Information de la personne malade en ORL et en chirurgie

DROIT MÉDICAL
28 | La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale ‱ n° 330 - juillet-aoĂ»t-septembre 2012
Information de la personne
malade en ORL et en chirurgie
cervico-faciale en France :
pourquoi, quand et comment ?
Information in otorhinolaryngology Head and Neck
Surgery in France: when, why and how?
O. Laccourreye1,2, A. Werner1, R. Cauchois1,3, L.M. Raingeard de la BlétiÚre4, F. Lagemi5
1 Université Paris-Descartes, Sorbonne
Paris-CitĂ©, service d’ORL, HEGP, Paris.
2 Expert judiciaire prĂšs le tribunal
de grande instance de Paris.
3 Expert prĂšs les assurances.
4 Magistrat, tribunal de grande
instance de Paris.
5 Magistrat, cour d’appel de Versailles.
E
n France, comme dans de nombreux pays
occidentaux, le passage au 
e
siÚcle a été
marquĂ©, dans le domaine de l’information
médicale de la personne malade, par la dispa-
rition du concept aristotélicien qui régissait classi-
quement les rapports entre soignés et soignants.
Ce trÚs ancien concept faisait schématiquement du
soignant un “sachant” empreint de bontĂ©, de sagesse
et d’humanisme, et du soignĂ© un ĂȘtre qu’il convenait
de protéger en le maintenant dans un certain degré
d’ignorance car il Ă©tait considĂ©rĂ© comme incapable
de comprendre les subtilités de la médecine et trop
faible psychologiquement pour pouvoir participer Ă 
la décision médicale.
Les scandales médicaux survenus au décours de
la Seconde Guerre mondiale et dans la deuxiĂšme
partie du e siĂšcle, le dĂ©veloppement des versants
commerciaux et mĂ©diatiques de la mĂ©decine, l’accĂšs
aisĂ© et rapide Ă  l’information mĂ©dicale (Internet),
l’individualisme grandissant au sein des sociĂ©tĂ©s
occidentales et l’apparition d’un droit au savoir
combiné à la judiciarisation de la relation médicale
sont les principaux éléments qui ont fait voler en
éclat cette conception ancienne, qui a progressi-
vement laissé place au partenariat.
Dans cet article, les auteurs présentent et discutent
les principaux éléments qui permettent au praticien
de savoir pourquoi, quand et comment informer la
personne malade atteinte d’une affection oto-rhino-
laryngologique ou cervico-faciale.
Pourquoi informer la personne
malade ?
L’information de la personne malade est une
obligation qui s’impose à tout oto-rhino-laryn-
gologiste. Cette obligation relĂšve des obligations
de conscience ou d’éthique mĂ©dicale auxquelles
le médecin est tenu. Avant la réalisation de tout
traitement, le médecin doit, en effet, recueillir le
consentement du patient, auquel il est reconnu le
droit de savoir et de consentir librement aux soins
qui lui sont proposés et, a contrario, de les refuser.
Cette obligation de recueillir le consentement du
patient est imposĂ©e “par le respect de la personne
humaine”, et sa violation constitue “une atteinte
grave aux droits du malade”, ainsi qu’en avait dĂ©cidĂ©
la Cour de cassation dans un arrĂȘt de la chambre
des requĂȘtes du 28 janvier 1942, dit arrĂȘt Teyssier.
L’information est aussi, et en premier lieu pour
l’oto-rhino-laryngologiste comme pour tout
mĂ©decin, un devoir dĂ©ontologique prĂ©vu Ă  l’article 35
du code de déontologie médicale, qui précise que
“(
) le mĂ©decin doit Ă  la personne qu’il examine,
qu’il soigne, ou qu’il conseille, une information loyale,
claire et appropriée sur son état, les investigations et
les soins qu’il lui propose. Tout au long de la maladie,
il tient compte de la personnalité du patient dans ses
explications et veille sur leur comprĂ©hension (
)”.
