JFR 2008 - Imagerie de flux par IRM : applications... aortique thoracique

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JFR 2008 - Imagerie de flux par IRM : applications cliniques sur la pathologie
aortique thoracique
Mis à jour le 13/08/2010 par SFR
H Rousseau1, R. Moreno1, M Midulla1, F Nicoud2
Issu du quotidien des JFR'08 - Dimanche 26 Octobre
La rupture, complication majeure des lésions de l'aorte thoracique, peut être prévenue si des critères
objectifs sont utilisés pour savoir quels sont les patients redevables d'une intervention préventive. Mais
la prise en charge des pathologies aortiques reste difficile et souvent empirique. En pratique, la décision
d'un traitement, chirurgical ou endovasculaire, d'une pathologie aortique thoracique est basée
essentiellement sur une notion de diamètre, en fonction de la loi de Laplace, dimension à partir de
laquelle le risque de rupture est considéré comme supérieur au risque opératoire.
Des études autopsiques nous ont montré les limites de cette loi. Ainsi on sait que des petits
anévrysmes peuvent se rompre avant d'atteindre le diamètre seuil et qu'à l'inverse, des anévrysmes
larges ne présentent pas ce type de complication. D'autre part, la loi de Laplace n'explique pas pourquoi
certains patients qui ont le même diamètre aortique lors d'une première exploration vont avoir une
nature évolutive différente, avec une augmentation rapide pour certains et une grande stabilité pour
d'autres. Il est donc clair que de nouveaux critères sont nécessaires pour prédire de façon fiable le
risque de rupture d'une lésion de l'aorte thoracique en fonction des caractéristiques hémodynamiques
propres du patient.
Depuis les dernières décennies, de nombreuses publications nous ont montré l'intérêt des études
hémodynamiques des flux aortiques pour évaluer le risque d'évolution anévrysmale ou de rupture. Parmi
les paramètres mis en évidence, il semble exister deux paramètres essentiels qui peuvent se résumer
en un rapport entre la tension pariétale de l'anévrysme sur la résistance de la paroi qui, en fonction de
son augmentation doit faire suspecter un risque de rupture.
La mécanique des fluides numérique (MFN), est une méthode de modélisation largement utilisée pour
évaluer le design et les composantes des structures dans différents domaines de l'industrie. Cette
méthode est précise et reproductible et permet de modéliser les structures grâce à une discrétisation
fine des objets en éléments finis. Appliquée au monde médical, ces méthodes mathématiques appelées
« computational fluid dynamics » (CFD), permettent une imagerie fonctionnelle de l'aorte. Grâce aux
progrès de l'imagerie, cette technologie permet ainsi l'évaluation de nombreux paramètres du flux
comme les champs des vitesses et des pressions endovasculaires, en complément de l'imagerie
morphologique de l'aorte thoracique.
Technique d'imagerie
Acquisition des images sur une IRM 1,5 Tesla (Intera, Philips) avec une antenne de surface à 5
éléments. Le protocole associe :
■
Une série injectée avec du Gadolinium en para-sagittal oblique avec un « gating » cardiaque.
■
Une séquence dynamique pour couvrir toute l'aorte thoracique avec 20 à 40 phases cardiaques.
■
Une imagerie en contraste de phase 2D réalisée perpendiculairement à l'axe des vaisseaux pour
l'étude des flux en entrée et sortie de l'aorte thoracique ainsi que sur les troncs supra-aortiques,
afin d'obtenir une vélocimétrie locale. Ces examens sont réalisés environ en 30 mn, soit quelques
minutes de plus qu'un examen normal d'une pathologie aortique
Une grille numérique nécessaire à la MFN est obtenue par discrétisation de la géométrie, permettant le
lancement du calcul haute performance destiné à résoudre les équations de Navier-Stokes dans le code
mécanique des fluides.
Ainsi sont obtenus la compliance artérielle (Cd) (m/mm Hg) et le coefficient de distensibilité (DC) en
mm Hg-1. Les images fonctionnelles permettent d'évaluer de façon quantitative, à l'aide d'une échelle
de couleur, la vélocité (cm/s), la vorticité (s-1), les gradients de pression (mm HG), la tension pariétale
(N/m) et les forces de cisaillement (Wall Shear Stress ou WSS en N/m2).
