DOSSIER THÉMATIQUE
La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 1 - vol. III - février 200020
tableau II.
Il existait une différence significative entre les groupes célécoxib
et le groupe naproxène mais pas de différence significative entre
le groupe placebo et les groupes célécoxib.
Une étude multicentrique en double aveugle comparant l’effica-
cité et la tolérance du célécoxib 200 mg x 2 à celle du diclofénac
75 mg x 2 chez des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde
comportait une endoscopie à la 24esemaine ou plus tôt en cas
d’arrêt prématuré. Trois cent vingt-six patients ont reçu le célé-
coxib et 329 le diclofénac. La fréquence des ulcères à l’endo-
scopie était de 4 % dans le groupe célécoxib et de 15 % dans le
groupe diclofénac (p < 0,001) (7). Il faut noter par ailleurs que
l’infection à H. pylori n’influence pas la fréquence de survenue
des ulcérations gastroduodénales dans les essais contrôlés rofé-
coxib ou célécoxib.
Complications digestives cliniquement significatives
Les complications graves des ulcères gastroduodénaux (hémor-
ragie, perforation, sténose) doivent logiquement être moins fré-
quentes car la fréquence des ulcères gastroduodénaux est réduite
avec les antiCOX-2 par rapport aux AINS non sélectifs. On ne dis-
pose pas d’étude ciblée sur la prévalence des complications graves
comme ce fut le cas avec l’étude Mucosa (8). On dispose par contre
de l’évaluation de la fréquence des complications sévères, clini-
quement significatives notées lors des études prémarketing d’ef-
ficacité effectuées avec le célécoxib et avec le rofécoxib.
En ce qui concerne le rofécoxib, l’étude a porté sur 5 435 patients
(rofécoxib 3 357 dont 12,5 mg : 1 209 ; 25 mg : 1 603 ; 50 mg :
545 ; AINS : 1 564 dont ibuprofène 2 400 mg : 847 ; diclofénac
150 mg : 5 901 ; nabumétone : 127 ; placebo : 514 patients). Les
périodes de traitement variaient de 6 semaines à 24 mois. La dose
moyenne de rofécoxib était de 24,7 mg. Au total, 45 événements
indésirables digestifs sérieux ont été notés. À 12 mois, la fré-
quence cumulée des ulcères symptomatiques, hémorragies ou
perforations, est inférieure chez les patients recevant le rofécoxib
par comparaison aux AINS non sélectifs (1,5 % versus 2,68 %,
OR = 0,45 [0,25 – 0,81] (9).
En ce qui concerne le célécoxib, on note des résultats voisins.
Dans cette étude, le nombre de complications ulcéreuses (9 cas
d’hémorragie et 2 cas de sténose pyloroduodénale) était de 0 sur
208 patients-années sous placebo, de 2 pour 1 020 années-patients
pour les sujets traités par célécoxib, et de 9 pour 535 années-
patients pour le groupe traité par AINS non sélectifs. Le risque
était donc significativement inférieur dans le groupe célécoxib
versus AINS non sélectifs, soit 0,20 % versus 1,68 % (p < 0,05)
mais on peut noter que le groupe célécoxib comportait des patients
traités à différentes doses dont des doses faibles, alors que le
groupe AINS non sélectif était traité par des doses fortes (2 400
mg/jour pour l’ibuprofène, 150 mg/jour pour le diclofénac) (10).
Un autre renseignement est également fourni par les études de
surveillance postmarketing. L’étude après 6 mois de commer-
cialisation du célécoxib (780 000 patients-années) ne montre pas
de survenue d’événements gastrointestinaux graves de fréquence
supérieure à celle de la population générale (11). Il faut noter que
la prescription d’antiCOX-2 sélectifs à un sujet ayant un ulcère
évolutif n’est pas souhaitable car expérimentalement la COX-2
semble nécessaire à la cicatrisation des ulcères gastroduodénaux.
Au total, les résultats initiaux sont encourageants et permettent
d’espérer une diminution des complications graves des AINS,
mais on attend avec intérêt les études de tolérance digestive sur
des groupes de plusieurs milliers de patients (études en cours).
Dyspepsie aux AINS
On sait qu’il n’y a pas de corrélation entre lésions endoscopiques
et symptomatologie clinique. Certains ulcères asymptomatiques
peuvent se révéler par une complication grave, comme une hémor-
ragie, et inversement, certains patients très symptomatiques pré-
sentent une muqueuse gastroduodénale macroscopiquement nor-
male. Cette absence de corrélation se retrouve dans l’étude de Laine
et coll. (5). La douleur abdominale a été rencontrée dans 6,5 % des
cas du groupe placebo, 8,7 % du groupe rofécoxib 25 mg, 9,5 % du
groupe rofécoxib 50 mg et 7,6 % du groupe ibuprofène. La consom-
mation d’antiacides était identique dans les quatre groupes (1 tablette
par jour). La dyspepsie peut rester un problème avec les antiCOX-
2 mais semble rarement motiver un arrêt thérapeutique, car dans les
essais contrôlés les sorties pour effet secondaire digestif ne diffé-
raient globalement pas entre les groupes antiCOX-2 et les groupes
placebo. Dans l’étude de Emery et coll. (7),les sorties d’étude étaient
presque trois fois plus fréquentes dans le groupe diclofénac que dans
le groupe célécoxib (16 % versus 6 % ; p < 0,001).
VERS LA DISPARITION DES ULCÈRES AUX AINS ?
Nous envisagerons ici le cas des AINS non salicylés. L’aspirine est
actuellement surtout utilisée à petites doses dans un but de préven-
tion vasculaire et cet aspect est traité dans l’article de P. Hochain.
Les AINS non salicylés sont employés essentiellement :
– dans les rhumatismes inflammatoires (polyarthrite rhumatoïde,
pelvispondylarthrite rhumatismale) et, dans ce cas, souvent au
long cours ;
– dans les douleurs articulaires chez les patients arthrosiques, sou-
vent, dans ce cas, en cures courtes mais répétées.
L’utilisation des antiCOX-2 va manifestement remplacer en
grande partie celle des AINS non sélectifs et ces médicaments
ont conquis en quelques mois aux États-Unis une large part du
marché des AINS. On peut donc espérer une réduction des lésions
digestives liées aux AINS et notamment des complications
sévères, de type hémorragie ou perforation. La dyspepsie aux
AINS risque de devenir un problème et des études sont néces-
saires pour déterminer si les inhibiteurs de la pompe à protons
permettent de réduire ces manifestations douloureuses. Il paraît
surtout capital que les AINS soient bien prescrits, avec un res-
pect des contre-indications notamment digestives. Une prescrip-
tion incontrôlée et imprudente chez des patients ulcéreux ris-
querait d’entraîner des complications non justifiées.