extracellulaire de HER2, a
représenté la première avancée marquante pour la
prise en charge du cancer du sein HER2+. En mono-
thérapie, les premiers essais dans le cancer du sein
métastatique montrent qu’une grande partie des
patientes ne répondent pas au trastuzumab seul
avec des taux de réponse objective (RO) de 15 % en
deuxième ligne métastatique et de 26 % en première
ligne (4, 5). En première ligne métastatique, l’asso-
ciation du trastuzumab à un taxane permet d’amé-
liorer l’efficacité, avec un taux de RO de 41 % quand
il est associé au paclitaxel et de 61 % quand il est
associé au docétaxel (6, 7). En situation adjuvante, le
trastuzumab a permis d’améliorer significativement
le risque de rechute et de décès (8-11). Les analyses
les plus récentes montrent que son administration
semi-concomitante avec la chimiothérapie semble
préférable à l’administration séquentielle (12, 13).
Selon une analyse portant sur la base de données du
MD Anderson Cancer Center (université du Texas),
les patientes traitées par trastuzumab pour leur
cancer du sein métastatique ont une réduction du
risque de décès de 44 % par rapport aux patientes
HER2– (14). Cependant, une partie des patientes
va progresser sous trastuzumab, que ce soit après
traitement adjuvant ou après une première ligne
métastatique. Deux attitudes sont possibles face
à une progression sous trastuzumab : poursuivre le
trastuzumab ou l’arrêter. Actuellement, une seule
étude prospective semble montrer qu’il est préfé-
rable de poursuivre le trastuzumab au moment de la
progression mais son arrêt prématuré, en raison du
faible recrutement, lui confère une faible puissance
et par conséquent une valeur très incertaine (15).
Aujourd’hui, une nouvelle option thérapeutique
s’ouvre avec les inhibiteurs de tyrosine kinase (TKI)
et plus particulièrement le lapatinib. Le lapatinib est
une petite molécule, administrable par voie orale,
qui cible le domaine intracellulaire de HER1 et HER2,
le distinguant ainsi du trastuzumab. En première
ligne métastatique, le lapatinib seul montre une
activité avec un taux de RO de 24 % (16). L’asso-
ciation capécitabine-lapatinib permet d’améliorer
significativement la durée de la réponse et la survie
sans progression (SSP) par rapport à la capécitabine
seule (17). L’association lapatinib-paclitaxel a égale-
ment été évaluée par rapport au paclitaxel seul dans
le traitement du cancer du sein métastatique (18).
L’addition du lapatinib prolonge le temps jusqu’à
progression et la SG uniquement dans le sous-groupe
des patientes surexprimant HER2.
Les mécanismes d’action du trastuzumab et du lapa-
tinib étant différents, ces 2 molécules peuvent être
considérées comme complémentaires dans la stra-
tégie thérapeutique du cancer du sein. Des données
précliniques montrent que le lapatinib est actif sur
des lignées cellulaires résistantes au trastuzumab
et qu’il existe une synergie entre lapatinib et tras-
tuzumab permettant d’obtenir un niveau d’apoptose
* Centre René-Huguenin, Saint-
Cloud.
