Faut-il étendre la lympha- dénectomie para-aortique au-dessus de l'artère mésentérique inférieure

18 | La Lettre du Gynécologue 364 - septembre 2011
DOSSIER Innovations en onco-gynécologie
L
es cancers du col localement avancés (CCLA)
sont définis par une taille supérieure à 4 cm
(à partir du stade IB2 dans la classification
FIGO 2009). Leur traitement initial repose en France
sur une radio-chimiothérapie concomitante (1) dont
l’étendue des champs dépend du statut ganglion-
naire lomboaortique. Le but final est une efficacité
thérapeutique avec un minimum de morbidité.
Le taux d’envahissement ganglionnaire se situe dans
cette pathologie, et entre 15 et 30 % des patientes
selon les études (2). Il est admis que l’atteinte
ganglionnaire dans les carcinomes du col s’effectue
de proche en proche des ganglions pelviens vers
les ganglions lomboaortiques puis, au-delà, vers
les sus-claviculaires. La présence de métastases
ganglionnaires représente d’ailleurs à elle seule un
facteur pronostique péjoratif (3) qui croît avec le
niveau en hauteur de l’atteinte (4).
Depuis quelques années, la tomographie par émis-
sion de positons couplée au scanner (PET scan) peut
détecter la plupart des envahissements ganglion-
naires, ce qui permet de surseoir à un geste invasif.
Le taux de faux négatifs de cet examen (8 à 13 %) [5]
reste néanmoins trop élevé pour se passer d’une stadifi-
cation chirurgicale en cas de PET scan négatif. Le curage
lomboaortique garde donc toute sa place dans ce cas.
L’avènement de la cœlioscopie, en particulier la voie
extrapéritonéale, a permis de diminuer la morbidité
liée aux adhérences digestives induites par une lapa-
rotomie, réduisant ainsi le délai nécessaire entre
geste chirurgical et début de radiothérapie (6).
Si quelques équipes (7-9) limitent le curage à la zone
sous-mésentérique, l’attitude générale en France,
notamment dans les centres anticancéreux, se
fondant sur les résultats d’une étude monocentrique
française (2) et quelques publications de récidives
isolées à ce niveau, est d’étendre la lymphadénec-
tomie jusqu’à la veine rénale gauche. Or, la dissection
de cette zone sus-mésentérique représente souvent
le temps opératoire le plus difficile de l’intervention,
notamment en raison des dangers vasculaires de
cette région. Ce geste est donc souvent réservé à
des équipes entraînées et expérimentées.
Nous avons voulu vérifier par une étude multi-
centrique prospective la réalité de l’atteinte isolée
sus-mésentérique en l’absence d’atteinte sous-
mésentérique.
Faut-il étendre la lympha-
dénectomie para-aortique
au-dessus de l'artère
mésentérique inférieure
en cas de cancer du col
localement avancé ?
Should paraaortic dissection be systematically extended
above the mesenteric artery in locally advanced cervix
cancer patients with negative preoperative PET scan?
B. Merlot*, F. Narducci*, G. Ferron**, A. Martinez**, S. Gouy***, P. Morice***,
D. Querleu**, E. Leblanc*
* Centre Oscar-Lambret, Lille.
** Centre Claudius-Regaud, Toulouse.
*** Institut Gustave-Roussy, Villejuif
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La Lettre du Gynécologue n°364 - septembre 2011 | 19
Points forts
Matériels et méthodes
Il s’agit d’une étude prospective multicentrique
menée entre février 2007 et mai 2010.
Les patientes étaient toutes atteintes d’un cancer
du col de taille supérieure à 4 cm. Seules ont été
incluses dans l’étude les patientes dont le bilan
préthérapeutique effectué par PET scan ne retrouvait
pas d’atteinte ganglionnaire lomboaortique et celles
qui ont subi une lymphadénectomie para-aortique.
Elles ont toutes bénéficié d’une cœlioscopie diagnos-
tique première afin d’éliminer une carcinose péri-
tonéale. Puis, dans le même temps opératoire, une
lymphadénectomie para-aortique a été réalisée par
laparoscopie extrapéritonéale.
Ce curage respectait les limites anatomiques habi-
tuelles, en haut la veine rénale gauche, latéralement
les 2 uretères, et en bas les bifurcations iliaques
communes.
Ainsi, les ganglions des zones présacrées, iliaques
communes, latéro-cave, inter-aortico-cave et latéro-
aortique ont été réséqués. Mais on a extrait sépa-
rément les groupes situés au-dessous et au-dessus
de l’origine de l’artère mésentérique inférieure. Ces
ganglions ont aussi été remis et analysés de façon
distincte en anatomopathologie.
