L E S P R O B L È M E S D E S A N T É
E N M I L I E U P É N I T E N T I A I R E
Les tenus, jeunes pour la plupart, et
nayant eu souvent qu’un faible accès
aux soins, présentent des probmes de
san non ou mal pris en charge ava n t
leur incarration (1).
La vie en milieu pénitentiaire peut aussi
i n d u i r e ou aggraver certaines pathologies.
Il faut souligner la fréquence des pro-
blèmes dentaires, des hépatites B et C,
des pathologies traumatiques et des
troubles de la santé mentale.
La fréquence de la tuberculose (2) et
celle de l’infection à VIH (3) apparais-
sent nettement plus élevées que dans la
population générale.
Quant aux pratiques addictives (alcool,
drogues, médicaments), elles représen-
tent un problème de plus en plus lourd
en milieu pénitentiaire.
(1) “La Santé à l’entrée en prison
Etudes et résultats n° 4janvier 1999
(2) Enquête ORS Ile de France/PACA Avril 1996
(3) Enquête annuelle 1 jour donné
Q U E L Q U E S É TA P E S
Le développement du partenariat entre
le ministère chargé de la Santé et le
ministère de la Justice a été marqué par
les étapes suivantes :
1984 : le contrôle sanitaire des é t a b l i s -
s e m e nts pénitentiaire s est conf à l’ i n s-
pection générale des affaires sociales
(IGAS) et aux services concentrés du
m i n i s t è r e chargé de la Sa n t é .
1 9 8 5 : l’infirmerie centrale des prisons
de Fresnes devient établissement hospi-
talier public national (EHPNF), puis
établissement public de santé national
de Fresnes (EPSNF) en 1995.
1986 :des services de psychiatrie, les
services médico-psychologiques régio-
naux, sont créés en milieu pénitentiai-
re par des établissements hospitaliers,
dans le cadre de la sectorisation psy-
chiatrique (26 SMPR en 1996).
1987 : la fonction santé est confiée à
des opérateurs privés dans les établisse-
ments du programme 13000 (vo i r
encadré p.4).
1989 : des conventions sont signées
entre les établissements pénitentiaires
particulièrement confrontés à l’infec-
tion par le VIH, et des structures hos-
p i t a l i è res spécialisées, les centres
d’information et de soins de l’immu-
no-déficience humaine (CISIH), afin
d’assurer des consultations VIH à l’in-
térieur de ces prisons.
1992 : des conventions expérimentales
sont conclues entre trois établissements
pénitentiaires et les établissements de
santé de proximité.
1 9 9 3 :le Haut comi de la santé
publique publie un rapport sur la san-
té en milieu carcéral.
U N E V O L O N T É P O L I T I Q U E ÀL A H A U T E U R
D U D É F I D E S A N T É P U B L I Q U E
À la suite de la parution du rapport de
1993, qui soulignait la gravi des
p roblèmes de santé en prison, il a été
déci de transférer la prise en charge
s a n i t a i re des détenus, du serv i c e
public pénitentiaire au service public
h o s p i t a l i e r.
Cette volonté s’est concrétisée par la loi
du 18 janvier 1994 re l a t i ve à la santé
publique et à la protection sociale et ses
textes d’application (décret du 27
o c t o b r e 1994, circ u l a i re du 8 décembre
1994 et son guide méthodologique).
L’objectif poursuivi est da s s u rer à la
population incarcérée une qualité et
une continuité des soins équiva l e n t e s à
celles dont dispose l’ensemble de la
p o p u l a t i o n .
LA PRISE EN CHARGE
S A N I TAIRE DES DÉTENUS
Direction de l’Administration
pénitentiaire
D I R E C T I O N D E S H Ô P I TA U X
D I R E C T I O N G É N É R A L E D E L A S A N T É
POUR DES RENSEIGNEMENTS COMPLÉMENTAIRES :
D i rection des hôpitaux tél : 01 40 56 59 88
D i r ection
générale de la santé
tél : 01 40 56 51 62
M i n i s t è re de la Justice DAP tél : 01 49 96 26 42
L’évolution de la prise en charge
s a n i t a i r e des détenus répond à des
objectifs de santé publique et s’inscrit
dans la politique decloisonnement,
menée depuis plus de dix ans,
par l’administration pénitentiaire .
2
L E S C H A N G E M E N T S
Changement d’acteurs
L’organisation et la mise en œuvre de la
prise en charge des détenus sont
confiées à des personnels hospitaliers.
néralisation de la protection sociale
Tous les détenus sont affiliés, dès l’in-
carcération, à l’assurance maladie et
maternité du régime général de la sécu-
rité sociale.