** Polyclinique de Bordeaux Nord,
Bordeaux
*** Hôpital Avicenne, Bobigny.
Association trastuzumab-
lapatinib dans le cancer du
sein métastatique : réflexions
et mise en perspective
Trastuzumab-lapatinib in metastatic breast cancer
E. Brain*, N. Dohollou**, L. Zelek***
N. Dohollou.
36 | La Lettre du Sénologue 48 - avril-mai-juin 2010
Résumé
La prise en charge du cancer du seintastatique HER2+ repose aujourd’hui sur le trastuzumab et le lapatinib. L’utilisation
lective de ces deux molécules, aux mécanismes d’action différents, a pour objectif l’exploitation de leurs propriés spécifiques
individuelles ou complémentaires, et fait partie de la recherche de la meilleure stratégie trapeutique. Lessai de K.L. Blackwell
et J. O’Shaughnessy (EGF104900) évaluant l’association lapatinib-trastuzumab par rapport au lapatinib seul apporte des éléments
deponse mais ouvre également le débat sur la meilleure stratégie à adopter. Comment améliorer la prise en charge des
patientes ayant un cancer du sein HER2+ ? Chez des patientes ayant ru préalablement 4 ou 5 lignes de chimiothérapie pour
leur maladie métastatique, dont 3 comportant du trastuzumab et progressant tout deme, le lapatinib seul est actif et l’asso-
ciation lapatinib-trastuzumab améliore significativement la survie sans progression par rapport au lapatinib seul (HR : 0,73 ; IC95 :
0,57-0,93; p = 0,008) et le fice clinique (24,7 % versus 12,4 % ; p = 0,01). Les résultats actualisés montrent que l’association
lapatinib-trastuzumab apporte une amélioration significative de la survie globale par rapport à la monothérapie (14 mois versus
9,5 mois; p = 0,026). Globalement, il semble que l’utilisation du trastuzumab et du lapatinib puisse se faire de manière successive
en combinaison avec une chimiotrapie et que leur association puisse être servée à des patientes pour lesquelles les solutions
trapeutiques s’épuisent. Les essais en cours en situation oadjuvante seront particulièrement inressants et devraient préciser
la place de chaque mocule en fonction du profil tumoral de chaque patiente et de la stratégie à utiliser, à savoir quentielle et
dans quel ordre ou combinée.
Mots-clés
Lapatinib
Trastuzumab
HER2
Cancer du sein
métastatique
Keywords
Lapatinib
Trastuzumab
HER2
Metastatic breast cancer
beaucoup plus important sur des lignées cellulaires
de tumeurs mammaires HER2+ (19). Sur modèles
de xénogreffes HER2+, l’association lapatinib-tras-
tuzumab permet de stabiliser le récepteur HER2 sous
une forme inactive résultant de l’activité propre au
lapatinib, puis le récepteur se dégrade sous l’effet
du trastuzumab (20). Cette double action permet
d’observer une régression tumorale complète dans
les 10 jours de traitement combiné. Ces données
précliniques ont servi de base pour développer des
essais cliniques associant les 2 molécules.
Lessai EGF104900 a été initié afin de comparer l’ef-
ficacité de l’association lapatinib-trastuzumab et du
lapatinib seul chez des patientes ayant un cancer du
sein métastatique HER2+, lourdement prétraitées et
progressant sous trastuzumab. Les résultats de cet
essai ont été publiés récemment, et les données de
survie ont été actualisées lors du dernier congrès de
San Antonio en décembre 2009 (21, 22). Lobjectif de
cet article est de faire le point sur ces résultats afin
d’en tirer les enseignements pratiques et de mieux
définir les stratégies thérapeutiques possibles pour
améliorer la prise en charge des patientes ayant un
cancer du sein HER2+.
Association lapatinib-
trastuzumab dans le cancer
du sein métastatique :
essai EGF104900
Schéma de l’essai EGF104900 et
caractéristiques des patientes (21)
Lessai EGF104900 randomisé de phase III, ouvert
et multicentrique, compare l’efficacité et la tolé-
rance du lapatinib seul par rapport à l’association
lapatinib-trastuzumab (figure 1). Pour être éligibles,
les patientes devaient avoir un statut HER2+ soit
positif par fluorescence in situ hybridization (FISH)
ou 3+ en immunohistochimie (IHC). Les patientes
devaient avoir préalablement reçu de l’anthracycline,
du taxane et du trastuzumab. Elles devaient être en
progression sous un dernier traitement reçu conte-
nant du trastuzumab et devaient avoir au moins une
lésion mesurable selon les critères RECIST (Response
Evaluation Criteria in Solid Tumors) ou une maladie
osseuse exclusive.
Lobjectif principal était la SSP, selon l’évaluation
des investigateurs, avec une revue indépendante
des données apportée comme support. Les objectifs
secondaires étaient le taux de RO, le taux de bénéfice
Tableau I. Caractéristiques des patientes à l’inclusion dans l’essai EGF104900 (21).
