Vers la disparition des ulcères aux AINS ? ● M.A. Bigard, F. Petit-Laurent* P O I N T S F O R T S P O I N T S F O R T S ■ Un traitement par AINS pendant 1 an entraîne une complication digestive grave chez 13 patients sur 100. ■ La cyclooxygénase, inhibée par les AINS est formée de deux isoformes COX-1 et COX-2. La COX-2 est inductible lors d’une inflammation. La COX-1 a une sélection protectrice notamment au niveau de l’estomac. ■ Certaines molécules (célécoxib, rofécoxib) inhibent sélectivement la COX-2, gardant une action anti-inflammatoire sans effet délétère sur la muqueuse gastrique. ■ Les études endoscopiques après 3 mois de traitement montrent un taux d’érosions ou d’ulcérations identique à celui d’un groupe prenant un placebo. ■ L’action antalgique et anti-inflammatoire des antiCOX-2 sélectifs est identique à celle des AINS non sélectifs. ■ La diminution des complications graves est suggérée par les études de pharmacovigilance après commercialisation aux États-Unis mais n’est pas encore formellement démontrée. ■ Les antiCOX-2 sélectifs vont probablement remplacer les AINS non sélectifs et permettre de diminuer la mortalité par complication grave digestive. L’ aspirine, premier anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) connu, a plus de cent ans et sa toxicité digestive a été mise en évidence en 1938. À partir du début des années soixante-dix, de nombreux AINS ont été développés dans le but de diminuer la toxicité digestive de ces médicaments mais tous les espoirs ont été régulièrement déçus. Depuis quelques mois, la mise sur le marché dans de nombreux pays et notamment aux États-Unis, de nouveaux AINS, appelés antiCOX-2, a fait naître l’espoir de molécules actives ne faisant pas courir de risque vital aux patients, donc avec un excellent rapport bénéfice- * Service d’hépato-gastroentérologie, CHU de Nancy-Brabois, Vandoeuvrelès-Nancy. La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 1 - vol. III - février 2000 risque. Ces espoirs sont-ils justifiés et s’achemine-t-on vers la disparition des ulcères aux AINS et de leurs complications graves ? ÉPIDÉMIOLOGIE DES COMPLICATIONS GASTRO-INTESTINALES DES AINS La toxicité digestive des AINS constitue un problème de santé publique en raison de la mortalité engendrée et des coûts très élevés de la prise en charge des complications digestives. Les accidents graves sont rares mais le volume des prescriptions est énorme. Aux États-Unis, plus de 20 millions de prescriptions sont effectuées par an et plus de 30 milliards de comprimés sont vendus sans ordonnance annuellement (1). Les troubles digestifs peuvent être bénins (dyspepsie aux AINS) mais motivant fréquemment l’interruption du traitement. Les douleurs digestives liées à la prise d’AINS se rencontrent dans environ 20 % des cas et sur une période de traitement de 6 mois motivant l’arrêt de la thérapeutique dans 5 à 15 % des cas. L’étude ARAMIS avait montré qu’il existait une complication digestive grave chez 13 patients sur 1 000 prenant un AINS pendant un an (2). La mortalité chez les malades présentant une hémorragie digestive après prise d’AINS est de 5 à 10 %. Le risque de mortalité par hémorragie digestive est plus de quatre fois supérieur au risque de la population générale (2). Les hospitalisations pour complications digestives sont la source d’importantes dépenses de santé pour la collectivité (aux ÉtatsUnis, on estime qu’il y a environ 103 000 hospitalisations par an pour complication digestive liée à la prise d’AINS représentant un coût annuel direct de plus de 2 milliards de dollars). Le nombre de décès liés à ces complications s’élèverait à 16 500 par an (voisin des chiffres de mortalité du Sida ou des leucémies). Les traitements préventifs de ces complications (misoprostrol, oméprazole) ne sont pas toujours prescrits et ne font que diminuer le risque de survenue d’un ulcère ou d’une complication sans l’abolir. La mise au point d’AINS non gastrotoxiques représente donc une nécessité impérieuse en matière de santé publique car les AINS actuels ont un rapport bénéfice-risque mauvais. Ils sont en effet responsables de complications graves, voire létales, alors qu’ils sont souvent prescrits pour une pathologie bénigne (dou17 D O S S I E R T H É M A T I Q U E Lorsque l’acide gras est correctement positionné, deux oxygènes sont insérés, formant alors une chaîne à cinq carbones caractérisant les prostaglandines. Contrairement à la COX-2, la COX-1 est synthétisée de façon continue. Il s’agit d’une glycoprotéine insérée dans la membrane nucléaire et dans le réticulum endoplasmique. Elle est présente dans de nombreux tissus : estomac, côlon, rein, cerveau, foie, rate mais également dans les plaquettes. Au niveau gastrique, elle augmente la synthèse de mucus et protège ainsi l’estomac des agressions, en particulier de l’acidité. Elle est peu, voire pas inhibée par les glucocorticoïdes, expliquant l’absence de gastrotoxicité de cette classe médicamenteuse. On lui reconnaît également une action sur l’hémodynamique rénale, l’hémostase. Sa cinétique diffère également de celle de COX-2. L’inhibition de cette enzyme est instantanée et complètement réversible. La COX-2 est, quant à elle, synthétisée uniquement lors d’une inflammation. Il n’existe aucune production détectable en situation non pathologique. Elle peut être exprimée dans de nombreuses cellules comme les macrophages, les cellules épithéliales. Le tractus digestif peut donc fabriquer cette enzyme dans un contexte inflammatoire, en particulier lors de l’infection par Helicobacter pylori, induisant alors une réduction de production de mucus, responsable en partie des lésions muqueuses. Sa morphologie est comparable à celle de COX-1 pour environ deux tiers des acides aminés. Sa production est inductible, sauf au niveau cérébral où elle est synthétisée de façon constante et elle n’est jamais retrouvée au niveau plaquettaire, contrairement à la COX-1. Une des différences morphologiques entre les deux COX réside entre autres sur l’acide aminé situé en position 523. On trouve à ce site une isoleucine sur la COX-1 et une valine sur la COX-2. La différence de taille entre ces deux acides aminés explique la présence d’une “petite poche”, réceptacle utilisé dans les études pharmacologiques des différents inhibiteurs sélectifs potentiels. Le principe de base est donc de synthétiser une molécule ne pouvant agir uniquement qu’après avoir pris position dans le réceptacle propre à la COX-2. La COX-1 ne possédant pas cette particularité, la molécule testée ne pourrait être active. La COX-1 ne serait donc pas inhibée, permettant alors de conserver toutes ses propriétés, en particulier la production de mucus gastrique. Cependant, plusieurs autres théories ont été formulées quant à la sélectivité pour la COX-2 de certaines molécules. Outre ce petit réceptacle, la flexibilité moléculaire pourrait expliquer l’inhibition de la COX-2, sans action parallèle sur la COX-1. Cette différence de flexibilité serait due aux différences structurales en acides aminés. Une autre théorie de sélectivité est fondée sur l’affinité entre le médicament et l’enzyme. Ce phénomène ferait intervenir des liaisons covalentes et donc des forces d’attraction spécifiques pour chaque liaison COX-médicament (3). Le meloxicam a été un des premiers médicaments élaboré dans le but d’une sélectivité COX-1/COX-2. Il s’agit d’une molécule dont le caractère sélectif est fondé sur une plus grande flexibilité de pénétration dans la boucle de la COX-2 par rapport à la COX-1. La différence structurale des COX au niveau de l’acide aminé situé en position 523 n’a donc pas été utilisée dans l’élaboration de cette molécule. Le rapport de sélectivité entre la COX-1 et la COX-2 a été estimé entre 3 et 77 lors des différentes études phar- 18 La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 1 - vol. III - février 2000 leurs arthrosiques). AINS NON SÉLECTIFS ET ANTICOX-2 Vane a montré dans les années soixante-dix que les AINS agissaient en inhibant la cyclo-oxygénase (COX), enzyme responsable de la biotransformation de l’acide arachidonique, acide gras situé au niveau des membranes cellulaires, en prostaglandines et leucotriènes. Lors d’une situation pathologique, il existe une augmentation de la synthèse de base des prostaglandines, responsables de phénomènes inflammatoires (vasodilatation, œdème, augmentation de la perméabilité capillaire) et de phénomènes douloureux. Il y a