COMMENTAIRES
Presque toutes les études utilisant la colorimétrie ou la lym-
phoscintigraphie comportent un taux de faux négatifs pouvant
atteindre jusqu’à 12 %, et il faut rappeler combien le résultat
est opérateur-dépendant. Dans les expériences rapportées ici,
la diminution du taux de faux négatifs a été obtenue en amélio-
rant la technique. L’association des deux méthodes permet
d’espérer obtenir de meilleurs résultats.
Récemment, une première synthèse de séries publiées a
retrouvé 6,2 % de faux négatifs sur un total de 1 198 patientes
(17). Il semble que ce taux de faux négatifs soit difficilement
compressible, et que, même avec une amélioration des tech-
niques, il se maintiendra aux alentours de 5 %.
Il est rappelé que la méthode est optimale pour des petites
tumeurs, sans aucun traitement préalable (ni chimiothérapie
néoadjuvante, ni biopsie-exérèse antérieure).
Par ailleurs, la biopsie du ganglion sentinelle permet de mettre
en évidence davantage de métastases ganglionnaires que le
curage classique, à volume tumoral égal, cela pouvant s’expli-
quer par des différences dans les méthodologies utilisées pour
l’analyse histopathologique du curage axillaire. Cette diffé-
rence prend probablement en compte la détection de micromé-
tastases qui passent parfois inaperçues lors d’une analyse stan-
dard. Cependant, la valeur pronostique des micrométastases est
encore controversée...
CONCLUSION
Si les résultats rapportés confirment la faisabilité de la tech-
nique à l’échelon multicentrique, il n’en demeure pas moins
que l’individualisation du ganglion sentinelle constitue une
voie de recherche. Cette méthode justifie une évaluation pros-
pective réalisée au sein d’équipes multidisciplinaires dans le
cadre d’essais cliniques contrôlés. En l’état actuel des données
de la littérature, il serait prématuré, voire délétère pour cer-
taines patientes, d’ériger cette technique au rang de nouveau
standard thérapeutique, en particulier en la réalisant isolément,
sans adjonction d’une lymphadénectomie axillaire classique
(étages I et II de Berg). Il convient enfin de rester très critique
à l’égard d’une littérature florissante et passionnée sur le sujet.
Concernant l’interprétation des résultats (sensibilité, valeur
prédictive négative), une attention particulière devra être por-
tée au mode de calcul des faux négatifs [à effectuer sur l’effec-
tif des patientes présentant un envahissement ganglionnaire
histologique et non sur celui des malades à ganglion(s) senti-
nelle(s) identifié(s)], potentiellement susceptibles d’être sous-
traités. Certains critères restent à déterminer pour que la tech-
nique soit optimale et reproductible :
– choix de la technique (colorant lymphotrope et/ou technique
isotopique),
– procédé d’injection dans les lésions infracliniques (T0),
– fiabilité de la procédure après chirurgie d’exérèse antérieure,
– intervalle entre la lymphoscintigraphie et la chirurgie radio-
guidée,
– nature du colloïde marqué optimal,
– définition des critères d’individualisation peropératoire du
ganglion sentinelle,
– techniques d’analyse histopathologique, place de l’examen
extemporané,
– conduite à tenir vis-à-vis des ganglions mammaires internes
visualisés.
Il est à présent indispensable d’œuvrer pour une standar-
disation des méthodes d’individualisation (chirurgicale et
isotopique) et d’étude anatomopathologique du ganglion sen-
tinelle dans les cancers du sein. Le développement de cette
technique est également subordonné à des critères de qualité
portant sur l’enseignement, la formation et l’évaluation des
équipes participantes, garantissant ainsi un apprentissage et
une pratique encadrée. Rien ne serait plus préjudiciable au
devenir de cette technique prometteuse que sa pratique mal
raisonnée et sa généralisation hâtive. ■
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DOSSIER THÉMATIQUE
18
La Lettre du Sénologue - n° 4 - avril 1999
Le but de la technique du ganglion sentinelle est d’éviter un évide-
ment axillaire aux patientes dont le ganglion sentinelle n’est pas
envahi. Elle ne pourra être fiable et utilisable en routine que lorsque
le taux des faux négatifs sera réduit au minimum (idéalement nul).