DOSSIER Innovations en onco-gynécologie Faut-il étendre la lymphadénectomie para-aortique au-dessus de l'artère mésentérique inférieure en cas de cancer du col localement avancé ? Should paraaortic dissection be systematically extended above the mesenteric artery in locally advanced cervix cancer patients with negative preoperative PET scan? B. Merlot*, F. Narducci*, G. Ferron**, A. Martinez**, S. Gouy***, P. Morice***, D. Querleu**, E. Leblanc* L * Centre Oscar-Lambret, Lille. ** Centre Claudius-Regaud, Toulouse. *** Institut Gustave-Roussy, Villejuif es cancers du col localement avancés (CCLA) sont définis par une taille supérieure à 4 cm (à partir du stade IB2 dans la classification FIGO 2009). Leur traitement initial repose en France sur une radio-chimiothérapie concomitante (1) dont l’étendue des champs dépend du statut ganglionnaire lomboaortique. Le but final est une efficacité thérapeutique avec un minimum de morbidité. Le taux d’envahissement ganglionnaire se situe dans cette pathologie, et entre 15 et 30 % des patientes selon les études (2). Il est admis que l’atteinte ganglionnaire dans les carcinomes du col s’effectue de proche en proche des ganglions pelviens vers les ganglions lomboaortiques puis, au-delà, vers les sus-claviculaires. La présence de métastases ganglionnaires représente d’ailleurs à elle seule un facteur pronostique péjoratif (3) qui croît avec le niveau en hauteur de l’atteinte (4). Depuis quelques années, la tomographie par émission de positons couplée au scanner (PET scan) peut détecter la plupart des envahissements ganglionnaires, ce qui permet de surseoir à un geste invasif. Le taux de faux négatifs de cet examen (8 à 13 %) [5] reste néanmoins trop élevé pour se passer d’une stadifi- cation chirurgicale en cas de PET scan négatif. Le curage lomboaortique garde donc toute sa place dans ce cas. L’avènement de la cœlioscopie, en particulier la voie extrapéritonéale, a permis de diminuer la morbidité liée aux adhérences digestives induites par une laparotomie, réduisant ainsi le délai nécessaire entre geste chirurgical et début de radiothérapie (6). Si quelques équipes (7-9) limitent le curage à la zone sous-mésentérique, l’attitude générale en France, notamment dans les centres anticancéreux, se fondant sur les résultats d’une étude monocentrique française (2) et quelques publications de récidives isolées à ce niveau, est d’étendre la lymphadénectomie jusqu’à la veine rénale gauche. Or, la dissection de cette zone sus-mésentérique représente souvent le temps opératoire le plus difficile de l’intervention, notamment en raison des dangers vasculaires de cette région. Ce geste est donc souvent réservé à des équipes entraînées et expérimentées. Nous avons voulu vérifier par une étude multicentrique prospective la réalité de l’atteinte isolée sus-mésentérique en l’absence d’atteinte sousmésentérique. 18 | La Lettre du Gynécologue • n° 364 - septembre 2011 LG 2011-09.indd 18 12/09/11 11:26 Points forts Mots-clés »» L’incidence des métastases isolée au-dessus du niveau de l’artère mésentérique semble un événement rare. »» La morbidité, en particulier lymphatique, des lymphadénectomies para-aortiques n’est pas nulle, et, comme ailleurs, croît avec l’étendue de dissection. »» En cas d’atteinte sous l’artère mésentérique, une irradiation étendue jusqu’en T12-L1 est de toute façon maintenue. Cancer du col localement avancé Métastases Artère mésentérique Matériels et méthodes Il s’agit d’une étude prospective multicentrique menée entre février 2007 et mai 2010. Les patientes étaient toutes atteintes d’un cancer du col de taille supérieure à 4 cm. Seules ont été incluses dans l’étude les patientes dont le bilan préthérapeutique effectué par PET scan ne retrouvait pas d’atteinte ganglionnaire lomboaortique et celles qui ont subi une lymphadénectomie para-aortique. Elles ont toutes bénéficié d’une cœlioscopie diagnostique première afin d’éliminer une carcinose péritonéale. Puis, dans le même temps opératoire, une lymphadénectomie para-aortique a été réalisée par laparoscopie extrapéritonéale. Ce curage respectait les limites anatomiques habituelles, en haut la veine rénale gauche, latéralement les 2 uretères, et en bas les bifurcations iliaques communes. Ainsi, les ganglions des zones présacrées, iliaques communes, latéro-cave, inter-aortico-cave et latéroaortique ont été réséqués. Mais on a extrait séparément les groupes situés au-dessous et au-dessus de l’origine de l’artère mésentérique inférieure. Ces ganglions ont aussi été remis et analysés de façon distincte en anatomopathologie. Résultats Quatre-vingt-quatre patientes provenant de 3 centres anticancéreux (centre Oscar-Lambret, Lille, institut Gustave-Roussy, Villejuif, centre ClaudiusRegaud, Toulouse) ont été incluses dans l’étude. En moyenne, l’âge était de 47,5 ans, l’indice de masse corporelle (IMC) de 24,6 kg par m2, et le diamètre maximal de la tumeur de 5,7 cm. Parmi les patientes, 51,2 % étaient atteintes d’une tumeur classée IB2, 21,4 % d’une tumeur IIB, 10,7 % d’une tumeur IIIA et 16,7 % d’une tumeur IIIB. Aucune complication majeure per- ou postopératoire n’est survenue. Une seule procédure a nécessité une conversion en voie transpéritonéale en raison d’un pneumopéritoine majeur. Vingt-deux patientes (26,2 %) présentaient un envahissement ganglionnaire lomboaortique (occulte en TEP), 8 étaient aussi métastatiques en sus-mésentérique. Un seul (1,2 %) envahissement sus-mésentérique