Direction de l’Administration pénitentiaire D I R E C T I O N D E S H Ô P I TA U X DIRECTION GÉNÉRALE DE LA SANTÉ L A P RI SE E N C HA RG E S A N I TAI RE D ES D É TE N US entre les établissements pénitentiaires particulièrement confrontés à l’infection par le VIH, et des structures hospitalières spécialisées, les centres d’information et de soins de l’immuno-déficience humaine (CISIH), afin d’assurer des consultations VIH à l’intérieur de ces prisons. L’évolution de la prise en charge sanitaire des détenus répond à des objectifs de santé publique et s’inscrit dans la politique de décloisonnement, menée depuis plus de dix ans, par l’administration pénitentiaire. LES PROBLÈMES DE SANTÉ EN MILIEU PÉNITENTIAIRE : des conventions expérimentales sont conclues entre trois établissements pénitentiaires et les établissements de santé de proximité. 1992 Les détenus, jeunes pour la plupart, et n’ayant eu souvent qu’un faible accès aux soins, présentent des problèmes de santé non ou mal pris en charge avant leur incarcération (1). La vie en milieu pénitentiaire peut aussi induire ou aggraver certaines pathologies. Il faut souligner la fréquence des problèmes dentaires, des hépatites B et C, des pathologies traumatiques et des troubles de la santé mentale. La fréquence de la tuberculose (2) et celle de l’infection à VIH (3) apparaissent nettement plus élevées que dans la population générale. Quant aux pratiques addictives (alcool, drogues, médicaments), elles représentent un problème de plus en plus lourd en milieu pénitentiaire. (1) “La Santé à l’entrée en prison” Etudes et résultats n° 4 janvier 1999 (2) Enquête ORS Ile de France/PACA Avril 1996 (3) Enquête annuelle 1 jour donné QUELQUES ÉTAPES 1993 : le 1984 : le contrôle sanitaire des établissements pénitentiaires est confié à l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) et aux services déconcentrés du ministère chargé de la Santé. 1985 : l’infirmerie centrale des prisons de Fresnes devient établissement hospitalier public national (EHPNF), puis établissement public de santé national de Fresnes (EPSNF) en 1995. 1986 : des services de psychiatrie, les services médico-psychologiques régionaux, sont créés en milieu pénitentiaire par des établissements hospitaliers, dans le cadre de la sectorisation psychiatrique (26 SMPR en 1996). : la fonction santé est confiée à des opérateurs privés dans les établissements du programme 13000 (voir encadré p.4). Haut comité de la santé publique publie un rapport sur la santé en milieu carcéral. UNE VOLONTÉ POLITIQUE À LA HAUTEUR DU DÉFI DE SANTÉ PUBLIQUE À la suite de la parution du rapport de 1993, qui soulignait la gravité des problèmes de santé en prison, il a été décidé de transférer la prise en charge sanitaire des détenus, du serv i c e public pénitentiaire au service public hospitalier. Cette volonté s’est concrétisée par la loi du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale et ses textes d’application (décret du 27 octobre 1994, circulaire du 8 décembre 1994 et son guide méthodologique). 1987 Le développement du partenariat entre le ministère chargé de la Santé et le ministère de la Justice a été marqué par les étapes suivantes : 1989 : des conventions sont signées L’objectif poursuivi est d’assurer à la population incarcérée une qualité et une continuité des soins équivalentes à celles dont dispose l’ensemble de la population. POUR DES RENSEIG NEMENTS COMPLÉMENTAIRES : D i re ction des hôpitaux tél : 01 40 56 59 88 • D i rection générale de la santé té l : 01 40 56 51 62 M i n i s t è re de la Justice DAP tél : 01 49 96 26 42 La prise en charge sanitaire des détenus LES CHANGEMENTS Changement d’acteurs L’organisation et la mise en œuvre de la prise en charge des détenus sont confiées à des personnels hospitaliers. Généralisation de la protection sociale Tous les détenus sont affiliés, dès l’incarcération, à l’assurance maladie et maternité du régime général de la sécurité sociale. Renforcement notable des