DROIT MÉDICAL
La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 330 - juillet-août-septembre 2012 | 31
est rarement rencontrée, et ce principalement en
raison d’un défaut de mémorisation par la personne
malade de l’information qui lui a été délivrée. Ainsi,
dans notre spécialité, le taux moyen de mémori-
sation des risques chirurgicaux encourus, avant
un acte chirurgical programmé, varie de 37 % en
chirurgie plastique esthétique à 39,1 % en chirurgie
des glandes thyroïde et parotides, pour atteindre
à peine 54 % en chirurgie otologique (11-13).
En 2005, dans le cadre de la chirurgie de la glande
thyroïde, en France, il a été indiqué que 24 heures
après l’intervention, respectivement 14,5 %, 58,9 %
et 78,9 % des patients ne se souvenaient pas d’avoir
été informés en pré opératoire par le chirurgien du
risque de dysphonie par immobilité laryngée unila-
térale, du risque de décès et du risque d’immobilité
laryngée bilatérale pouvant conduire à la réali-
sation d’une trachéotomie, alors que seulement
0,9 % des malades mémorisaient la totalité des
risques chirurgicaux détaillés lors de la consultation
préopératoire, et 20,4 %, aucun (14). Par ailleurs,
les études scientifiques consacrées à l’analyse des
facteurs qui influent sur la mémorisation par la
personne malade des risques chirurgicaux encourus
au décours de la chirurgie des glandes thyroïde et
parotides soulignent que l’information délivrée est
d’autant moins mémorisée que le malade est âgé,
que son niveau d’éducation est faible, que des fiches
d’information ou des schémas explicatifs n’ont pas
été distribués lors de la réalisation de l’information
orale et/ou que le moment de la recherche de la
réalité de l’information délivrée est éloignée du
moment de la réalisation de cette information, sans
que le nombre de consultations réalisées en préopé-
ratoire semble améliorer le degré de mémorisation.
Le praticien doit aussi savoir que les complications
les plus graves ne sont pas celles qui sont le plus
mémorisées par la personne malade (14-16).
Aussi, le praticien, s’il souhaite disposer d’éléments
de preuve en cas de mise en cause, se doit d’anti-
ciper le défaut de mémorisation de la personne
malade et d’éviter plusieurs erreurs. La première
est de laisser la charge de l’information à un autre
collègue (interne) ou soignant (infirmière), voire
à la structure de soin (administration) [17]. Il
convient de rappeler que l’obligation d’information
incombe personnellement au médecin et, en cas
d’intervention de plusieurs praticiens, à chacun
des médecins intervenant au cours d’un même
acte ou devant prendre en charge le patient à un
titre quelconque. La seconde est de ne réaliser
une information que sur les risques encourus, en
omettant d’informer sur la maladie, sur les diffé-
rentes options thérapeutiques, et sans conseiller la
personne malade sur la conduite la plus adaptée à
son état. La troisième est de ne pas s’assurer de la
compréhension par la personne malade de l’infor-
mation délivrée. La quatrième est la non-dispo-
nibilité et le défaut d’explications de la part du
soignant après la survenue d’une complication.
L’analyse de dossiers et de plaintes démontre
que l’absence d’information des patients après
une complication, quelle qu’en soit la cause, est
à l’origine de nombreux contentieux, le patient
recherchant à travers une procédure judiciaire civile
ou pénale les explications qu’il n’a pu obtenir ; cette
information postopératoire qui n’a pas été assumée
par le praticien aurait souvent permis d’éviter une
action en recherche de responsabilité. Enfin, la
dernière erreur à éviter a trait au dossier médical.
Sa bonne tenue et la mention de la réalisation de
l’information sur la maladie, les options thérapeu-
tiques et les risques en divers endroits de celui-ci
(observation clinique, lettre au médecin traitant,
compte-rendu opératoire) sont des éléments clés
car ils permettent de rappeler à la personne malade,
s’il survient une complication ou un conflit, ce qui
a été dit et décidé, tout en fournissant à l’expert,
si le soignant est mis en cause, des éléments qui
permettent d’évaluer de façon objective la réalité
de l’information réalisée. Dans ce cadre, il nous
semble que la remise à la personne malade de la
copie de la lettre adressée au médecin référent
(offrant ainsi à la personne malade la possibilité
de re-contacter le soignant pour un complément
d’explication avant la réalisation de l’acte à visée
diagnostique ou thérapeutique), au mieux dictée
en sa présence, est un élément de preuve parti-
culièrement élevé. Rappelons aussi que la loi, là
encore, a évolué et impose maintenant :
➤
que le dossier médical comprenne l’observation
clinique, les comptes rendus des examens complé-
mentaires (radiologiques, anatomo-pathologiques,
etc.) réalisés, le compte-rendu de la réunion de
concertation pluridisciplinaire (en cas de pathologie
tumorale maligne), le compte-rendu opératoire,
le compte-rendu d’hospitalisation et les lettres au
médecin traitant ;
➤
qu’en cas de complication, une note écrite
retraçant l’évolution, obligatoire au plan légal, soit
inscrite dans l’observation médicale (18).
Enfin, bien qu’il ait été montré que le fait d’avoir été
mis en cause est le principal élément qui conduit les
soignants à modifier leur attitude en termes d’infor-
mation médicale (19), il nous semble qu’il convient