L’ Traitement adjuvant : pour quelles indications et pour quelle durée ?

publicité
DOSSIER THÉMATIQUE
L’hormonothérapie
dans les cancers du sein
Traitement adjuvant :
pour quelles indications
et pour quelle durée ?
Adjuvant treatment: indications and duration
J.Y. Pierga*
L’
* Institut Curie, Paris ; université ParisDescartes.
hormonothérapie adjuvante est un élément
essentiel de la prise en charge postopératoire
d’un cancer du sein. Son intérêt est démontré
depuis longtemps mais de nombreuses questions
demeurent sur ses modalités, sa durée et la nature
des sous-groupes de patientes auxquelles elle doit
être indiquée.
La dernière méta-analyse d’Oxford a confirmé que
sur plus de 10 000 femmes incluses dans des essais
randomisés portant sur l'adjonction ou non du
tamoxifène, son bénéfice en situation adjuvante
n’était observé que lorsque la tumeur exprime les
récepteurs aux estrogènes (RE) [1]. La réduction de la
mortalité est d’environ un tiers à 15 ans. Ce bénéfice
est indépendant de la présence ou non des récepteurs à la progestérone (RP). En revanche, le gain en
survie globale (SG) ou en survie sans récidive est nul
ou quasi nul en l’absence d’expression des RE, que
les RP soient présents ou non. Le gain en survie était
par ailleurs le même dans toutes les classes d’âge
(moins de 45 ans ou de 55 à 70 ans). Le tamoxifène
est donc efficace avant comme après la ménopause.
Il ressort également de cette étude que le bénéfice du tamoxifène existe quel que soit le niveau
d’expression ou le dosage du récepteur. De plus, le
bénéfice pour un traitement d’une durée de 5 ans est
supérieur à celui d'une durée de 2 ans mais il n’y a
pas de gain au traitement durant 10 ans par rapport
à celui durant 5 ans. Le bénéfice est observé chez les
patientes n’ayant pas d’atteinte ganglionnaire (pN0)
et chez celles qui ont une atteinte ganglionnaire
(pN+). Une utilisation séquentielle de la chimiothérapie est recommandée alors qu’une utilisation
concomitante à la radiothérapie est possible (2).
La mortalité liée aux effets indésirables du tamoxi-
396 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 8 - octobre 2012
fène (embolie pulmonaire, accident vasculaire cérébral, autres pathologies cardiovasculaires) ou dus à
d’autres cancers (dont le cancer de l’utérus) n’est
pas significativement augmentée (figure 1).
La suppression ovarienne a également un impact
bénéfique chez les femmes non ménopausées ayant
un cancer du sein exprimant les récepteurs hormonaux. Cela faisait partie des conclusions importantes
d’une méta-analyse antérieure (3). L’avantage de la
castration disparaissait en cas d’association avec
la chimiothérapie, comparativement à la chimiothérapie seule. L’aménorrhée définitive induite par la
chimiothérapie chez les patientes de plus de 40 ans
peut expliquer ce résultat. La castration serait une
alternative à la chimiothérapie dans les cas à faible
risque (4). La suppression ovarienne renforce-t-elle
l’impact du tamoxifène ? C’est la question qui a été
posée dans le cadre des essais SOFT, TEXT, PERCHE.
L’essai SOFT portait sur 3 000 patientes RH+ et
comportait 3 bras : tamoxifène seul, tamoxifène +
castration (le plus souvent par agonistes de la LHRH
[Luteinizing Hormone Releasing Hormone] en administration mensuelle), castration + inhibiteurs de
l’aromatase (IA) sous la forme d’exémestane. Cet
essai posait ainsi la question de la combinaison
de la castration avec le tamoxifène ou les IA. Les
inclusions se sont terminées l’année dernière et
les résultats ne sont pas attendus avant 3 à 4 ans.
