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Vers la disparition des ulcères aux AINS ?
●
M.A. Bigard, F. Petit-Laurent*
P O I N T S
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P O I N T S
F O R T S
■ Un traitement par AINS pendant 1 an entraîne une complication digestive grave chez 13 patients sur 100.
■ La cyclooxygénase, inhibée par les AINS est formée de deux
isoformes COX-1 et COX-2. La COX-2 est inductible lors
d’une inflammation. La COX-1 a une sélection protectrice
notamment au niveau de l’estomac.
■ Certaines molécules (célécoxib, rofécoxib) inhibent sélectivement la COX-2, gardant une action anti-inflammatoire sans
effet délétère sur la muqueuse gastrique.
■ Les études endoscopiques après 3 mois de traitement montrent un taux d’érosions ou d’ulcérations identique à celui d’un
groupe prenant un placebo.
■ L’action antalgique et anti-inflammatoire des antiCOX-2
sélectifs est identique à celle des AINS non sélectifs.
■ La diminution des complications graves est suggérée par les
études de pharmacovigilance après commercialisation aux
États-Unis mais n’est pas encore formellement démontrée.
■ Les antiCOX-2 sélectifs vont probablement remplacer les
AINS non sélectifs et permettre de diminuer la mortalité par
complication grave digestive.
L’
aspirine, premier anti-inflammatoire non stéroïdien
(AINS) connu, a plus de cent ans et sa toxicité digestive a été mise en évidence en 1938. À partir du début
des années soixante-dix, de nombreux AINS ont été développés
dans le but de diminuer la toxicité digestive de ces médicaments
mais tous les espoirs ont été régulièrement déçus. Depuis quelques
mois, la mise sur le marché dans de nombreux pays et notamment aux États-Unis, de nouveaux AINS, appelés antiCOX-2, a
fait naître l’espoir de molécules actives ne faisant pas courir de
risque vital aux patients, donc avec un excellent rapport bénéfice-
* Service d’hépato-gastroentérologie, CHU de Nancy-Brabois, Vandoeuvrelès-Nancy.
La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 1 - vol. III - février 2000
risque.
Ces espoirs sont-ils justifiés et s’achemine-t-on vers la disparition des ulcères aux AINS et de leurs complications graves ?
ÉPIDÉMIOLOGIE DES COMPLICATIONS
GASTRO-INTESTINALES DES AINS
La toxicité digestive des AINS constitue un problème de santé
publique en raison de la mortalité engendrée et des coûts très élevés de la prise en charge des complications digestives. Les accidents graves sont rares mais le volume des prescriptions est
énorme. Aux États-Unis, plus de 20 millions de prescriptions sont
effectuées par an et plus de 30 milliards de comprimés sont vendus sans ordonnance annuellement (1).
Les troubles digestifs peuvent être bénins (dyspepsie aux AINS)
mais motivant fréquemment l’interruption du traitement. Les douleurs digestives liées à la prise d’AINS se rencontrent dans environ 20 % des cas et sur une période de traitement de 6 mois motivant l’arrêt de la thérapeutique dans 5 à 15 % des cas.
L’étude ARAMIS avait montré qu’il existait une complication
digestive grave chez 13 patients sur 1 000 prenant un AINS pendant un an (2).
La mortalité chez les malades présentant une hémorragie digestive après prise d’AINS est de 5 à 10 %. Le risque de mortalité
par hémorragie digestive est plus de quatre fois supérieur au risque
de la population générale (2).
Les hospitalisations pour complications digestives sont la source
d’importantes dépenses de santé pour la collectivité (aux ÉtatsUnis, on estime qu’il y a environ 103 000 hospitalisations par an
pour complication digestive liée à la prise d’AINS représentant
un coût annuel direct de plus de 2 milliards de dollars). Le nombre
de décès liés à ces complications s’élèverait à 16 500 par an (voisin des chiffres de mortalité du Sida ou des leucémies).
