Psychiatrie - Trouble bipolaire ou schizophrénie

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Actualité Santé
Psychiatrie
Trouble bipolaire ou schizophrénie ?
Les psychiatres reconnaissent la difficulté à reconnaître les troubles
bipolaires comme tels, par rapport à la schizophrénie, et pas seulement lors des premières manifestations de la maladie. e diagnostic
s’avère particulièrement difficile lorsqu’il s’agit d’états mixtes caractérisés par l’association simultanée de nombreux symptômes
dépressifs et maniaques.
C
ela dit, certains aspects cliniques et épidémiologiques ainsi que la prise
en considération de l’ensemble des
symptômes peuvent étayer la différenciation du trouble bipolaire de la
schizophrénie.
Infos
...
Une pathologie
mal connue
Schématiquement,
on distingue les
troubles bipolaires
de type I,
caractérisés par une
alternance
d’épisodes
dépressifs et
maniaques et les
troubles bipolaires
de type II avec les
épisodes dépressifs
entrecoupés de
périodes
d’hypomanie (manie
modérée). Dans
environ un tiers des
cas il persiste, en
dehors des épisodes
aigus, des
symptômes plus
atténués
permanents. De
nombreux patients
maniaco-dépressifs
sont diagnostiqués
dans un premier
temps comme
dépressifs. Devant
une répétition
d’épisodes
dépressifs il est donc
primordial de
rechercher
l’alternance de
l’humeur.
Critères diagnostiques
Il est acquis que les symptômes
psychotiques (idées délirantes, hallucinations, troubles graves du comportement) ne sont pas spécifiques
à la schizophrénie et apparaissent
dans bien d’autres états psychiatriques. Pourtant, en pratique, les critères diagnostiques de la schizophrénie restent toujours largement
fondés sur ces symptômes. Cette
attitude est susceptible de retarder
le diagnostic des patients atteints de
troubles bipolaires, voire d’entraîner
une évolution défavorable faute
d’avoir reçu un traitement adapté.
Comme il ressort des recherches de
l’équipe du Pr. J.-P. Olié, on manque
de critères discriminants lors des
premiers épisodes psychotiques
aigus, et d’ailleurs l’idée d’un support neurobiologique commun des
troubles bipolaires et de la schizophrénie a fait son chemin. Les bouffées délirantes aiguës (syndrome
délirant hallucinatoire et interprétatif) survenant chez les sujets sans
antécédents psychiatriques peuvent
être provoquées par une prise de
toxique, rester des épisodes psychiatriques sans lendemain (dont
l’étiologie est inconnue) ou constituer une forme d’entrée possible
dans la schizophrénie ou dans un
trouble bipolaire de l’humeur.
Il faut aussi savoir que le trouble
Professions Santé Infirmier Infirmière N° 65 • août-septembre 2005
bipolaire doit être évoqué devant
une réponse atypique à l’antidépresseur laquelle est considérée
comme un élément de suspicion
de la nature bipolaire de la dépression : en effet, les patients atteints
de troubles bipolaires présentent
une amélioration anormalement
rapide des signes dépressifs mais
peuvent basculer dans l’état mixte
ou un état d’excitation maniaque.
Pour éviter le virage de l’humeur, la
prudence est de mise quant à la
posologie de l’antidépresseur, et
une surveillance accrue de la réaction du malade est nécessaire afin
de pouvoir adjoindre rapidement
un thymorégulateur ou ajuster sa
posologie.
Quelques données
de la recherche
On s’est aperçu que les caractéristiques des troubles du cours de la
pensée sont différentes : dans la
manie (psychotique ou non), il
s’agit d’un discours accéléré, extravagant avec déraillement, alors que
chez les schizophrènes la désorganisation de la pensée (syndrome
dissociatif) se manifeste par des
propos incohérents et fragmentés.
Le raisonnement perd de sa
logique, le contact apparaît froid et
étrange. Par ailleurs, les schizophrènes présentent des symptômes positifs et négatifs sans
troubles de l’humeur manifestes ou
prédominants. En revanche, certains auteurs soulignent que l’impulsivité associée aux troubles de
l’humeur a une place centrale dans
la manie et que moins de 50 %
des épisodes maniaques compren-
nent des manifestations psychotiques. D’autres recherches ont mis
en lumière le fait que les symptômes négatifs (anhédonie, émoussement affectif) sont intenses et
plus souvent présents chez les
patients schizophrènes en comparaison avec les patients atteints de
troubles bipolaires. De plus, la corrélation entre l’existence d’une évolution défavorable et la présence
des symptômes négatifs n’était
retrouvée que dans la schizophrénie, ce qui renvoie à la dichotomie
proposée par E. Kraepelin pour
introduire la distinction entre la psychose maniaco-dépressive et la
démence précoce. Quant aux
études du suivi prolongé, elles ont
montré que les patients schizophrènes ont des rémissions moins
fréquentes (et avec un niveau de
fonctionnement social plus altéré)
que chez les patients bipolaires.
Enfin, ces derniers ont souvent une
comorbidité avec les troubles
paniques (en particulier ceux qui
souffrent d’état mixte) alors que
cela est observé rarement chez les
patients schizophrènes.
Progrès grâce à la recherche
On en sait un peu plus sur la schizophrénie grâce à la recherche fondamentale : par exemple, on a découvert dans cette pathologie des
troubles de la reconnaissance des
expressions faciales des émotions
(en particulier le déficit pour les
expressions de peur par rapport aux
sujets déprimés), et ces anomalies
sont mises en parallèle avec les
troubles des interactions sociales.
D’autres travaux utilisant l’imagerie
fonctionnelle en tomographie par
émission de positons ont montré
que l’hypoactivation des aires du
réseau neuronal olfactif pourrait
expliquer les faibles performances
des patients schizophrènes dans les
tâches de reconnaissance et d’identification des odeurs.
LC
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