Un essai suédois sur 927 patientes faisant partie
du protocole (ZIPP [Zoladex in Premenopausal
Patients]) comparait 4 bras : contrôle, tamoxifène
seul, gosériline (agoniste LHRH) seul, tamoxifène +
gosériline. Cet essai ne montrait pas un bénéfice de
l’hormonothérapie par rapport aux bras contrôle
mais aucune des 3 modalités n’était supérieure.
Résumé
L’hormonothérapie a un rôle essentiel dans le traitement adjuvant des cancers du sein qui expriment les
récepteurs hormonaux. Elle repose sur le tamoxifène avant la ménopause, et en grande partie sur les
inhibiteurs de l’aromatase après la ménopause. Sa durée optimale est de 5 ans. Le rôle de la castration
associée au tamoxifène, la prolongation de l’hormonothérapie par inhibiteurs de l’aromatase seuls au-delà
de 5 ans, et l’association aux diphosphonates et aux inhibiteurs de mTOR seront précisés par les résultats
d’essais thérapeutiques clos, en cours ou à venir.
Récepteurs
hormonaux
Tamoxifène
Inhibiteurs
de l’aromatase
Traitement adjuvant
Highlights
50
7 378 femmes RE+ RP+
(ganglions positifs : 45 %, chimiothérapie : 55 %)
2 310 femmes RE+ RP+
(ganglions positifs : 41 %, chimiothérapie : 41 %) Contrôle
43,5 %
Contrôle
37,7 %
40
Récidives (%, ± 1 écart type)
Mots-clés
34,5 %
30
26,1 %
28,6 %
5 ans
de tamoxifène
24,8 %
5 ans
de tamoxifène
20
19,2 %
15,4 %
10
RR = 0,60 ; IC95 : 0,52-0,69 ;
log-rank 2p < 0,00001
Gain à 10 ans : 15,0 % (écart type – 2,1)
RR = 0,63 ; IC95 : 0,58-0,68 ;
log-rank 2p < 0,00001
Gain à 10 ans : 12,9 % (écart type – 1,2)
0
0
10
Années
Taux de récidives (% femme/année) et test du log rank
5
Années 0-4
3,41 (570/16 701)
Tamoxifène
Contrôle
6,00 (926/15 432)
0,55 (SE 0,04)
RR
Observé-estimé/ – 209,5/349,4
variance
50
Années 5-9
2,47 (303/12 248)
3,50 (360/10 295)
0,68 (SE 0,07)
– 60,3/157,1
0
Années 10+
2,10 (219/10 446)
2,19 (188/8 577)
0,93 (SE 0,10)
– 6,8/96,4
10
Années
Taux de récidives (% femme/année) et test du log rank
5
Années 0-4
4,42 (222/5 018)
8,52 (388/4 556)
0,50 (SE 0,06)
– 94,1/137,8
1 236 femmes RE– RP+
(ganglions positifs : 49 %, chimiothérapie : 94 %)
Années 5-9
2,58 (94/3 638)
3,02 (90/2 983)
0,84 (SE 0,14)
– 7,4/42,5
Années 10+
1,49 (57/3 837)
1,52 (47/3 092)
0,92 (SE 0,20)
– 2,1/23,9
The hormone therapy has a
crucial role in the adjuvant
treatment of breast cancers
that express hormonal receptors. It is based on tamoxifen
before menopause, and largely
on aromatase inhibitors in
postmenopausal women. Its
optimal duration is 5 years. The
role of castration associated
with tamoxifen, the extension
of the hormone by aromatase
inhibitors alone beyond 5 years,
the association with bisphosphonates and mTOR inhibitors
will be specified by the results
of trials ended in current or
future..