La jurisprudence avait fait de l’information une
obligation contractuelle découlant du contrat
La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale ‱ n° 330 - juillet-aoĂ»t-septembre 2012 | 29
Résumé
conclu entre le mĂ©decin et le malade. L’article
L1111-2 du code de la santé publique, issu de la loi
du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et Ă 
la qualité du systÚme de santé, en fait une obligation
lĂ©gale intĂ©grant la notion de droits, l’alinĂ©a 1
er
du
texte sus-citĂ© posant le principe que “toute personne
a le droit d’ĂȘtre informĂ©e sur son Ă©tat de santĂ©â€ (1).
Il est intĂ©ressant de constater que l’analyse de la
littĂ©rature mĂ©dicale scientiïŹque fait apparaĂźtre une
concordance entre l’esprit actuel de la loi et le dĂ©sir
de la trÚs grande majorité des personnes malades qui
consultent un praticien. Deux études anglo-saxonnes
ont ainsi soulignĂ© que l’information sur les risques
thérapeutiques est le premier des points que les
malades souhaitent voir abordé par le chirurgien lors
d’une consultation prĂ© opĂ©ratoire (2, 3). En pathologie
rhino-sinusienne, une étude nord-américaine récente
souligne que le souhait de la personne malade d’ĂȘtre
informĂ©e des risques inhĂ©rents Ă  l’acte chirurgical
envisagĂ© augmente si celle-ci est d’origine cauca-
sienne, jeune, ou a un niveau Ă©levĂ© d’éducation (4).
La sĂ©vĂ©ritĂ© de la complication encourue et l’inci-
dence de celle-ci sont des éléments qui interviennent
dans la demande d’information (5). Ainsi, avant
une chirurgie endoscopique des sinus de la face, le
pourcentage de personnes malades qui souhaitent
ĂȘtre informĂ©es du risque de survenue d’une compli-
cation passe de 43 % si l’incidence de la compli-
cation encourue est inférieure ou égale à 1/1 000,
à 69 % si l’incidence est comprise entre 1/1 000 et
1/100, pour atteindre 90 % lorsque l’incidence est de
10/100 (5). Cette attente augmente avec la sévérité
de la complication potentielle encourue, et ce sans
que son incidence intervienne : 83 % des malades
souhaitent ĂȘtre informĂ©s des risques de fuite de
liquide cĂ©phalorachidien et d’atteinte orbitaire (5).
L’évolution des motifs qui conduisent Ă  la mise
en cause médico-légale des soignants est enfin
le dernier élément qui participe à la nécessité
d’informer la personne malade. Ainsi en 2009, aux
États-Unis, le dĂ©faut d’information sur les risques
encourus en cas d’acte mĂ©dical invasif, qu’il soit Ă 
visée diagnostique (ponction, biopsie, cathétérisme,
injection de produit de contraste, etc.) ou à visée
thérapeutique (prise médicamenteuse, manipulation,
acte chirurgical, etc.), est devenu, avec les séquelles
et le retard diagnostique, une des trois principales
raisons de la mise en cause d’un soignant (6). En
Allemagne, en 1999, une étude analysant plus de
21 000 complications a soulignĂ© l’augmentation
exponentielle des mises en cause en rapport avec
la chirurgie de la glande thyroïde au décours de la
pĂ©riode 1975-1998, avec un dĂ©faut d’information
identiïŹĂ© dans 11 % des cas (7). En France, en 2005,
l’analyse des litiges portĂ©s devant la Cour de
cassation entre 1990 et 2004 fait apparaĂźtre que la
dĂ©livrance d’une information de qualitĂ© Ă  la personne
malade sur les risques encourus permet d’éviter 90 %
des contentieux portés devant cette cour (8).
Tous ces éléments donnent à penser que le souhait
de la personne malade d’ĂȘtre informĂ©e est actuel-
lement intense ; ils traduisent l’évolution de nos
sociĂ©tĂ©s modernes, qui ont fait du “droit au savoir”
un élément primordial de la relation soigné-soignant.
Quand informer la personne
malade ?
