Maq HGE 5 dossier V I 13/05/04 E 16:04 P Page 243 R O F E S S I O N N E L L E La rubrique “Vie professionnelle” doit être vivante. Elle prendra souvent la forme d’une tribune libre dans laquelle chacun des acteurs de notre spécialité pourra exprimer ses idées et réflexions. Les auteurs s’engageront personnellement sur le fond et sur la forme, et le comité de rédaction n’exercera aucune censure afin que toutes les idées puissent être exprimées. À côté des billets d’humeur, nous souhaiterions publier des articles de réflexion concernant notre spécialité et son évolution. Par exemple, nous susciterons un large débat autour de la mise en place de la Formation Médicale Continue et du rôle de chacun des acteurs de notre spécialité. Consentement éclairé et enseignement ● B. Hœrni* U n clochard, qui toussait et avait de la fièvre, était hospitalisé depuis plusieurs semaines. Examiné par des dizaines d’étudiants que l’on initiait aux subtilités de la séméiologie établie au temps de Laennec, il savait pertinemment que son hébergement à l’hôpital, chaque hiver, pendant les périodes les plus rudes, avait pour contrepartie sa “soumission” à ces jeunes gens pas toujours délicats. La Révolution française a établi en effet que les riches doivent payer pour l’hospitalisation des pauvres, lesquels servent à former de bons médecins qui, un jour, seront amenés à les soigner par un juste retour des choses. Le temps n’est plus où l’on pouvait, sans leur demander leur avis, exposer des malades lors de réunions médicales de perfectionnement, par exemple en dermatologie, ou les soumettre à des examens physiques en série effectués par des théories d’étudiants plus ou moins intéressés. Et c’est heureux. PRINCIPES L’éthique ne répond pas seulement à une mode. Elle affirme qu’à côté des principes de bienveillance, de charité et d’équité, celui de l’autonomie des personnes concerne aussi les patients. Peut-être les derniers à s’émanciper après les esclaves, les peuples colonisés, les femmes..., ils méritent qu’on les respecte, qu’on respecte leur dignité, leur corps et leur volonté (1). Ce respect se traduit par le consentement qui s’impose avant tout acte thérapeutique – sauf impossibilité – comme le précise l’article 16-3 introduit dans le code civil par la loi du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain. Respect et consentement, sont les deux * Conseil national de l’Ordre des médecins et Institut Bergonié, Bordeaux. La Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 5 - octobre 1998 notions qui président à l’intervention du médecin dans l’intérêt du patient, et elles s’imposent à plus forte raison pour un acte d’enseignement où cet intérêt est absent ou discutable (2). Elles s’imposent dans la mesure où le médecin accède à l’intimité du patient, que ce dernier a le droit de voir préserver, et parce que la personne malade, affaiblie et plus vulnérable qu’une autre, mérite par là même un surcroît de protection (3). Déjà Hippocrate, dont les leçons d’éthique médicale gardent une grande actualité, insistait sur ce respect de la personne soignée, conduisant par exemple à ne pas la dénuder inutilement, notamment devant un tiers comme un élève (4). TEXTES La déclaration du bureau régional européen de l’OMS, intitulée La promotion des droits des patients (1994), affirme explicitement en son article 3.9 que “le consentement éclairé du patient est nécessaire pour toute participation à l’enseignement clinique”, et cela est valable pour une présentation clinique comme pour le passage d’un examen. De façon moins directe, la Déclaration sur les droits des patients (Association médicale mondiale, Bali, 1995) le confirme :“Le patient a le droit de refuser de participer à la recherche ou à l’enseignement de la médecine.” Le décret n°97-945 du 16 mai 1997 relatif au stage pratique des résidents auprès des praticiens généralistes agréés précise que “la présence du stagiaire aux consultations et visites du maître de stage ainsi que l’exécution par lui d’actes médicaux sont subordonnés au consentement du patient” (art.4). On voit mal comment ce principe serait différent pour l’enseignement à l’hôpital. Le Code de déontologie médicale (septembre 1995) indique, d’une façon générale, que “le médecin doit faire en sorte, lorsqu’il utilise son expérience ou ses documents à des fins de publication scientifique ou d’enseignement, que l’identification des personnes ne soit pas possible. À défaut, leur accord doit être obtenu” (art.73). 