Lapatinib Lapatinib-trastuzumab
Nombre de patientes (n) 148 148
Âge médian (extrêmes) 51 (29-78) 52 (26-81)
PS-ECOG (n) [%]
0
1
2
69 (47)
73 (49)
6 (4)
80 (54)
61 (41)
7 (5)
Chimiothérapie antérieure (médiane) 4 5
≥ 6 schémas 41 (28) 50 (34)
Schémas antérieurs avec trastuzumab
en métastatique (médiane)
3 3
Délai médian depuis le dernier traitement par
trastuzumab (jours)
25 27
HER2+ (n) 146 147
RH négatifs* (n) [%] 75 (51) 75 (51)
Métastases viscérales (n) [%] 110 (74) 105 (71)
Patientes avec des métastases cérébrales (n) [%] 20 (13) 16 (11)
PS : performance status ; ECOG : Eastern Cooperative Oncology Group ; RH : récepteurs hormonaux.
* Récepteurs aux estrogènes et récepteurs à la progestérone négatifs.
Figure 1. Schéma de l’essai EGF104900 comparant lapatinib seul à
l’association lapatinib-trastuzumab (21).
Cancer du sein métastatique
HER2+ (FISH+, IHC3+)
Progression après :
– anthracycline
– taxane
– trastuzumab
Dernière progression
aprèsun schéma contenant
du trastuzumab
R
A
N
D
O
M
I
S
A
T
I
O
N
Lapatinib 1 500 mg/j per os
n = 148
Objectif principal :
– survie sans progression
Objectifs secondaires :
– survie globale
– taux de réponse objective
– taux de bénéfice clinique
– tolérance
– qualité de vie
Lapatinib 1 000 mg/j per os
Trastuzumab 4 2 mg/kg/semaine i.v.
n = 148
Cross-over autorisé vers
lapatinib-trastuzumab en
cas de progression après au moins
4 semaines de traitement
Évaluation tumorale : semaines 4, 8, 12 et 16 puis toutes les 8 semaines
FISH : fluorescence in situ hybridization ; IHC immunohistochimie ; i.v. : intraveineux
La Lettre du Sénologue 48 - avril-mai-juin 2010 | 37
MISE AU POINT
clinique (BC) correspondant au taux de RO et de
stabilisation d’au moins 24 semaines, la SG, la tolé-
rance et la qualité de vie évaluée par le questionnaire
FACT-B (Functional Assessment of Cancer Therapy
– Breast). Les patientes étaient stratifiées selon le
statut des récepteurs hormonaux (RH) et la présence
de métastases viscérales. Un nombre total de 192
événements sur l’objectif principal était nécessaire
pour obtenir une puissance de 80 % (risque de type
de 0,05 en situation bilatérale) afin de mettre en
évidence une augmentation de la SSP médiane de
50 % (HR : 0,667) en estimant que celle-ci est de
8 semaines avec le lapatinib seul pour atteindre 12
semaines avec l’association lapatinib-trastuzumab.
Les principales caractéristiques des patientes au
moment de l’inclusion sont présentées dans le
tableau I.
Résultats de l’essai EGF104900
Le lapatinib seul permet d’obtenir une SSP de 8,1
semaines, l’association lapatinib-trastuzumab une
SSP de 12 semaines, soit une amélioration signi-
ficative (HR : 0,73 ; IC
95
: 0,57-0,93 ; p = 0,008)
[figure 2a] (21). La probabilité de SSP à 6 mois est
doublée avec l’association comparativement à la
monothérapie (respectivement 28 % versus 13 %).
La réponse tumorale par bras de traitement est
présentée dans le tableau II (21). Il n’y a pas de diffé-
rence significative en termes de RO (10,3 % versus
6,9 % ; p = 0,46). En revanche, le BC est significati-
vement meilleur avec l’association (24,7 % versus
12,4 % ; p = 0,01). Les résultats actualisés montrent
que les patientes du bras lapatinib ont une SG de
9,5 mois et celle du bras lapatinib-trastuzumab de
14 mois, soit une amélioration significative de la SG
par rapport à la monothérapie (p = 0,026) [figure
2b] (22). Cette amélioration est également observée
chez les 77 patientes du bras lapatinib seul qui ont
bénéficié d’un cross-over vers le bras combiné.
L’incidence des événements indésirables est similaire
entre les 2 bras de traitement. Les événements les
plus fréquents sont présentés dans le tableau III (21).
