I N F O S AHA 97 Blocage des canaux calciques T : une évolution dans le traitement des maladies cardiovasculaires* L e Dr F.T. Tomaselli (Baltimore, États-Unis) a passé en revue les données disponibles sur le rôle biologique des canaux calciques T. La technique du patch clamp a permis l’identification des canaux de type T caractérisés par leur activation à un faible niveau de dépolarisation, par leur inactivation rapide et leur blocage sélectif par le mibéfradil. Les canaux de type T ont un rôle en physiologie cardiovasculaire dans l’activité pacemaker des cellules automatiques du nœud sinusal, dans la régulation de la vasomotricité par les cellules musculaires lisses, mais aussi dans certaines cellules neuro-hormonales assurant la régulation de la sécrétion de rénine, d’aldostérone et de noradrénaline. Les canaux de type T sont absents des cellules musculaires ventriculaires adultes normales mais semblent pouvoir être réexprimés dans le myocarde ischémique et dans des myocardiopathies hypertrophiques expérimentales. Enfin, l’expression des canaux calciques de type T varie en fonction des différentes phases du cycle cellulaire et paraît accrue en phase S. Ils pourraient ainsi être impliqués dans les processus prolifératifs cellulaires comme ceux constatés dans l’évolution de l’athérosclérose. Cette dernière particularité constitue une cible de recherche très intéressante dans les maladies cardiovasculaires. Le Dr J.A. Sarsero (Melbourne, Australie) a envisagé l’étude de la sélectivité des différents antagonistes calciques sur des tissus humains isolés à partir de prélèvements peropératoires (pontages aorto-coronaires). Quatre antagonistes des canaux L (félodipine, nifédipine, amlodipine et vérapamil) et un antagoniste des canaux T (mibéfradil) ont été comparés sur le blocage exercé au niveau artériel (A) et myocardique (M). Le rapport A/M est maximal avec le mibéfradil (blocage artériel 41 fois plus élevé que le blocage myocardique) ; il décroît avec les autres molécules (12 avec la félodipine, 7 avec la nifédipine, 6,95 avec l’amlodipine) et s’inverse avec le vérapamil (blocage myocardique 5 fois plus élevé que le blocage artériel). La très haute sélectivité artérielle du mibéfradil pourrait être due à la rareté des canaux de type T dans le myocarde sain et pourrait expliquer son absence d’effet inotrope négatif. Le Dr P. Meredith (Glasgow, Grande-Bretagne) a insisté sur l’importance des propriétés pharmacocinétiques et pharmacodynamiques d’une molécule dans son efficacité clinique. Si la pharmacocinétique explique la concentration du médicament en fonction de la dose administrée, les propriétés pharmacodynamiques déterminent la réponse clinique à la dose administrée. Le mibéfradil a une longue demi-vie, supérieure de 17 à 25 heures à celle des autres antagonistes calciques comme le vérapamil ou les dihy- * Symposium Produits Roche, Orlando, 9 novembre 1997, 70es sessions de l’American Heart Association, 13-16 novembre 1997. La Lettre du Cardiologue - n° 288 - février 1998 dropyridines. Sa biodisponibilité est de 70 à 90 %. Le rapport trough/peak (effet en fin de dose/effet au pic de dose) est très favorable, atteignant 81 % avec une dose de 50 mg et 92 % avec la dose de 100 mg. La fréquence cardiaque est ralentie en moyenne de 5 battements par minute et la variation circadienne de la pression artérielle est maintenue. Le point particulier d’une interférence avec la simvastatine a été abordé pour souligner que les rares cas de rhabdomyolyse rapportés concernent essentiellement des patients greffés rénaux traités de façon concomitante par simvastatine, ciclosporine et mibéfradil, l’association des deux premières molécules étant déjà connue pour accroître le risque d’intolérance musculaire. Le Dr I. Kobrin (Nutley, États-Unis) a rapporté les différentes études expérimentales animales en faveur de l’effet protecteur du mibéfradil sur les organes cibles. Ainsi la courbe de survie de rats spontanément