Rhinologie Place des corticoïdes locaux dans le traitement de la polypose naso-sinusienne Local corticotherapy for the treatment of nasal polyposis ● P. Bonfils* CE QU’IL FAUT RETENIR Lescorticodessontlaseuleclassepharmacologiqueayantmontruneefficacitdansletraitementdelapolypose naso-sinusienne.LescorticodeslocauxsontactifsaussibiensurlÕamliorationdessymptmesquesurlargression duvolumedespolypes(niveaudepreuve1a).LestudesmontrantlÕefficacitdeprotocolesdetraitementsprescrits enroutinedanslapolyposenaso-sinusienneetassociantlescorticodeslocauxdÕautrestraitementssontmoins nombreuses(niveaudepreuve2a). Niveaudepreuve 1a,2a Mots-clés : Polypose nasale - Obstruction nasale - Corticoïdes locaux. Keywords: Nasal polyps - Nasale obstruction - Topical corticosteroids. > es corticoïdes sont la seule classe pharmacologique ayant montré une efficacité dans le traitement de la polypose naso-sinusienne. Ils peuvent être administrés par voie générale, essentiellement per os, et par voie locale. En fait, c’est l’association des deux types de prescription qui permet de traiter efficacement un patient ayant une polypose naso-sinusienne (1-3). L’évaluation de l’efficacité d’un traitement dans la polypose devrait être conçue sur une longue période : la polypose naso-sinusienne étant une maladie chronique qui comporte des poussées inflammatoires et infectieuses évoluant sur de nombreuses années, l’efficacité du traitement ne peut en effet être raisonnablement comprise lorsque le recul d’expertise est court. En outre, le principe du traitement de cette affection est d’adapter les doses prescrites à l’état du patient. Une telle attitude est rarement compatible avec un travail en double insu. Ainsi, l’évaluation de l’effet d’un traitement corticoïde général ou local dans cette maladie chronique se heurte au délai de suivi du patient et aux modalités de prescription des médicaments. Les seules études réalisées dans des conditions “scientifiques” rigoureuses (placebo, double insu, etc.) ont porté sur des cohortes * Service d’ORL et de chirurgie cervico-faciale, hôpital européen GeorgesPompidou, Paris. dont le suivi n’excédait pas trois mois. Il existe néanmoins une vingtaine d’études randomisées contre placebo montrant toutes un effet significatif sur l’amélioration des symptômes et la réduction de la taille des polypes dans la polypose naso-sinusienne (niveau de preuve 1a). LA RÉDUCTION DU VOLUME DES POLYPES La réduction du volume de la polypose grâce à une corticothérapie locale a été mise en évidence dans plusieurs études randomisées, corticothérapie locale versus placebo, et en double insu. Utilisant la bétaméthasone, Chalton et al. (4) ont mis en évidence la disparition des polypes chez 60 % des patients versus 13 % dans le groupe témoin placebo. Lildholdt et al. (5) trouvent également une réduction significative de 52 % dans le groupe traité par budésonide et de 21% dans le groupe placebo (niveau de preuve 1a). À l’opposé, Drettner et al. (6), utilisant le dipropionate de béclométhasone, montrent que les polypes ne disparaissent pratiquement jamais. Une telle différence doit être expliquée par le fort nombre de patients ayant une polypose de stade I inclus dans les premières études. L’AMÉLIORATION DES SYMPTÔMES L’analyse de l’amélioration des symptômes après un traitement par corticoïdes locaux dans la polypose naso-sinusienne varie en fonction La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no 295 - novembre-décembre 2004 Evidence-basedmedicine des études. Ces variations portent sur les symptômes analysés (certaines études n’incluant pas l’odorat comme critère d’évaluation), sur la manière de