R e n f o r cement notable des moyens
Une enveloppe nationale de 393 mil-
lions de francs (valeur 1994) a permis
globalement de doubler les temps infir-
miers et de médecins généralistes, de
cer des temps de secrétariat médical et
de médecins spécialistes (voir encadré
ci-dessous), ainsi que de consacre r
6 0 MF supplémentaires à la prise en
charge médico-psychologique des te-
nus. Ces moyens ont été complétés en
1997 et 1998 par des enveloppes
représentant un total de 100 MF.
Parallèlement, la direction de l’admi-
nistration pénitentiaire assure le finan-
cement de la rénovation des locaux de
soins dans les établissements péniten-
tiaires (51 MF sur 3 ans, sans compter
la sécurisation des chambres en milieu
hospitalier).
U N E C O N C E P T I O N N O U V E L L E D E S
S O I N S A U X P E R S O N N E S D É T E N U E S.
Une prise en charge globale
Le dispositif de soins re c o u v re les
aspects somatiques et psychiatriques.
Il inclut la dimension préventive et
curative, ainsi que la préparation de
relais sanitaires au terme de la période
d’incarcération.
Une équipe soignante hospitalière
indépendante de l’administration
pénitentiaire
La mission du médecin auprès des
détenus est celle d’un médecin traitant.
La confidentialité de sa relation avec le
patient relève du strict secret médical.
Les règles de la déontologie médicale et
pharmaceutique s’appliquent pleine-
ment, même si les impératifs de sécuri-
té s’imposent à tous.
La complémentarité des
missions des personnels sanitaires
et pénitentiaires
La poursuite d’un objectif commun
de promotion de la santé des per-
sonnes tenues implique une étro i t e
collaboration, dans le respect des mis-
sions de chacun.
Ces missions s’ e xe r cent dans le
respect de la digni humaine et
concourent au projet global d’insertion
sociale des détenus.
L E S E N G A G E M E N T S
Chaque établissement pénitentiaire est
lié par un protocole à un établissement
de santé de proximité, chargé d’ i m-
planter une unité de consultations et
soins ambulatoires (UCSA) en milieu
p é n i t e n t i a i re .
Les conditions de fonctionnement de
l’UCSA sont fixées par ce protocole.
Si l’établissement de santé ne peut
a s s u rer les prestations psyc h i a t r i q u e s ,
un protocole complémentaire est établi
a vec un autre établissement de santé.
L E S M I S S I O N S D E LU C S A
(Unité de consultations et de soins ambulatoires)
Les soins en milieu pénitentiaire
consultations de médecine générale,
dont le bilan de santé réalisé à l’entrée
soins infirmiers, incluant la distribu-
tion des médicaments
soins dentaires
consultations spécialisées
permanence des soins : l’équipe hos-
pitalière organise la réponse à l’urgence
en dehors de ses heures de présence.
Les soins en milieu hospitalier
L’UCSA organise l’accueil et la prise en
charge hospitalière, qu’il s’agisse d’ h o s -
pitalisations, de consultations ou d’ e x a-
mens spécialisés nécessitant le re c o u r s
au plateau technique hospitalier.
La prévention
Les actions de prévention en milieu
pénitentiaire reposent sur les compé-
tences et les financements de diffé-
rents partenaires : services de l’État,
conseils généraux, comités d’éducation
pour la santé, organismes d’assurance
maladie, réseaux et associations spécia-
lisés, etc.
L’ UCSA coordonne ces actions, no-
tamment :
-le dépistage obligatoire de la tuber-
culose et des maladies sexuellement
La prise en charge sanitaire des détenus
Temps hebdomadaire d’intervention,
l’exemple d’une maison d’arrêt accueillant 300 à 400 détenus :
- 6 demi-journées de présence médicale
- 4 demi-journées de présence de chiru r g i e n - d e n t i s t e
- 2 demi-journées de consultations de médecin spécialiste
- 1 demi-journée d’activité de pharm a c i e n
- 4 temps-plein de personnel infirmier et préparateur en pharm a c i e
- 1 mi-temps de sectaire dicale
LES NOUVEAUX MOYENS SANITA I R E S
La déontologie médicale et
pharmaceutique s’applique pleinement
3
transmissibles, à la charge du conseil
général,
-le dépistage volontaire du VIH et
des hépatites,
- les vaccinations,
- le programme déducation à la santé.