Sur le plan cardiaque, une diminution relative de la
fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) d’au
moins 20 % par rapport à la mesure préthérapeu-
tique ou une valeur de FEVG inférieure à la limite
inférieure de la normale étaient considérées comme
un événement cardiaque sévère. Une diminution
sévère de la FEVG a été rapportée chez 8 patientes
du bras combiné avec 3 cas symptomatiques, et
chez 3 patientes du bras monothérapie avec un seul
cas symptomatique. Par ailleurs, 2 patientes ont eu
Tableau II. Réponse tumorale en intention de traiter dans l’essai EGF104900 (21).
Réponse (n) [%] Lapatinib Lapatinib-trastuzumab
Patientes évaluables, n 145 146
Réponse complète (RC) 3 (2) 2 (1)
Réponse partielle (RP) 7 (5) 13 (9)
Réponse objective (RO) 10 (6,9) 15 (10,3)
Bénéfice clinique (BC) 18 (12,4) 36 (24,7)
Stabilisation 40 (28) 57 (39)
Progression 83 (57) 56 (38)
Inconnue 12 (8) 18 (12)
Figure 2. Courbes de survie sans progression (A) et de survie globale (B) dans
l’essai EGF104900 (21, 22).
A
B
100
80
60
20
1
0
20
40
10 30 40 50 60
13
28
Lapatinib Lapatinib +
trastuzumab
n = 145
n = 146
Progression ou décès (n)
Médiane (semaines)
HR (IC95)
p
6 mois PFS
128
8,1 12,0
127
0,73 (0,57-0,93)
0,008
Survie sans progression (cumul %)
Nombre de patients à risque
Lapatinib 148 53 21 13 5 0
Lapatinib + 148 73 42 27 8 2
trastuzumab
Temps (semaine)
100
80
60
0
20
40
Survie (%)
20
15
10
0530
25 35
Temps (mois)
6 mois OS
12 mois OS
80 %
56 %
41 %
70 %
Nombre de patients à risque
Lapatinib + 148 121 88 64 43 25 1
trastuzumab
Lapatinib 148 102 65 47 28 13
Lapatinib Lapatinib +
trastuzumab
n = 145
n = 146
Décès (n)
Médiane (mois)
HR (IC95)
p
113 (78)
9,5 14
105 (72)
0,74 (0,57-0,97)
0,026
38 | La Lettre du Sénologue 48 - avril-mai-juin 2010
MISE AU POINT
une diminution asymptomatique de la FEVG après
le cross-over.
En termes de qualité de vie, les modifications enre-
gistrées depuis l’évaluation préthérapeutique sont
similaires entre les 2 bras (21).
Quels sont les enseignements de l’essai
EGF104900 ?
Chez des patientes ayant progressé sous tras-
tuzumab, le lapatinib est actif et l’association lapa-
tinib-trastuzumab permet d’apporter un bénéfice
significatif y compris en termes de SG. Ce bénéfice
est aussi bien observé pour les patientes recevant
l’association que pour celles ayant débuté par le
lapatinib seul puis ayant reçu lapatinib-trastuzumab
grâce à un cross-over programmé. Le taux de cross-
over est de 52 %. Or, d’après les études historiques
en situation métastatique, un taux de cross-over
aussi élevé est généralement associé à une absence
de différence significative en termes de SG (23, 24).
Il faut également souligner les caractéristiques parti-
culières des patientes incluses dans cet essai. Il s’agit
de patientes lourdement prétraitées puisqu’elles ont
préalablement reçu 4 ou 5 lignes de chimiothérapie,
environ 30 % d’entre elles en ont reçu au moins 6.
Par ailleurs, ces patientes ont été traitées par, en
moyenne, 3 lignes de trastuzumab. Ces conditions
sont difficilement extrapolables à la population
générale des cancers du sein métastatique ce qui
témoigne vraisemblablement d’une sélection impor-
tante des patientes dont la tumeur est particulière-
ment sensible aux traitements anti-HER2. Cela reste
cependant une hypothèse dans la mesure où les
métastases de ces patientes n’ont pas été rebiopsiées
avant d’entrer dans l’étude.
