Un verbe à l’infinitif se prend en tant que nom, et il jouit alors d’une signification : par
exemple, «marcher» ; «être». Lorsque le verbe est conjugué, à sa signification comme
nom, s’ajoute une consignification du temps ; c’est cette consignification du temps qui
détermine la valeur de suppléance du nom (Note de logique 5 La simple appréhension III,
pp. 11-14). La valeur de suppléance d’un nom est déterminée par le verbe conjugué qui
l’accompagne dans une énonciation. Du point de vue de la suppléance, le temps se
divise en : temps passé, présent, futur, possible, ou imaginable (Note de logique 6, Le
jugement I, p. 10).
À propos du verbe «être», lorsqu’il est conjugué, Jacques Maritain distingue le verbe-
copule «est» et le verbe-prédicat «est» :
Dans une proposition telle que “Je suis.”, (...) que nous appellerons “à verbe-prédicat”, et
qui équivaut à “Je suis existant [étant].”, le verbe être exerce la fonction de copule (en tant
qu’il unit sujet ou prédicat) et celle de prédicat (en tant qu’il signifie l’existence [l’esse]
attribuée [unie ou jointe] à un sujet), en ne manifestant directement (in actu signato) que
cette dernière fonction. Dans une proposition telle que “Pierre est homme.”, proposition
que nous appellerons “à verbe-copule”, et dans laquelle le verbe être est suivi d’un
prédicat qu’il applique au sujet, il ne manifeste directement que sa fonction de copule. (...)
Le sens premier du verbe être est celui où la fonction copulative est, comme dans les
autres verbes, exercée sans être manifestée directement, et où l’existence [l’esse] est
attribuée [unie ou jointe] comme Prédicat au Sujet : “Je suis.”, “Hector n’est plus.”
(propositions à verbe-prédicat). De ce sens premier dérive le second sens du verbe être,
celui où il manifeste directement la fonction copulative : “Je suis malade.”, “Achille n’est pas
insensible.”, (propositions à verbe-copule).9
Remarquons bien ce qu’écrit J. Maritain :
a) «Dans une proposition telle que “Je suis.”, (...) que nous appellerons “à verbe-
prédicat”, (...) le verbe être exerce la fonction de copule (en tant qu’il unit sujet ou prédicat)
et celle de prédicat (en tant qu’il signifie l’existence [l’esse] attribuée [unie ou jointe] à un
sujet), en ne manifestant directement (in actu signato) que cette dernière fonction» ;
b) cependant, «dans une proposition telle que “Pierre est homme.”, proposition que nous
appellerons “à verbe-copule”, et dans laquelle le verbe être est suivi d’un prédicat qu’il
applique au sujet, il ne manifeste directement [in actu signato] que sa fonction de copule» ;
c) mais, du «sens premier», celui de «la fonction (...) de prédicat», «dérive le second»,
celui de «la fonction de copule», et ces deux «sens» sont présents en chaque occurrence
du verbe conjugué «est».
Dans ses Réfutations sophistiques, Aristote distingue la signicatio et la suppositio :
Le syllogisme est un raisonnement dans lequel, certaines prémisses étant posées, une
conclusion autre que ce qui a été posé en découle nécessairement, par le moyen des
prémisses posées ; la réfutation est un raisonnement avec contradiction de la conclusion.
Or cela, les Sophistes ne le font pas, mais ils paraissent seulement le faire, pour plusieurs
raisons : l’une de ces raisons, qui est la plus naturelle et la plus courante, est celle qui tient
aux noms donnés aux choses. En effet, puisqu’il n’est pas possible d’apporter dans la
discussion les choses elles-mêmes, mais qu’au lieu des choses nous devons nous servir de
9 Jacques Maritain, Éléments de philosophie II, L’ordre des concepts, Paris, 1966, Librairie P. Tequi, p. 65-
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