FAMILLES SOMMABLES
DANS UN ESPACE VECTORIEL NORME
APPLICATIONS AUX SERIES
DANS UN ESPACE VECTORIEL NORME
-
Patrick Vollat
2009
Préambule
Le contexte naturel pour parler de familles sommables est celui induit par la structure de groupe
topologique. Il suffit en effet d’une addition (la loi de composition interne du groupe) et d’une
topologie pour "additionner des objets en quantité quelconque, éventuellement infinie". Dans
la très grande majorité des situations concrètes, les objets considérés sont des éléments d’un
espace vectoriel. De plus, la notion de groupe topologique n’est que très rarement abordée dans
les programmes de licence. On se limitera ainsi dans le présent exposé, à l’étude des familles
sommables dans les espaces vectoriels normés réels ou complexes - de dimension quelconque et
pas forcément complets néanmoins.
Contenu
1. Définitions et propriétés de base
2. Familles absolument sommables
3. Regroupements
4. Relations entre familles et séries
5. Quelques applications et exemples
***
1
1
Définitions et proprs de base
Les espaces vectoriels normés considérés sont tous construits sur Rou C.
Iétant un ensemble quelconque, P
f
(I)signe l’ensemble des parties finies de I.
Si (a
i
)
iI
est une famille d’un espace vectoriel E, pour toute partie finie Jde I, on note A
J
la
somme
iJ
a
i
.
Définition 1 Sommabilité
Une famille (a
i
)
iI
d’un espace vectoriel normé Eest sommable si et seulement si :
AE / ε > 0,I
ε
∈ P
f
(I)/J∈ P
f
(I)I
ε
J=⇒ ||AA
J
|| ≤ ε .
On montre facilement que Aest unique ; on appelle Ala somme de la famille (a
i
)
iI
.
Définition 2 Critère de Cauchy
Une famille (a
i
)
iI
d’un espace vectoriel normé Evérifie le critère de Cauchy
si et seulement si :
ε > 0,I
ε
∈ P
f
(I)/J∈ P
f
(I)I
ε
J==⇒ ||A
J
|| ≤ ε .
Théorème 1 Une famille sommable d’un espace vectoriel normé vérifie le critère de Cauchy.
Preuve : Soit une famille sommable (a
i
)
iI
:
AE / ε > 0,I
ε
∈ P
f
(I)/J∈ P
f
(I)I
ε
J=⇒ ||AA
J
|| ≤
ε
2
.
J∈ P
f
(I)/ I
ε
J=on a I
ε
I
ε
Jdonc ||AA
I
ε
J
|| =||AA
Iε
A
J
|| ≤
ε
2
.
D’où : ||A
J
|| ≤ ||AA
I
ε
|| +
ε
2
ε
2
+
ε
2
=ε .
Théorème 2 Dans un Banach, une famille vérifiant le critère de Cauchy est sommable.
Preuve : Soit une famille (a
i
)
iI
d’un Banach Evérifiant le critère de Cauchy :
ε > 0,I
ε
∈ P
f
(I)/J∈ P
f
(I)I
ε
J==⇒ ||A
J
|| ≤ ε .
On a alors : nN
,I
n
∈ P
f
(I)/J∈ P
f
(I)I
n
J==⇒ ||A
J
|| ≤
1
n
.
On pose pour tout entier nnon nul : B
n
={A
J
/ J ∈ P
f
(I)et I
n
J}.
On a alors : δ(B
n
)
2
n
, δ(B
n
)désignant le diamètre de B
n
.
En effet : (J, J
)∈ P
f
(I)
2
,(I
n
Jet I
n
J
) =(J\J
)I
n
= (J
\J)I
n
=;
ainsi : ||A
J
A
J
|| =||A
J\J
A
J
\J
|| ≤ ||A
J\J
|| +||A
J
\J
|| ≤
1
n
+
1
n
=
2
n
.
On pose ensuite pour tout entier nnon nul :
I
n
=
1kn
I
k
et B
n
={A
J
/ J ∈ P
f
(I)et I
n
J}.
On a I
n
I
n
et B
n
B
n
donc δ(B
n
)
2
n
et enfin δ(B
n
) = δ(B
n
)
2
n
(B
n
étant l’adhérence de B
n
).