moyens Une enveloppe nationale de 393 millions de francs (valeur 1994) a permis globalement de doubler les temps infirmiers et de médecins généralistes, de créer des temps de secrétariat médical et de médecins spécialistes (voir encadré ci-dessous), ainsi que de consacrer 60 MF supplémentaires à la prise en charge médico-psychologique des détenus. Ces moyens ont été complétés en 1997 et 1998 par des enveloppes représentant un total de 100 MF. Parallèlement, la direction de l’administration pénitentiaire assure le financement de la rénovation des locaux de soins dans les établissements pénitentiaires (51 MF sur 3 ans, sans compter la sécurisation des chambres en milieu hospitalier). aspects somatiques et psychiatriques. Il inclut la dimension préventive et curative, ainsi que la préparation de relais sanitaires au terme de la période d’incarcération. l’UCSA sont fixées par ce protocole. Si l’établissement de santé ne peut assurer les prestations psychiatriques, un protocole complémentaire est établi avec un autre établissement de santé. Une équipe soignante hospitalière LES MISSIONS DE L’UCSA indépendante de l’administration (Unité de consultations et de soins ambulatoires) pénitentiaire La mission du médecin auprès des détenus est celle d’un médecin traitant. La confidentialité de sa relation avec le patient relève du strict secret médical. Les règles de la déontologie médicale et pharmaceutique s’appliquent pleinement, même si les impératifs de sécurité s’imposent à tous. La complémentarité des Les soins en milieu pénitentiaire • consultations de médecine générale, dont le bilan de santé réalisé à l’entrée • soins infirmiers, incluant la distribution des médicaments • soins dentaires • consultations spécialisées • permanence des soins : l’équipe hospitalière organise la réponse à l’urgence en dehors de ses heures de présence. missions des personnels sanitaires et pénitentiaires Les soins en milieu hospitalier La poursuite d’un objectif commun de promotion de la santé des personnes détenues implique une étroite collaboration, dans le respect des missions de chacun. Ces missions s’exercent dans le respect de la dignité humaine et concourent au projet global d’insertion sociale des détenus. L’UCSA organise l’accueil et la prise en charge hospitalière, qu’il s’agisse d’hospitalisations, de consultations ou d’examens spécialisés nécessitant le recours au plateau technique hospitalier. LES ENGAGEMENTS Chaque établissement pénitentiaire est lié par un protocole à un établissement de santé de proximité, chargé d’implanter une unité de consultations et soins ambulatoires (UCSA) en milieu pénitentiaire. Les conditions de fonctionnement de La prévention Les actions de prévention en milieu pénitentiaire reposent sur les compétences et les financements de différents partenaires : services de l’État, conseils généraux, comités d’éducation pour la santé, organismes d’assurance maladie, réseaux et associations spécialisés, etc. L’ UCSA coordonne ces actions, notamment : - le dépistage obligatoire de la tuberculose et des maladies sexuellement L E S N O U V E A U X M O Y E N S S A N I TA I R E S La déontologie médicale et pharmaceutique s’applique pleinement UNE CONCEPTION NOUVELLE DES S O I N S A U X P E R S O N N E S D É T E N U E S. Une prise en charge globale Temps hebdomadaire d’intervention, l’exemple d’une maison d’arrêt accueillant 300 à 400 détenus : - 6 4 2 1 4 1 demi-journées de présence médicale demi-journées de présence de chiru r g i e n - d e n t i s t e demi-journées de consultations de médecin spécialiste demi-journée d’activité de pharm a c i e n temps-plein de personnel infirmier et préparateur en pharm a c i e mi-temps de secrétaire médicale Le dispositif de soins recouvre les 2 La prise en charge sanitaire des détenus R.711–19 du code de la santé publique, sur des unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI). Hors région parisienne, il devrait compter 7 UHSI, implantées en CHU. Pour les détenus