Chez des patientes aussi lourdement prétraitées, il
faut noter que les résultats obtenus avec le lapatinib
seul sont loin d’être négligeables puisque le taux
de RO est de 7 %, avec 3 patientes (2 %) mises en
ponse complète, 1 SSP de 8 semaines et 1 SG
de 9,5 mois. Cela représente une première preuve
clinique que les mécanismes de résistance ne sont
pas croisés entre lapatinib et trastuzumab comme
cela a été démontré dans d’autres études précli-
niques (19). Par ailleurs, l’intérêt de maintenir le
trastuzumab sur des lignes successives en situa-
tion métastatique reste à démontrer au-delà de
la deuxième ligne (25, 26).
Résistance aux thérapies
anti-HER2
Si la surexpression et l’amplification de HER2 sont
des conditions nécessaires à l’efficacité des traite-
ments anti-HER2, ce ne sont pas des conditionssuf-
fisantes pour garantir une réponse. Que ce soit pour
le trastuzumab ou pour le lapatinib, la prédiction
de la ponse au traitement semble dépendre de
l’expression ou de la perte d’expression de diverses
protéines clés dans la transduction du signal, celles-ci
n’étant pas nécessairement communes à chacune
de ces 2 molécules. Il est donc important de mieux
définir les mécanismes de résistance afin d’améliorer
l’index thérapeutique de ces molécules et de mieux
prédire la réponse au traitement.
Que se passe-t-il au niveau cellulaire ?
Plusieurs mécanismes de résistance au trastuzumab
ont été décrits. Le lapatinib, grâce à un mécanisme
d’action différent, permet de contourner certains
de ces mécanismes.
Plusieurs hypothèses ont été évoquées quant aux
mécanismes de résistance au trastuzumab, même si
celles-ci ne représentent qu’une partie des explica-
tions possibles et sont susceptibles d’être modifiées
avec l’évolution des connaissances.
Un défaut de fixation du trastuzumab à son
récepteur soit par surexpression de certaines
protéines intracellulaires (27-29), soit en raison
d’une forme clivée du récepteur p95HER2 (30, 31).
Le trastuzumab ne peut se fixer sur un récepteur
tronqué, mais il semble que le lapatinib soit capable
d’inhiber le récepteur sous cette forme (30).
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Références
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Tableau III. Événements indésirables survenant chez au moins 10 % des patientes de l’essai
EGF104900 quelle que soit l’imputabilité au traitement (21).
Événements tout grade (n) [%] Lapatinib Lapatinib-trastuzumab
Patientes évaluables (n) 146 149
Diarrhées 70 (48) 90 (60)
Rash cutané 43 (29) 33 (22)
Nausées 41 (28) 41 (28)
Fatigue 28 (19) 32 (21)
Vomissements 26 (18) 21 (14)
Dyspnée 14 (10) 18 (12)
Anorexie 14 (10) 17 (11)
Toux 14 (10) 8 (5)
Acné 14 (10) 8 (5)
Céphalées 13 (9) 15 (10)
La Lettre du Sénologue 48 - avril-mai-juin 2010 | 39
MISE AU POINT
La constitution d’hétérodimères entre les
membres de la famille HER, notamment HER1/
HER2 conduisant à l’inhibition de la dégradation
du complexe trastuzumab-récepteur (32-34). Les
TKI dirigés contre HER1, comme le lapatinib, sont
capables d’inhiber la croissance tumorale de lignées
cellulaires surexprimant les hétérodimères HER1/
HER2 (34).
L’interaction entre HER2 et d’autres récepteurs
tels que l’insulin growth factor (IGF-R) et le cMet
(35-37).
Les mécanismes de résistance au lapatinib ont été
beaucoup moins explorés. Si cette molécule repré-
sente une alternative aux 2 premiers modes de résis-
tance au trastuzumab (défaut d’internalisation du
récepteur et formation d’hétérodimères), il nen reste
pas moins que les mécanismes d’altération de la
transduction du signal sont susceptibles d’affecter
non seulement la sensibilité au trastuzumab mais
aussi celle au lapatinib (38).
Comment cela se traduit-il cliniquement ?