Keywords
Hormonal receptors
Tamoxifen
Aromatase inhibitors
Adjuvant treatment
4 748 femmes RE– RP+
(ganglions positifs : 33 %, chimiothérapie : 89 %)
Récidives (%, ± 1 écart type)
40
Contrôle
32,5 %
30,9 %
5 ans
de tamoxifène
30
25,9 %
20
5 ans
de tamoxifène
29,0 %
27,4 %
Contrôle
22,2 %
22,0 %
20,8 %
10
RR = 0,90 ; IC95 : 0,73-1,12 ;
log-rank 2p 0,35
Gain à 10 ans : 1,6 % (écart type – 2,9)
RR = 1,03 ; IC95 : 0,92-1,16 ;
log-rank 2p 0,60
Perte à 10 ans : 1,6 % (écart type – 1,4)
0
0
10
Années
Taux de récidives (% femme/année) et test du log rank
Années 0-4
Tamoxifène
4,66 (122/2 616)
Contrôle
6,23 (158/2 538)
RR
0,78 (SE 0,11)
Observé-estimé/ – 15,5/61,4
variance
5
Années 5-9
2,74 (46/1 677)
1,93 (31/1 603)
1,27 (SE 0,28)
3,9/16,2
Années 10+
1,88 (12/640)
1,04 (7/675)
2,03 (SE 0,69)
3,2/4,5
0
10
Années
Taux de récidives (% femme/année) et test du log rank
5
Années 0-4
5,26 (519/9 870)
5,05 (493/9 754)
1,02 (SE 0,07)
3,5/229,4
Années 5-9
1,86 (113/6 081)
1,50 (93/6 183)
1,27 (SE 0,16)
11,8/49,7
Années 10+
1,09 (29/2 652)
1,45 (43/2 961)
0,70 (SE 0,20)
– 6,2/17,0
RE+ : récepteur aux estrogènes positif ; RE– : récepteur aux estrogènes négatif ; RP+ : récepteur à la progestérone positif ; RP– : récepteur à la progestérone négatif.
Figure 1. Survie sans récidive en fonction de l’expression des récepteurs hormonaux.
La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 8 - octobre 2012 |
397
DOSSIER THÉMATIQUE
L’hormonothérapie
dans les cancers du sein
Traitement adjuvant : pour quelles indications et pour quelle durée ?
De puissance limitée, il ne permet cependant pas
de tirer de conclusion définitive. La question restant
également posée est celle de la durée optimale de
la suppression ovarienne : 2, 3 ou 5 ans ? Les recommandations de Saint-Gall 2011 chez la femme non
ménopausée (5) sont que le tamoxifène reste le
traitement de référence. En cas de contre-indication,
la suppression de la fonction ovarienne seule ou
associée à un IA sont considérées comme des alternatives. Il n’y a pas de démonstration de l’intérêt de
l’évaluation du cytochrome CYP2D6 dans la sélection
des patients pour prédire l’efficacité du tamoxifène.
Chez la femme ménopausée, l’utilisation des IA est
le plus souvent recommandée. Il en existe plusieurs
catégories mais seuls les 3 produits de dernière
génération sont actuellement utilisés. Ils sont tous
génériqués (figure 2).
De nombreux essais ont porté sur l’utilisation des IA
en comparaison du tamoxifène soit d’emblée, soit de
manière séquentielle, soit après 5 ans d’utilisation du
tamoxifène. Ces essais sont résumés dans le tableau.
L’ensemble de ces essais a montré un bénéfice en
survie sans récidive par rapport au tamoxifène (6)
en faveur des IA. Cela a été corroboré par les résultats d’une méta-analyse montrant un gain de près
de 3 % à 5 ans et de 4 % à 8 ans (7). Cependant,
cette méta-analyse ne montrait aucun gain en SG
ou en survie spécifique. Certaines études ont montré
individuellement un gain en SG. Ainsi, avec un suivi
médian de 91 mois et 4 052 patientes incluses,
l’étude IES, qui comparait 5 ans de tamoxifène à
un relais par exémestane après 2 à 3 ans de tamoxi-
Pourcentage de suppression
de l’activité aromatase
(corps entier)
Anastrozole
93 %
4-OHA
92 %
Exémestane
98 %
Aminoglutéthimide
Fadrozole
93 %
Première
génération
(puissance d’inhibition)
1×
Létrozole
99 %
Deuxième
génération
(puissance d’inhibition)
10-100 ×
Stéroïde
Liaison covalente irréversible
Troisième
génération
(puissance d’inhibition)
100-2 000 ×
Non stéroïde, liaison réversible,
non covalente
Figure 2. Puissance des inhibiteurs de l’aromatase (d’après Goss P et al. ; SABCS 2004 :
abstr. Plenary Lecture actualisé).