dix ans a été démontrée dans des cellules de mammifères l’existence de deux isoformes de la COX, appelées COX-1 et COX-2. Chaque enzyme est codée par un gène différent. La COX-1 est constitutionnelle tandis que la COX-2 est inductible lors d’une inflammation. La COX-1 exerce une action protectrice de divers organes, et notamment au niveau de l’estomac, et le blocage sélectif de la COX-2 permettait d’envisager l’action bénéfique d’un AINS sans effet délétère du fait de la préservation de la synthèse des prostaglandines protectrices. La cristallographie aux rayons X a permis de différencier les deux COX du point de vue de leur morphologie, de leur mode d’action et de leur cinétique (1). Les deux COX présentent de grandes similitudes morphologiques. Elles sont constituées d’une longue chaîne protidique en forme de U, capable d’accepter, en raison de son caractère hydrophobe, l’acide arachidonique (figure 1). Inhibiteur Cox-2 Ac. aminé 523 : réceptacle propre à la Cox-2 Figure 1. macologiques. Ces travaux ont permis de mettre en évidence une moindre incidence de lésions gastriques comparativement au diclofénac 100 mg/j ou au piroxicam 20 mg/j, que ce soit à la dose de 7,5 ou de 15 mg de meloxicam. Cependant, à la dose de 15 mg, l’incidence des lésions gastriques était augmentée par rapport au placebo, témoignant d’une sélectivité partielle. Par la suite, plusieurs molécules ont été testées : nimésulide, étodalac, nabumétone, sans pouvoir atteindre une sélectivité très élevée pour la COX-2. Ces médicaments ont donc été classés en “inhibiteurs préférentiels de COX-2”, ce qui ne représente pas d’intérêt en pratique, car cela ne diminue pas de façon cliniquement significative la toxicité gastroduodénale des AINS. Tableau I. Fréquence des ulcères de taille > 3 mm ou 5 mm dans l’étude de Laine et coll. (5). LES ANTICOX-2 SÉLECTIFS, TOLÉRANCE DIGESTIVE Tableau II. Fréquence des ulcères de taille > 3 mm dans l’étude de Simon et coll. (6). Placebo Rofécoxib 25 mg Rofécoxib 50 mg Ibuprofène Incidence cumulative (%) à 12 semaines ulcères > 3 mm ulcères > 5mm 9,9 8,2 4,1 1,8 7 ,3 5,5 27,7 20,6 Incidence cumulative (%) à 24 semaines ulcères > 3 mm ulcères > 5 mm --- 9,6 4,6 14,7 11,6 45,8 30,2 Placebo Célécoxib Célécoxib Célécoxib Naproxène 200 mg/j 400 mg/j 800 mg/j 1000 mg/j Actuellement, deux molécules (célécoxib, rofécoxib) ont une sélectivité véritable pour la COX-2 et constin = 148 n = 145 n = 130 n = 137 tuent les premiers médicaments d’une nouvelle classe Incidence pharmacologique. des ulcères – la sélectivité est mesurée en comparant la synthèse > 3 mm 4,0 6,0 4,0 6,0 26 de thromboxane B2, témoin de l’action de la COX-1, après 12 semaines à la synthèse de prostaglandine E2, témoin de l’action de traitement de la COX-2. Ces mesures permettent de définir la posologie nécessaire pour inhiber 50 % de la producscopie initiale. Les groupes de traitement comportaient soit le tion respective (COX-IC50) correspondant à une inhibition de 50 rofécoxib (25 ou 50 mg/j), soit l’ibuprofène (2 400 mg/j en trois % de l’activité de l’enzyme. Le rapport d’inhibition de chaque prises), soit un placebo. Les endoscopies de contrôle étaient réaenzyme peut être calculé pour une dose donnée de médicament ; lisées à 6, 12 et 24 semaines, mais à 16 semaines le traitement – deux molécules, le célécoxib (Celebrex® des laboratoires Searle) était interrompu chez 95 % des sujets sous placebo et 5 % des et le rofécoxib (Vioxx® des laboratoires MSD) sont commerciasujets des autres groupes, pour éviter la poursuite d’un traitement lisées aux États-Unis et dans divers pays du monde. Leur sélecplacebo chez des malades souffrants de douleurs chroniques. tivité est élevée. Le célécoxib est 375 fois plus sélectif pour la Les résultats figurent dans le tableau I. COX-2 que pour la COX-1. Le rapport de sélectivité n’a pu être Les incidences cumulatives des ulcères gastroduodénaux de plus calculé par le rofécoxib car il n’y avait pas d’inhibition de la COXde 3 mm ou de plus de 5 mm étaient significativement plus basses 1 à des doses de 1 000 mg (le rapport est donc supérieur à 1 000) dans les groupes rofécoxib que dans le groupe ibuprofène. (4). Les doses recommandées sont de 200 à 400 mg par 24 