2 Espaces de Banach
Dans ce chapitre, nous ´etudions quelques th´eor`emes fondamentaux concernant
les espaces de Banach. Comme la notion d’un espace de Hilbert est un cas
particulier de celle d’un espace de Banach, tous les r´esultats ´etablis ici restent
vrais pour les espaces de Hilbert.
2.1 Th´eor`eme de Baire
Soit Xun espace vectoriel muni d’une norme k·k. Rappelons qu’une norme est
une fonction sur X`a valeurs dans R+qui v´erifie les propri´et´es (1.3)–(1.5).
efinition 2.1. On dit que Xest un espace de Banach si Xest complet par
rapport `a la norme k·k, c’est-`a-dire, toute suite de Cauchy poss`ede une limite.
Pour u2Xet r>0, on d´efinit la boule ouverte
BX(u, r)={v2X:kvukX<r}.
Un ensemble AXest dit ouvert si pour tout point u2Xil existe ru>0tel
que BX(u, ru)A. Un ensemble AXest dit ferm´e si son compl´ementaire
est ouvert. Le r´esultat suivant n’utilise que la compl´etude d’un sous-ensemble
ferm´e dans un espace de Banach et reste vrai pour tout espace m´etrique complet
(voir §4 pour l´e d´efinition d’un espace m´etrique).
Th´eor`eme 2.2. Soit Xun espace de Banach et YXun ferm´e inclut dans la
eunion dune suite de sous-ensembles XnX.Alorsilexisteunentierm1
et une boule non d´eg´en´er´ee BY(u, r)qui est inclue dans l’adh´erence de Xm.
emonstration. Si la conclusion du th´eor`eme est fausse, alors on construit par
r´ecurrence une suite d´ecroissante de boules BY(un,r
n)tellequern2net
BY(un,r
n)\Xn=?pour tout n1. La suite (un)Xest de Cauchy
et converge donc vers une limite u2Y. D’autre part, le point uappartient `a
toutes les boules BY(un,r
n) et ne peut pas appartenir `a aucun des ensemble Xn.
Comme Y⇢[
nXn, on obtient une contradiction.
Il existe une formulation ´equivalente du th´eor`eme 2.2 en termes de sous-
ensembles ouverts denses.
Corollaire 2.3. Dans un espace de Banach X,lintersectiondunefamille
enombrable d’ouverts denses est dense.
emonstration. Soit (Gn) une famille d´enombrable d’ouverts denses telle que
X\(\nGn) contient une boule ferm´ee non d´eg´en´er´ee B. Alors B⇢[
nFn,o`u
Fn=Gc
nsont des ferm´es. D’apr`es le th´eor`eme 2.2,ilexistem1telqueFm
est dense dans une boule B0B. Comme Fmest ferm´e, on voit que B0Fm
et donc Gmn’est pas dense.
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Exemple 2.4.Soit Pl’espace des polynˆomes d’une variable r´eelle. Montrons qu’il
n’existe pas de norme pour laquelle Pest un espace de Banach. En eet, soit k·k
une telle norme et Pnl’espace des polynˆomes de degr´e n. Alors P=[nPn,
et d’apr`es le th´eor`eme 2.2,ilexistem1 et une boule non d´eg´en´er´ee BP
tels que BPm=Pm. Par sym´etrie, Pmcontient aussi la boule B, et par
convexit´e, Pmdoit contenir une boule de centre z´ero. Comme Pmest un espace
vectoriel, il doit ˆetre confondu avec P. La contradiction obtenue montre qu’une
telle norme n’existe pas.
L’int´erieur d’un ensemble AX(not´e ˚
A) est d´efini comme l’ensemble
ouvert maximal inclut dans A.
Corollaire 2.5. Soit Xun espace de Banach et {Fn}une suite de ferm´es de X
tels que ˚
Fn=?pour tout n1.Alorslint´erieurdeSnFnest vide.
emonstration. Soit Gn=Fc
n. Alors Gnsont des ouverts denses, et d’apr`es le
corollaire 2.3, l’intersection TnGnest dense. Il s’ensuit que son compl´ementaire
TnGnc=SnFnn’a pas de points int´erieurs.
Le th´eor`eme de Baire permet d’´etablir plusieurs r´esultats remarquables sur
les espaces de Banach. Ils sont pr´esent´es dans les §2.2–2.5.