Les traitements préventifs de ces complications (misoprostrol,
oméprazole) ne sont pas toujours prescrits et ne font que diminuer le risque de survenue d’un ulcère ou d’une complication sans
l’abolir. La mise au point d’AINS non gastrotoxiques représente
donc une nécessité impérieuse en matière de santé publique car
les AINS actuels ont un rapport bénéfice-risque mauvais. Ils sont
en effet responsables de complications graves, voire létales, alors
qu’ils sont souvent prescrits pour une pathologie bénigne (dou17
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Lorsque l’acide gras est correctement positionné, deux oxygènes
sont insérés, formant alors une chaîne à cinq carbones caractérisant les prostaglandines.
Contrairement à la COX-2, la COX-1 est synthétisée de façon
continue. Il s’agit d’une glycoprotéine insérée dans la membrane
nucléaire et dans le réticulum endoplasmique. Elle est présente
dans de nombreux tissus : estomac, côlon, rein, cerveau, foie, rate
mais également dans les plaquettes. Au niveau gastrique, elle augmente la synthèse de mucus et protège ainsi l’estomac des agressions, en particulier de l’acidité. Elle est peu, voire pas inhibée
par les glucocorticoïdes, expliquant l’absence de gastrotoxicité
de cette classe médicamenteuse. On lui reconnaît également une
action sur l’hémodynamique rénale, l’hémostase. Sa cinétique
diffère également de celle de COX-2. L’inhibition de cette enzyme
est instantanée et complètement réversible.
La COX-2 est, quant à elle, synthétisée uniquement lors d’une
inflammation. Il n’existe aucune production détectable en situation non pathologique. Elle peut être exprimée dans de nombreuses
cellules comme les macrophages, les cellules épithéliales. Le tractus digestif peut donc fabriquer cette enzyme dans un contexte
inflammatoire, en particulier lors de l’infection par Helicobacter
pylori, induisant alors une réduction de production de mucus, responsable en partie des lésions muqueuses. Sa morphologie est
comparable à celle de COX-1 pour environ deux tiers des acides
aminés. Sa production est inductible, sauf au niveau cérébral où
elle est synthétisée de façon constante et elle n’est jamais retrouvée au niveau plaquettaire, contrairement à la COX-1.
Une des différences morphologiques entre les deux COX réside
entre autres sur l’acide aminé situé en position 523. On trouve à
ce site une isoleucine sur la COX-1 et une valine sur la COX-2.
La différence de taille entre ces deux acides aminés explique la
présence d’une “petite poche”, réceptacle utilisé dans les études
pharmacologiques des différents inhibiteurs sélectifs potentiels.
Le principe de base est donc de synthétiser une molécule ne pouvant agir uniquement qu’après avoir pris position dans le réceptacle propre à la COX-2. La COX-1 ne possédant pas cette particularité, la molécule testée ne pourrait être active. La COX-1 ne
serait donc pas inhibée, permettant alors de conserver toutes ses
propriétés, en particulier la production de mucus gastrique.
Cependant, plusieurs autres théories ont été formulées quant à la
sélectivité pour la COX-2 de certaines molécules. Outre ce petit
réceptacle, la flexibilité moléculaire pourrait expliquer l’inhibition de la COX-2, sans action parallèle sur la COX-1. Cette différence de flexibilité serait due aux différences structurales en
acides aminés. Une autre théorie de sélectivité est fondée sur l’affinité entre le médicament et l’enzyme. Ce phénomène ferait intervenir des liaisons covalentes et donc des forces d’attraction spécifiques pour chaque liaison COX-médicament (3).
Le meloxicam a été un des premiers médicaments élaboré dans
le but d’une sélectivité COX-1/COX-2. Il s’agit d’une molécule
dont le caractère sélectif est fondé sur une plus grande flexibilité de
pénétration dans la boucle de la COX-2 par rapport à la COX-1. La
différence structurale des COX au niveau de l’acide aminé situé
en position 523 n’a donc pas été utilisée dans l’élaboration de
cette molécule. Le rapport de sélectivité entre la COX-1 et la
COX-2 a été estimé entre 3 et 77 lors des différentes études phar-
18
La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 1 - vol. III - février 2000
leurs arthrosiques).
AINS NON SÉLECTIFS ET ANTICOX-2
Vane a montré dans les années soixante-dix que les AINS agissaient en inhibant la cyclo-oxygénase (COX), enzyme responsable
de la biotransformation de l’acide arachidonique, acide gras situé
au niveau des membranes cellulaires, en prostaglandines et leucotriènes.