L’information de la personne malade est un devoir
constant qui s’intùgre à tous les temps de la relation
soigné-soignant. Et la loi du 4 mars 2002 (article
L1111-2 du code de la santé publique) impose que
le mĂ©decin informe la personne malade sur “(...) les
différentes investigations, traitements ou actions de
prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence
éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents
ou graves normalement prĂ©visibles qu’ils comportent
ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les
consĂ©quences prĂ©visibles en cas de refus (
)” (1).
Les risques “normalement prĂ©visibles” sont, comme
l’a Ă©crit le conseiller Ă  la Cour de cassation Sargos :
“(...) les risques de nature Ă  avoir des consĂ©quences
mortelles, invalidantes, ou mĂȘme esthĂ©tiques graves
compte tenu de leurs répercussions psychologiques
ou sociales (...)” (9). La jurisprudence a considĂ©rĂ©
que le praticien devait porter Ă  la connaissance du
patient tous les risques d’un acte mĂ©dical, y compris
les risques exceptionnels, étant toutefois précisé
qu’il ne peut s’agir que des risques connus en l’état
des données acquises de la science à la date de cet
acte. Et la formulation de l’article L1111-2 du code
À partir d’une revue de la littĂ©rature mĂ©dicale publiĂ©e ces 30derniĂšres annĂ©es et indexĂ©e (moteur de
recherche : PubMed) ainsi que des principaux textes juridiques, les auteurs analysent l’évolution de la
pratique de l’information mĂ©dicale de la personne atteinte d’une affection dans le domaine de l’oto-rhino-
laryngologie et de la chirurgie cervico-faciale en France.
Mots-clés
Information médicale
Consentement éclairé
Summary
Based on a review of the legal
and scientiïŹc medical littera-
ture (PubMed analysis), the
authors analyse and discuss the
evolution of the medical infor-
mation delivered in France to
patients with an otorhinolaryn-
geal or head and neck disease.
Keywords
Medical information
Informed consent
DROIT MÉDICAL
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de la santĂ© publique n’a pas modiïŹĂ© la jurisprudence
antérieure puisque les travaux parlementaires ne
révÚlent pas la volonté du législateur de revenir
sur celle-ci, que la notion de risque normalement
prĂ©visible renvoie Ă  celle de risque connu, et qu’un
risque exceptionnel reste normalement prévisible
pour un professionnel de santé.
Cette obligation d’information est aussi Ă  “exĂ©cution
successive”, ce qu’illustre la nĂ©cessitĂ© d’informer la
personne malade non seulement sur ce dont elle
souffre (les rĂ©sultats d’examens complĂ©mentaires
en font partie), mais aussi sur l’évolution possible
de sa pathologie (en particulier au cours de la phase
postopératoire). Pour le législateur et le magistrat,
moins la nĂ©cessitĂ© de l’acte mĂ©dical – qu’il soit Ă 
visĂ©e diagnostique ou thĂ©rapeutique – s’impose, plus
l’obligation et l’étendue de l’information se trouvent
renforcĂ©es. Ce concept s’applique tout particuliĂš-
rement au domaine de l’ORL qui, sans gĂ©nĂ©rer des
actes médicaux diagnostiques ou thérapeutiques dits
de “confort”, est une spĂ©cialitĂ© mĂ©dicale oĂč les situa-
tions cliniques d’urgence sont exceptionnelles, alors
que trĂšs nombreuses sont les situations cliniques
oĂč plusieurs options peuvent ĂȘtre proposĂ©es Ă  la
personne malade. Et si les soins délivrés font partie
d’une action de recherche, qu’elle soit clinique ou
fondamentale, l’obligation d’informer se trouve
encore plus renforcée (10). Le législateur considÚre
ainsi que le médecin permet à la personne malade
de comprendre et d’intĂ©grer les soins proposĂ©s, aïŹn
de l’aider Ă  prendre la dĂ©cision la plus conforme Ă 
ses intĂ©rĂȘts. Et Ă  ses yeux, la mise en place d’un tel
partenariat contribue Ă  la recherche d’une mĂ©decine
de qualité optimale.
En France, l’information de la personne malade a
pris un relief particulier aux yeux de l’oto-rhino-
laryngologiste depuis que 2 décisions majeures ont
été prises par la Cour de cassation.