Résultats
Quatre-vingt-quatre patientes provenant de
3 centres anticancéreux (centre Oscar-Lambret, Lille,
institut Gustave-Roussy, Villejuif, centre Claudius-
Regaud, Toulouse) ont été incluses dans l’étude. En
moyenne, l’âge était de 47,5 ans, l’indice de masse
corporelle (IMC) de 24,6 kg par m2, et le diamètre
maximal de la tumeur de 5,7 cm.
Parmi les patientes, 51,2 % étaient atteintes d’une
tumeur classée IB2, 21,4 % d’une tumeur IIB, 10,7 %
d’une tumeur IIIA et 16,7 % d’une tumeur IIIB.
Aucune complication majeure per- ou postopératoire
n’est survenue. Une seule procédure a nécessité une
conversion en voie transpéritonéale en raison d’un
pneumopéritoine majeur.
Vingt-deux patientes (26,2 %) présentaient un envahis-
sement ganglionnaire lomboaortique (occulte en TEP),
8 étaient aussi métastatiques en sus-mésentérique.
Un seul (1,2 %) envahissement sus-mésentérique
isolé a été retrouvé.
Discussion
La réalisation d’un PET scan dans le bilan initial des
cancers du col de plus de 4 cm permet de dépister la
plupart des métastases ganglionnaires, sa réalisation
est d’ailleurs recommandée par l’Institut national de
cancer (INCa). De nombreuses études (5) montrent
néanmoins un taux de faux négatifs allant de 8 à
13 %. Notre série retrouve 26,1 % d’envahissement
ganglionnaire histologique chez ces patientes ayant
bénéficié d’un PET scan qui s’était révélé négatif. La
fréquence de l’atteinte para-aortique occulte justifie
donc de continuer à procéder systématiquement à
un stade chirurgical dans ces cas.
Michel et al. (2) avaient étudié la répartition des
métastases ganglionnaires dans cette pathologie.
Lespace anatomique le plus informatif était la zone
latéro-aortique, puisque, en cas de statut ganglion-
naire positif, celle-ci était envahie dans 72 % des
cas. Cette série retrouvait un envahissement sus-
mésentérique isolé dans 2 % des cas.
Notre série retrouve un taux de saut ganglionnaire
moins élevé, uniquement 1 seul cas (1,2 %). La réali-
sation au préalable d’un PET scan systématique dans
notre étude, ce qui n’était pas possible durant l’étude
de Michel et al. (2), a probablement pu entraîner
une présélection des patientes qui peut expliquer
en partie cette différence.
De nombreux opérateurs avertis dans ce type d’acte
chirurgical décrivent cet espace sus-mésentérique
comme délicat à aborder. En effet, de nombreuses
structures vasculaires importantes (veine et artère
rénales gauches, tronc azygo-lombaire, veine gona-
dique gauche) y cheminent avec leur part de varia-
tions anatomiques. Cette zone contient également
souvent des canaux lymphatiques de gros calibre
dont la section participe probablement à la survenue
d’une éventuelle lymphocèle.
Nos résultats démontrent donc le faible rendement
diagnostique à réséquer cette zone.
Compte tenu des risques, notamment vasculaires, et
de la difficulté de dissection de cette zone et du faible
rapport informatif sur le statut ganglionnaire lombo-
Mots-clés
Cancer du col
localement avancé
Métastases
Artère mésentérique
Highlights
The occurrence of metastasis
located above the level of the
mesenteric artery appears to
be a rare event.
– Morbidity, particularly
lymphatic, associated with
para-aortic lymphadenecto-
mies cannot be excluded; as is
the case in other contexts, its
degree depends on the extent
of the dissection.
When tumors are located
below the mesenteric artery, a
radiation protocol extending
to T12-L1 is maintained in any
event.
Keywords
Locally advanced cervix
cancer
Metastatic disease
Mesenteric artery
»L’incidence des métastases isolée au-dessus du niveau de l’artère mésentérique semble un événe-
ment rare.
»
La morbidité, en particulier lymphatique, des lymphadénectomies para-aortiques n’est pas nulle,
et, comme ailleurs, croît avec l’étendue de dissection.
»En cas d’atteinte sous l’artère mésentérique, une irradiation étendue jusqu’en T12-L1 est de toute
façon maintenue.
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DOSSIER Innovations en onco-gynécologie
aortique, il ne nous paraît plus licite de recommander
une dissection infrarénale systématique. Une discus-
sion fondée sur les éventuelles difficultés opéra-
toires prévisibles (antécédents opératoires, patientes
obèses, etc.) nous semble alors plus adaptée pour
définir la limite supérieure du curage.
Afin de confirmer ces premiers résultats, une étude
prospective multicentrique randomisée (curage
infrarénal versus inframésentérique seul) sur une
cohorte de patientes de plus grande dimension
serait souhaitable afin de préciser la prévalence
de l’atteinte sus-mésentérique isolée mais aussi
la morbidité selon l’étendue du curage. Ce résultat
permettrait de se faire une idée plus claire du rapport
bénéfice/risque immédiat réel d’une telle investiga-
tion.
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