C
ela dit, certains aspects cli-
niques et épidémiolo-
giques ainsi que la prise
en considération de l’ensemble des
symptômes peuvent étayer la diffé-
renciation du trouble bipolaire de la
schizophrénie.
Critères diagnostiques
Il est acquis que les symptômes
psychotiques (idées délirantes, hal-
lucinations, troubles graves du com-
portement) ne sont pas spécifiques
à la schizophrénie et apparaissent
dans bien d’autres états psychia-
triques. Pourtant, en pratique, les cri-
tères diagnostiques de la schizo-
phrénie restent toujours largement
fondés sur ces symptômes. Cette
attitude est susceptible de retarder
le diagnostic des patients atteints de
troubles bipolaires, voire d’entraîner
une évolution défavorable faute
d’avoir reçu un traitement adapté.
Comme il ressort des recherches de
l’équipe du Pr. J.-P. Olié, on manque
de critères discriminants lors des
premiers épisodes psychotiques
aigus, et d’ailleurs l’idée d’un sup-
port neurobiologique commun des
troubles bipolaires et de la schizo-
phrénie a fait son chemin. Les bouf-
fées délirantes aiguës (syndrome
délirant hallucinatoire et interpréta-
tif) survenant chez les sujets sans
antécédents psychiatriques peuvent
être provoquées par une prise de
toxique, rester des épisodes psy-
chiatriques sans lendemain (dont
l’étiologie est inconnue) ou consti-
tuer une forme d’entrée possible
dans la schizophrénie ou dans un
trouble bipolaire de l’humeur.
Il faut aussi savoir que le trouble
bipolaire doit être évoqué devant
une réponse atypique à l’antidé-
presseur laquelle est considérée
comme un élément de suspicion
de la nature bipolaire de la dépres-
sion : en effet, les patients atteints
de troubles bipolaires présentent
une amélioration anormalement
rapide des signes dépressifs mais
peuvent basculer dans l’état mixte
ou un état d’excitation maniaque.
Pour éviter le virage de l’humeur, la
prudence est de mise quant à la
posologie de l’antidépresseur, et
une surveillance accrue de la réac-
tion du malade est nécessaire afin
de pouvoir adjoindre rapidement
un thymorégulateur ou ajuster sa
posologie.
Quelques données
de la recherche
On s’est aperçu que les caractéris-
tiques des troubles du cours de la
pensée sont différentes : dans la
manie (psychotique ou non), il
s’agit d’un discours accéléré, extra-
vagant avec déraillement, alors que
chez les schizophrènes la désorga-
nisation de la pensée (syndrome
dissociatif) se manifeste par des
propos incohérents et fragmentés.
Le raisonnement perd de sa
logique, le contact apparaît froid et
étrange. Par ailleurs, les schizo-
phrènes présentent des symp-
tômes positifs et négatifs sans
troubles de l’humeur manifestes ou
prédominants. En revanche, cer-
tains auteurs soulignent que l’im-
pulsivité associée aux troubles de
l’humeur a une place centrale dans
la manie et que moins de 50 %
des épisodes maniaques compren-
Les psychiatres reconnaissent la difficulté à reconnaître les troubles
bipolaires comme tels, par rapport à la schizophrénie, et pas seule-
ment lors des premières manifestations de la maladie. e diagnostic
s’avère particulièrement difficile lorsqu’il s’agit d’états mixtes carac-
térisés par l’association simultanée de nombreux symptômes
dépressifs et maniaques.
Psychiatrie
Trouble bipolaire ou schizophrénie ?
Professions Santé Infirmier Infirmière N° 65 • août-septembre 2005
nent des manifestations psycho-
tiques. D’autres recherches ont mis
en lumière le fait que les symp-
tômes négatifs (anhédonie, émous-
sement affectif) sont intenses et
plus souvent présents chez les
patients schizophrènes en compa-
raison avec les patients atteints de
troubles bipolaires. De plus, la cor-
rélation entre l’existence d’une évo-
lution défavorable et la présence
des symptômes négatifs n’était
retrouvée que dans la schizophré-
nie, ce qui renvoie à la dichotomie
proposée par E. Kraepelin pour
introduire la distinction entre la psy-
chose maniaco-dépressive et la
démence précoce. Quant aux
études du suivi prolongé, elles ont
montré que les patients schizo-
phrènes ont des rémissions moins
fréquentes (et avec un niveau de
fonctionnement social plus altéré)
que chez les patients bipolaires.
Enfin, ces derniers ont souvent une
comorbidité avec les troubles
paniques (en particulier ceux qui
souffrent d’état mixte) alors que
cela est observé rarement chez les
patients schizophrènes.
Progrès grâce à la recherche
On en sait un peu plus sur la schizo-
phrénie grâce à la recherche fonda-
mentale : par exemple, on a décou-
vert dans cette pathologie des
troubles de la reconnaissance des
expressions faciales des émotions
(en particulier le déficit pour les
expressions de peur par rapport aux
sujets déprimés), et ces anomalies
sont mises en parallèle avec les
troubles des interactions sociales.
D’autres travaux utilisant l’imagerie
fonctionnelle en tomographie par
émission de positons ont montré
que l’hypoactivation des aires du
réseau neuronal olfactif pourrait
expliquer les faibles performances
des patients schizophrènes dans les
tâches de reconnaissance et d’iden-
tification des odeurs.
LC
Infos ...
Une pathologie
mal connue
Schématiquement,
on distingue les
troubles bipolaires
de type I,
caractérisés par une
alternance
d’épisodes
dépressifs et
maniaques et les
troubles bipolaires
de type II avec les
épisodes dépressifs
entrecoupés de
périodes
d’hypomanie (manie
modérée). Dans
environ un tiers des
cas il persiste, en
dehors des épisodes
aigus, des
symptômes plus
atténués
permanents. De
nombreux patients
maniaco-dépressifs
sont diagnostiqués
dans un premier
temps comme
dépressifs. Devant
une répétition
d’épisodes
dépressifs il est donc
primordial de
rechercher
l’alternance de
l’humeur.
Actualité Santé
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