La premiĂšre a trait Ă  la preuve de l’exĂ©cution
de l’obligation d’information. Depuis l’arrĂȘt du
25 février 1997 dit Hedreul, le patient est dispensé
de rapporter la preuve de l’inexĂ©cution de cette
obligation. Il lui sufïŹt d’afïŹrmer qu’il n’a pas Ă©tĂ©
informĂ© pour que le mĂ©decin soit tenu d’apporter
la preuve contraire, et ce par tous moyens. Cet arrĂȘt
a donc renversé la charge de la preuve en matiÚre
d’information mĂ©dicale.
La seconde décision est relative au préjudice lié au
non-respect de l’obligation d’information. En effet,
il était traditionnellement admis que la responsa-
bilitĂ© du praticien ne pouvait ĂȘtre engagĂ©e sur ce
fondement que si le patient dĂ©montrait l’existence
d’un prĂ©judice que lui avait causĂ© l’absence d’infor-
mation ; ce prĂ©judice s’analysait comme une perte de
chance d’avoir pu refuser le traitement proposĂ© et,
donc, d’éviter le risque rĂ©alisĂ©, et faisait l’objet d’une
indemnisation proportionnelle Ă  la chance perdue, Ă 
condition toutefois que celle-ci soit réelle et sérieuse,
la preuve de cette chance perdue incombant au
patient. Or, dans un arrĂȘt du 3 juin 2010, la Cour
de cassation a rappelé au visa des articles 16, 16-3 et
1382 du code civil, que “(...) toute personne a le droit
d’ĂȘtre informĂ©e prĂ©alablement aux investigations,
traitements ou actions de prévention proposés, des
risques inhérents à ceux-ci et que son consentement
doit ĂȘtre recueilli par le praticien, hors le cas oĂč son
état rend nécessaire une intervention thérapeu-
tique Ă  laquelle elle n’est pas Ă  mĂȘme de consentir”
et prĂ©cisĂ© en outre que “le non-respect du devoir
d’information qui en dĂ©coule cause Ă  celui auquel
l’information Ă©tait lĂ©galement due un prĂ©judice que
le juge ne peut laisser sans rĂ©paration (...)”. Cet arrĂȘt
permet de considĂ©rer que, d’une part, l’obligation
d’information a acquis une vĂ©ritable autonomie
puisqu’elle est sortie du champ contractuel et que,
d’autre part, sa non-exĂ©cution gĂ©nĂšre automati-
quement un prĂ©judice susceptible d’ĂȘtre qualiïŹĂ© de
“prĂ©judice moral”, que le juge sera en tout Ă©tat de
cause tenu d’indemniser, ce mĂȘme si la rĂ©alisation de
l’acte technique de soin n’a entraĂźnĂ© aucun dommage
et/ou s’il apparaĂźt que, dĂ»ment informĂ©, le patient
n’aurait pas optĂ© pour une autre solution thĂ©rapeu-
tique que celle réalisée (par exemple, en ORL : un
appareillage au lieu d’une stapĂ©dectomie dans le
cas d’une otospongiose, un traitement local au lieu
d’une ethmoïdectomie devant une polypose nasale
ou une cordectomie laser au lieu d’une radiothĂ©rapie
en prĂ©sence d’un cancer de la corde vocale classĂ© T1).
Ces 2 arrĂȘts imposent de bien connaĂźtre les Ă©lĂ©ments
qui permettront au magistrat, lors de la mise en
cause d’un praticien, de dĂ©cider si l’information
délivrée avant les soins a bien été réalisée par le
soignant de maniÚre loyale, claire et adaptée. Dans
ce domaine, le point clĂ© est de savoir qu’il n’existe
pas d’élĂ©ment formel de preuve et que la dĂ©cision du
magistrat repose toujours sur un faisceau d’indices
devant constituer des prĂ©somptions sufïŹsamment
précises, graves et concordantes dont la recherche
s’impose Ă  l’expert mandatĂ©.
