D O S S I E R Pièges de l’identification du ganglion sentinelle dans les tumeurs vulvaires de la ligne médiane Identification of sentinel lymph nodes in vulvars carcinomas ● C. Louis-Sylvestre*, F. Leonard*, E. Evangelista**, M. Meignan**, B.J. Paniel* L du ganglion sentinelle dans les cancers ‘ identification de la vulve est actuellement en cours d’évaluation. Lorsque la technique sera définitivement validée, sa pratique permettra d’éviter les curages inguinaux complets qui sont source de lymphœdème parfois invalidant. Les cancers médians de la vulve ont la particularité d’avoir un drainage inguinal potentiellement bilatéral et leur traitement inclut donc un curage bilatéral. Notre service est un centre de référence pour la pathologie vulvaire et nous traitons environ 20 patientes par an atteintes de cancer de la vulve. Dans le cadre d’une étude de faisabilité de l’identification du ganglion sentinelle, nous avons analysé les résultats de la recherche de ce ganglion dans les cancers de la ligne médiane. PATIENTES ET MÉTHODES Entre avril 2002 et février 2004, la recherche du ganglion sentinelle a été effectuée chez 17 patientes ayant une tumeur opérable médiane de la vulve avec une invasion supérieure à un millimètre. Ces patientes avaient donc une indication à une exérèse large de la tumeur vulvaire avec un curage inguinal bilatéral. Parmi ces 17 tumeurs, il y avait 8 T1 et 9 T2. La technique d’identification du sentinelle consistait en une injection préopératoire de radio isotopes (Nanocis® 30 Mbeq) la veille de l’intervention avec réalisation d’une lymphoscintigraphie, puis d’une identification peropératoire du ganglion sentinelle par sonde de détection isotopique. Dans certains cas, une injection préopératoire péritumorale de 2 ml de bleu patenté était associée de manière à procurer au chirurgien une aide visuelle. Dans tous les cas, un curage inguinal complet bilatéral a ensuite été réalisé (soit un total de 34 curages). Le ganglion sentinelle était adressé à part en anatomopathologie et examiné en technique standard (comme le reste du curage), mais également en immunohistochimie (anticorps anticytokératine AE1, AE3) pour la détection de micrométastases. RÉSULTATS Un ou des ganglions sentinelles ont été identifiés chez les 17 patientes et dans 21 des 34 curages. Dans cinq creux inguinaux, le ganglion sentinelle était métastatique. Il n’y a eu aucun faux négatif (ganglion sentinelle indemne et présence d’un ganglion métastatique dans le reste du curage). Chez 13 patientes, la lymphoscintigraphie puis la recherche peropératoire du sentinelle ont conclu à un drainage unilatéral. Chez trois de ces patientes, le * Service de gynécologie, centre hospitalier intercommunal, Créteil. ** Service de médecine nucléaire, hôpital Henri-Mondor, Créteil. La Lettre du Gynécologue - n° 303 - juin 2005 côté sans ganglion sentinelle identifié contenait en fait des ganglions entièrement métastatiques. Ces ganglions n’étaient pas palpables cliniquement. DISCUSSION Cette étude nous a permis de confirmer le bon taux d’identification du ganglion sentinelle déjà publié par d’autres équipes et l’absence de faux négatif (1-4). Le résultat le plus surprenant de notre étude est le nombre de patientes dont la tumeur, bien que médiane, semble se drainer unilatéralement à la lymphoscintigraphie et lors de la recherche du ganglion sentinelle en peropératoire (13 patientes sur 17). Il ne peut s’agir d’un problème technique lors de l’administration de l’isotope ou du bleu patenté puisque l’identification du sentinelle a été efficace dans l’autre creux. Il pourrait s’agir d’un drainage lymphatique réellement unilatéral et certaines équipes ont même commencé à suggérer que, dans un tel cas (tumeur médiane, drainage unilatéral à la lymphoscintigraphie), il pourrait être licite de ne réaliser l’exploration du creux inguinal que de ce côté-là. Néanmoins, notre étude montre que ce phénomène peut aussi être expliqué par une atteinte métastatique du ganglion sentinelle, telle que ni les isotopes ni le colorant n’arrivent à y pénétrer ce qui empêche de le localiser. Omettre le curage de ce côté aurait été désastreux chez ces trois patientes. CONCLUSION La recherche du ganglion sentinelle dans les cancers de la vulve est en cours de validation. Notre étude montre que pour les lésions vulvaires dont la localisation, sur ou à proximité de la ligne médiane, suppose un drainage inguinal bilatéral, l’identification d’un ganglion sentinelle unilatéral ne permet pas d’éliminer l’existence d’un drainage bilatéral. Lorsque la recherche du sentinelle entrera dans la pratique courante, il ne sera donc pas licite, pour les lésions médianes, de se dispenser du curage du côté sans ganglion sentinelle identifié. ■ R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. De Cicco C, Sideri M, Bartolomei M et al. Sentinel node biopsy in early vulvar cancer. Br J Cancer 2000;82(2):295-9. 2. De Hullu JA, Hollema H, Piers DA et al. Sentinel lymph node procedure is highly accurate in squamous cell carcinoma of the vulva. J Clin Oncol 2000;18: 2811-6. 3. Sliutz G, Reinthaller A, Lantzsch T et al. Lymphatic mapping of sentinel nodes in early vulvar cancer. Gynecol Oncol 2002;84:449-52. 4. Moore RG, DePasquale SE, Steinhoff MM et al. Sentinel node identification and the ability to detect metastastic tumor to inguinal lymph nodes in squamous cell cancer of the vulva. Gynecol Oncol 2003;89:475-9. 29