hypertendus (rats SHR-SP) est significativement améliorée après 15 semaines de mibéfradil par rapport au groupe contrôle, tandis que le risque d’accidents vasculaires cérébraux est diminué. Chez des rats hypertendus sous régime salé DOCA, le mibéfradil non seulement diminue la pression artérielle d’une amplitude équivalente à celle obtenue avec l’amlodipine mais aussi réduit significativement la protéinurie et les lésions glomérulaires, effets non observés avec l’amlodipine. Le mibéfradil a également permis une réduction de la masse ventriculaire gauche équivalente à celle obtenue avec l’aténolol. Chez des rats hypertendus sous régime salé DOCA soumis à une angioplastie carotidienne au ballon, la néoprolifération intimale réactionnelle est diminuée sous mibéfradil mais persiste sous amlodipine ou sous vérapamil, alors même que les effets antihypertenseurs sont équivalents. Le Dr F.H. Messerli (La Nouvelle-Orléans, États-Unis) a expliqué le problème posé par l’activation neurosympathique réflexe liée aux traitements antihypertenseurs antagonistes calciques. Il a rappelé les effets délétères de cette régulation neuro-hormonale, l’élévation du taux de norépinéphrine étant directement corrélée aux événements cardiovasculaires morbides (arythmies, infarctus du myocarde), voire mortels. À partir d’une recherche Medline exhaustive, il a pu répertorier les modifications cliniques (pression artérielle, fréquence cardiaque) et biochimiques (taux de norépinéphrine) imputables au traitement antihypertenseur et les analyser en fonction des caractéristiques pharmacologiques des différentes molécules. Les antagonistes calciques à courte durée d’action stimulent à court et long terme l’activité sympathique. Cet effet délétère diminue avec les formes à longue durée d’action, d’autant plus qu’il s’agit d’antagonistes non dihydropyridines. Ces différences entre les diverses classes d’antagonistes calciques devraient faire l’objet d’une évaluation clinique dans des études prospectives de morbi-mortalité. 1 I N F O S Le Dr C.M. Pratt (Houston, États-Unis) a posé la question du traitement de l’ischémie silencieuse ou ischémie indolore. Quelle que soit la méthode d’évaluation choisie (holter ECG, test d’effort, tomographie par émission de positrons, scintigraphie), l’ischémie silencieuse est apparue comme une situation fréquente, soit prédominante comme chez le diabétique, soit associée à des épisodes symptomatiques. Sa valeur prédictive péjorative est maintenant reconnue dans plusieurs études. L’étape suivante consiste à vérifier l’hypothèse selon laquelle le traitement de l’ischémie silencieuse pourrait améliorer le pronostic. L’étude pilote ACIP (Asymptomatic Cardiac Ischemia Pilot study), menée chez des patients coronariens ayant déjà bénéficié d’une angioplastie coronaire, apporte des éléments de réponse. Une stratégie de prise en charge guidée sur les seuls symptômes détermine une mortalité à un an de 4,5 % contre 1,5 % avec une stratégie guidée par l’ischémie silencieuse. 2 AHA Le Dr T.B. Levine (Farmington, États-Unis) a précisé l’état du développement du mibéfradil dans l’insuffisance cardiaque. Il a rappelé les résultats favorables de l’étude expérimentale animale conduite sur un modèle d’insuffisance cardiaque ischémique chez le rat : le mibéfradil améliore la survie à 9 mois de façon équivalente au cilazapril, sans détérioration de la fonction ventriculaire gauche, et avec une réduction concomitante de la masse ventriculaire gauche et de la fibrose interstitielle. L’étude clinique humaine MACH 1 (Mortality Assessment in Congestive Heart Failure Trial) a randomisé 2 590 patients insuffisants cardiaques (classes II à IV et FEVG < 35 %) pour recevoir, en plus du traitement conventionnel oral, soit le mibéfradil, soit un placebo. La mortalité constitue le critère de jugement principal. Les résultats devraient être connus dans le courant de l’année 1998. ■ La Lettre du Cardiologue - n° 288 - février 1998