Le premier de ces éléments de preuve, et sans
conteste le plus important aux yeux de la loi, est
la parole de la personne malade qui peut, lors
de la rĂ©union expertale, reconnaĂźtre qu’elle a Ă©tĂ©
correctement informée par le soignant. Ce dernier
doit cependant comprendre que cette situation
DROIT MÉDICAL
La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale ‱ n° 330 - juillet-aoĂ»t-septembre 2012 | 31
est rarement rencontrée, et ce principalement en
raison d’un dĂ©faut de mĂ©morisation par la personne
malade de l’information qui lui a Ă©tĂ© dĂ©livrĂ©e. Ainsi,
dans notre spécialité, le taux moyen de mémori-
sation des risques chirurgicaux encourus, avant
un acte chirurgical programmé, varie de 37 % en
chirurgie plastique esthétique à 39,1 % en chirurgie
des glandes thyroĂŻde et parotides, pour atteindre
Ă  peine 54 % en chirurgie otologique (11-13).
En 2005, dans le cadre de la chirurgie de la glande
thyroïde, en France, il a été indiqué que 24 heures
aprùs l’intervention, respectivement 14,5 %, 58,9 %
et 78,9 % des patients ne se souvenaient pas d’avoir
été informés en pré opératoire par le chirurgien du
risque de dysphonie par immobilité laryngée unila-
tĂ©rale, du risque de dĂ©cĂšs et du risque d’immobilitĂ©
laryngée bilatérale pouvant conduire à la réali-
sation d’une trachĂ©otomie, alors que seulement
0,9 % des malades mémorisaient la totalité des
risques chirurgicaux détaillés lors de la consultation
préopératoire, et 20,4 %, aucun (14). Par ailleurs,
les Ă©tudes scientifiques consacrĂ©es Ă  l’analyse des
facteurs qui influent sur la mémorisation par la
personne malade des risques chirurgicaux encourus
au décours de la chirurgie des glandes thyroïde et
parotides soulignent que l’information dĂ©livrĂ©e est
d’autant moins mĂ©morisĂ©e que le malade est ĂągĂ©,
que son niveau d’éducation est faible, que des fiches
d’information ou des schĂ©mas explicatifs n’ont pas
Ă©tĂ© distribuĂ©s lors de la rĂ©alisation de l’information
orale et/ou que le moment de la recherche de la
rĂ©alitĂ© de l’information dĂ©livrĂ©e est Ă©loignĂ©e du
moment de la réalisation de cette information, sans
que le nombre de consultations réalisées en préopé-
ratoire semble améliorer le degré de mémorisation.
Le praticien doit aussi savoir que les complications
les plus graves ne sont pas celles qui sont le plus
mémorisées par la personne malade (14-16).
Aussi, le praticien, s’il souhaite disposer d’élĂ©ments
de preuve en cas de mise en cause, se doit d’anti-
ciper le défaut de mémorisation de la personne
malade et d’éviter plusieurs erreurs. La premiĂšre
est de laisser la charge de l’information à un autre
collĂšgue (interne) ou soignant (infirmiĂšre), voire
Ă  la structure de soin (administration) [17]. Il
convient de rappeler que l’obligation d’information
incombe personnellement au médecin et, en cas
d’intervention de plusieurs praticiens, à chacun
des mĂ©decins intervenant au cours d’un mĂȘme
acte ou devant prendre en charge le patient Ă  un
titre quelconque. La seconde est de ne réaliser
une information que sur les risques encourus, en
omettant d’informer sur la maladie, sur les diffĂ©-
rentes options thérapeutiques, et sans conseiller la
personne malade sur la conduite la plus adaptée à
son Ă©tat. La troisiĂšme est de ne pas s’assurer de la
comprĂ©hension par la personne malade de l’infor-
mation délivrée. La quatriÚme est la non-dispo-
nibilitĂ© et le dĂ©faut d’explications de la part du
soignant aprùs la survenue d’une complication.
L’analyse de dossiers et de plaintes dĂ©montre
que l’absence d’information des patients aprùs
une complication, quelle qu’en soit la cause, est
à l’origine de nombreux contentieux, le patient
recherchant à travers une procédure judiciaire civile
ou pĂ©nale les explications qu’il n’a pu obtenir ; cette
information postopĂ©ratoire qui n’a pas Ă©tĂ© assumĂ©e
par le praticien aurait souvent permis d’éviter une
action en recherche de responsabilité. Enfin, la
derniÚre erreur à éviter a trait au dossier médical.
