La Lettre du Pharmacologue • Vol. 24 - n° 3 - juillet-août-septembre 2010 | 93
Résumé
Les modèles murins de maladies auto-immunes permettent de comprendre la physiopathologie des maladies
étudiées, mais leur utilisation directe pour tester l’efficacité des biomédicaments est limitée par les diffé-
rences moléculaires entre l’homme et la souris. Ces modèles ont une utilité dans l’étude de la diffusion des
produits, notamment dans le contexte des maladies inflammatoires. Cette revue reprend les informations
concernant le certolizumab pégol dans les modèles d’arthrite, notamment sur la diffusion dans les tissus
en situation inflammatoire, et les notions récentes sur la diffusion placentaire.
Mots-clés
Modèles d’arthrite
Polyarthrite
rhumatoïde
Certolizumab pégol
Diffusion placentaire
Summary
Experimental models of auto-
immune diseases are required
to make the proof of concept
for new treatments, among
them biologics. Direct use
of experimental models is
limited because biologics have
a human specificity and cannot
be active in many animal
models. At least, animal models
allow to assay for diffusion of
biologics in the context of
inflammation and to assay for
diffusion across the placenta
barrier.
Keywords
Experimental model
of arthritis
Rheumatoid arthritis
Certolizumab pegol
Placenta barrier
Pharmacodynamie d’un
médicament et intérêt des
modèles d’inflammation
Les modèles animaux gardent une utilité
primordiale pour vérifier les caractéristiques de
pharmaco dynamie dans le cadre de la pathologie
inflammatoire. Sans étudier dans le détail physio-
pathologique le mécanisme moléculaire, c’est-à-dire
l’efficacité du médicament sur les symptômes de
la maladie concernée, on peut malgré tout étudier
précisément la diffusion tissulaire dans le cadre
d’une poussée inflammatoire, par exemple dans les
arthrites expérimentales.
Diffusion du certolizumab pégol dans
l’arthrite expérimentale murine
Le certolizumab pégol est un Fab’ anti-TNFα, c’est-
à-dire une immunoglobuline, sans portion Fc. Cette
molécule est couplée à du polyéthylène glycol (PEG),
un agent couramment utilisé en biochimie pour
stabiliser ou lier des molécules entre elles.
La capacité du Fab’ à se lier à sa cible peut être testée
in vitro par différentes méthodes (ELISA, compétition
cellulaire), et l’on observe alors qu’une pégylation
au hasard peut diminuer par 2 la liaison du Fab’ à
sa cible. Des études préliminaires sur la pégylation
en général ont démontré qu’elle ne diminuait pas
l’affinité du Fab’ (8). En effet, la constante d’affinité
d’un Fab’ pégylé donné est du même ordre que celle
d’une immunoglobuline, qu’elle soit humaine ou
murine (dans l’étude référencée, 132 pmol/l). Les
études par cristallographie permettent de déduire
qu’un Fab’ pégylé est une molécule hautement
flexible et asymétrique (9, 10).
En rendant différentes molécules fluorescentes, par
couplage à un traceur (par exemple l’Alexa Fluor®
680), on peut suivre la diffusion d’une molécule
dans un organisme sain ou développant des zones
inflammatoires. Ainsi, en ce qui concerne l’arth-
rite au collagène, des anti-TNF ont été injectés
en intraveineux chez des souris saines témoins et
des souris immunisées développant une arthrite
expérimentale (11). Le modèle retenu était celui
de l’arthrite au collagène de poulet. Nécessi-
tant d’injecter chez des souris males de la lignée
DBA-1 du collagène issu du sternum de poulets,
c’est un modèle conventionnel et reconnu d’AECs.
De jeunes souris mâles sont d’abord immunisées
avec le collagène préparé dans de l’adjuvant, puis
un rappel est effectué en adjuvant incomplet. Ce
modèle permet d’obtenir des arthrites, dans un
contexte immunitaire proche de celui de la PR,
c’est-à-dire avec des réponses T et B spécifiques
de l’antigène injecté très bien décrites. Dans ce
modèle, on sait également étudier avec précision la
réponse inflammatoire locale, à la fois cliniquement
(score d’arthrites) et histologiquement lorsque cela
est nécessaire. Dans l’étude citée, les auteurs ont
pris soin de peser et de répartir précisément les
animaux en fonction de leur poids, ce qui est un
prérequis indispensable à toute étude de pharma-
codynamie. Un autre prérequis est de répartir les
animaux arthritiques dans des groupes séparés aux
scores articulaires comparables avant l’injection de
produits marqués. Une fois la répartition en termes
de poids et de scores articulaires faite, les auteurs
ont injecté des anti-TNF couplés à un fluorochrome
de manière à observer la diffusion des produits, en
l’occurrence 3 anticorps monoclonaux, dont un
Tableau. Utilisations publiées dans les modèles animaux des biomédicaments autorisés dans
la polyarthrite rhumatoïde.
Cible Molécule Modèle Référence
Récepteur de l’IL-6 Tocilizumab Arthrite au collagène
du singe Kato et al., 2008
(4)
TNF Étanercept AECr Wooley et al., 1992
(5)
IL-1 Anakinra AECs Van den Berg, 2000
(6)
CTLA-4 Abatacept AECr et AECs Kliwinski et al., 2005
(7)
Seules sont citées les études ayant directement utilisé un biomédicament autorisé dans la PR ; les
études reposant sur l’injection d’un anticorps murin visant une molécule murine à mécanisme d’action
similaire (par exemple l’équivalent du tocilizumab dans l’AECs, ou encore un anticorps déplétant les
lymphocytes B de la souris très proche du rituximab) ne sont pas rapportées, car elle ne reposent pas
sur l’injection de la molécule utilisée chez l’homme.
TNF :
tumor necrosis factor
; CTLA-4 :
cytotoxic lymphocyte T associated molecule-4
.