La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XII - n° 6 - novembre-décembre 2009 | 219
DOSSIER THÉMATIQUE
de la population générale qu’à partir de l’âge de
20 ans, et il n’y a aucun décès par cancer colorectal
avant l’âge de 15 ans (9). L’attitude consensuelle
consiste donc en un suivi à partir de 12 ou 13 ans,
par coloscopie totale, chez les enfants identifiés
par analyse génétique. L’âge recommandé pour
la colectomie prophylactique systématique dans
la PAF classique se situe aux alentours de 20 ans,
parfois moins (12-15 ans dans les formes profuses,
en particulier pour la mutation 1309). Le choix du
type de chirurgie fera prochainement l’objet de
recommandations spécifiques de l’INCa : il se fait
entre anastomose iléo-anale (AIA) ou iléo-rectale
(AIR). Le résultat fonctionnel des deux méthodes
semble assez proche en termes de fréquence des
selles. L’anastomose iléo-anale reste plus délicate,
et comporte ses propres risques : incontinence
nocturne (25 %), troubles sexuels (4,8 %), sténose
anastomotique. L’avantage principal antérieure-
ment attribué à l’AIA était de supprimer le risque
de cancer sur rectum restant, estimé à 10 à 37 %
des cas 20 ans après une AIR. Cependant, le risque
de développer des adénomes sur réservoir iléal est
maintenant clairement démontré (10). Enfin, ce
qui constitue maintenant le point négatif principal
de l’AIA est la diminution de la fertilité, largement
démontrée, chez les femmes. Un critère de choix
revient fréquemment, faute de mieux, dans les
synthèses, celui d’un nombre de polypes rectaux
supérieur ou inférieur à 20. Les séries rétrospectives
sur lesquelles se fonde ce critère sont anciennes,
obsolètes du point de vue endoscopique (l’indigo
carmin révèle souvent beaucoup plus de lésions). Ce
critère n’a probablement aucune valeur scientifique,
et l’expérience du gastroentérologue est beaucoup
plus importante pour décider de la conservation
rectale, en évaluant de multiples critères (taille et
degré de dysplasie des lésions, site de mutation,
histoire familiale, compliance du patient). Cette
décision devrait être toujours prise à l’occasion de
réunions de concertation médico-chirurgicale.
◆Suivi après résection colique ou colorectale
Le risque de cancer sur rectum restant, sans traitement
et sans surveillance, est de 30 à 37 % à 20 ans (10).
Après anastomose iléo-rectale, un suivi est donc
nécessaire, au moins une fois par an, en utilisant
systématiquement la chromoscopie, et il est très
probable, bien qu’insuffisamment démontré, que
le suivi optimisé et le traitement systématique des
adénomes résiduels permettent de limiter le risque
de cancer et le recours à la proctectomie secondaire.
À ce jour, les traitements médicamenteux prophy-
lactiques (sulindac) ne sont pas justifiés en dehors
d’essais thérapeutiques. Ils n’ont jamais fait la preuve
de leur efficacité, même macroscopique sur le long
terme chez l’homme. Après anastomose iléo-anale,
il est important de suivre les patients pendant les
2 années qui suivent la chirurgie pour deux raisons. La
première est le diagnostic et le traitement de lésions
adénomateuses se développant au niveau d’une
possible zone de muqueuse colique résiduelle (on
peut, dans de rares cas, observer le développement
rapide et extensif d’une tumeur villeuse au niveau
du réservoir). La deuxième est le diagnostic et le
traitement des sténoses anastomotiques qui peuvent
survenir avec une fréquence parfois notable (12 % des
cas après anastomose manuelle) et peuvent être faci-
lement dilatées au doigt. Il est ensuite probablement
possible d’espacer la surveillance du réservoir iléal
à 2 ans, jusqu’au développement d’adénomes à ce
niveau, ce qui semble survenir avec un délai médian
de 4 ans après coloproctectomie totale.
Surveillance et traitement
au niveau duodénal
Les adénomes duodénaux apparaissent chez quasi-
ment tous les patients porteurs d’une PAF. Le risque
de développer un adénocarcinome duodénal ou
jéjunal proximal est 300 fois supérieur à celui de la
population générale, mais reste faible dans le cadre
d’évaluations rétrospectives en termes de risque
cumulé (< 10 %) [9, 11]. Les cancers sont localisés,
par ordre de fréquence : au niveau de l’ampoule de
Vater, du duodénum proximal et distal, du jéjunum
proximal (12). La polypose duodénale est évaluée par
la classification de Spigelman, qui prend en compte
la taille, le nombre, le type histologique (tubuleux
ou villeux) et le degré de dysplasie. Cinq stades
sont définis par ces critères : stades 0-I-II : poly-
pose modérée ; stades III-IV : polypose sévère (sché-
matiquement : diamètre > 10 mm, nombre > 10,
dysplasie de haut grade).
La surveillance recommandée de façon consensuelle
et internationale débute entre 20 et 25 ans (12). Une
simple gastroscopie peut être proposée avant 15 ans
pour dépister les rares lésions ampullaires précoces
(recommandations d’experts). Les recommandations
de la Société française d’endoscopie digestive (12)
sont les suivantes :
➤
Un suivi endoscopique peut être recommandé
tous les 2 ans en cas de polypose modérée, tous les
ans pour les polyposes sévères, et tous les 6 mois
en cas de dysplasie de haut grade (12).