Intérêt de la TEP-FDG dans les cancers de l`ovaire

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Intérêt de la TEP-FDG dans les cancers
de l’ovaire
T. Mognetti et F. Giammarile
Introduction
La TEP-FDG (Tomographie par Émission de Positons après injection de 18FFluoro-2-Déoxy-Glucose) est un des examens d’imagerie les plus récemment
mis à disposition des cliniciens.
Il s’agit d’un examen scintigraphique, qui consiste donc, comme toute scintigraphie, à injecter un traceur (en l’occurrence le FDG), à le laisser circuler
dans l’organisme pendant le temps nécessaire à sa métabolisation, puis à dresser
une cartographie de ses zones d’accumulation et, enfin, à en tirer des conclusions sur le fonctionnement de l’organisme. Chaque traceur a sa distribution
physiologique spécifique et ses variations pathologiques.
Il se distingue des examens conventionnels de médecine nucléaire par le
type de rayonnements émis par le radionucléide (β+ au lieu de γ), ce qui
impose le recours à des appareils de détection spécifiques, les caméras TEP,
encore peu répandues en France (75 caméras projetées pour 2005).
En outre, les caméras TEP les plus récentes sont couplées à un scanner
TDM classique, ce qui permet la fusion des images de la modalité scintigraphique et de la modalité radiologique, pour profiter à la fois de l’information
métabolique de l’une et de la précision anatomique de l’autre. Il est à noter
que, pour des raisons qui sortent du cadre de cet exposé, ces examens sont
réalisés le plus souvent sans injection de produit de contraste iodé et ne
peuvent donc pas remplacer l’examen TDM classique dans les situations où
l’injection de produit de contraste est indispensable.
Le FDG est le premier et, à ce jour, le seul traceur émetteur de positons
disposant d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) en France, ce qui
explique que l’on assimile souvent TEP et FDG, alors que le premier désigne
une technologie et le second un traceur exploitant cette technologie. Dans un
avenir relativement proche, de nouveaux traceurs émetteurs de positons
verront sans doute le jour. Afin d’éviter toute confusion, nous désignerons
l’examen par son traceur (« scintigraphie au FDG » ou « TEP-FDG ») plutôt
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que de parler seulement de « TEP ». De la même façon, ce chapitre traite de
l’intérêt de la scintigraphie au FDG et non de l’intérêt de la TEP en général.
Le FDG est un analogue du glucose, qui s’en distingue seulement par la
substitution du radical -OH en position 2 par un isotope du fluor. Cette dénaturation chimique, si elle lui permet bien de diffuser librement dans les cellules
et de subir la première étape du métabolisme glucidique, lui interdit en
revanche aussi bien de suivre les étapes ultérieures du métabolisme glucidique
que de ressortir des cellules. Il s’accumule donc dans toutes les cellules de l’organisme, de façon proportionnelle à leur consommation de glucose, par un
mécanisme d’impasse métabolique. C’est tout le paradoxe de ce traceur qui,
tout en étant parfaitement ubiquitaire, permet de repérer les cellules tumorales
grâce à leur métabolisme habituellement très supérieur à celui des cellules
saines. Ce mécanisme explique aussi les faux positifs liés à des foyers inflammatoires ou infectieux et les faux négatifs liés à des tumeurs d’évolution lente,
un traitement anti-tumoral trop récent ou encore des perturbations du métabolisme glucidique.
Méthodologie et réalisation de l’examen
L’accès à l’examen se fait après concertation entre le clinicien demandeur et le
médecin nucléaire qui réalisera l’examen, afin de valider la pertinence de la
demande, l’adéquation entre le bénéfice attendu et les indications de l’examen.
La réalisation de la scintigraphie au FDG est soumise à trois types de
contraintes :
– celles des traceurs émetteurs de positons en général (demi-vie courte, environ
deux heures pour le 18F, coût, approvisionnement en flux tendu donc soumis
à des aléas logistiques) ;
– celles spécifiques du FDG (interférence possible des perturbations du métabolisme glucidique, tout particulièrement dans les situations d’hyperinsulinisme) ;
– celles de la caméra TEP (difficulté d’accès à l’examen, risque de panne d’un
matériel de haute technologie donc très sensible).
En pratique, le patient doit se présenter à jeun de six heures (seules les boissons non sucrées sont autorisées, mais thé et café sont déconseillés pour limiter
les manifestations du stress). La grande majorité des traitements médicamenteux est compatible avec cette scintigraphie. Il faut toutefois prendre des
précautions en cas de traitement interférant avec le métabolisme du glucose,
donc tout particulièrement les traitements du diabète. Dans ce cas, il n’y a alors
pas d’attitude systématique et il faudra discuter au cas par cas avec le médecin
nucléaire.