243 Maq HGE 5 dossier V I 13/05/04 E 16:04 P Page 244 R O F E S S Cette identification va de soi lors d’un enseignement au lit du malade. Il importe donc aussi de rappeler aux étudiants que l’intimité des patients doit être respectée, base du secret médical. Le Comité international des éditeurs de journaux médicaux a édicté des règles visant à garantir l’anonymat dans les publications, et, dans le cas où cela est impossible, le consentement des patients doit être demandé (5). APPLICATIONS On dira que cet accord du patient complique l’enseignement. Mais saluer un patient et se présenter à lui participe aussi un peu de la “rencontre singulière” entre praticien et malade. Ces façons de procéder ne se discutent plus, et il est rare qu’un malade refuse ce qu’on lui demande pour mieux former un médecin qui soignera plus tard ses enfants, à condition toutefois d’agir avec courtoisie et de faire en sorte que l’acte d’enseignement se conforme au tact et à la mesure. Le patient, de même que le médecin et l’étudiant ne peuvent que se trouver valorisés par ce que l’on peut considérer comme une simple mesure de politesse. La plupart des malades préfèrent que ces démonstrations aient lieu dans leur chambre d’hôpital – considérée comme domicile privé – plutôt que dans une salle d’examens. Ils souhaitent que les échanges verbaux entre enseignants et étudiants leur soient accessibles ou expliqués (6). Ajoutons que ce respect des personnes doit persister après la mort, au cours par exemple de l’autopsie, pendant laquelle il importe de traiter le cadavre avec décence. Cela interdit les pratiques passées, considérées aujourd’hui par tous comme indignes. Nous pensons aux expositions indécentes dans un amphithéâtre, aux gestes désagréables comme les touchers pelviens effectués en série par plusieurs étudiants, ou encore à ceux réalisés sur un malade anesthésié, à son insu, qui peuvent être assimilés à un viol de la personnalité. Il reste que la formation clinique est indispensable. On appréciera dans cette optique le recours à des mannequins ou, comme cela se fait dans certains pays, à des volontaires bien portants (“patients programmés”) qui se font examiner en connaissance de cause pour les besoins de formation clinique des futurs médecins. I O N N E L L E Les mêmes principes s’appliquent aux publications médicales qui, même destinées à une audience professionnelle, peuvent tomber dans les mains de quiconque. Quand un strict anonymat ne peut être respecté, une observation nécessairement détaillée, la photographie non maquillée d’un visage ou même un arbre généalogique ne peuvent être publiés qu’avec l’accord des intéressés (7, 9). En somme, ces règles relativement nouvelles compliquent la formation des médecins et doivent conduire à des aménagements pour ne pas la compromettre, notamment dans sa composante clinique qui se trouve être négligée aujourd’hui pour d’autres raisons (4). Leur observation sera d’ailleurs une excellente initiation des étudiants au respect des règles éthiques, en premier lieu à la déférence avec laquelle ils se doivent de traiter tout patient. Elles découlent logiquement du respect de la vie privée dans laquelle, pour exercer leur mission thérapeutique, les médecins sont à même de s’introduire de façon exorbitante par rapport au droit commun. Les patients ont le droit à la fois d’être bien soignés et de voir leur intimité respectée. ■ R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Hœrni B. Éthique et déontologie médicale. Masson, Paris, 1996. 2. Hœrni B., Saury R. Le Consentement éclairé. Masson, Paris, 1998. 3. Hœrni B. et Bénézech M. Le Secret médical. Confidentialité et discrétion en médecine. Masson, Paris, 1996. 4. Hœrni B. Histoire de l’examen clinique. Imothep/Maloine, Paris, 1996. 5. Snider D.E. Patient consent for publication and the health of the public. JAMA 1997 ; 278 : 624-6. 6. O’Flynn N., Spencer J., Jones R. Consent and confidentiality in teaching in general practice : survey of patients’ views on presence of students. BMJ 1997 ; 315 : 1142. 7. Clever L.H. Obtain informed consent before publishing information about patients. JAMA 1997 ; 278 : 628-9. 8. Fontanarosa P.B., Glass R.M. Informed consent for publication. JAMA 1997 ; 278 : 682-3. 9. Hood C.A., Hope T., Dove P. Videos, photographs, and patient consent. BMJ 1998 ; 316 : 1009-11. LISTE DES ANNONCEURS HOECHST HOUDE (Lanzor) p. 202 ; GLAXOWELLCOME (Azantac) p. 206 ; FERRING SA (Pentasa) p. 210 ; ? (Protolog) p. 237 ; BEAUFOUR (Forlax) p. 247 ; ASTRA FRANCE (Mopral) p. 248 ; Les articles publiés dans notre revue le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs. Leur reproduction est interdite. 244 La Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 5 - octobre 1998