ACTUALITÉS SCIENCES Coordonnées par E. Bacon (Inserm et clinique psychiatrique, Strasbourg) // Journal of Psychiatric Research // The Journal of Sexual Medicine // Pain Physician // Health and Quality of Life Outcomes Pathologies médicales et psychopathologies Les troubles psychiatriques s’accompagnent souvent de pathologies médicales plus ou moins sévères. Par ailleurs, certaines pathologies médicales sévères posent au malade des problèmes psychologiques, qu’ils concernent la manière de faire face à la maladie ou la réinsertion sociale. Il est particulièrement crucial que les somaticiens et les psychiatres s’associent dans la démarche de soins à ces malades. Traitement et mortalité liés aux pathologies cardiaques dans la schizophrénie et le trouble bipolaire : une étude danoise Aarhus et Copenhague (Danemark) Le taux de mortalité pour causes naturelles est élevé dans la schizophrénie et le trouble bipolaire. Par ailleurs, et même si le phénomène a baissé durant ces dernières années, les maladies de cœur restent l’une des causes les plus fréquentes de mortalité dans les pays occidentaux. Cette diminution de la mortalité cardiaque a été attribuée aux modifications du style de vie et à l’amélioration des soins médicaux. Les patients schizophrènes ou atteints de trouble bipolaire présentent un risque plus élevé de mortalité par pathologie cardiaque que la population générale. Certains auteurs ont suggéré que ce risque accru pourrait notamment être dû au fait que ces patients sont plus rarement hospitalisés, donc moins souvent soignés pour d’éventuels problèmes cardiaques. Cette étude visait à observer si la fréquence des hospitalisations, des traitements invasifs et de la mortalité pour maladies cardiaques avait varié dans la population danoise entre 1994 et 2006. L’objectif principal était d’établir s’il y avait ou non une différence entre la population générale et les patients psychotiques. Les auteurs ont obtenu les informations biographiques nécessaires à leur investigation à partir du registre national de population civile. Les données psychiatriques pour l’ensemble de la population danoise étaient accessibles à partir d’un registre centralisé spécialisé. Les chercheurs ont ainsi pu établir que, sur la 186 | La Lettre du Psychiatre • Vol. VI - n° 6 - novembre-décembre 2010 période du 1er janvier 1994 au 31 décembre 2006, environ 170 000 personnes sont décédées d’une pathologie cardiaque. Parmi elles, 978 avaient été hospitalisées pour schizophrénie, 876 pour trouble bipolaire, et environ 12 500 pour un trouble psychiatrique autre. Au cours de la période d’étude, la mortalité par maladie cardiaque a diminué dans la population générale, tandis qu’elle restait élevée chez les personnes atteintes de schizophrénie, et plus élevée chez ces dernières que dans la population générale. Ce n’était cependant pas le cas pour les personnes atteintes de trouble bipolaire ou de trouble psychiatrique autre. En outre, pendant le laps de temps étudié, les patients schizophrènes ont subi moins d’hospitalisations et moins de procédures cardiaques invasives que les individus de la population générale. La mortalité (avec tendance à la hausse) par maladie cardiaque plus élevée chez les patients schizophrènes par comparaison avec le reste de la cohorte peut être en partie expliquée par le taux plus faible de procédures cardiaques invasives dont ont bénéficié ces patients. Toutefois, d’autres raisons, telles la prise de poids induite par les antipsychotiques ou la difficulté à arrêter la consommation de tabac, pourraient aussi contribuer à justifier cette différence, et le taux de mortalité plus élevé de ces patients résulte sans doute d’une combinaison de causes. Il reste cependant des efforts à fournir pour permettre à ces populations un accès correct aux soins, notamment en cas de pathologie cardiaque. >> Munk T, Laursen TM, Nordentoft M. Heart disease treatment and mortality in schizophrenia and bipolar disorder – Changes in the danish population between 1994 and 2006. J Psychiatr Res 2010;epub ahead of print. Une étude comparative de la fonction sexuelle des patients schizophrènes institutionnalisés Séville et Cáceres (Espagne) Les perturbations sexuelles sont fréquentes dans la population générale : les études multicentriques internationales et les revues de la littérature font état de plaintes émanant de 40 % de femmes et de 30 % d’hommes. Concernant la schizophrénie, l’âge de déclenchement de la maladie est généralement proche de celui du début de la période reproductive, et des dysfonctions sexuelles sont fréquemment décrites chez les patients schizophrènes. Selon les études, 30 à 80 % de ces patients présenteraient des problèmes de dysfonctionnement sexuel. Deux études récentes se sont intéressées à cette question. Dans la première, des