On a également I
n
I
n+1
et B
n+1
B
n
donc : B
n+1
B
n
.
(B
n
)
nN
est alors une suite décroissante de fermés non vide dont le diamètre tend vers 0.
Comme Eest complet, on conclut à l’existence d’un élément Ade Etel que
nN
B
n
={A}.
On peut alors écrire :
ε > 0,n
ε
N(n
ε
=E(
4
ε
) + 1 >
4
ε
),J
ε
∈ P
f
(I) (J
ε
=I
n
ε
et donc A
J
ε
B
n
ε
)/
J∈ P
f
(I),
J
ε
J=⇒ ||AA
J
|| ≤ ||AA
J
ε
|| +||A
J
ε
A
J
|| ≤ δ(B
n
ε
) + δ(B
n
ε
)
2
n
ε
+
2
n
ε
ε
2
+
ε
2
=ε
et la famille (a
i
)
iI
est sommable.
Corollaire 1 fondamental Si (a
i
)
iI
est une famille d’un espace vectoriel normé Equi
vérifie le critère de Cauchy - une famille sommable par exemple, alors :
1. ε > 0,{iI / ||a
i
|| ≥ ε}est fini,
2. {iI / a
i
= 0}est dénombrable.
2
Preuve :(a
i
)
iI
vérifie le critère de Cauchy ce qui donne facilement :
ε > 0,I
ε
∈ P
f
(I)/iI , i /I
ε
=I
ε
∩ {i}=et donc ||A
{i}
|| =||a
i
|| < ε
ou encore en contraposant : iI , ||a
i
|| ≥ ε=iI
ε
d’où la première partie du résultat.
Pour la deuxième partie, on remarque que {iI / a
i
= 0}=
nN
{iI / ||a
i
|| ≥
1
n
}est
une réunion dénombrable d’ensembles finis.
On a alors les quelques propriétés basiques suivantes :
Proprié 1 :S(I, E), ensemble des familles sommables d’un espace vectoriel normé Eindexées
par un même ensemble d’indices I, est bien évidemment un espace vectoriel et l’application
(a
i
)
iI
−
iI
a
i
est une forme linéaire définie sur S(I, E).
Proprié 2 : Toute sous-famille (terminologie évidente) d’une famille sommable d’un Banach
est sommable.
Proprié 3 : Dans tout espace vectoriel normé, l’ensemble des sommes sur les parties finies
d’une famille vérifiant le critère de Cauchy est borné. Cest donc le cas pour une famille som-
mable.
Preuves : La preuve de la première propriété est triviale.
Propriéré 2 : Elle se démontre facilement en utilisant le critère de Cauchy.
Soit une famille sommable (a
i
)
iI
d’un Banach E; elle vérifie le critère de Cauchy :
ε > 0,I
ε
∈ P
f
(I)/J∈ P
f
(I)I
ε
J==⇒ ||A
J
|| ≤ ε .
Soit LIet la sous-famille associée (a
i
)
iL
.On pose L
ε
=LI
ε
; on a alors :
J∈ P
f
(L)L
ε
J=I
ε
Jdonc :
ε > 0,L
ε
∈ P
f
(L)/J∈ P
f
(L)L
ε
J==⇒ ||A
J
|| ≤ ε .
ainsi (a
i
)
iL
vérifie le critère de Cauchy et est sommable puisque Eest complet.
Propriété 3 : Soit une famille (a
i
)
iI
vérifiant le critère de Cauchy :
ε > 0,I
ε
∈ P
f
(I)/J∈ P
f
(I)I
ε
J==⇒ ||A
J
|| ≤ ε .
On a alors : J∈ P
f
(I),||A
J
|| =||A
JI
ε
+A
J\I
ε
|| ≤ ||A
JI
ε
|| +||A
J\I
ε
||
||
iJI
ε
a
i
|| +ε
iJI
ε
||a
i
|| +ε
iI
ε
||a
i
|| +ε .
Remarque 1 On peut constater tout de suite qu’une famille indexée par Net donnant une
série convergente n’est pas forcément une famille sommable.
