Fiabilité de la TEP-FDG pour évaluer le reliquat tumoral cervical et ganglionnaire

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DOSSIER
Quoi de neuf en onco-gynécologie ?
Fiabilité de la TEP-FDG pour
évaluer le reliquat tumoral
cervical et ganglionnaire
après radiochimiothérapie
concomitante dans les cancers
du col de l’utérus à un stade
localement avancé
Role of 2-[18F]-fluoro-2-deoxy-D-glucose (FDG) positron emission
tomography (PET) scan in the evaluation of cervical tumoral and
lymph node residual disease after concurrent chemoradiation therapy in patients with locally advanced cervical cancer
S. Motton*, P. Lèguevaque*, J. Jacquemier**, A. Tallet**, I. Brenot-Rossi**,
G. Houvenaeghel**
L
* Service de chirurgie générale et
gynécologique, CHU Rangueil,
avenue Jean-Poulhès, TSA 50032
31059 Toulouse Cedex 9.
** Service de chirurgie oncologique,
institut Paoli-Calmettes, Centre
de Lutte contre le Cancer, 13273
Marseille Cedex 9.
e cancer du col de l’utérus est le deuxième
cancer chez la femme à l’échelle mondiale
et la cause la plus fréquente de mortalité
par cancer chez la femme dans les pays industrialisés. En France, c’est le huitième cancer, avec une
incidence de 3 400 cas et 1 000 décès par an (1).
Les facteurs prédictifs de récidive sont :
– le stade de la maladie, selon la classification
de la Fédération internationale de gynécologie
obstétrique (FIGO). En effet, 43 % des cancers
diagnostiqués entre 1995 et 2002 étaient de stades
localement avancés (2) ;
– le statut ganglionnaire ;
– la réponse thérapeutique ou reliquat tumoral
après radiochimiothérapie concomitante. Nous
retrouvons dans la littérature actuelle un taux de
34 | La Lettre du Gynécologue • n° 354 - septembre 2010
50 % de reliquat tumoral cervical et un taux de 16 %
de reliquat ganglionnaire pelvien (3, 4).
La chirurgie de clôture n’est pas un standard
thérapeutique et la limite du résidu en place après
réponse clinique complète évaluée par l’examen
clinique et l’IRM pour décider de l’intérêt d’une
chirurgie de clôture n’est pas connue et n’est pas
validée.
La tomographie par émission de positron au
2-fluoro-2-deoxy-D-glucose (TEP-FDG) en
réévaluation postradiochimiothérapique pourrait
apporter une information pronostique et constituer
un outil décisionnel pour le traitement de clôture.
Le but de cette étude était de comparer les résultats de la TEP-FDG après radiochimiothérapie
concomitante à l’analyse anatomopathologique
Résumé
Mots-clés
Cette étude vise à évaluer la valeur prédictive d’une fixation métabolique de la TEP-FDG chez des patientes
opérées pour un cancer du col utérin à un stade avancé.
Cancer du col de l’utérus
TEP-FDG
Keywords
Cervical cancer
FDG-PET scan
réalisée après chirurgie de clôture dans les cancers
du col utérin à un stade localement avancé.
Tableau I. Prise en charge des patientes.
Étude prospective unicentrique
Critères d’inclusion – Cancer du col à un stade localement avancé : IB1 N+ pelvien, IIA > 4 cm, IB2, IIB, IIIA, IIIB, IVA – ASA 0, 1, 2
Évaluation préthérapeutique – Examen clinique sous anesthésie générale – IRM
– TEP-FDG
– Lymphadénectomie lombo-aortique
Traitement Radiochimiothérapie concomitante (RCC), curiethérapie et chirurgie de clôture
Évaluation de la réponse thérapeutique – TEP-FDG 4-6 semaines après RCC
– Analyse anatomopathologique
Matériel et méthode
Nous rapportons les résultats d’une étude prospective réalisée à l’institut Paoli-Calmettes de Marseille.
Vingt et une patiente avec diagnostic de cancer du
col utérin à un stade localement avancé, traitées
par radiochimiothérapie concomitante suivie d’une
curiethérapie et d’une chirurgie de clôture systématique ont été incluses entre août 2004 et janvier
2006. La TEP-FDG était réalisée 5 semaines après
la radiochimiothérapie concomitante. La prise en
charge est résumée dans le tableau I, et les données
épidémiologiques dans le tableau II.
Résultats
Figure. Fixation cervicale préthérapeutique et
disparition de cette fixation après radiochimiothérapie.
Lors de l’évaluation par TEP-FDG
en préthérapeutique, 100 % des Tableau II. Données épidémiologiques.
patientes présentaient une fixaPatientes (n)
21
tion métabolique en cervical.
Stade FIGO
IB1N+ 2 Dans 80 % des cas, cette fixaIB2 5 tion avait disparu après radioIIA > 4 cm 4 IIB 7 chimiothérapie, alors que la
IIIA 0 réponse anatomopathologique
IIIB 1 était complète dans seulement
IVA
2
45 % des cas (figure).
Âge moyen
52,7
La sensibilité et la spécificité de
Âge médian
48 (38-75)
la TEP-FDG dans l’évaluation du
Type Carcinome épidermoïde 18 résidu cervical tumoral après
histologique
Adénocarcinome
3
radiochimiothérapie étaient
Stade Lomboa-ortique 15 respectivement de 27,3 % et
ganglionnaire Pelvien 2 90 %. La valeur prédictive
initial
Aucun
4
positive (VPP) était de 75 %.