2.2 Th´eor`eme de Banach–Schauder de l’application ou-
verte
Th´eor`eme 2.6. Soit X,Ydeux espaces de Banach et L:X!Yune appli-
cation lieaire continue telle que L(X)=Y.AlorsL(G)Yest ouvert pour
tout ouvert GX.Enparticulier,siL:X!Yest une bijection continue,
alors L1:Y!Xest continue.
emonstration. Soit B=BX(0,1) la boule unit´e ouverte. Il sut de montrer
que L(B) contient une boule de centre z´ero. En eet, dans ce cas pour tout
ouvert GXet tout u2Gil existe une boule Br=BX(0,r)telleque
u+BrGet donc Lu +L(Br) contient une boule ouverte de centre Lu.
´
Etape 1. Montrons d’abord que L(B) contient une boule de centre z´ero.
Comme Y=Sn1L(nB), d’apr`es le th´eor`eme de Baire, il existem1telque
mL(B) est dense dans une boule de Y. En utilisant la sym´etrie de L(B) par
rapport `a z´ero et la convexit´e, on montre que L(B) contient une boule QY
de centre z´ero et de rayon .
´
Etape 2. Montrons maintenant que L(B)Q/2ou, ce qui revient au mˆeme,
L(2B)Q. Soit v2L(B). Alors il existe u12Btel que vLu12Q/2.
Comme Q/21
2L(B), il existe u221
2Btel que vL(u1+u2)2Q/4.On
construit ainsi une suite uj221jBtelle que
v
n
X
j=1
Luj2Q2npour tout n1.
On pose maintenant u=Pjuj. Alors u22Bet Lu =v.
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Le th´eor`eme 2.6 est ´evidemment faux pour les fonctions non lin´eaires, mˆeme
en dimension d= 1. Par exemple, soit f:R!Rune fonction continue
croissante telle que f(1)=1,f(+1)=+1et f(x) = 0 pour |x|1.
Alors l’image de l’intervalle ] 1,1 [ n’est pas ouverte.
2.3 Th´eor`eme du graphe ferm´e
Un corollaire utile du th´eor`eme de Banach–Schauder est le r´esultat ci-dessous
sur la continuit´e de toute application lin´eaire avec un graphe ferm´e. Soient X,
Ydeux espace de Banach. Pour un op´erateur lin´eaire A:X!Y, on note (A)
son graphe:
(A)={[u, f]2XY:u2X, f =Au}.
Il est facile `a v´erifier que (A) est un sous-espace vectoriel de XYqui ne con-
tient pas de vecteurs de la forme [0,f]avecf6= 0. R´eciproquement, si XY
est un sous-espace vectoriel qui ne contient pas de vecteurs de la forme [0,f]
avec f6= 0, alors est le graphe d’un op´erateur lin´eaire Aeni sur X(),
o`u Xd´esigne le projecteur naturel de XYsur X.
Th´eor`eme 2.7. Soit A:X!Yun op´erateur lin´eaire. Alors Aest continu
si et seulement si (A)est un sous-espace ferm´e de XYmuni de la norme
k[u, f]k=kukX+kfkY.
emonstration. Nous n’allons v´erifier que si (A) est ferm´e, alors Aest continu;
l’autre implication est ´evidente.
Consid´erons les projecteurs naturels X:(A)!Xet Y:(A)!Y.
D’apr`es l’hypoth`ese, (A) est un sous-espace ferm´e dans l’espace de Banach X
Y, et il est donc aussi un espace de Banach. De plus, Xet Ysont des appli-
cations lin´eaires continues, et Xest une bijection. Il s’ensuit du th´eor`eme 2.6
que 1
X:X!(A) continue. Comme A=
Y1
X, on conclut que Aest
continu.
Remarquons qu’une fonction F:X!Ya un graphe ferm´e si et seulement
si
(un)X, un!u, F (un)!f=)F(u)=f. (2.1)
D’autre part, la continuit´e de fsignifie que
(un)X, un!u=)F(un)!f=F(u).
Cette condition est clairement plus restrictive que (2.1). Par exemple, la fonction
F:R!Rd´efinie par
F(x)=8
<
:
1
xpour x>0,
0 pour x0
a un graphe ferm´e, mais elle n’est pas continue au point x= 0.
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Corollaire 2.8. Soit Xun espace de Banach et E, F Xdes sous-espaces
ferm´es tels que X=EuF.AlorslesprojecteursP, Q :X!Xassoci´es `a cette
somme directe sont continus.
emonstration. Pour u2X, on ´ecrit u=v+w,o`uv2Eet w2F. Alors
P:X!Xest d´efini par Pu =v. C’est op´erateur lin´eaire d´efini sur X, et pour
montrer sa continuit´e, il sut d’´etalier que son graphe est ferm´e. Soit (un)X
une suite telle que un!uet Pu
n!v2E. Soit un=vn+wn,o`uvn2E
et wn2F. Alors vn!vet wn!w2F.Ilsensuitqueu=v+w, et par
l’unicit´e de cette repr´esentation, on conclut que Pu =v.