coter les symptômes et sur l’emploi de méthodes “objectives” comme la rhinomanométrie. Néanmoins, la plupart des études effectuées en double aveugle contre placebo concluent à l’efficacité des corticoïdes locaux (niveau de preuve 1a). Ainsi, sur le symptôme “rhinorrhée”, l’amélioration est significative et elle est évaluée à environ 50 % dans la plupart des travaux versus 20 % dans le groupe témoin (4). L’obstruction nasale diminue de 65 % dans le groupe corticoïde local versus 25 % dans le groupe placebo (7). Sur l’odorat, l’amélioration semble plus douteuse. La plupart des études oublient ce symptôme ou estiment que l’amélioration n’est pas significative ou est peu significative. Ainsi, Lildholdt et al. (5) trouvent une amélioration non significative de l’odorat chez 80 % (budésonide 400 µg/j) ou 71 % (800 µg/j) des patients sous traitement versus 45 % des patients sous placebo. Naggar et al. (8) étudient l’effet des corticoïdes locaux (dipropionate de béclométhasone) sur l’odorat en utilisant un test olfactif standardisé (UPSIT) après une polypectomie : ils ne trouvent aucune différence entre les deux séries (traitement versus placebo). Cette faible amélioration de l’odorat sous corticothérapie locale exclusive dans la plupart des études peut être expliquée par l’absence de recul suffisant (la plupart des travaux ayant un recul inférieur à deux mois) et surtout par l’absence de traitement corticoïde initial dont on connaît l’importance dans cette pathologie (1-3). EFFET DES CORTICOÏDES LOCAUX APRÈS UN ACTE CHIRURGICAL Quelques études ont analysé l’effet des corticoïdes locaux versus placebo après soit une polypectomie, soit une ethmoïdectomie. Une différence significative apparaît dans la plupart des études (niveau de preuve 1a). Sur un suivi de deux ans et demi après une polypectomie, Karlsson et al. (9) ont mis en évidence, dans le groupe de patients bénéficiant d’une corticothérapie locale (dipropionate de béclométhasone), une réduction significative de la nécessité de recourir à d’autres actes de polypectomie par rapport à un groupe témoin. Utilisant le flunisolide versus placebo, Dingsør et al. (10) ont montré que le nombre et la taille des polypes étaient significativement plus importants dans le groupe placebo. Des résultats semblables ont été publiés après ethmoïdectomie (revue dans 11). L’INEFFICACITÉ DES CORTICOÏDES LOCAUX L’absence d’amélioration sous corticothérapie locale pourrait être secondaire soit à une résistance de la polypose aux corticoïdes, soit à une mauvaise utilisation du spray de corticoïdes. Plusieurs études randomisées ont montré la nécessité d’utiliser le spray dans certaines positions (niveau de preuve 1a) (12). LIMITES DES EXPERTISES SUR L’EFFET DES CORTICOÏDES LOCAUX DANS LE TRAITEMENT DE LA POLYPOSE NASO-SINUSIENNE Les corticoïdes locaux sont un des éléments du traitement de la polypose naso-sinusienne. Employés seuls, ils sont plus efficaces qu’un placebo (niveau de preuve 1a). Néanmoins, cette efficacité est limitée, notamment sur certains symptômes aussi importants que la dysosmie. Or, le traitement de la polypose doit le plus souvent associer plusieurs médicaments, notamment des lavages des cavités nasales et une corticothérapie générale en cure courte suivie d’une corticothérapie locale au long cours. Ce point essentiel pourrait être l’une des causes primordiales de l’échec de certains traitements locaux exclusifs. Ainsi, Slavin (1) suggère que le traitement raisonnable de la polypose naso-sinusienne doit être fondé sur la prise orale de prednisone sur une période de 10 à 14 jours, suivie par l’administration intranasale de béclométasone