Comme pour tous les examens d’imagerie, le patient doit se munir de ses
examens les plus récents, particulièrement des examens TEP, TDM ou IRM, et
si possible de son dossier clinique complet. Un entretien médical préalable à
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l’examen permet de vérifier le respect du jeûne, de rechercher des sources
possibles de faux positifs ou faux négatifs, de dépister une claustrophobie, d’expliquer le déroulement de l’examen, de réaliser l’information sur les
rayonnements ionisants. Le risque de grossesse doit être écarté (mais c’est une
préoccupation assez théorique dans les cancers ovariens !). Enfin, la plupart des
centres ne fournissent aucun résultat immédiat car les temps de traitement
informatique et d’interprétation sont souvent longs. Le patient doit absolument en être avisé avant l’examen. Les résultats sont transmis au médecin
demandeur sous vingt-quatre heures.
Une période de repos allongé est observée 15-20 minutes avant injection IV
du FDG et 60 minutes après. Ce produit est totalement dénué d’effet pharmacologique et ne produit aucune sensation désagréable. Comme l’objectif est
de permettre au patient de se détendre, d’éviter les sollicitations musculaires
source de faux positifs, il n’est pas possible de lire ou de se déplacer pendant ce
temps-là, mais il est envisageable d’utiliser un baladeur musical. Après cette
période d’attente et après une miction, l’examen dure environ 40-45 minutes.
La caméra se présente extérieurement comme un gros scanner. Elle ne produit
guère que le bruit des ventilateurs de refroidissement et ne cause aucune sensation perceptible.
Indications
Le travail de synthèse le plus systématique et le plus complet concernant les
indications de la TEP-FDG dans le cancer de l’ovaire a été réalisé par la
Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer en 2002 et mis à jour
en novembre 2003 (1). Il est basé sur l’étude de la littérature internationale. Il
nous servira donc de base et nous le compléterons des données publiées depuis
ce rapport.
Diagnostic initial et bilan d’extension
Les techniques d’imagerie conventionnelle ne sont pas suffisamment sensibles
et spécifiques pour effectuer le diagnostic de cancer de l’ovaire et le bilan d’extension tumorale.
Dans les études qui ont servi de support à l’établissement des SOR, la sensibilité de la TEP-FDG variait de 55 à 100 %, la spécificité de 50 à 100 %, la
valeur prédictive positive de 80 à 100 % et la valeur prédictive négative de 17
à 100 %. Ces valeurs très disparates s’expliquent notamment par la forte incidence de la carcinose péritonéale, dont les granulations microscopiques ne sont
détectées que dans 7 cas sur 16 (sensibilité 44 %) (2). Ainsi, la scintigraphie au
FDG ne présente à ce jour pas d’intérêt pour le diagnostic initial ou le bilan
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d’extension des cancers ovariens. L’immuno-scintigraphie pourrait constituer
une piste pour améliorer cette sensibilité (3).
Cependant, une étude récente et modeste (15 patientes) suggère que l’ajout
de la TEP-FDG au bilan d’extension initial par TDM fait passer la sensibilité
de 46 à 68 %, la spécificité de 90 à 92 %, la corrélation avec le stade chirurgical
de 53 à 87 % (4). Cette étude mérite d’être confortée par une autre plus significative.
Évaluation de la réponse thérapeutique
La chirurgie de deuxième regard est la méthode de référence dans l’évaluation
de la réponse au traitement initial et pour la recherche de maladie résiduelle.
Deux études prospectives récentes ont évalué l’apport de la scintigraphie au
FDG dans cette indication par rapport à la chirurgie.
La première (5), portant sur 55 patientes qui ont été évaluées par l’une seule
des deux méthodes, a montré que la TEP-FDG et la chirurgie de second regard
avaient des valeurs pronostiques similaires après chirurgie et chimiothérapie
adjuvante, au point de proposer de substituer la TEP-FDG à la chirurgie
(30 malades ont bénéficié d'un « second look » et 25 d'une TEP-FDG, la
survie sans récidive n'est pas significativement différente entre les deux
groupes, respectivement 40,5 +/- 11,6 mois, et 48,6 +/- 12,1 mois).
La seconde (6), portant sur 31 patientes évaluées par les deux méthodes, a
montré une bonne corrélation entre les données histologiques et TEP-FDG,
avec notamment une sensibilité de 78 %, une spécificité de 75 % et une valeur
prédictive positive de 89 %. Toujours selon cette étude, toutes les lésions non
vues correspondaient à des lésions de moins de 5 mm, ce qui semble bien
constituer le seuil de détection de la TEP-FDG. Des lésions pathologiques
peuvent être mises en évidence même lorsque le CA-125 est normal, mais
l’étude n’a pas approfondi ce point.