398 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 8 - octobre 2012
fène, a montré un gain en survie absolu de 2,4 % à
8 ans (p = 0,04) [8]. De même, l’étude BIG 01-98,
qui comparait 5 ans de tamoxifène à 5 ans de létrozole, a montré un bénéfice en survie statistiquement
significatif de 1,4 % à 5 ans (9).
Les effets indésirables des IA sont également à
prendre en compte. Ainsi, dans l’essai ATAC, une
réduction de la densité osseuse significativement
plus élevée avec l’anastrozole qu’avec le tamoxifène a été constatée (p < 0,0001 pour les 2 critères,
hanche et étage lombaire). De même, dans l’essai
IES, l’exémestane augmentait significativement le
risque d’ostéoporose (10). Une revue systématique
et une méta-analyse des 7 essais, ayant inclus un
total de 30 023 patientes, montrent qu’une utilisation prolongée des IA, comparés au tamoxifène,
est associée à une augmentation du risque cardiovasculaire (OR = 1,26 ; IC95 : 1,10-1,43 ; p < 0,001 ;
nombre nécessaire pour nuire = 132), de fractures
osseuses (OR = 1,47 ; IC95 : 1,34-1,61 ; p < 0,001 ;
nombre nécessaire pour nuire = 46), mais à une
diminution des thromboses veineuses (OR = 0,55 ;
IC 95 : 0,46-0,64 ; p < 0,001 ; nombre nécessaire
pour nuire = 79) et des cancers de l’endomètre
(OR = 0,34 ; IC95 : 0,22-0,53 ; p < 0,001 ; nombre
nécessaire pour nuire = 258). Le traitement “5 ans
d’IA” est associé à un risque non significativement
augmenté de décès sans récidive de cancer du sein
par rapport à 5 ans de tamoxifène ou à 2 ou 3 ans
de tamoxifène suivi d’IA (OR = 1,11 ; IC95 : 0,98-1,26 ;
p = 0,09) [11]. Ce risque cumulé de décès toxiques
lors de l’utilisation d’emblée des IA pourrait être une
explication à l’absence de gain en SG. Un schéma de
type “switch”, qui consisterait à passer du tamoxifène
à un IA, permettrait de mieux équilibrer les bénéfices en termes d’efficacité antitumorale et les effets
indésirables. Cependant, l'argument pour utiliser
les IA d’emblée consiste à faire valoir qu'il s'agit
d'introduire le traitement le plus efficace d’emblée
et le plus longtemps possible. Il n’y a pas d’excès de
toxicité dans les essais ATAC et BIG 01-98.
Il n’y pas d’IA supérieur à un autre, comme le montre
les résultats de l’essai MA.27 comparant anastrozole
et exémestane pendant 5 ans (12). À Saint-Gall,
le jury était également divisé entre les partisans
et les non-partisans de l’indication des IA chez
toutes les patientes ménopausées en l’absence
de contre-indications à un moment ou à un autre
du traitement. La recommandation des IA était
surtout majoritaire en cas d’atteinte ganglionnaire.
Une majorité d’experts considérait que certaines
patientes sélectionnées pourraient être traitées par
tamoxifène seul et que les patientes peuvent passer
DOSSIER THÉMATIQUE
Tableau. Synthèse des principaux essais d’hormonothérapie adjuvante par inhibiteurs de l’aromatase.