Lors d’une situation pathologique, il existe une augmentation de
la synthèse de base des prostaglandines, responsables de phénomènes inflammatoires (vasodilatation, œdème, augmentation de
la perméabilité capillaire) et de phénomènes douloureux. Il y a
dix ans a été démontrée dans des cellules de mammifères l’existence de deux isoformes de la COX, appelées COX-1 et COX-2.
Chaque enzyme est codée par un gène différent. La COX-1 est
constitutionnelle tandis que la COX-2 est inductible lors d’une
inflammation. La COX-1 exerce une action protectrice de divers
organes, et notamment au niveau de l’estomac, et le blocage sélectif de la COX-2 permettait d’envisager l’action bénéfique d’un
AINS sans effet délétère du fait de la préservation de la synthèse
des prostaglandines protectrices.
La cristallographie aux rayons X a permis de différencier les deux
COX du point de vue de leur morphologie, de leur mode d’action et de leur cinétique (1). Les deux COX présentent de grandes
similitudes morphologiques. Elles sont constituées d’une longue
chaîne protidique en forme de U, capable d’accepter, en raison
de son caractère hydrophobe, l’acide arachidonique (figure 1).
Inhibiteur
Cox-2
Ac. aminé 523 :
réceptacle propre
à la Cox-2
Figure 1.
macologiques. Ces travaux ont permis de mettre en évidence une moindre incidence de lésions gastriques comparativement au diclofénac 100 mg/j ou au piroxicam
20 mg/j, que ce soit à la dose de 7,5 ou de 15 mg de
meloxicam. Cependant, à la dose de 15 mg, l’incidence
des lésions gastriques était augmentée par rapport au
placebo, témoignant d’une sélectivité partielle.
Par la suite, plusieurs molécules ont été testées : nimésulide, étodalac, nabumétone, sans pouvoir atteindre
une sélectivité très élevée pour la COX-2. Ces médicaments ont donc été classés en “inhibiteurs préférentiels
de COX-2”, ce qui ne représente pas d’intérêt en pratique, car cela ne diminue pas de façon cliniquement
significative la toxicité gastroduodénale des AINS.
Tableau I. Fréquence des ulcères de taille > 3 mm ou 5 mm dans l’étude de Laine et coll. (5).
LES ANTICOX-2 SÉLECTIFS, TOLÉRANCE
DIGESTIVE
Tableau II. Fréquence des ulcères de taille > 3 mm dans l’étude de Simon et coll. (6).
Placebo
Rofécoxib 25 mg Rofécoxib 50 mg
Ibuprofène
Incidence
cumulative (%)
à 12 semaines
ulcères > 3 mm
ulcères > 5mm
9,9
8,2
4,1
1,8
7 ,3
5,5
27,7
20,6
Incidence
cumulative (%)
à 24 semaines
ulcères > 3 mm
ulcères > 5 mm
---
9,6
4,6
14,7
11,6
45,8
30,2
Placebo
Célécoxib
Célécoxib
Célécoxib
Naproxène
200 mg/j 400 mg/j 800 mg/j 1000 mg/j
Actuellement, deux molécules (célécoxib, rofécoxib)
ont une sélectivité véritable pour la COX-2 et constin = 148
n = 145
n = 130
n = 137
tuent les premiers médicaments d’une nouvelle classe
Incidence
pharmacologique.
des ulcères
– la sélectivité est mesurée en comparant la synthèse
> 3 mm
4,0
6,0
4,0
6,0
26
de thromboxane B2, témoin de l’action de la COX-1,
après 12 semaines
à la synthèse de prostaglandine E2, témoin de l’action
de traitement
de la COX-2. Ces mesures permettent de définir la
posologie nécessaire pour inhiber 50 % de la producscopie initiale. Les groupes de traitement comportaient soit le
tion respective (COX-IC50) correspondant à une inhibition de 50
rofécoxib (25 ou 50 mg/j), soit l’ibuprofène (2 400 mg/j en trois
% de l’activité de l’enzyme. Le rapport d’inhibition de chaque
prises), soit un placebo. Les endoscopies de contrôle étaient réaenzyme peut être calculé pour une dose donnée de médicament ;
lisées à 6, 12 et 24 semaines, mais à 16 semaines le traitement
– deux molécules, le célécoxib (Celebrex® des laboratoires Searle)
était interrompu chez 95 % des sujets sous placebo et 5 % des
et le rofécoxib (Vioxx® des laboratoires MSD) sont commerciasujets des autres groupes, pour éviter la poursuite d’un traitement
lisées aux États-Unis et dans divers pays du monde. Leur sélecplacebo chez des malades souffrants de douleurs chroniques.
tivité est élevée. Le célécoxib est 375 fois plus sélectif pour la
Les résultats figurent dans le tableau I.