Lexpérience la plus connue, en raison de l’absence
d’autres alternatives jusqu’à récemment, est la réin-
troduction de la thérapeutique ciblée après échap-
pement, en association avec une autre molécule
cytotoxique. On peut être amené à se demander
si l’échappement thérapeutique ne serait pas lié,
dans certains cas, à un phénomène de résistance
à la chimiothérapie plutôt qu’à une résistance au
traitement anti-HER2. Ainsi, une tumeur qui a
répondu une première fois au trastuzumab peut
répondre à nouveau. Parallèlement à l’expérience
quotidienne des oncologues et des résultats des
études observationnelles, cette hypothèse est étayée
par les résultats de l’essai GBG-26 où l’association
trastuzumab-capécitabine, après progression sous
trastuzumab, conduit à des résultats significative-
ment supérieurs comparés aux résultats obtenus
sous capécitabine seule, avec la réserve déjà émise
sur la puissance non respectée de cet essai (15).
Plus récemment, l’arrivée d’autres molécules anti-
HER2, comme le lapatinib, a fait émerger la notion
de résistance à un traitement anti-HER2. Les données
de l’étude de K.L. Blackwell, notamment celles obser-
vées dans le bras monothérapie, montrent que la
résistance au traitement par trastuzumab est en
partie levée par l’administration de lapatinib et
confirment ainsi les données des études de phase
II chez des patientes progressant sous trastuzumab
(21). Cependant, il semble nécessaire de distinguer
2 types de résistance qui nont sans doute pas la
même origine ni les mêmes implications thérapeu-
tiques. Le premier type correspond à une résistance
de novo où une patiente traitée par anti-HER2
continue à progresser. La deuxième situation est
celle de la résistance acquise où, après une réponse
initiale au traitement anti-HER2, la tumeur progresse
à nouveau. Dans cette dernière situation, le débat
reste encore ouvert pour savoir s’il s’agit d’un réel
phénomène de résistance impliquant un changement
de molécule ou d’un simple phénomène de perte
de sensibilité.
Très peu de données sont disponibles concernant
l’évolution de la biologie entre la tumeur primitive et
la métastase dans le cas des patientes qui rechutent
après un traitement adjuvant par trastuzumab. En
tenant compte des variations des techniques d’éva-
luation, il semble que le statut HER2 reste assez
stable au cours du temps : c’est le cas pour 90 % des
tumeurs (39-44). Lorsqu’il y a des modifications du
statut HER2, il s’agit généralement d’une perte d’ex-
pression et/ou d’amplification et parfois d’une appa-
rition. Plus on avance dans les lignes thérapeutiques
chez les patientes HER2+ traitées par trastuzumab,
plus le risque de sélectionner les clones HER2- à la
faveur d’une élimination des contingents HER2+
augmente avec, par conséquent, un échappement
au traitement anti-HER2. Cependant, nous n’avons
pas les moyens d’évaluer en routine le fonctionne-
ment des voies de signalisation intracellulaire et
les éventuelles hyper- ou hypoactivités de tel ou
tel biomarqueur de ces voies, notamment PI3K/
AKT, PTEN, mTOR. Une étude récente a clairement
montré la différence entre le trastuzumab et le lapa-
tinib sur ces biomarqueurs de telle sorte que, face à
une résistance à l’un ou l’autre de ces traitements,
le changement de molécule anti-HER2 pourrait
représenter une option justifiée (45).
Enfin, il est également important de garder à l’es-
prit que les tumeurs HER2+ représentent un groupe
hétérogène. Une des limites de la classification
moléculaire de Sorlie et al. est que dans le groupe
des tumeurs HER2+, il n’y a quasiment que des
tumeurs n’exprimant pas les récepteurs aux estro-
gènes (RE) [46-48]. Les tumeurs HER2+ et RE+ sont
actuellement classées dans le groupe des tumeurs
luminales B. Ainsi, cette classification, qui ne permet
pas de regrouper toutes les tumeurs HER2+ dans
une même catégorie, met clairement en exergue
le fait que les tumeurs HER2 ne sont pas toutes
identiques. Cela a des implications thérapeutiques
puisque, cliniquement, on observe que certaines
sont longtemps sensibles à un traitement anti-HER2
alors que d’autres sont plus rapidement résistantes.
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