Par exemple, la famille (
(1)
n+1
n
)
nN
donne la série convergente (
n=1
(1)
n+1
n
= ln(2) ) mais
n’est pas sommable. En effet, {A
J
/ J ∈ P
f
(N)}n’est pas borné. Il suffit pour le voir, de
considérer pour tout entier n, les sommes sur les parties finies J
n
={2k / k N
et k n}:
A
J
n
=
n
k=1
1
2k
n→∞
−∞ .
Tout vient de ce que les sommes partielles d’une série sont des sommes sur des parties finies
particulières, à savoir des parties commençantes du type I
n
={kN/0kn}.
Théorème 3 pour les familles de réels positifs
Une famille (a
i
)
iI
de réels positifs est sommable si et seulement si l’ensemble des sommes sur
les parties finies de Iest majoré.
On a alors A= sup
J∈P
f
(I)
A
J
.
Preuve : La propriété 3 fournit la preuve dans un sens.
Pour la réciproque, on considère une famille sommable (a
i
)
iI
de réels positifs pour la quelle
A= sup
J∈P
f
(I)
A
J
est défini.
On a : ε > 0,I
ε
∈ P
f
(I)/ A ε < A
I
ε
< A
3
et comme les éléments de la famille sont positifs,
J∈ P
f
(I), I
ε
J=Aε < A
i
ε
A
J
Adonc : 0AA
J
ε .
Proprié 4 : Soient (a
i
)
iI
et (b
i
)
iI
deux familles de réels positifs indexées par le même
ensemble I.
Si (b
i
)
iI
est sommable et si iI , a
i
b
i
alors (a
i
)
iI
est sommable.
Preuve : triviale.
2
Familles absolument sommables
Définition 3 Absolue sommabilité
Une famille (a
i
)
iI
d’un espace vectoriel normé Eest absolument sommable si et seulement si
la famille de réels positifs (||a
i
||)
iI
est sommable.
Théorème 4 sur l’absolue sommabilité dans un Banach
Dans un Banach, une famille absolument sommable est sommable.
Preuve : Soit une famille (a
i
)
iI
absolument sommable d’un Banach E.
La famille (||a
i
||)
iI
est sommable donc vérifie le critère de Cauchy :
ε > 0,I
ε
∈ P
f
(I)/J∈ P
f
(I)I
ε
J==
iJ
||a
i
|| ≤ ε .
Comme ||A
J
|| =||
iJ
a
i
||
iJ
||a
i
|| ,on a :
ε > 0,I
ε
∈ P
f
(I)/J∈ P
f
(I)I
ε
J==⇒ ||A
J
|| ε .
La famille (a
i
)
iI
vérifie le critère de Cauchy et comme Eest complet, elle est sommable.
Théorème 5 sur l’absolue sommabilité en dimension finie
Une famille (a
i
)
iI
d’un espace vectoriel normé de dimension finie est sommable si et seulement
si elle est absolument sommable.
Preuve : Le théorème précédent donne le résultat dans un sens puisqu’un espace vectoriel
normé de dimension finie est complet.
Voyons d’abord la réciproque pour une famille sommable (a
i
)
iI
de réels (E=R) :
D’après la propriété 3, l’ensemble des sommes sur les parties finies est borné donc :
k > 0/J∈ P
f
(I),kA
J
k.
Mais alors :
iJ
|a
i
|=
iJ
+
a
i
iJ
a
i
2k
avec J
+
={iJ / a
i
0}et J
={iJ / a
i
<0}
et bien entendu (J
+
, J
)∈ P
f
(I)
2
.
Ainsi, l’ensemble des sommes sur les parties finies de Ide la famille de réels positifs (|a
i
|)
iI
est majoré ; (|a
i
|)
iI
est donc sommable d’après le théorème 3.
Pour le cas général, on remarquera qu’un espace vectoriel de dimension nsur Cpeut être
considéré comme un espace de dimension 2nsur Ret l’on supposera donc dans la suite que
l’espace vectoriel est réel.
Soit donc un R-espace vectoriel Ede dimension n; on notera x= (x
k
)
1kn
ses éléments.
(a
i
)
iI
étant une famille sommable de Ede somme A, pour tout entier kcompris entre 1et n,
les familles (a
k
i
)
iI
sont sommables de sommes A
k
.