2.4 Th´eor`eme de Banach–Steinhaus
Il est bien connu que la limite simple de fonctions continues n’est pas n´eces-
sairement une fonction continue. Le th´eor`eme que nous allons ´etablir ci-dessous
implique, en particulier, que dans le cas des op´erateurs lin´eaires la limite est
toujours continue.
Th´eor`eme 2.9. Soient X,Ydeux espaces de Banach et {Aj,j 2J}L(X, Y )
une famille d’op´erateurs telle que
sup
j2JkAjukY<1pour tout u2X. (2.2)
Alors
sup
j2JkAjkL(X,Y )<1.(2.3)
Corollaire 2.10. Soit X, Y deux espaces de Banach et {An}L(X, Y )une
suite telle que {Anu}converge dans Ypour tout u2X.Alorsilexisteun
op´erateur A2L(X, Y )tel que Anu!Au pour tout u2X.
emonstration. On d´efinit Apar la formule
Au =lim
n!1 Anu, u 2X.
C’est une application lin´eaire d´efinie sur X.Deplus,sup
n1kAnukY<1pour
tout u2X, et d’apr`es le th´eor`eme 2.9,ilexisteC>0telquekAnkL(X,Y )C
pour tout n1. Il s’ensuit que Aest un op´erateur born´e.
emonstration du teor`eme 2.9.Nous allons utiliser le th´eor`eme de Baire. Soit
Xn={u2X:kAjukYnpour tout j2J}.
Alors (2.2)impliquequeX=[nXn. D’apr`es le th´eor`eme 2.2,ilexisteune
boule BX(u0,r
0)etunentierm1telsqueXmest dense dans BX(u0,r
0).
Comme Ajest continu, l’ensemble Xmest ferm´e, et on voit que
kAjukYmpour u2BX(u0,r
0), j2J.
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En utilisant la sym´etrie par rapport au point z´ero et la convexit´e, on obtient
kAjukYmpour u2BX(0,r
0), j2J.
Cette in´egalit´e est ´equivalente `a (2.2)avecC=m/r0.
Exemple 2.11.Pour une fonction f2L1(S), on d´efinit ses coecients de Fourier
ck(f)=Z2
0
f(x)eikxdx, k 2Z.
Consid´erons l’application lin´eaire L:L1(S)!`1qui associe `a fla suite
(ck(f),k 2Z). Il est claire que kLk= 1. De plus, d’apr`es le lemme de Riemann-
Lebesgue, l’image de Lest inclut dans c0(l’espace des suites qui convergent vers
z´ero). Montrons que L:L1(S)!c0est injective. En eet, si Lf = 0, alors
ZS
f(x)g(x)dx= 0 (2.4)
pour tout polynˆome trigonom´etrique g. Le th´eor`eme de Weierstrass (voir §3.2)
implique que (2.4) reste vrai pour toute fonction g2C(S). Soit maintenant
(gn)C(S) une suite born´ee qui converge presque partout vers la fonction
sgn(f) ´egale `a 1 si f(x)0et`a1sif(x)<0. Alors la relation (2.4)etle
th´eor`eme de Lebesgue sur la convergence domin´ee impliquent que
0=ZS
f(x)gn(x)dx!ZS|f(x)|dx=0.
Il s’ensuit que f= 0 presque partout.
Montrons maintenant que Ln’est pas surjective. Si Lest surjective, alors
d’apr`es le th´eor`eme de Banach–Schauder, l’application inverse est continue:
kL1ukL1(S)Ckuk1,u=(un)2c0.(2.5)
Soit DN(x) le noyau de Dirichlet:
DN(x)= 1
2
N
X
k=N
eikx =sin(N+1
2)x
2sin x
2
.
Alors kL(DN)k1=1etkDNkL1!1:
kDNkL1(S)=Z
0
|sin(N+1
2)x|
sin x
2
dx2
Z(N+1
2)
0
|sin x|
xdx
N
X
k=1
1
k.
On obtient donc une contradiction avec (2.5).
Consid´erons maintenant l’op´erateur SNqui associe `a f2L1(S)sas´eriede
Fourier tronqu´ee au niveau N:
(SNf)(x)= 1
2
N
X
k=N
ck(f)eikx =ZS
DN(xy)f(y)dy, x 2S.
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