COX-2 que pour la COX-1. Le rapport de sélectivité n’a pu être
Les incidences cumulatives des ulcères gastroduodénaux de plus
calculé par le rofécoxib car il n’y avait pas d’inhibition de la COXde 3 mm ou de plus de 5 mm étaient significativement plus basses
1 à des doses de 1 000 mg (le rapport est donc supérieur à 1 000)
dans les groupes rofécoxib que dans le groupe ibuprofène.
(4). Les doses recommandées sont de 200 à 400 mg par 24 heures
Il est souvent estimé que la fréquence des ulcères de taille supéen deux prises pour le célécoxib, et de 12,5 à 25 mg par 24 heures
rieure à 5 mm reflète mieux le risque de complications graves
en une prise pour le rofécoxib. Ces médicaments sont en cours de
(hémorragies, perforations).
commercialisation en Europe. Il faut noter que les propriétés antalgiques et anti-inflammatoires sont identiques à celles des AINS non
• Célécoxib
sélectifs de référence et on peut estimer que leur efficacité est donc
semblable à celle des AINS non sélectifs. Leur bénéfice peut donc
Les études endoscopiques montrent également la réduction des
se situer au niveau d’une meilleure tolérance digestive, d’une
ulcérations gastroduodénales à l’issue de traitements à court
moindre fréquence d’apparition de lésions ulcéreuses gastroduoterme. Une étude effectuée chez 1 149 patients souffrant de polydénales et d’une réduction de la survenue d’événements cliniquearthrite rhumatoïde a comporté une endoscopie à l’inclusion et
ment significatifs.
une endoscopie à 12 semaines de traitement. Les groupes de traitement comportaient notamment un bras placebo, un bras céléÉtudes endoscopiques
coxib 200 mg/24 heures, un bras célécoxib 400 mg par 24 heures
• Rofécoxib
et un bras naproxène 1 000 mg par 24 heures (6).
La principale étude endoscopique est celle de Laine et coll. (5),
La fréquence des ulcérations gastroduodénales de taille supéconduite chez 742 patients anesthésiques, sans ulcère à l’endorieure à 5 mm après 12 semaines de traitement figure dans le
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tableau II.
Il existait une différence significative entre les groupes célécoxib
et le groupe naproxène mais pas de différence significative entre
le groupe placebo et les groupes célécoxib.
Une étude multicentrique en double aveugle comparant l’efficacité et la tolérance du célécoxib 200 mg x 2 à celle du diclofénac
75 mg x 2 chez des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde
comportait une endoscopie à la 24e semaine ou plus tôt en cas
d’arrêt prématuré. Trois cent vingt-six patients ont reçu le célécoxib et 329 le diclofénac. La fréquence des ulcères à l’endoscopie était de 4 % dans le groupe célécoxib et de 15 % dans le
groupe diclofénac (p < 0,001) (7). Il faut noter par ailleurs que
l’infection à H. pylori n’influence pas la fréquence de survenue
des ulcérations gastroduodénales dans les essais contrôlés rofécoxib ou célécoxib.
Complications digestives cliniquement significatives
Les complications graves des ulcères gastroduodénaux (hémorragie, perforation, sténose) doivent logiquement être moins fréquentes car la fréquence des ulcères gastroduodénaux est réduite
avec les antiCOX-2 par rapport aux AINS non sélectifs. On ne dispose pas d’étude ciblée sur la prévalence des complications graves
comme ce fut le cas avec l’étude Mucosa (8). On dispose par contre
de l’évaluation de la fréquence des complications sévères, cliniquement significatives notées lors des études prémarketing d’efficacité effectuées avec le célécoxib et avec le rofécoxib.