L’ o bjectif est de responsabiliser la per-
sonne détenue vis-à-vis de sa santé et
de favoriser sa insertion ulrieure .
Ces actions impliquent, pendant l’ i n-
c a rcération, la coopération des person-
nels pénitentiaires, et lors de la libéra-
tion, le relais par des stru c t u res exté-
r i e u res, pour une véritable pro m o t i o n
de la santé.
La continuité des soins
LUCSA organise le suivi médical à la
sortie de la détention, en collaboration
avec le service socio-éducatif de l’éta-
blissement pénitentiaire.
LH O S P I TA L I S AT I O N D E S D É T E N U S
Un schéma national d’hospitalisation
des détenus (hors psychiatrie) est en
cours d’ é l a b o r a t i o n . Il permettra
d’améliorer les conditions d’hospitali-
sation des détenus et de rationaliser
leur surveillance. Il repose, conformé-
ment aux orientations de l’ a rt i c l e
R.711–19 du code de la santé
publique, sur des unités hospitalières
sécurisées interrégionales (UHSI).
Hors région parisienne, il devrait
compter 7 UHSI, implantées en
CHU. Pour les détenus de la direction
régionale de Paris, l’ é t a b l i s s e m e n t
public de santé national de Fresnes
(EPSNF) constituera l’unité hospita-
lière interrégionale, en complémentari-
té avec l’assistance publique – hôpitaux
de Paris. Seules les hospitalisations
urgentes et de très courte durée relève-
ront des établissements de santé de
proximité signataires des protocoles.
L A P R I S E E N C H A R G E P S Y C H I AT R I Q U E
Confe depuis 1986 au service
public hospitalier, la prise en charge
m é d i c o - p s ychologique a vu ses mo-
yens re n f o rc é s .Elle s’est nature l l e m e n t
intégrée dans la dynamique de la
r é f o r m e .
En milieu pénitentiaire, deux nive a u x
de soins ont édéveloppés :
dans tous les établissements péniten-
tiaires, les prises en charge ambula-
toires sont réalisées par l’équipe du sec-
teur de psychiatrie générale locale.
des soins plus diversifiés (incluant
l’hospitalisation avec le consentement
du détenu) sont assurés dans 26 ser-
vices médico-psychologiques régio-
naux (SMPR), services de psychiatrie
implantés en milieu pénitentiaire par
un établissement hospitalier.
Les hospitalisations pour tro u b l e s
mentaux, sans le consentement des
tenus, sont réalies hors milieu
pénitentiaire, selon la procédure de
l’hospitalisation d’office, dans les éta-
blissements de santé habilités.
L’administration pénitentiaire a une
mission de garde et de réinsertion
des personnes placées sous main de
justice. Elle est structurée en milieu
fermé (les prisons) et milieu ouvert
(les comités de probation et d’assis-
tance aux libérés chargés de l’exécu-
tion des peines en milieu libre ) .
9directions régionales et une mis-
sion des services pénitentiaire s
d ’ o u t re mer, 1 8 6 é t a b l i s s e m e n t s
nitentiairs dont 1 1 9 m a i s o n s
d’arrêt (qui accueillent les préve-
nus et les condamnés à de courtes
peines), 5 5 établissements pour
peine (où les condamnés exécutent
leur peine), 12 centres autonomes
de semi-liberté. 183 comités de
probation et d’assistance aux libé-
rés. 50 093 places de détention.
25 086 agents dont 19 771 person-
nels de surveillance. On compte
en moyenne pour 100 détenus :
35 personnels de surveillance et
1travailleur social. 57 458 détenus
au 1
er
juillet 1998, dont 21 466
prévenus (en attente de jugement)
et 36 092 condamnés dont 2 303
femmes et 881 mineurs détenus.
La réform e c o n c e r ne près de 45000 détenus dans 149 établissements péniten-
t i a i res (hors ceux du pro g ramme 13000)
Les établissements de san signataires sont 206 (131 centres hospitaliers dont 31
CHR et 75 centres hospitaliers à vocation principalement psyc h i a t r i q u e ) .
139 protocoles de base, 93 protocoles complémentaire s .
QU ELQU ES CHI FFR ES
Des soins de qualité équivalente à ceux
de la population générale
La prise en charge sanitaire des détenus
Durée moyenne de détention : 8,1 mois
pour l’année 1997 (4,3 mois en 1975)
4
Le «pro g ramme 13 000» (loi du 22 juin 1987) concerne les établissements pénitentiaires dont la construction, l’ e n t retien et
c e r taines prestations sont confiées à des groupements privés (tra vail, hôtellerie, santé). L’ a d m i n i s t ration nitentiaire conser-
ve les fonctions de direction, de surveillance et socio-éducative.