On le voit en utilisant la norme sup , ce qui est légitime puisqu’en dimension finie, toutes les
4
normes sont équivalentes :
ε > 0,I
ε
∈ P
f
(I)/J∈ P
f
(I)I
ε
J=⇒ ||AA
J
||
= sup
1kn
|A
k
A
k
J
|
= sup
1kn
|A
k
iJ
a
k
i
| ε
donc, pour tout entier kcompris entre 1et n:
ε > 0,I
ε
∈ P
f
(I)/J∈ P
f
(I)I
ε
J=⇒ |A
k
iJ
a
ik
| ≤ ε .
En utilisant cette fois la norme 1 (x= (x
k
)
1kn
R
n
,||x||
1
=
n
k=1
|x
k
|), on a d’après ce
qui précède pour le cas réel, pour tout entier kcompris entre 1et n, la sommabilité des familles
(|a
k
i
|)
iI
puis, d’après la propriété 1, la sommabilité de la famille (
n
k=1
|a
k
i
|)
iI
= (||a
i
||
1
)
iI
.
La famille (a
i
)
iI
est donc absolument sommable.
3
Regroupements
Il s’agit en gros de parler ici de "l’associativité de la sommation".
Théorème 6 de regroupement
Soit une famille sommable (a
i
)
iI
de somme Ad’un Banach Eet (I
k
)
kK
une partition de I.
On a alors :
1. kK , (a
i
)
iI
k
est sommable et si b
k
=
iI
k
a
i
,
2. (b
k
)
kK
est sommable et A=
kK
b
k
.
Ainsi
iI
a
i
=
kK
(
iI
k
a
i
).
Preuve : Le premier point est une conséquence de la propriété 2.
Pour la suite, (a
i
)
iI
est sommable de somme Ad
où :
ε > 0,I
ε
∈ P
f
(I)/J∈ P
f
(I)I
ε
J=⇒ ||AA
J
|| ≤
ε
2
.
Alors, H
ε
={kK / I
ε
I
k
=}est fini.
En effet : k→ x
k
I
ε
I
k
(axiome du choix) est une injection de H
ε
dans I
ε
car :
k=k
=x
k
=x
k
puisque : x
k
I
k
, x
k
I
k
et I
k
I
k
=((I
k
)
kK
une partition de I).
On conclut donc que le cardinal de H
ε
est inférieur à celui de I
e
qui est fini, ainsi H
ε
est fini.
Pour achever la démonstration, on va montrer que :
H∈ P
f
(K)H
ε
H= ||
kH
b
k
A|| ≤ ε:
Soit donc H∈ P
f
(K)avec H
ε
H .
D’abord, kK , comme (a
i
)
iI
k
est sommable de somme b
k
, on a :
I
k,ε,H
∈ P
f
(I
k
)/J
∈ P
f
(I
k
)I
k,ε,H
J
=⇒ ||b
k
A
J
|| ≤
ε
2Card(H)
et si L
k,ε,H
=I
k,ε,H
(I
ε
I
k
), L
k,ε,H
est une partie finie de I
k
et on a :
I
k,ε,H
L
k,ε,H
donc ||b
k
A
L
k,ε,H
|| ≤
ε
2Card(H)
.
Ensuite, (k, k
)H
2
,
k=k
=L
k,ε,H
L
k
,ε,H
= (I
k,ε,H
(I
ε
I
k
)) (I
k
,ε,H
(I
ε
I
k
)) I
k
I
k
=.
De plus, comme (I
k
)
kK
partitionne Iet d’après la définition de H
ε
,
I
ε
=
kK
I
k
I
ε
=
kH
ε
I
k
I
ε
⊂ ∪
kH
ε
L
k,ε,H
⊂ ∪
kH
L
k,ε,H
.
Alors, tenant compte des deux points précédents, on a :
||
kH
b
k
A|| ||
kH
b
k
kH
A
L
k,ε,H
|| +||
kH
A
L
k,ε,H
A||
kH
||b
k
A
L
k,ε,H
|| +||
i∈∪
kH
L
k,ε,H
a
i
A|| ≤
kH
ε
2Card(H)
+
ε
2
=ε
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