heures Il est souvent estimé que la fréquence des ulcères de taille supéen deux prises pour le célécoxib, et de 12,5 à 25 mg par 24 heures rieure à 5 mm reflète mieux le risque de complications graves en une prise pour le rofécoxib. Ces médicaments sont en cours de (hémorragies, perforations). commercialisation en Europe. Il faut noter que les propriétés antalgiques et anti-inflammatoires sont identiques à celles des AINS non • Célécoxib sélectifs de référence et on peut estimer que leur efficacité est donc semblable à celle des AINS non sélectifs. Leur bénéfice peut donc Les études endoscopiques montrent également la réduction des se situer au niveau d’une meilleure tolérance digestive, d’une ulcérations gastroduodénales à l’issue de traitements à court moindre fréquence d’apparition de lésions ulcéreuses gastroduoterme. Une étude effectuée chez 1 149 patients souffrant de polydénales et d’une réduction de la survenue d’événements cliniquearthrite rhumatoïde a comporté une endoscopie à l’inclusion et ment significatifs. une endoscopie à 12 semaines de traitement. Les groupes de traitement comportaient notamment un bras placebo, un bras céléÉtudes endoscopiques coxib 200 mg/24 heures, un bras célécoxib 400 mg par 24 heures • Rofécoxib et un bras naproxène 1 000 mg par 24 heures (6). La principale étude endoscopique est celle de Laine et coll. (5), La fréquence des ulcérations gastroduodénales de taille supéconduite chez 742 patients anesthésiques, sans ulcère à l’endorieure à 5 mm après 12 semaines de traitement figure dans le La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 1 - vol. III - février 2000 19 D O S S I E R T tableau II. Il existait une différence significative entre les groupes célécoxib et le groupe naproxène mais pas de différence significative entre le groupe placebo et les groupes célécoxib. Une étude multicentrique en double aveugle comparant l’efficacité et la tolérance du célécoxib 200 mg x 2 à celle du diclofénac 75 mg x 2 chez des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde comportait une endoscopie à la 24e semaine ou plus tôt en cas d’arrêt prématuré. Trois cent vingt-six patients ont reçu le célécoxib et 329 le diclofénac. La fréquence des ulcères à l’endoscopie était de 4 % dans le groupe célécoxib et de 15 % dans le groupe diclofénac (p < 0,001) (7). Il faut noter par ailleurs que l’infection à H. pylori n’influence pas la fréquence de survenue des ulcérations gastroduodénales dans les essais contrôlés rofécoxib ou célécoxib. Complications digestives cliniquement significatives Les complications graves des ulcères gastroduodénaux (hémorragie, perforation, sténose) doivent logiquement être moins fréquentes car la fréquence des ulcères gastroduodénaux est réduite avec les antiCOX-2 par rapport aux AINS non sélectifs. On ne dispose pas d’étude ciblée sur la prévalence des complications graves comme ce fut le cas avec l’étude Mucosa (8). On dispose par contre de l’évaluation de la fréquence des complications sévères, cliniquement significatives notées lors des études prémarketing d’efficacité effectuées avec le célécoxib et avec le rofécoxib. En ce qui concerne le rofécoxib, l’étude a porté sur 5 435 patients (rofécoxib 3 357 dont 12,5 mg : 1 209 ; 25 mg : 1 603 ; 50 mg : 545 ; AINS : 1 564 dont ibuprofène 2 400 mg : 847 ; diclofénac 150 mg : 5 901 ; nabumétone : 127 ; placebo : 514 patients). Les périodes de traitement variaient de 6 semaines à 24 mois. La dose moyenne de rofécoxib était de 24,7 mg. Au total, 45 événements indésirables digestifs sérieux ont été notés. À 12 mois, la fréquence cumulée des ulcères symptomatiques, hémorragies ou perforations, est inférieure chez les patients recevant le rofécoxib par comparaison aux AINS non sélectifs (1,5 % versus 2,68 %, OR = 0,45 [0,25 – 0,81] (9). En ce qui concerne le célécoxib, on note des résultats voisins. Dans cette étude, le nombre de complications ulcéreuses (9 cas d’hémorragie et 2 cas de sténose pyloroduodénale) était de 0 sur 208 patients-années sous placebo, de 2 pour 1 020 années-patients pour les sujets traités par célécoxib, et de 9 pour 535 annéespatients pour le groupe traité par AINS non sélectifs. Le risque était donc significativement