Temps depuis la randomisation
Essai
–5
–4
–3
–2
–1
0
1
2
3
4
5
Primary Adjuvant
5 ans frontal
ATAC
60-month strategy ; suivi médian : 100 mois
Patientes ménopausées, RH (+)
TAM
ANA
TAM + ANA
BIG 1-98
60-month strategy
Suivi médian : 76 mois (monotx), 71 mois
(switching)
Patientes ménopausées, RH (+)
LET
TAM
LET (2 ans), TAM (3 ans)
ABCSG-12
36-month strategy
Suivi médian : 47,8 mois
Patientes non ménopausées, RE et/ou RP (+)
TAM + GOS
ANA + GOS
TAM + GOS + ZOL
ANA + GOS + ZOL
TAM (2 ans), LET (3 ans)
Sequencing
ABCSG-8
Primary random assignment
60-month stragegy ; suivi médian : 72 mois
Patientes ménopausées, RE (+), RP (+), sans chimiothérapie
ITA
Randomly assigned to 2-3 years tx (5 ans total)
Suivi médian : 64 mois
Patientes ménopausées, RE (+), ganglion (+)
5 ans séquence
TAM
TAM (2 ans), ANA (3 ans)
TAM (2-3 ans)
TAM
ANA
TEAM
Primary random assignment
60-month stragegy ; suivi médian : 61 mois
Patientes ménopausées, RE et/ou RP (+)
TAM (2,5 ans), EXE (2,5 ans)
EXE
IES130
Randomly assigned to 2-3 years tx (5 ans total)
Suivi médian : 55,7 mois
Patientes ménopausées, RE (+) ou inconnu
TAM (2-3 ans)
NSAS BC-03
Randomly assigned to 1-4 years tx (5 ans total)
Suivi médian : 42 mois
Patientes ménopausées
TAM (1-4 ans)
ARNO 95
Randomly assigned to 3 years tx (5 ans total)
Suivi médian : 30,1 mois
Patientes ménopausées, réponse hormonale
TAM
EXE
TAM
ANA
TAM (2 ans)
TAM
ANA
Extended Adjuvant
MA.17122
5 ans de TAM ; randomly assigned to 60 mos of tx
Suivi médian : 64 mois
Patientes ménopausées, RH (+)
Après 5 ans
LET
TAM
Placebo
ABCSG-6A
5 ans de TAM ; randomly assigned to 36 mois of tx
Suivi médian : 62,3 mois
Patientes ménopausées, réponse endocrine
TAM
NSABP B-33
5 ans de TAM ; randomly assigned to 60 mos of tx
Suivi médian : 30 mois
Patientes ménopausées, RE ou RP (+)
TAM
ANA
Placebo
ANA
Placebo
ANA : anastrozole ; EXE : exémestane ; GOS : goséréline ; LET : létrozole ; RE : récepteur aux estrogènes ; RH : récepteur hormonal ; RP : récepteur à la progestérone ; TAM : tamoxifène ; ZOL :
zolédronate.
La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 8 - octobre 2012 |
399
DOSSIER THÉMATIQUE
L’hormonothérapie
dans les cancers du sein
Traitement adjuvant : pour quelles indications et pour quelle durée ?
des IA au tamoxifène en cas de mauvaise tolérance.
Il est très important de s’assurer du statut ménopausique des patientes avant de leur prescrire des
IA (critères cliniques et/ou biochimiques). Une durée
de 5 ans d’IA est considérée comme suffisante et
une majorité des experts ne soutenait pas l’extension du traitement au-delà, même en cas d’atteinte
ganglionnaire ou chez les patientes les plus jeunes
(avant 55 ans) [5].
Des questions restent en suspens.
➤ Quelle est la durée optimale de l’hormonothérapie : 5 ans, 7 ans, ou 10 ans ? En effet, dans les
cancers du sein exprimant les récepteurs hormonaux,
près de la moitié des récidives surviennent après
5 ans de suivi (13). L’étude SOLE évalue en phase III
le rôle du létrozole en continu ou par intermittence
après 4 à 6 ans de traitement hormonal adjuvant
chez les femmes ménopausées atteintes d’un cancer
du sein au stade précoce avec atteinte des ganglions
et des récepteurs hormonaux positifs.