de la direction régionale de Paris, l’établissement public de santé national de Fresnes (EPSNF) constituera l’unité hospitalière interrégionale, en complémentarité avec l’assistance publique – hôpitaux de Paris. Seules les hospitalisations urgentes et de très courte durée relèveront des établissements de santé de proximité signataires des protocoles. LA PRISE EN CHARGE PSYCHIATRIQUE • L’administration pénitentiaire a une mission de garde et de réinsertion des personnes placées sous main de justice. Elle est structurée en milieu fermé (les prisons) et milieu ouvert (les comités de probation et d’assistance aux libérés chargés de l’exécution des peines en milieu libre). 9 directions régionales et une mission des services pénitentiaires d’outre mer, 186 établissements pénitentiairs dont 119 maisons d’arrêt (qui accueillent les prévenus et les condamnés à de courtes peines), 55 établissements pour peine (où les condamnés exécutent Des soins de qualité équivalente à ceux de la population générale transmissibles, à la charge du conseil général, - le dépistage volontaire du VIH et des hépatites, - les vaccinations, - le programme d’éducation à la santé. L’objectif est de responsabiliser la personne détenue vis-à-vis de sa santé et de favoriser sa réinsertion ultérieure. Ces actions impliquent, pendant l’incarcération, la coopération des personnels pénitentiaires, et lors de la libération, le relais par des structures extérieures, pour une véritable promotion de la santé. La continuité des soins L’UCSA organise le suivi médical à la sortie de la détention, en collaboration avec le service socio-éducatif de l’établissement pénitentiaire. L’ HOSPITALISATION DES DÉTENUS Un schéma national d’hospitalisation des détenus (hors psychiatrie) est en cours d’élaboration. Il permettra d’améliorer les conditions d’hospitalisation des détenus et de rationaliser leur surveillance. Il repose, conformément aux orientations de l’article Confiée depuis 1986 au service public hospitalier, la prise en charge médico-psychologique a vu ses moyens renforcés. Elle s’est naturellement intégrée dans la dynamique de la réforme. leur peine), 12 centres autonomes En milieu pénitentiaire, deux niveaux de soins ont été développés : • dans tous les établissements pénitentiaires, les prises en charge ambulatoires sont réalisées par l’équipe du secteur de psychiatrie générale locale. • des soins plus diversifiés (incluant l’hospitalisation avec le consentement du détenu) sont assurés dans 26 services médico-psychologiques régionaux (SMPR), services de psychiatrie implantés en milieu pénitentiaire par un établissement hospitalier. Les hospitalisations pour troubles mentaux, sans le consentement des détenus, sont réalisées hors milieu pénitentiaire, selon la procédure de l’hospitalisation d’office, dans les établissements de santé habilités. 35 personnels de surveillance de semi-liberté. 183 comités de probation et d’assistance aux libérés. 50 093 places de détention. 25 086 agents dont 19 771 personnels de surveillance. On compte en moyenne pour 100 détenus : 1 travailleur social. 57 458 détenus au 1er juillet 1998, dont 21 466 prévenus (en attente de jugement) et 36 092 condamnés dont 2 303 femmes et 881 mineurs détenus. Durée moyenne de détention : 8,1 mois pour l’année 1997 (4,3 mois en 1975) • QUELQUES CHIFFRES La réform e c o n c e rne près de 45000 détenus dans 149 établissements pénitent i a i res (hors ceux du pro g ramme 13000) Les établissements de santé signataires sont 206 (131 centres hospitaliers dont 31 CHR et 75 centres hospitaliers à vocation principalement psyc h i a t r i q u e ). 139 protocoles de base, 93 protocoles complémentaire s . 