inférieur dans le groupe célécoxib versus AINS non sélectifs, soit 0,20 % versus 1,68 % (p < 0,05) mais on peut noter que le groupe célécoxib comportait des patients traités à différentes doses dont des doses faibles, alors que le groupe AINS non sélectif était traité par des doses fortes (2 400 mg/jour pour l’ibuprofène, 150 mg/jour pour le diclofénac) (10). Un autre renseignement est également fourni par les études de surveillance postmarketing. L’étude après 6 mois de commercialisation du célécoxib (780 000 patients-années) ne montre pas de survenue d’événements gastrointestinaux graves de fréquence 20 H É M A T I Q U E supérieure à celle de la population générale (11). Il faut noter que la prescription d’antiCOX-2 sélectifs à un sujet ayant un ulcère évolutif n’est pas souhaitable car expérimentalement la COX-2 semble nécessaire à la cicatrisation des ulcères gastroduodénaux. Au total, les résultats initiaux sont encourageants et permettent d’espérer une diminution des complications graves des AINS, mais on attend avec intérêt les études de tolérance digestive sur des groupes de plusieurs milliers de patients (études en cours). Dyspepsie aux AINS On sait qu’il n’y a pas de corrélation entre lésions endoscopiques et symptomatologie clinique. Certains ulcères asymptomatiques peuvent se révéler par une complication grave, comme une hémorragie, et inversement, certains patients très symptomatiques présentent une muqueuse gastroduodénale macroscopiquement normale. Cette absence de corrélation se retrouve dans l’étude de Laine et coll. (5). La douleur abdominale a été rencontrée dans 6,5 % des cas du groupe placebo, 8,7 % du groupe rofécoxib 25 mg, 9,5 % du groupe rofécoxib 50 mg et 7,6 % du groupe ibuprofène. La consommation d’antiacides était identique dans les quatre groupes (1 tablette par jour). La dyspepsie peut rester un problème avec les antiCOX2 mais semble rarement motiver un arrêt thérapeutique, car dans les essais contrôlés les sorties pour effet secondaire digestif ne différaient globalement pas entre les groupes antiCOX-2 et les groupes placebo. Dans l’étude de Emery et coll. (7), les sorties d’étude étaient presque trois fois plus fréquentes dans le groupe diclofénac que dans le groupe célécoxib (16 % versus 6 % ; p < 0,001). VERS LA DISPARITION DES ULCÈRES AUX AINS ? Nous envisagerons ici le cas des AINS non salicylés. L’aspirine est actuellement surtout utilisée à petites doses dans un but de prévention vasculaire et cet aspect est traité dans l’article de P. Hochain. Les AINS non salicylés sont employés essentiellement : – dans les rhumatismes inflammatoires (polyarthrite rhumatoïde, pelvispondylarthrite rhumatismale) et, dans ce cas, souvent au long cours ; – dans les douleurs articulaires chez les patients arthrosiques, souvent, dans ce cas, en cures courtes mais répétées. L’utilisation des antiCOX-2 va manifestement remplacer en grande partie celle des AINS non sélectifs et ces médicaments ont conquis en quelques mois aux États-Unis une large part du marché des AINS. On peut donc espérer une réduction des lésions digestives liées aux AINS et notamment des complications sévères, de type hémorragie ou perforation. La dyspepsie aux AINS risque de devenir un problème et des études sont nécessaires pour déterminer si les inhibiteurs de la pompe à protons permettent de réduire ces manifestations douloureuses. Il paraît surtout capital que les AINS soient bien prescrits, avec un respect des contre-indications notamment digestives. Une prescription incontrôlée et imprudente chez des patients ulcéreux risquerait d’entraîner des complications non justifiées. La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 1 - vol. III - février 2000 Des études de coût-efficacité sont souhaitables pour mieux mesurer l’apport de ces médicaments en termes d’économie de santé. Au total, les antiCOX-2 ne constituent probablement pas la panacée universelle, mais comme l’ont souligné Beejay et Wolfe (12), il ne s’agit probablement pas d’un “feu de paille” dans notre pharmacopée. Les résultats prometteurs initiaux de tolérance digestive ne doivent pas dispenser d’une surveillance soigneuse au niveau de la pharmacovigilance ainsi que d’études à grande échelle, permettant de mieux déterminer le profil de tolérance, notamment en ce qui concerne la survenue de complications graves. Ces études sont en cours. Le développement d’autres antiCOX-2 apportera également des renseignements complémentaires sur la tolérance digestive des AINS du XXIe siècle. ■ 3. Berenbaum F. Les cyclo-oxygénases et leurs inhibiteurs : vers une nouvelle classe pharmacologique ? Rev Rhum 1998 ; 65 : 701-8. 