chercheurs espagnols ont évalué la fonction sexuelle de patients institutionnalisés atteints de schizophrénie et l’ont comparée à celle de patients schizophrènes non institutionnalisés, ainsi qu’à celle de patients ne présentant pas de maladie mentale. Leur analyse consistait à comparer trois groupes de patients : le premier groupe était constitué de 75 sujets atteints de schizophrénie et/ou de trouble schizo-affectif, admis en établissement psychiatrique public résidentiel ; les 41 patients du deuxième groupe présentaient le même diagnostic mais vivaient indépendamment (hors institution) ; le troisième groupe (groupe témoin) comptait 152 patients qui ne présentaient pas de maladie mentale mais qui avaient consulté dans un centre de soins médicaux primaire. Le diagnostic était confirmé par un entretien neuropsychiatrique, le Mini-International Neuropsychiatric Interview. Le profil psychopathologique des patients schizophrènes était précisé à l’aide des échelles positive et négative de la Positive And Negative Syndrome Scale (PANSS). La fonction sexuelle était établie par l’utilisation d’un questionnaire de fonctions sexuelles (Change in Sexual Functioning Questionnaire [CSFQ]), qui évalue 5 domaines des fonctions sexuelles : le plaisir, le désir, l’excitation, la capacité de ressentir un orgasme et une sous-échelle d’activité sexuelle globale. Les résultats révèlent que l’âge de la première expérience sexuelle est plus précoce chez les patients psychiatriques, institutionnalisés ou non. En outre, par rapport au groupe témoin, les patients institutionnalisés présentent des perturbations dans presque tous les domaines explorés. L’excitation chez les femmes et, pour les deux sexes, le désir et l’intérêt étaient les seules variables qui ne différaient pas entre ces patients et les patients témoins. Toujours par rapport au groupe témoin, les patients schizophrènes non institutionnalisés ont un déficit de plaisir et d’orgasme pour les hommes, et un déficit de plaisir et de désir de fréquence pour les femmes. La sous-échelle globale indiquait que 71 % des hommes et 57 % des femmes du groupe des patients institutionnalisés avaient expérimenté des dysfonctions sexuelles, versus 10 % des hommes et 50 % des femmes dans le groupe des patients non institutionnalisés, alors que ce chiffre n’était que de 13 % pour les femmes du groupe témoin. La plupart des aspects de la fonction sexuelle semblent donc altérés chez les patients schizophrènes, en particulier chez les patients institutionnalisés. Toutefois, les dysfonctions sexuelles associées à des pensées ou à des fantasmes sexuels des patients psychotiques étaient similaires à celles des patients sans maladie mentale. >> Acuña MJ, Martín JC, Graciani M, Cruces A, Gotor F. A comparative study of the sexual function of institutionalized patients with schizophrenia. J Sex Med 2010;7:3414-23. Perturbations sexuelles chez des patients schizophrènes traités par antipsychotiques Salamanque, Grenade, Burgos, Zamora, Pampelune (Espagne) Les perturbations de la fonction sexuelle induites par les antipsychotiques constituent un effet indésirable gênant, susceptible d’entraîner une détresse physiologique et psychique et d’influencer négativement la compliance au traitement. Une équipe espagnole a réalisé une étude multicentrique visant à évaluer la fréquence des dysfonctionnements sexuels et leur impact sur l’observance du traitement chez des patients psychotiques traités avec divers antipsychotiques. Les 243 hommes et femmes inclus dans l’étude étaient des sujets de 18 ans ou plus, sexuellement actifs, pour lesquels avait été établi un diagnostic de schizophrénie, de trouble schizophréniforme, de trouble schizoaffectif ou autre trouble psychotique. La plupart des patients étaient des hommes (71 %), et le diagnostic le plus fréquent était la schizophrénie (71 %). Cette étude multicentrique a été réalisée dans plusieurs villes espagnoles. Les chercheurs ont enregistré les données démographiques, le diagnostic psychiatrique et le type de traitement. La fonction sexuelle a été évaluée à l’aide d’un questionnaire spécifique de dysfonction sexuelle liée aux psychotropes (PRSexDQ-SalSex). Les résultats montrent que 46 % des patients présentent une dysfonction sexuelle (50 % des hommes et 37 % des femmes). Seuls 37 % des patients souffrant d’une dysfonction sexuelle l’ont signalée spontanément. Trente-deux pour cent des patients présentant une dysfonction sexuelle ont déclaré mal supporter cette perturbation. La gravité de la dysfonction sexuelle et la difficulté à la supporter étaient plus sévères chez les hommes que chez les femmes, quel que soit l’antipsychotique utilisé. Une analyse plus approfondie, prenant l’olanzapine comme référence, a révélé que la rispéridone et les neuroleptiques classiques