➤ Introduction des inhibiteurs de mTOR dans le
traitement adjuvant (14) : essai clinique de phase III
à venir ?
➤ Place des biphosphonates dans le traitement
adjuvant pour les cancers avec récepteurs hormonaux positifs : les bisphosphonates ont-ils un effet
antitumoral ? En plus de la prévention de l’ostéoporose, voire de l’ostéopénie, certaines études ont
montré une augmentation de la survie sans récidive
avec de l’acide zolédronique (15, 16). Cependant,
d’autres études ne confirment pas ce bénéfice,
sauf peut-être en particulier chez la femme ménopausée (17).
En conclusion, les recommandations de la Société
américaine d’oncologie clinique de 2010 étaient les
suivantes (18).
Chez une femme ménopausées dont la tumeur
exprime les récepteurs hormonaux, un traitement
adjuvant comportant des IA est recommandé, soit
d’emblée soit après 2 à 3 ans de tamoxifène. Une
durée de traitement au-delà de 5 ans n’est pas préconisée, sauf dans le cadre d’un essai thérapeutique.
De même, pour les patientes commençant les IA
après 2 à 3 ans de tamoxifène, il n’y a pas d’intérêt
démontré à une prolongation au-delà de 5 ans d’hormonothérapie. En cas d’interruption précoce avant
5 ans d’un traitement par IA, une poursuite avec le
tamoxifène pour terminer ces 5 ans est une option.
Si le traitement a débuté par du tamoxifène, la
période recommandée pour passer aux IA est de
2 ou 3 ans de tamoxifène. Cependant, dans certains
cas, tenant compte de l’essai MA.17 (19), on peut
proposer après 5 ans de tamoxifène de passer au
létrozole pour 5 ans supplémentaires.
Il n’a pas été identifié de sous-groupe susceptible
de bénéficier plus des IA ou du tamoxifène que les
autres. Le traitement adjuvant par tamoxifène reste
le standard pour le cancer du sein de l’homme.
L’étude du génotype du cytochrome CYP2D6 n’est
pas utile en routine. On évitera cependant les interactions médicamenteuses possibles entre le tamoxifène et la paroxétine ou la fluoxétine.
Les cliniciens doivent prendre en compte les profils
des effets indésirables des traitements et des antécédents des patientes avant de recommander un traitement. Les effets secondaires devront être expliqués
aux patientes, et devront être exposées les options
thérapeutiques possibles entre lesquelles choisir.
En cas de mauvaise tolérance ou de non-observance,
un changement de traitement devra être envisagé.
Les patientes non ménopausées ou en périménopause doivent recevoir 5 ans de tamoxifène.
Il n’y a pas de différence significative entre les 3 IA
disponibles ; une patiente intolérante à un IA pourra
se voir proposer de passer au tamoxifène ou à un
autre IA.
■
Références bibliographiques
1. Davies C, Godwin J, Gray R et al. Relevance of breast
cancer hormone receptors and other factors to the efficacy of adjuvant tamoxifen: patient-level meta-analysis of
randomised trials. Lancet 2011;378(9793):771-84.
2. Albain KS, Barlow WE, Ravdin PM et al. Adjuvant chemotherapy and timing of tamoxifen in postmenopausal patients
with endocrine-responsive, node-positive breast cancer: a
phase 3, open-label, randomised controlled trial. Lancet
2009;374(9707):2055-63.
3. Early Breast Cancer Trialists’ Collaborative Group.
Effects of chemotherapy and hormonal therapy for early
breast cancer on recurrence and 15-year survival: an overview of the randomised trials. Lancet 2005;365(9472):
1687-717.
4. Goldhirsch A, Glick JH, Gelber RD et al. Meeting highlights:
international expert consensus on the primary therapy of
early breast cancer 2005. Ann Oncol 2005;16(10):1569-83.