ou de flunisolide. Une telle approche a été développée par Bonfils et al. (2, 3), et permet de souligner l’efficacité d’un tel traitement médical correctement suivi par le patient. À six mois, l’index de gravité clinique des patients traités médicalement a statistiquement diminué, de même que l’intensité de chacun des symptômes pris isolément. L’intensité moyenne de l’obstruction nasale et de la rhinorrhée antérieure a diminué de plus de 80 %. L’intensité moyenne des douleurs faciales et des pertes de l’odorat a été améliorée de 60 et de 70 %. Celle de la rhinorrhée postérieure n’a été améliorée que de 35 %. Malheureusement, ces études avec un long suivi (plusieurs années) ne peuvent pas être réalisées contre placebo et en double insu. En effet, la longue durée d’étude ne permet pas de conserver aussi longtemps un groupe placebo. Le mode de prescription (adaptation des doses à l’état du patient) ne permet pas de conserver le double insu. Néanmoins, elles sont le témoin des effets de protocoles de traitements prescrits en routine dans la polypose naso-sinusienne (niveau de preuve 2a). W R É F É R E N C E S 1. Slavin RG. Medical management of nasal polyps and sinusitis. J Allergy Clin Immunol 1991;88:141-6. 2. Bonfils P, Norès JM, Avan P. Corticosteroid treatment in nasal polyposis with a three-year follow-up period. Laryngoscope 2003;113:683-7. 3. Bonfils P, Norès JM, Halimi P, Avan P. Medical treatment of stage I nasal polyposis over a 3 years follow-up period. ORL 2004;66:27-34. 4. Chalton R, MacKay I, Wilson R, Cole P. Double-blind placebo-controlled trial of beclomethasone nasal drops for nasal polyposis. Br Med J 1985;291:788. 5. Lildholdt T, Rundcrantz H, Lindqvist N. Efficacy of topical corticosteroid powder for nasal polyps: a double-blinded, placebo-controlled study of budesonide. Clin Otolaryngol 1995;20:26-30. 6. Drettner B, Ebbesen A, Nilsson M. Prophylactic treatment with flunesolide after polypectomy. Rhinology 1982;20:149-58. La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no 295 - novembre-décembre 2004 Rhinologie 7. Rhuno J, Andersson B, Denburg J et al. A double-blind comparison of intranasal budesonide with placebo for nasal polyposis. J Allergy Clin Immunol 1990;86:946-53. 10. Dingsør G, Kramer J, Olsholt R, Sörenström T. Flunisolide nasal spray 0.025% in the prophylactic treatment of nasal polyposis after polypectomy. A randomized double-blind parallel, placebo-controlled study. Rhinology 1985;23:49-58. 8. Naggar ME, Kale S, Aldren C, Martin F. Effect of beconase nasal spray on olfactory function in post-nasal polypectomy patients: a prospective controlled trial. J Laryngol Otol 1995;109:941-4. 11. Lildholdt T, Dahl R, Mygind N. Effect of corticosteroids on nasal polyps. Evidence from controlled trials. In: Mygind N, Lildholdt T eds. Nasal polyposis. An inflammatory disease and its treatment. Copenhague : Munksgaard, 1997:160-9. 9. Karlsson G, Rundcrantz H. A randomized trial of intranasal beclomethasone dipropionate after polypectomy. Rhinology 1982;20:144-8. 12. Benninger MS, Hadley JA, Osguthorpe JD et al. Techniques of intranasal steroid use. Otolaryngol Head Neck Surg 2004;130:5-24. Petites annonces >> Ta r i f s P e t i t e s A n n o n c e s MODULES 1/16 de page COLLECTIVITÉS PARTICULIERS 289,65 € 144,83 € 579,30 € 289,65 € 1082,39 € 541,20 € 43 mm L x 58 mm H 1/8 de page 90 mm L x 58 mm H 43 mm L x 125 mm H 1/4 de page 90 mm L x 125 mm H *Abonnés particuliers : profitez d’une deuxième insertion gratuite. *Collectivités : dégressif à partir de deux insertions, nous consulter. *Quadri offerte. 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