En ce qui concerne le rofécoxib, l’étude a porté sur 5 435 patients
(rofécoxib 3 357 dont 12,5 mg : 1 209 ; 25 mg : 1 603 ; 50 mg :
545 ; AINS : 1 564 dont ibuprofène 2 400 mg : 847 ; diclofénac
150 mg : 5 901 ; nabumétone : 127 ; placebo : 514 patients). Les
périodes de traitement variaient de 6 semaines à 24 mois. La dose
moyenne de rofécoxib était de 24,7 mg. Au total, 45 événements
indésirables digestifs sérieux ont été notés. À 12 mois, la fréquence cumulée des ulcères symptomatiques, hémorragies ou
perforations, est inférieure chez les patients recevant le rofécoxib
par comparaison aux AINS non sélectifs (1,5 % versus 2,68 %,
OR = 0,45 [0,25 – 0,81] (9).
En ce qui concerne le célécoxib, on note des résultats voisins.
Dans cette étude, le nombre de complications ulcéreuses (9 cas
d’hémorragie et 2 cas de sténose pyloroduodénale) était de 0 sur
208 patients-années sous placebo, de 2 pour 1 020 années-patients
pour les sujets traités par célécoxib, et de 9 pour 535 annéespatients pour le groupe traité par AINS non sélectifs. Le risque
était donc significativement inférieur dans le groupe célécoxib
versus AINS non sélectifs, soit 0,20 % versus 1,68 % (p < 0,05)
mais on peut noter que le groupe célécoxib comportait des patients
traités à différentes doses dont des doses faibles, alors que le
groupe AINS non sélectif était traité par des doses fortes (2 400
mg/jour pour l’ibuprofène, 150 mg/jour pour le diclofénac) (10).
Un autre renseignement est également fourni par les études de
surveillance postmarketing. L’étude après 6 mois de commercialisation du célécoxib (780 000 patients-années) ne montre pas
de survenue d’événements gastrointestinaux graves de fréquence
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supérieure à celle de la population générale (11). Il faut noter que
la prescription d’antiCOX-2 sélectifs à un sujet ayant un ulcère
évolutif n’est pas souhaitable car expérimentalement la COX-2
semble nécessaire à la cicatrisation des ulcères gastroduodénaux.
Au total, les résultats initiaux sont encourageants et permettent
d’espérer une diminution des complications graves des AINS,
mais on attend avec intérêt les études de tolérance digestive sur
des groupes de plusieurs milliers de patients (études en cours).
Dyspepsie aux AINS
On sait qu’il n’y a pas de corrélation entre lésions endoscopiques
et symptomatologie clinique. Certains ulcères asymptomatiques
peuvent se révéler par une complication grave, comme une hémorragie, et inversement, certains patients très symptomatiques présentent une muqueuse gastroduodénale macroscopiquement normale. Cette absence de corrélation se retrouve dans l’étude de Laine
et coll. (5). La douleur abdominale a été rencontrée dans 6,5 % des
cas du groupe placebo, 8,7 % du groupe rofécoxib 25 mg, 9,5 % du
groupe rofécoxib 50 mg et 7,6 % du groupe ibuprofène. La consommation d’antiacides était identique dans les quatre groupes (1 tablette
par jour). La dyspepsie peut rester un problème avec les antiCOX2 mais semble rarement motiver un arrêt thérapeutique, car dans les
essais contrôlés les sorties pour effet secondaire digestif ne différaient globalement pas entre les groupes antiCOX-2 et les groupes
placebo. Dans l’étude de Emery et coll. (7), les sorties d’étude étaient
presque trois fois plus fréquentes dans le groupe diclofénac que dans
le groupe célécoxib (16 % versus 6 % ; p < 0,001).
VERS LA DISPARITION DES ULCÈRES AUX AINS ?
Nous envisagerons ici le cas des AINS non salicylés. L’aspirine est
actuellement surtout utilisée à petites doses dans un but de prévention vasculaire et cet aspect est traité dans l’article de P. Hochain.
Les AINS non salicylés sont employés essentiellement :
– dans les rhumatismes inflammatoires (polyarthrite rhumatoïde,
pelvispondylarthrite rhumatismale) et, dans ce cas, souvent au
long cours ;
– dans les douleurs articulaires chez les patients arthrosiques, souvent, dans ce cas, en cures courtes mais répétées.