5. Goldhirsch A, Wood WC, Coates AS et al. Strategies
for subtypes − dealing with the diversity of breast cancer:
highlights of the St. Gallen International Expert Consensus
on the Primary Therapy of Early Breast Cancer 2011. Ann
Oncol 2011;22(8):1736-47.
6. Ryan PD, Goss PE. Adjuvant hormonal therapy in peri- and
postmenopausal breast cancer. Oncologist 2006;11(7):
718-31.
7. Dowsett M, Cuzick J, Ingle J et al. Meta-analysis of breast
cancer outcomes in adjuvant trials of aromatase inhibitors
versus tamoxifen. J Clin Oncol 2010;28(3):509-18.
400 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 8 - octobre 2012
8. Bliss JM, Kilburn LS, Coleman RE et al. Disease-related
outcomes with long-term follow-up: an updated analysis
of the intergroup exemestane study. J Clin Oncol 2012;
30(7):709-17.
9. Colleoni M, Giobbie-Hurder A, Regan MM et al. Analyses
adjusting for selective crossover show improved overall
survival with adjuvant letrozole compared with tamoxifen
in the BIG 1-98 study. J Clin Oncol 2011;29(9):1117-24.
DOSSIER THÉMATIQUE
L’hormonothérapie
dans les cancers du sein
Traitement adjuvant : pour quelles indications et pour quelle durée ?
Références bibliographiques (suite de la p. 398)
10. Coleman RE, Banks LM, Girgis SI et al. Skeletal effects of
exemestane on bone-mineral density, bone biomarkers, and
fracture incidence in postmenopausal women with early breast
cancer participating in the Intergroup Exemestane Study (IES): a
randomised controlled study. Lancet Oncol 2007;8(2):119-27.
11. Amir E, Seruga B, Niraula S, Carlsson L, Ocana A. Toxicity
of adjuvant endocrine therapy in postmenopausal breast
cancer patients: a systematic review and meta-analysis.
J Natl Cancer Inst 2011;103(17):1299-309.
12. Goss PE, Ingle JN, Chapman J-AW et al. Final analysis of
NCIC CTG MA.27: a randomized phase III trial of exemestane versus anastrozole in postmenopausal women with
hormone receptor positive primary breast cancer. Cancer
Res 2010;70:S1-1.
13. Saphner T, Tormey DC, Gray R. Annual hazard rates of
recurrence for breast cancer after primary therapy. J Clin
Oncol 1996;14(10):2738-46.
14. Baselga J, Campone M, Piccart M et al. Everolimus in
postmenopausal hormone-receptor-positive advanced
breast cancer. N Engl J Med 2012;366(6):520-9.
15. Gnant M, Mlineritsch B, Schippinger W et al. Endocrine
therapy plus zoledronic acid in premenopausal breast cancer.
N Engl J Med 2009;360(7):679-91.
16. Gnant M, Mlineritsch B, Stoeger H et al. Adjuvant endocrine therapy plus zoledronic acid in premenopausal women
with early-stage breast cancer: 62-month follow-up from
the ABCSG-12 randomised trial. Lancet Oncol 2011;12(7):
631-41.
398 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 8 - octobre 2012
17. Coleman RE, Marshall H, Cameron D et al. Breastcancer adjuvant therapy with zoledronic acid. N Engl J Med
2011;365(15):1396-405.
18. Burstein HJ, Prestrud AA, Seidenfeld J et al. American
Society of Clinical Oncology clinical practice guideline:
update on adjuvant endocrine therapy for women with
hormone receptor-positive breast cancer. J Clin Oncol
2010;28(23):3784-96.
19. Goss PE, Ingle JN, Martino S et al. Efficacy of letrozole extended adjuvant therapy according to estrogen
receptor and progesterone receptor status of the
primary tumor: National Cancer Institute of Canada
Clinical Trials Group MA.17. J Clin Oncol 2007;25(15):
2006-11.
Téléchargement