Sa bonne tenue et la mention de la réalisation de
l’information sur la maladie, les options thĂ©rapeu-
tiques et les risques en divers endroits de celui-ci
(observation clinique, lettre au médecin traitant,
compte-rendu opératoire) sont des éléments clés
car ils permettent de rappeler Ă  la personne malade,
s’il survient une complication ou un conflit, ce qui
a Ă©tĂ© dit et dĂ©cidĂ©, tout en fournissant Ă  l’expert,
si le soignant est mis en cause, des éléments qui
permettent d’évaluer de façon objective la rĂ©alitĂ©
de l’information rĂ©alisĂ©e. Dans ce cadre, il nous
semble que la remise Ă  la personne malade de la
copie de la lettre adressée au médecin référent
(offrant ainsi à la personne malade la possibilité
de re-contacter le soignant pour un complément
d’explication avant la rĂ©alisation de l’acte Ă  visĂ©e
diagnostique ou thérapeutique), au mieux dictée
en sa présence, est un élément de preuve parti-
culiÚrement élevé. Rappelons aussi que la loi, là
encore, a évolué et impose maintenant :
➀
que le dossier mĂ©dical comprenne l’observation
clinique, les comptes rendus des examens complé-
mentaires (radiologiques, anatomo-pathologiques,
etc.) réalisés, le compte-rendu de la réunion de
concertation pluridisciplinaire (en cas de pathologie
tumorale maligne), le compte-rendu opératoire,
le compte-rendu d’hospitalisation et les lettres au
médecin traitant ;
➀
qu’en cas de complication, une note Ă©crite
retraçant l’évolution, obligatoire au plan lĂ©gal, soit
inscrite dans l’observation mĂ©dicale (18).
EnïŹn, bien qu’il ait Ă©tĂ© montrĂ© que le fait d’avoir Ă©tĂ©
mis en cause est le principal élément qui conduit les
soignants Ă  modiïŹer leur attitude en termes d’infor-
mation mĂ©dicale (19), il nous semble qu’il convient
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de ne pas attendre une telle expérience pour faire
évoluer sa pratique dans le sens souhaité par les
personnes malades, et maintenant trĂšs clairement
prévu par la loi.
Comment “bien” informer
la personne malade ?
Aucun texte de loi ni aucune étude médicale scien-
tiïŹque ne prĂ©cise avec certitude les modalitĂ©s Ă 
suivre pour rĂ©aliser une “bonne information” de la
personne malade, et la réponse à cette question
est extrĂȘmement difïŹcile car la dĂ©ïŹnition claire et
prĂ©cise d’une “bonne information” est sujette Ă  de
nombreuses interprétations, qui varient en fonction
du point de vue de l’interlocuteur (personne malade,
médecin, magistrat, avocat, expert, responsable
politique, journaliste, enseignant, philosophe,
consommateur, etc.), du niveau de connaissances
et du degrĂ© d’inquiĂ©tude de la personne malade
que l’on doit informer, ainsi que de la gravitĂ© de
l’affection dont elle est atteinte.