3 et La prise en charge sanitaire des détenus I N T E RV I E W Entretien avec le docteur Olivier Obrecht, praticien hospitalier, chef de service, responsable de l’unité de consultations et de soins ambulatoires de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis*. : Docteur Obrecht, d’où venez-vous, quel est votre cursus ? Je suis médecin de santé publique. J’ai fait partie de la toute première promotion hospitalière dans cette spécialité, en 1984. Je suis arrivé à Fleury-Mérogis au moment de la mise en place du protocole d’accord avec l’hôpital d’Evry, en octobre 1995. Auparavant, j’avais participé à la préparation de la réforme, et à celle du nouveau statut de l’hôpital de Fresnes, au siège de l’Assistance publique – hôpitaux de Paris. Question de la rédaction :Quelle était la situation lors de votre arrivée en milieu pénitentiaire ? Avant la réforme, les prisons étaient un des derniers champs de santé publique qui restaient vierges. Ce qu’il manquait surtout, c’était un réseau avec l’extérieur, avec des partenaires qui prennent le relais après le temps d’incarcération. Les services de santé étaient assez repliés sur eux-mêmes. La rédaction La rédaction : À votre avis, qu’est-ce L’équipe de l’UCSA de Fleury-mérogis que la réforme a profondément changé ? À Fleury, les moyens ont été doublés. Il y avait 15 infirmières, il y en a maintenant 29. On avait une seule secrétaire médicale, elles sont maintenant dix. Avant, on était absorbé par l’urgence. Mais la médecine ne se limite pas aux soins d’urgence. Quand on a à peine les moyens de faire l’urgent, on ne peut pas mettre en place des réseaux, des démarches intelligentes, quand bien même on en a le souhait. Si un malade sort de prison en cours de traitement, il faut être assuré de la façon dont son traitement sera poursuivi après sa libération. Cela est vrai pour toutes les maladies chroniques, diabète, sida, épilepsie, tuberculose… La rédaction : Est-ce que les détenus sont des malades différents ? Nous sommes surtout là pour remettre les détenus malades, pour la plupart très désocialisés, dans les «rails» du système de santé et les orienter. Les toxicomanes, par exemple, ont perdu leurs repères. Pour eux, la prison a peu de valeur punitive ou de réinsertion. Sur le plan somatique, on peut les «rétablir» un peu, les soigner. Mais quand on a fait cela, on n’a rien fait par rapport à une resocialisation. : La prison fait un peu office d’hôpital ? Ce n’est pas parce que le système de soins en prison s’améliore qu’il faut s’imaginer que l’on peut envoyer les personnes ici pour qu’elles se soignent. Ce n’était pas vrai avant la réforme et cela ne le sera jamais. La rédaction • PROPOS RECUEILLIS PAR OLIVIER GUICHARDAZ JOURNALISTE (SCERI) * UCSA Fleury 26 000 consultations de médecine générale 12 000 consultations «arrivants» 6 000 consultations spécialistes par an Fleury-Mérogis est la plus importante prison d’Europe 4 000 détenus au 1er janvier 1999 et plus de 12 000 entrées par an. LA FO N CTI O N S A NT É DA N S LE S ÉTA B L I SS EM E NT S D U « PR O G RA M M E 13 0 0 0» Le «programme 13 000» (loi du 22 juin 1987) concerne les établissements pénitentiaires dont la construction, l’ e n t retien et certaines prestations sont confiées à des groupements privés (tra vail, hôtellerie, santé). L’ a d m i n i s t ration pénitentiaire conserve les fonctions de direction, de surveillance et socio-éducative. Le dispositif de soins de la loi du 18 janvier 1994 ne s’applique pas à ces établissements, pour lesquels la fonction santé reste concédée aux groupements privés. En revanche, toutes les orientations de santé publique contenues dans les textes d’application de cette loi, s’appliquent à tous les services (dispensation des médicaments, prévention, articulation entre les services sanitaires et pénitentiaires, lutte contre la dépendance...) La composition des équipes médicales et para–médicales avait été définie pour chaque type d’établissement par le cahier des charges des marchés de fonctionnement. Les équipes pluridisciplinaires, sous l’autorité d’un médecin responsable, sont chargées d’ a s s u rer l’ensemble des actions de prévention, de diagnostic et de soins nécessaires à la préservation de la santé des détenus, à l’ e xception des hospitalisations. Edition 1999 4