4. Hawkey C.J. COX-2 inhibitors. Lancet 1999 ; 353 : 307-14. 5. Laine L., Harper S., Simon T. et coll. A randomized trial comparing the effect of rofecoxib, a cyclooxygenase 2-specific inhibitor, with that of ibuprofen on the gastroduodenal mucosa of patients with osteoarthritis. Gastroenterology 1999 ; 117 : 776-83. 6. Simon L.S., Weaver A.L., Graham D.Y. et coll. Anti-inflammatory and upper gastrointestinal effects of celecoxib in rheumatoid arthritis. A randomized controlled trial. JAMA 1999 ; 282 : 1921-8. 7. Emery P., Zeidler H., Kvien T.K. et coll. Celecoxib versus diclofenac in longterm management of rheumatoid arthritis : randomized double-blind comparison. Lancet 1999 ; 354 : 2106-11. 8. Silverstein F.E., Graham D.Y., Senior J.R. et coll. Misoprostol reduces serious gastrointesitnal complications in patients with rheumatoid arthritis receiving nonsteroidal anti-inflammatory drugs. Ann Intern Med 1995 ; 123 : 241-9. Mots clés : Ulcère gastroduodénal – Anti-inflammatoires non stéroïdiens – AntiCOX-2 – Hémorragie digestive. R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 9. Langman M., Jensen D., Harper S. et coll. Lower incidence of clinically evident upper-GI perforations, ulcers and bleeding in patients treated with rofecoxib vs non specific clycooxygenase inhibitors. Gastroenterology 1999 ; 116 : A232. 10. Goldstein J.L., Agrawal N.M., Silverstein F. et coll. Celecoxib is associated with a significantly lower incidence of clinically significant upper gastrointestinal events in osteoarthritis patients as compared with NSAIDS. Gastroenterology 1999 ; 116 : A409. 11. Singh G., Ramey D.R., Triadafilopoulos G. Early experience with selective dal antinflammatory drugs. New Engl J Med 1999 ; 340 : 1888-99. COX-2 inhibitors : safety profil in over 340 000 patients-year of use. Arthritis Rheum 1999 ; 42, 9 (suppl.) : S296. 2. Singh G., Triadafilopoulus G. Epidemiology of NSAID-induced GI complica- 12. 1. Wolfe M.M., Lichtenstein Dr, Singh G. Gastrointestinal toxicity of non steroitions. J Rheumatol 1999 ; 26 (suppl. 26) : 18-24. en association avec l’interféron alfa-2b dans le traitement de l’hépatite C chronique chez les patients “naïfs” et chez les patients rechuteurs après monothérapie d’interféron ; – l’ASMR ou amélioration du service médical rendu est délivrée par la commission de transparence. Cette ASMR comporte cinq niveaux dont le niveau 1 est le plus élevé, correspondant à une amélioration majeure du service médical rendu par rapport à l’interféron seul. Le dossier médical du Rebetol® comportait trois essais randomisés ayant inclus Lab’infos Coup double pour le Rebetol® : AMM et ASMR de niveau 1 Ces acronymes barbares sont en fait l’expression d’une bonne nouvelle pour les patients atteints d’hépatite C chronique. – l’AMM ou autorisation de mise sur le marché délivrée par la commission d’AMM a été obtenue pour le Rebetol® (ribavirine) Beejay U., Wolfe M.M. Cyclooxygenase 2 selective inhibitors : panacea or flash in the pan. Gastroenterology 1999 ; 117 : 1002-5. La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 1 - vol. III - février 2000 2 089 patients naïfs ou rechuteurs. Cette bithérapie constitue maintenant le traitement de référence chez les patients naïfs ou rechuteurs. Le Rebetol® est administré en deux prises par jour à la dose de 1 000 mg ou 1 200 mg (poids inférieur ou supérieur à 75 kg) en association à l’interféron alfa-2b à la dose de 3 MUI trois fois par semaine par voie sous-cutanée. Le traitement dure de 24 à 48 semaines, selon les cas. Les précautions d’emploi concernent surtout le risque tératogène (précautions chez l’homme et la femme) et les risques d’hémolyse justifient un suivi de la numération formule. Le médicament est soumis à une prescription initiale hospitalière de 6 mois. 21