Le problùme est d’autant plus complexe que
l’analyse des Ă©tudes scientifiques consacrĂ©es Ă  la
perception par la personne malade de l’information
délivrée en suivant les termes de la loi souligne
que celle-ci n’est pas toujours positive. Toutes
les Ă©tudes publiĂ©es soulignent en effet l’intensitĂ©
du stress, de l’angoisse, voire de la peur, que
dĂ©clenche l’information sur les risques, qu’ils soient
inhérents à un geste à visée diagnostique ou à visée
thérapeutique. En France, 2 travaux consacrés à
la perception de l’information mĂ©dicale sur les
risques chirurgicaux encourus lors de la chirurgie
de la glande thyroĂŻde ont notĂ© que, mĂȘme si plus
de 80 % des personnes malades étaient satisfaites
de l’information dĂ©livrĂ©e en prĂ©opĂ©ratoire sur les
risques chirurgicaux, 30 Ă  50 % d’entre elles Ă©taient
atteintes par ce phĂ©nomĂšne (14-16). L’angoisse
peut ĂȘtre telle que certaines personnes malades
refusent le geste thérapeutique proposé, avec un
taux qui varie de 10 % dans le cadre de la chirurgie
des sinus de la face Ă  14,6 % dans le cadre de la
chirurgie de la glande thyroĂŻde (16, 20). Cette
information sur les risques chirurgicaux encourus
est aussi parfois perçue par la personne malade
comme une décharge de la part du médecin ou
de la structure de soins de leurs responsabi-
lités, voire comme un acte défensif de la part du
mĂ©decin (16, 21, 22). L’effet collatĂ©ral possible des
difficultés que les médecins rencontrent actuel-
lement lorsqu’ils doivent informer leurs malades
est le dĂ©veloppement d’une mĂ©decine “dĂ©fensive”.
Une étude nord-américaine publiée en 2006, dans
The Journal of the American Medical Association,
souligne que 93 % des médecins qui exercent une
spĂ©cialitĂ© dite “à risque lĂ©gal” (oto-rhino-laryn-
gologie, ophtalmologie, chirurgie esthétique,
gynécologie, neurochirurgie, etc.) reconnaissent
pratiquer parfois la médecine de façon défensive,
en éliminant de leur activité les interventions
susceptibles d’entraüner des complications, et en
évitant de prendre en charge les malades sujets à
des problÚmes médicaux complexes ou bien perçus
comme procéduriers (23).
En 2001, la philosophe Jacqueline de Romilly
Ă©crivait : “(
) Il existe un art de la parole qui n’est
ni mensonge, ni flatterie mais qui sert la vérité. Il y
a une façon d’exposer la vĂ©ritĂ©, de l’expliquer, de la
commenter, qui est le prolongement mĂȘme de la
connaissance la plus rigoureuse. Et cela est plus vrai
que pour tout pour la médecine qui est finalement
une science de l’homme qui doit connaütre la nature
de l’homme (
)” (24). Les principes dĂ©gagĂ©s par
la jurisprudence et la loi du 4 mars 2002 sont en
adéquation avec cette vision philosophique puisque
l’information dĂ©livrĂ©e Ă  la personne malade par
son praticien doit ĂȘtre “adaptĂ©e”, ce qui signifie
qu’elle ne peut ĂȘtre dĂ©livrĂ©e sans discernement,
ni humanisme (1). Et la primautĂ© de l’information
orale a été et est constamment et réguliÚrement
rappelée dans de nombreux écrits et décisions de
justice. Dans ce cadre, pour la Haute Autorité de
santĂ© : “(
) Lorsque des documents Ă©crits existent,
il est souhaitable qu’ils soient remis au patient pour
lui permettre de s’y reporter et/ou d’en discuter
avec toute personne de son choix, notamment les
mĂ©decins qui lui dispensent des soins (
)” (25).
Ces fiches ne sont cependant que des complé-
ments de l’information orale que doit rĂ©aliser
le soignant car plusieurs éléments en limitent
l’apport rĂ©el, lesquels sont liĂ©s aux dĂ©fauts quali-
tatifs de certaines fiches d’information Ă©crite, au
défaut de compréhension des données médicales
écrites par un pourcentage non négligeable de
malades (26, 27), au pourcentage élevé de ceux-ci
qui considĂšrent que l’information Ă©crite n’est pas
adaptĂ©e Ă  leur Ă©tat (28) ou qui n’ont pas acquis une
maĂźtrise grammaticale suffisante pour comprendre
l’information Ă©crite dĂ©livrĂ©e (29) et, enfin, au
grand nombre de patients qui considĂšrent que la
principale fonction de la fiche d’information Ă©crite
est de protĂ©ger l’hĂŽpital ou les droits des praticiens
en cas de conflit ultĂ©rieur (21, 30). Enfin, s’agissant
des mineurs, leurs droits sont, par principe, exercés
1 / 6 100%
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