L’utilisation des antiCOX-2 va manifestement remplacer en
grande partie celle des AINS non sélectifs et ces médicaments
ont conquis en quelques mois aux États-Unis une large part du
marché des AINS. On peut donc espérer une réduction des lésions
digestives liées aux AINS et notamment des complications
sévères, de type hémorragie ou perforation. La dyspepsie aux
AINS risque de devenir un problème et des études sont nécessaires pour déterminer si les inhibiteurs de la pompe à protons
permettent de réduire ces manifestations douloureuses. Il paraît
surtout capital que les AINS soient bien prescrits, avec un respect des contre-indications notamment digestives. Une prescription incontrôlée et imprudente chez des patients ulcéreux risquerait d’entraîner des complications non justifiées.
La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 1 - vol. III - février 2000
Des études de coût-efficacité sont souhaitables pour mieux mesurer l’apport de ces médicaments en termes d’économie de santé.
Au total, les antiCOX-2 ne constituent probablement pas la panacée universelle, mais comme l’ont souligné Beejay et Wolfe (12),
il ne s’agit probablement pas d’un “feu de paille” dans notre pharmacopée. Les résultats prometteurs initiaux de tolérance digestive ne doivent pas dispenser d’une surveillance soigneuse au
niveau de la pharmacovigilance ainsi que d’études à grande
échelle, permettant de mieux déterminer le profil de tolérance,
notamment en ce qui concerne la survenue de complications
graves. Ces études sont en cours. Le développement d’autres antiCOX-2 apportera également des renseignements complémentaires sur la tolérance digestive des AINS du XXIe siècle. ■
3. Berenbaum F. Les cyclo-oxygénases et leurs inhibiteurs : vers une nouvelle
classe pharmacologique ? Rev Rhum 1998 ; 65 : 701-8.
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117 : 776-83.
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Lancet 1999 ; 354 : 2106-11.
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Mots clés : Ulcère gastroduodénal – Anti-inflammatoires non
stéroïdiens – AntiCOX-2 – Hémorragie digestive.
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1. Wolfe M.M., Lichtenstein Dr, Singh G. Gastrointestinal toxicity of non steroitions. J Rheumatol 1999 ; 26 (suppl. 26) : 18-24.
en
association
avec l’interféron
alfa-2b dans le
traitement de l’hépatite C chronique
chez les patients “naïfs” et
chez les patients rechuteurs après monothérapie d’interféron ;
– l’ASMR ou amélioration du service médical rendu est délivrée par la commission
de transparence. Cette ASMR comporte
cinq niveaux dont le niveau 1 est le plus
élevé, correspondant à une amélioration
majeure du service médical rendu par rapport à l’interféron seul.
Le dossier médical du Rebetol® comportait trois essais randomisés ayant inclus
Lab’infos
Coup double pour
le Rebetol® : AMM
et ASMR de niveau 1
Ces acronymes barbares sont en fait l’expression d’une bonne nouvelle pour les
patients atteints d’hépatite C chronique.
– l’AMM ou autorisation de mise sur le
marché délivrée par la commission d’AMM
a été obtenue pour le Rebetol® (ribavirine)
Beejay U., Wolfe M.M. Cyclooxygenase 2 selective inhibitors : panacea or
flash in the pan. Gastroenterology 1999 ; 117 : 1002-5.
La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 1 - vol. III - février 2000
2 089 patients naïfs ou rechuteurs. Cette
bithérapie constitue maintenant le traitement de référence chez les patients naïfs
ou rechuteurs.
Le Rebetol® est administré en deux prises
par jour à la dose de 1 000 mg ou 1 200 mg
(poids inférieur ou supérieur à 75 kg) en
association à l’interféron alfa-2b à la dose
de 3 MUI trois fois par semaine par voie
sous-cutanée. Le traitement dure de 24 à
48 semaines, selon les cas.
Les précautions d’emploi concernent surtout le risque tératogène (précautions chez
l’homme et la femme) et les risques d’hémolyse justifient un suivi de la numération
formule. Le médicament est soumis à une
prescription initiale hospitalière de 6 mois.
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