La Lettre du Cardiologue - n° 353 - mars 2002
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mibéfradil) a été retiré de la pharmacopée, et divers autres com-
posés comme les diphénylpipérazines (la flunarizine par exemple),
qui ne sont pas utilisés comme médicaments antihypertenseurs.
Vérapamil, diltiazem et nifédipine se lient tous à la sous-unité α1
des canaux calciques de type L, protéine formant le principal
constituant du pore membranaire par lequel passe le calcium dans
ces canaux (8). Les canaux de type L ont été isolés dans le muscle
cardiaque puis identifiés dans les muscles lisses vasculaires (arté-
riolaire, veineux), mais aussi dans les muscles lisses non vascu-
laires (bronchique, gastro-intestinal, génito-urinaire) et divers tis-
sus non contractiles. L’inhibition de l’entrée de calcium associée
à la dépolarisation membranaire (voltage-operated channel) induit
la relaxation musculaire qui participe à l’effet thérapeutique anti-
hypertenseur, mais aussi à un effet indésirable comme la dépres-
sion myocardique. Une stimulation de l’adénylate-cyclase ou de
l’une des kinases dépendant de l’AMP cyclique active les canaux
myocardiques, mais a un effet variable dans les autres sites en
fonction des conditions expérimentales. Les canaux L peuvent
ainsi être activés par les catécholamines, l’angiotensine II, l’en-
dothéline, ou diverses hormones.
Les antagonistes calciques se lient à des sites spécifiques de la
sous-unité α1 de ce canal L.
La liaison à son site d’une dihydropyridine est augmentée en pré-
sence de diltiazem et diminuée en présence de vérapamil. Le véra-
pamil est particulièrement actif sur les canaux qui s’ouvrent et se
ferment avec une grande fréquence, lesquels prédominent dans
le tissu nodal ; il est donc bradycardisant (9). In vitro, les dihy-
dropyridines se lient plus aux canaux des vaisseaux périphériques
qu’aux canaux myocardiques. Le diltiazem a des propriétés inter-
médiaires.
La biodisponibilité des antagonistes calciques est relativement
variable en fonction d’un effet de premier passage au niveau de
la paroi intestinale et du foie, où ils sont métabolisés par voie
oxydative dépendant du cytochrome P-450 CYP3A4. Selon les
produits, la dégradation inactivatrice du vérapamil est diminuée
avec l’âge, et augmentée chez la femme ; celle de nombreux anta-
gonistes calciques varie avec l’alimentation.
ACCEPTABILITÉ DES ANTAGONISTES CALCIQUES
ET QUALITÉ DE VIE
Les effets indésirables subjectifs affectent négativement la qua-
lité de vie, et sont probablement responsables d’une moindre
observance du traitement. La spécificité des symptômes associés
aux médicaments antihypertenseurs en général n’est pas facile à
appréhender, et diverses échelles d’évaluation de qualité de vie
ou désagrément symptomatique ont été proposées avec des résul-
tats volontiers variables d’une étude à l’autre (10). Plusieurs effets
indésirables ont été attribués aux antagonistes calciques
(tableaux I et II). De fait, ces derniers sont associés avec de forts
taux de discontinuation du traitement (11).
Céphalées, palpitations et bouffées vasomotrices peuvent surve-
nir de façon conjointe ou séparée, le plus souvent dès les premières
prises. Elles ont tendance à s’atténuer avec le temps, mais de façon
inconstante. Les fluctuations observées sont en partie explicables
par les variations de biodisponibilité. Les effets indésirables sont
typiquement associés à la prise de dihydropyridines, mais peuvent
survenir avec tout antagoniste calcique. Il existe pour chaque médi-
cament une relation entre l’incidence de ces effets et la dose.
L’augmentation progressive de dose est associée à une moindre
incidence, et permet éventuellement de trouver le meilleur rap-
port entre efficacité et tolérance. La pharmacocinétique des pre-
miers antagonistes calciques était marquée par une irruption sys-
témique du produit actif et une courte demi-vie, et divers systèmes
de libération prolongée ont été proposés pour obtenir une instal-
lation progressive de l’effet et sa prolongation sur 24 heures (nifé-
dipine-GITS : GastroIntestinal Therapeutic System,vérapamil-
COER : Controlled Onset Extended Release). Une réduction
significative des effets indésirables subjectifs a suivi la modifica-
INFORMATION THÉRAPEUTIQUE
Tableau I. Effets indésirables communément rapportés aux antago-
nistes calciques (AC).
EffetProduit habituellement incriminé
Cardiovasculaire
Hypotension Tous AC
Insuffisance cardiaque Vérapamil, diltiazem [tous AC in vitro]
Bradycardie Vérapamil, diltiazem [tous AC in vitro]
Trouble de la conduction Vérapamil > diltiazem
Céphalées AC d’action rapide
Tachycardie, palpitations AC d’action rapide
Bouffées vasomotrices (flush) AC d’action rapide
Œdèmes périphériques Tous AC [DHP > diltiazem, vérapamil]
Digestif
Constipation Vérapamil (diltiazem)
Diarrhée Tous DHP
Hyperplasie gingivale Tous DHP
Autres
Pollakiurie (nocturne) Tous AC
DHP : dihydropyridines ; D : diltiazem ; V : vérapamil.
Tableau II. Interactions médicamenteuses : effets potentiels des anta-
gonistes calciques sur d’autres médicaments dont ils augmentent la
concentration et/ou l’activité (8).
Produit incriminé Effet clinique
Vérapamil
Digoxine Toxicité digitalique
Vérapamil et diltiazem
Théophylline Toxicité
Carbamazépine Toxicité (céphalée, instabilité, dysarthrie)
Terfénadine Torsade de pointes
Cisapride Torsade de pointes
Quinidine Torsade de pointes
Statines Myopathie, rhabdomyolyse
Ciclosporine, tacrolimus* Néphrotoxicité
Bêtabloqueur (propranolol, Effet chrono-, dromo-, inotrope
métoprolol) négatif**
Antiprotéases VIH (indinavir…) Inconnu
* Interaction pharmacocinétique avec certaines dihydropyridines.
** Interaction pharmacodynamique avec tous les bêtabloquants.