isolé a été retrouvé. Discussion La réalisation d’un PET scan dans le bilan initial des cancers du col de plus de 4 cm permet de dépister la plupart des métastases ganglionnaires, sa réalisation est d’ailleurs recommandée par l’Institut national de cancer (INCa). De nombreuses études (5) montrent néanmoins un taux de faux négatifs allant de 8 à 13 %. Notre série retrouve 26,1 % d’envahissement ganglionnaire histologique chez ces patientes ayant bénéficié d’un PET scan qui s’était révélé négatif. La fréquence de l’atteinte para-aortique occulte justifie donc de continuer à procéder systématiquement à un stade chirurgical dans ces cas. Michel et al. (2) avaient étudié la répartition des métastases ganglionnaires dans cette pathologie. L’espace anatomique le plus informatif était la zone latéro-aortique, puisque, en cas de statut ganglionnaire positif, celle-ci était envahie dans 72 % des cas. Cette série retrouvait un envahissement susmésentérique isolé dans 2 % des cas. Notre série retrouve un taux de saut ganglionnaire moins élevé, uniquement 1 seul cas (1,2 %). La réalisation au préalable d’un PET scan systématique dans notre étude, ce qui n’était pas possible durant l’étude de Michel et al. (2), a probablement pu entraîner une présélection des patientes qui peut expliquer en partie cette différence. De nombreux opérateurs avertis dans ce type d’acte chirurgical décrivent cet espace sus-mésentérique comme délicat à aborder. En effet, de nombreuses structures vasculaires importantes (veine et artère rénales gauches, tronc azygo-lombaire, veine gonadique gauche) y cheminent avec leur part de variations anatomiques. Cette zone contient également souvent des canaux lymphatiques de gros calibre dont la section participe probablement à la survenue d’une éventuelle lymphocèle. Nos résultats démontrent donc le faible rendement diagnostique à réséquer cette zone. Compte tenu des risques, notamment vasculaires, et de la difficulté de dissection de cette zone et du faible rapport informatif sur le statut ganglionnaire lombo- Highlights – The occurrence of metastasis located above the level of the mesenteric artery appears to be a rare event. – Morbidity, particularly lymphatic, associated with para-aortic lymphadenectomies cannot be excluded; as is the case in other contexts, its degree depends on the extent of the dissection. – When tumors are located below the mesenteric artery, a radiation protocol extending to T12-L1 is maintained in any event. Keywords Locally advanced cervix cancer Metastatic disease Mesenteric artery La Lettre du Gynécologue • n°364 - septembre 2011 | 19 LG 2011-09.indd 19 12/09/11 11:26 DOSSIER Innovations en onco-gynécologie aortique, il ne nous paraît plus licite de recommander une dissection infrarénale systématique. Une discussion fondée sur les éventuelles difficultés opératoires prévisibles (antécédents opératoires, patientes obèses, etc.) nous semble alors plus adaptée pour définir la limite supérieure du curage. Afin de confirmer ces premiers résultats, une étude prospective multicentrique randomisée (curage infrarénal versus inframésentérique seul) sur une cohorte de patientes de plus grande dimension serait souhaitable afin de préciser la prévalence de l’atteinte sus-mésentérique isolée mais aussi la morbidité selon l’étendue du curage. Ce résultat permettrait de se faire une idée plus claire du rapport bénéfice/risque immédiat réel d’une telle investigation. ■ Références bibliographiques 1. Chemoradiotherapy for Cervical Cancer Meta-Analysis Collaboration. Reducing uncertainties about the effects of chemoradiotherapy for cervical cancer: a systematic review and meta-analysis of individual patient data from 18 randomized trials. J Clin Oncol 2008;26:5802-12. 2. Michel G, Morice P, Castaigne D, Leblanc M, Rey A, Duvillard P. Lymphatic spread in stage Ib and II cervical carcinoma: anatomy and surgical implications. Obstet Gynecol 1998;91:360-3. 3. Delpech Y, Haie-Meder C, Rey A et al. Para-aortic involvement and interest of para-aortic lymphadenectomy after chemoradiation therapy in patients with stage IB2 and II cervical carcinoma radiologically confined to the pelvic cavity. Ann Surg Oncol 2007;14:3223-31. 4. Narayan K, Fisher RJ, Bernshaw D, Shakher R, Hicks RJ. Patterns of failure and prognostic factor analyses in locally advanced cervical cancer patients staged by positron emission tomography and treated with curative intent. Int J Gynecol Cancer 2009;19:912-8. 5. Boughanim M, Leboulleux S, Rey A et al. Histologic results of para-aortic lymphadenectomy in patients treated for stage IB2/II cervical cancer with negative [18F]fluorodeoxyglucose positron emission tomography scans in the para-aortic area. J Clin Oncol 2008;26:2558-61. 6. 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Robotics versus laparoscopic radical hysterectomy with lymphadenectomy in patients with early cervical cancer: a multicenter study. Ann Surg Oncol 2011 Mar 11. edimark edimark edimark Dr Rémy SALMON Dr Florence LEREBOURS Débats d’experts… Reportages en régions… Comptes-rendus de congrès… Émissions présentées par le Dr Alain Ducardonnet Edimark.tv vous propose un autre regard sur votre spécialité * Inscription immédiate et gratuite résevée aux professionnels de santé. Sous l’égide de Directeur de la publication : Claudie Damour-Terrasson Rédacteur en chef : Pr Jean-François Morère LG 2011-09.indd 20 Avec le soutien institutionnel de 12/09/11 11:26