Résultats (fig 1, 2) et discussion
Cette technique d'imagerie, réalisée sur une IRM « standard » nous permet d'obtenir dans des
conditions physiologiques, non seulement des informations morphologiques mais également
fonctionnelles, qualitatives et quantitatives, avec l'évaluation de la vélocité, de la vorticité, de la
pression pariétale et de la compliance, paramètres essentiels pour l'évaluation des lésions aortiques.
Cette méthode après avoir été validée sur des modèles in vitro, a pu être appliquée sur des volontaires
sains et sur différentes pathologies aortiques avant ou après la mise en place de Stent-Grafts.
Comme le montrent les différents exemples présentés ici, on constate que la vélocité est augmentée
dans les zones de changement de calibre ou de sténose. L'étude de la vorticité a montré également des
modifications importantes au niveau des courbures vasculaires, en entrée de prothèse et à l'extrémité
distale de celle-ci. L'évaluation de la compliance de la paroi aortique a montré également une grande
disparité entre les zones sans prothèse et à l'intérieur des prothèses. On peut constater également de
très grandes variations en fonction du moment de l'acquisition systolique ou diastolique.
Au total, les informations obtenues à partir d'examens standardisés permettent dés à présent d'évaluer
l'importance des forces exercées au sein d'un anévrysme avant un traitement, mais aussi aux extrémités
d'un Stent-Graft sur la paroi aortique. Ainsi il semble qu'une évaluation plus précise des lésions
aortiques est actuellement possible pour aider à la décision thérapeutique. L'analyse des flux et de la
paroi aux extrémités d'un Stent-Graft sont également possibles, permettant ainsi de mieux analyser le
risque évolutif de certaines lésions. Ces évaluations devraient aboutir vraisemblablement à des
améliorations technologiques de ce type de matériel mais également probablement à des modifications
de leur mode d'utilisation.
Les applications théoriques des MFN sont multiples et concernent en particulier les dissections de type
B. Actuellement, cette pathologie est difficile à traiter par manque de critères objectifs permettant
d'évaluer les risques évolutifs. Pour cette pathologie, l'utilisation des CFD devrait fournir des critères
plus objectifs pour évaluer les différentes pressions qui règnent à l'intérieur du vrai et du faux chenal et
donc du risque évolutif pour décider d'un geste thérapeutique. Cette technique devrait permettre
également d'évaluer virtuellement, grâce aux calculs mathématiques, les bénéfices et les risques des
différents traitements qui sont actuellement proposés sur des bases purement empiriques. Ainsi il serait
possible d'évaluer les résultats théoriques d'un traitement soit en fermant ou au contraire en ouvrant
une porte d'entrée distale.
En conclusion
L'évaluation du risque de rupture d'une pathologie de l'aorte uniquement sur la base du diamètre
maximum est tout à fait insuffisante et les critères doivent tenir compte de deux paramètres essentiels,
l'augmentation de la pression pariétale et la diminution de la résistance de la paroi. L'évaluation par les
CFD de différents paramètres hémodynamiques permet d'apprécier les différentes forces régnant au sein
de la lumière vasculaire ainsi que sur la paroi in vivo.
Les développements futurs de ces modèles d'évaluation de la rhéologie de la paroi aideront sans aucun
doute la prise de décision thérapeutique et la surveillance des procédures endovasculaires.
En ayant ces outils, des études prospectives devraient valider ces méthodes et préciser la place de ces
nouvelles techniques d'imagerie morphologique et fonctionnelles pour la décision thérapeutique.
1 Service de radiologie
CHU Rangueil, Toulouse
Fig. 1 : Vitesse et turbulences : en Systole à gauche et Diastole à droite.Les vitesses sont maximales dans la partie distale du Stent Graft et les
turbulences au niveau d'une plicature du Stent–Graft (flèche).
Fig. 2 : Forces de cisaillement (WSS) à la paroi (N/m2). En Systole à gauche et Diastole à droite. On note une augmentation de ces WSS aux
extrémités du Stent-Graft et au niveau des courbures aortiques.
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