Type de CHR/CHE + CP + AB 19 Plus intéressants d’un point de
chirurgie
Pelvectomie + CP 1 vue clinique, la valeur prédic- CHR : colpo-hystérectomie radicale. CHE : colpo-hystétive négative (VPN) et le taux de rectomie élargie. CP : curage pelvien. AB : annexectomie faux négatifs étaient tous deux bilatérale. La Lettre du Gynécologue • n° 354 septembre 2010 |
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DOSSIER
Quoi de neuf en onco-gynécologie ?
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de 50 %. Dans les cas où la TEP-FDG ne mettait pas
en évidence de fixation métabolique mais où il existait un résidu tumoral sur le contrôle histologique
(75 % des patientes), ce résidu était inférieur à 10
mm, alors que chez les 3 patientes qui présentaient
une fixation métabolique sur la TEP-FDG et un résidu
tumoral anatomopathologique (100 % des cas), ce
dernier était supracentimétrique.
En distinguant deux groupes de patientes sur l’analyse anatomopathologique, avec un premier groupe
incluant les pièces opératoires sans résidu tumoral et
celles avec résidu infracentimétrique et un deuxième
groupe avec résidu tumoral supracentimétrique, la
VPN était de 80 % (IC95 : 44-97).
La spécificité de la TEP-FDG pour déterminer le résidu
tumoral ganglionnaire pelvien était de 100 %, la VPN
de 83,3 % et le taux de faux négatifs de 16,7 %.
La spécificité et la sensibilité du TEP-FDG pour le résidu
tumoral ganglionnaire lombo-aortique étaient de 100 %,
mais 1 patiente présentait un envahissement ganglionnaire lombo-aortique.
La sensibilité et la spécificité de la TEP-FDG pour
le résidu tumoral ganglionnaire, quelle que soit sa
localisation, étaient respectivement de 20 % et
100 %. La VPP et la VPN étaient respectivement
de 100 % et 90 %.
Enfin, la sensibilité et la spécificité de la TEP-FDG
pour chaque patiente, quelle que soit la localisation
du résidu tumoral, étaient respectivement de 30 %
et 87 % ; la VPP et la VPN de 80 % et 43 %, et le
taux de faux négatifs de 43 %.
Discussion
La TEP-FDG a longtemps été restreinte à la recherche
fondamentale ou à la recherche clinique. Actuellement, elle devient un examen accessible en routine
avec une utilisation indiquée en oncologie, en particulier pour les cancers broncho-pulmonaires et
les lymphomes. La TEP-FDG fait même l’objet de
nombreuses études dans les cancers gynécologiques
et mammaires (5, 6). Dans les standards, options
et recommandations (SOR), c’est une option dans
le bilan de l’extension ganglionnaire en préthérapeutique, mais aussi dans le bilan des métastases à
distance (5, 7). La TEP-FDG fait aussi partie des SOR
lors d’une suspicion de récidive et dans le bilan de
surveillance post-thérapeutique.
En ce qui concerne l’évaluation de la réponse théra-
36 | La Lettre du Gynécologue • n° 354 - septembre 2010 peutique après radiochimiothérapie concomitante, la
plupart des travaux et les plus grosses séries émanent
de l’équipe de la Washington University de SaintLouis (Missouri, États-Unis).
Grigsby et al. s’intéressent depuis près de 10 ans à la
place de la TEP-FDG dans le traitement des cancers
du col. Ils ont montré que la TEP, réalisée à 3 mois
de la fin du traitement par radiochimiothérapie
concomitante, avait une valeur pronostique très
importante chez des patientes non opérées.
En effet, la réponse métabolique (déterminée en
comparant la TEP au FDG préthérapeutique à celle
réalisée à 3 mois de la fin du traitement) est corrélée
de manière statistiquement significative à la survie
sans récidive et à la survie globale (8, 10, 11).
Une étude prospective récente portant sur 92
patientes a évalué la réponse thérapeutique après
radiochimiothérapie par la TEP-FDG et a classé les
patientes en trois groupes : réponse métabolique
complète, réponse métabolique partielle et maladie
métabolique progressive.
Les taux de survie sans progression à 3 ans étaient
respectivement de 78 %, 33 % et 0 % (9). La même étude
observe une survie prolongée à 50 mois chez 8 patientes
en réponse métabolique partielle chez lesquelles a été
réalisée une chirurgie de rattrapage fondée sur les résultats de la TEP-FDG post-thérapeutique.
Le but de notre étude pilote, menée sur une série de 21
patientes dont 5 présentaient un résidu métabolique
après radiochimiothérapie sur la TEP-FDG (réponse
métabolique partielle), était d’estimer la valeur
prédictive d’une fixation métabolique de la TEP-FDG
après radiochimiothérapie sur le résidu anatomopathologique à partir des pièces opératoires chez des
patientes systématiquement opérées. Nous avons
montré que la VPN n’était que de 50 %, la TEP ne
montrant pas de réponses métaboliques dans les
résidus tumoraux infracentimétriques à l’examen
anatomopathologique. Or, ces patientes sont considérées comme bonnes répondeuses aux traitements
par les centres ne réalisant pas de chirurgie de clôture
systématique. La TEP-FDG semble donc constituer
un outil potentiel pour la détection précoce des
patientes mauvaises répondeuses pouvant bénéficier
d’un traitement de rattrapage. Une étude prospective
évaluant un traitement de clôture chez les patientes
en réponse métabolique complète après radiochimiothérapie concomitante pourrait permettre de
surseoir à la chirurgie adjuvante dans les cas ne
présentant aucune fixation métabolique.
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