retard entraînaient une augmentation significative du risque de dysfonction sexuelle. En conclusion, les dysfonctionnements sexuels sont très fréquents chez les patients recevant un traitement à long terme par antipsychotiques, bien que les personnes ne rapportent pas spontanément cet effet indésirable. Il semble également que les psychiatres n’interrogent pas souvent les patients sur leur vie sexuelle et sous-estiment la fréquence de ces problèmes, qui ont pourtant un impact important sur la vie des malades et leur adhérence au traitement. >> Montejo AL, Majadas S, Rico-Villademoros F et al. Frequency of sexual dysfunction in patients with a psychotic disorder receiving antipsychotics. J Sex Med 2010;7:3404-13. La douleur chez les pensionnaires de maison de retraite médicalisée et ses relations avec les troubles neuropsychiatriques Krasnodar (Russie) La douleur est présente dans de nombreuses pathologies neuropsychiatriques. La douleur chronique est également fréquente aux âges avancés et est ressentie différemment de la douleur chez les sujets jeunes. L’incidence des pathologies psychiatriques et neurodégéné- La Lettre du Psychiatre • Vol. VI - n° 6 - novembre-décembre 2010 | 187 ACTUALITÉS SCIENCES ratives augmente avec l’âge et, chez le sujet âgé, des maladies somatiques et psychiatriques concomitantes peuvent venir s’ajouter à la physiologie de la douleur. Dans cette étude américaine, les auteurs ont étudié la prévalence de la douleur et son lien avec les comorbidités neuropsychiatriques chez des personnes âgées pensionnaires de différentes maisons de retraite médicalisées. Ils ont analysé, à partir du registre national des statistiques de l’année 2004, les données concernant les maisons de retraite, leurs résidents, leurs services et leur personnel. Ce registre a permis de recueillir des informations relatives à près d’un million et demi de pensionnaires et 241 variables. Les auteurs ont sélectionné les paramètres liés à la douleur et à son intensité, et ont recherché une association éventuelle avec des troubles psychiatriques et neurodégénératifs chez les résidents âgés de plus de 65 ans. Les pathologies psychiatriques incluaient notamment la maladie d’Alzheimer, la schizophrénie, la dépression, le trouble bipolaire, l’anxiété et le trouble obsessionnel compulsif. Vingt-deux pour cent des résidents ont signalé la présence de douleurs. Les patients atteints d’anxiété ou de dépression présentaient les taux de douleur les plus élevés (respectivement, 29 % et 24 %), cependant que les patients souffrant de démence rapportaient les taux les plus faibles (14,5 %). Tous les diagnostics psychiatriques et neurodégénératifs présentaient des corrélations significatives avec la douleur. Toutefois, seules l’anxiété et la dépression présentaient des corrélations positives avec la présence de la douleur. Les taux les plus élevés de ressenti de douleur variaient considérablement selon les diverses pathologies neurodégénératives et psychiatriques. Les auteurs ont mis au point une échelle spécifique d’intensité de la douleur, et ils ont observé que celle-ci était la plus élevée chez les patients ayant un trouble obsessionnel compulsif, et la plus faible chez les patients bipolaires. Malgré le nombre impressionnant de patients, ces résultats sont à considérer avec précaution, car cette étude présente plusieurs limites. En effet, une écrasante majorité des patients présentait des maladies chroniques somatiques qui ne sont pas incluses dans l’analyse et qui pourraient fausser les résultats. En outre, la perception de la douleur pourrait être affectée par les médicaments prescrits, qui ne sont pas pris en considération. De plus, les maladies neurodégénératives et psychiatriques peuvent interagir entre elles, et les cas de pathologies multiples n’ont pas été considérés spécifiquement. Enfin, le nouvel instrument créé pour évaluer le spectre de la douleur d’intensité la plus élevée ne tient pas compte de la durée pendant laquelle la douleur est ressentie. Or la chronicité de la douleur est un paramètre important. Les informations collectées permettent cependant de mieux comprendre les variations des paramètres de la douleur chez les patients neuropsychiatriques, ce qui pourrait aboutir à une meilleure gestion de la douleur chez ces patients difficiles à soigner. Les auteurs rappellent aussi qu’il est important de prendre en compte, lors de l’évaluation de la douleur, le type de problème neuropsychiatrique présent, les éventuelles altérations des capacités de communication et les symptômes qu’elles peuvent induire chez les patients. >> Walid MS, Zaytseva N. Pain in nursing home residents and correlation with neuropsychiatric disorders. Pain Physician 2009;12:877-80. Annoncez-vous ! 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