Si des études similaires (réalisées sur des échantillons comparables ou supérieurs) venaient conforter ces résultats, il s’agirait probablement d’une
évolution stratégique significative pour la prise en charge de ce cancer.
En revanche, il n’y a pas actuellement d’utilité de la TEP-FDG dans l’évaluation de la réponse au traitement au-delà du traitement initial, en dehors
d’études prospectives.
Recherche de récidive
Plusieurs études, mais portant sur de petits effectifs, ont montré la supériorité
en terme de sensibilité et de spécificité de la scintigraphie au FDG par rapport
à l’imagerie conventionnelle (7-9). La sensibilité semble également augmenter
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lorsque le taux de CA-125 est élevé (10), mais l’analyse de la littérature ne
permet pas de retenir de seuil du CA-125 justifiant le recours à la TEP-FDG.
L’intérêt de la TEP-FDG pour le diagnostic de récidive locale ou métastatique semble ainsi validé par ses performances supérieures à celles de l’imagerie
conventionnelle. La carcinose péritonéale microscopique est la principale
source de faux négatifs, la chirurgie de second regard restant ici plus sensible.
Exemples
Cas n° 1
Élévation du CA-125 de 60 à 280 en l'espace de six mois chez une patiente
aux antécédents d'adénocarcinome de l'ovaire qui a déjà reçu deux lignes de
chimiothérapie. La TEP-FDG retrouve plusieurs foyers pelviens, dont certains
(fig. 1) étaient difficilement discernables des anses digestives.
Fig. 1 – Cas n° 1.
Cas n° 2
Adénocarcinome ovarien avec carcinose péritonéale initiale, ayant bénéficié
d'une CHIP associée à une résection rectale, une hémicholectomie droite et
une splénectomie en 07/2004. Actuellement, réascension rapide du CA 125.
TDM thoraco-abdomino-pelvienne considérée comme normale. Mise en
évidence en TEP-FDG d’une récidive de localisation atypique de l’angle
cardiophrénique (fig. 2).
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Fig. 2 – Cas n° 2.
Conclusion
La principale indication de la TEP-FDG dans la prise en charge du cancer de
l’ovaire (et la conclusion actuelle des SOR) est que la scintigraphie au FDG
peut être proposée en cas de suspicion de récidive locale ou métastatique, généralement devant une élévation confirmée du CA-125.
Le remplacement de la chirurgie de deuxième regard par la TEP-FDG est
une indication dont on peut raisonnablement espérer la validation dans un
avenir proche.
Références
1. Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer (2003) Recommandations pour la
pratique clinique : standards, options et recommandations 2003 pour l’utilisation de la
tomographie par émission de positons au [18F]-FDG (TEP-FDG) en cancérologie
2. Turkalow A, Yeung HW, Macapinlac HA et al. (2000) Peritoneal carcinosis - the role of
FDG-PET. J Nucl Med 41(abstr A-140)
3. Bohdiewicz PJ, Scott GC, Juni JE et al. (1995) Indium-111 OncoScint CR/OV and F-18
FDG in colorectal and ovarian carcinoma recurrences. Early observations. Clin Nucl Med
20: 230-6
4. Yoshida Y, Kurokawa T, Kawahara K et al. (2004) Incremental benefits of FDG positron
emission tomography over CT alone for the preoperative staging of ovarian cancer. Am J
Roentgenol 182: 227-33
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5. Kim S, Chung JK, Kang SB et al. (2004) [18F]FDG PET as a substitute for second-look
laparotomy in patients with advanced ovarian carcinoma. Eur J Nucl Med Mol Imaging 31:
196-201
6. Sironi S, Messa C, Mangili G et al. (2004) Integrated FDG PET/CT in patients with persistent ovarian cancer: correlation with histologic findings. Radiology 233: 433-40
7. Torizuka T, Nobezawa S, Nagashima S et al. (2000) Role of whole body FDG-PET in management of patients with recurrent ovarian cancers. J Nucl Med 41 (abstr A-1318)
8. Nakamoto Y, Saga T, Ishimori T et al. (2001) Clinical value of positron emission tomography with FDG for recurrent ovarian cancer. AJR American Journal of Roentgenology
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9. Yen RF, Sun SS, Shen YY et al. (2001) Whole body positron emission tomography with 18F
fluoro-2-deoxyglucose for the detection of recurrent ovarian cancer. Anticancer Research 21:
3691-4
10. Zimny M, Siggelkow W, Schroder W et al. (2001) 2-[Fluorine-18]-fluoro-2-deoxy-dglucose positron emission tomography in the diagnosis of recurrent ovarian cancer.
Gynecologic Oncology 83: 310-5
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