Le dispositif de soins de la loi du 18 janvier 1994 ne sapplique pas à ces établissements, pour lesquels la fonction santé re s t e
concédée aux groupements privés.
En re vanche, toutes les orientations de santé publique contenues dans les textes d’application de cette loi, s’appliquent à tous
les services (dispensation des médicaments, prévention, articulation entre les services sanitaires et nitentiaires, lutte contre
la dépendance...)
La composition des équipes médicales et para–médicales avait été définie pour chaque type d’établissement par le cahier des
charges des marchés de fonctionnement.
Les équipes pluridisciplinaires, sous l’autorité d’un médecin responsable, sont chargées d’ a s s u r er l’ensemble des actions de pré-
vention, de diagnostic et de soins nécessaires à la préservation de la santé des tenus, à l’ e x ception des hospitalisations.
Question de la rédaction :Do c t e u r
Ob recht, d’où ve n e z - vous, quel est
vo t re cursus ?
Je suis médecin de santé publique. J’ai
fait partie de la toute première promo-
tion hospitalière dans cette spécialité,
en 1984.
Je suis arrivé à Fl e u ry - M é rogis au
moment de la mise en place du proto-
cole d’accord avec l’hôpital d’Evry, en
octobre 1995. Auparavant, j’avais par-
ticipé à la préparation de la réforme, et
à celle du nouveau statut de l’hôpital
de Fresnes, au siège de l’Assistance
publique – hôpitaux de Paris.
La rédaction :Quelle était la situation
lors de vo t re arrivée en milieu péniten-
t i a i re ?
Avant la réforme, les prisons étaient un
des derniers champs de santé publique
qui restaient vierges. Ce qu’il manquait
surtout, c’était un réseau avec l’exté-
rieur, avec des partenaires qui prennent
le relais après le temps d’incarcération.
Les services de san étaient assez
repliés sur eux-mêmes.
La rédaction :À votre avis, qu’est-ce
que la réforme a profondément changé ?
À Fleury, les moyens ont été doublés. Il
y avait 15 infirmières, il y en a mainte-
nant 29. On avait une seule secrétaire
médicale, elles sont maintenant dix.
Avant, on était absorbé par l’urgence.
Mais la médecine ne se limite pas aux
soins d’urgence. Quand on a à peine
les moyens de faire l’urgent, on ne peut
pas mettre en place des réseaux, des
d é m a rches intelligentes, quand bien
même on en a le souhait.
Si un malade sort de prison en cours de
traitement, il faut être assuré de la
façon dont son traitement sera pour-
suivi après sa libération. Cela est vrai
pour toutes les maladies chroniques,
diabète, sida, épilepsie, tuberculose…
La rédaction :Est-ce que les détenus
sont des malades différents ?
Nous sommes surtout là pour remettre
les détenus malades, pour la plupart
très désocialisés, dans les «rails» du sys-
tème de santé et les orienter.
Les toxicomanes, par exemple, ont
perdu leurs repères. Pour eux, la prison
a peu de valeur punitive ou de réinser-
tion. Sur le plan somatique, on peut les
«rétablir» un peu, les soigner. Mais
quand on a fait cela, on n’a rien fait par
rapport à une resocialisation.
La rédaction :La prison fait un peu
office d’hôpital ?
Ce n’est pas parce que le système de
soins en prison s’améliore qu’il faut
s’imaginer que l’on peut envoyer les
personnes ici pour qu’elles se soignent.
Ce n’était pas vrai avant la réforme et
cela ne le sera jamais.
PROPOS RECUEILLIS
PAR OLIVIER GUICHARDAZ
JOURNALISTE (SCERI)
L’équipe de l’UCSA de Fleury-mérogis
LA FONCTION SANTÉ DANS LES ÉTABLISSEMENTS DU «PROGRAMME 13 000»
I N T E RV I E W
Entretien avec le docteur Olivier Obrecht, praticien hospitalier, chef de service, responsable de l’unité de consultations et
de soins ambulatoires de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis*.
*UCSA Fleury
26 000 consultations de médecine générale
12 000 consultations «a r r i va n t s»
6 000 consultations spécialistes par an
Fl e u ry - M é r ogis est la plus importante prison d’ Eu rope
4 000 détenus au 1e rjanvier 1999
et plus de 12 000 entrées par an.
La prise en charge sanitaire des détenus
Edition 1999
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