Consentement éclairé et enseignement V I E

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La rubrique “Vie professionnelle” doit être vivante. Elle prendra souvent la forme d’une tribune libre dans laquelle chacun
des acteurs de notre spécialité pourra exprimer ses idées et réflexions. Les auteurs s’engageront personnellement sur
le fond et sur la forme, et le comité de rédaction n’exercera aucune censure
afin que toutes les idées puissent être exprimées.
À côté des billets d’humeur, nous souhaiterions publier des articles de réflexion concernant notre spécialité et son évolution. Par exemple, nous susciterons un large débat autour de la mise en place de la Formation Médicale Continue
et du rôle de chacun des acteurs de notre spécialité.
Consentement éclairé et enseignement
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B. Hœrni*
U
n clochard, qui toussait et avait de la fièvre, était hospitalisé depuis plusieurs semaines. Examiné par des
dizaines d’étudiants que l’on initiait aux subtilités de la
séméiologie établie au temps de Laennec, il savait pertinemment que
son hébergement à l’hôpital, chaque hiver, pendant les périodes les
plus rudes, avait pour contrepartie sa “soumission” à ces jeunes gens
pas toujours délicats. La Révolution française a établi en effet que les
riches doivent payer pour l’hospitalisation des pauvres, lesquels servent à former de bons médecins qui, un jour, seront amenés à les soigner par un juste retour des choses.
Le temps n’est plus où l’on pouvait, sans leur demander leur avis,
exposer des malades lors de réunions médicales de perfectionnement, par exemple en dermatologie, ou les soumettre à des examens
physiques en série effectués par des théories d’étudiants plus ou
moins intéressés. Et c’est heureux.
PRINCIPES
L’éthique ne répond pas seulement à une mode. Elle affirme qu’à côté
des principes de bienveillance, de charité et d’équité, celui de l’autonomie des personnes concerne aussi les patients. Peut-être les derniers à s’émanciper après les esclaves, les peuples colonisés, les
femmes..., ils méritent qu’on les respecte, qu’on respecte leur dignité,
leur corps et leur volonté (1).
Ce respect se traduit par le consentement qui s’impose avant tout
acte thérapeutique – sauf impossibilité – comme le précise l’article
16-3 introduit dans le code civil par la loi du 29 juillet 1994 relative
au respect du corps humain. Respect et consentement, sont les deux
* Conseil national de l’Ordre des médecins et Institut Bergonié, Bordeaux.
La Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 5 - octobre 1998
notions qui président à l’intervention du médecin dans l’intérêt du
patient, et elles s’imposent à plus forte raison pour un acte d’enseignement où cet intérêt est absent ou discutable (2).
Elles s’imposent dans la mesure où le médecin accède à l’intimité du
patient, que ce dernier a le droit de voir préserver, et parce que la
personne malade, affaiblie et plus vulnérable qu’une autre, mérite par
là même un surcroît de protection (3).
Déjà Hippocrate, dont les leçons d’éthique médicale gardent une
grande actualité, insistait sur ce respect de la personne soignée,
conduisant par exemple à ne pas la dénuder inutilement, notamment
devant un tiers comme un élève (4).
TEXTES
La déclaration du bureau régional européen de l’OMS, intitulée La promotion des droits des patients (1994), affirme explicitement en son
article 3.9 que “le consentement éclairé du patient est nécessaire
pour toute participation à l’enseignement clinique”, et cela est valable
pour une présentation clinique comme pour le passage d’un examen.
De façon moins directe, la Déclaration sur les droits des patients
(Association médicale mondiale, Bali, 1995) le confirme :“Le patient a
le droit de refuser de participer à la recherche ou à l’enseignement
de la médecine.”
Le décret n°97-945 du 16 mai 1997 relatif au stage pratique des résidents auprès des praticiens généralistes agréés précise que “la présence du stagiaire aux consultations et visites du maître de stage ainsi
que l’exécution par lui d’actes médicaux sont subordonnés au
consentement du patient” (art.4). On voit mal comment ce principe
serait différent pour l’enseignement à l’hôpital.
Le Code de déontologie médicale (septembre 1995) indique, d’une
façon générale, que “le médecin doit faire en sorte, lorsqu’il utilise son
expérience ou ses documents à des fins de publication scientifique ou
d’enseignement, que l’identification des personnes ne soit pas possible. À défaut, leur accord doit être obtenu” (art.73).
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Cette identification va de soi lors d’un enseignement au lit du malade. Il importe donc aussi de rappeler aux étudiants que l’intimité des
patients doit être respectée, base du secret médical.
Le Comité international des éditeurs de journaux médicaux a édicté
des règles visant à garantir l’anonymat dans les publications, et, dans
le cas où cela est impossible, le consentement des patients doit être
demandé (5).
APPLICATIONS
On dira que cet accord du patient complique l’enseignement. Mais
saluer un patient et se présenter à lui participe aussi un peu de la
“rencontre singulière” entre praticien et malade.
Ces façons de procéder ne se discutent plus, et il est rare qu’un malade refuse ce qu’on lui demande pour mieux former un médecin qui
soignera plus tard ses enfants, à condition toutefois d’agir avec courtoisie et de faire en sorte que l’acte d’enseignement se conforme au
tact et à la mesure. Le patient, de même que le médecin et l’étudiant
ne peuvent que se trouver valorisés par ce que l’on peut considérer
comme une simple mesure de politesse. La plupart des malades préfèrent que ces démonstrations aient lieu dans leur chambre d’hôpital
– considérée comme domicile privé – plutôt que dans une salle d’examens. Ils souhaitent que les échanges verbaux entre enseignants et
étudiants leur soient accessibles ou expliqués (6). Ajoutons que ce
respect des personnes doit persister après la mort, au cours par
exemple de l’autopsie, pendant laquelle il importe de traiter le
cadavre avec décence.
Cela interdit les pratiques passées, considérées aujourd’hui par tous
comme indignes. Nous pensons aux expositions indécentes dans un
amphithéâtre, aux gestes désagréables comme les touchers pelviens
effectués en série par plusieurs étudiants, ou encore à ceux réalisés
sur un malade anesthésié, à son insu, qui peuvent être assimilés à un
viol de la personnalité. Il reste que la formation clinique est indispensable. On appréciera dans cette optique le recours à des mannequins
ou, comme cela se fait dans certains pays, à des volontaires bien portants (“patients programmés”) qui se font examiner en connaissance
de cause pour les besoins de formation clinique des futurs médecins.
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Les mêmes principes s’appliquent aux publications médicales qui,
même destinées à une audience professionnelle, peuvent tomber dans
les mains de quiconque. Quand un strict anonymat ne peut être respecté, une observation nécessairement détaillée, la photographie non
maquillée d’un visage ou même un arbre généalogique ne peuvent
être publiés qu’avec l’accord des intéressés (7, 9).
En somme, ces règles relativement nouvelles compliquent la formation des médecins et doivent conduire à des aménagements pour ne
pas la compromettre, notamment dans sa composante clinique qui se
trouve être négligée aujourd’hui pour d’autres raisons (4). Leur observation sera d’ailleurs une excellente initiation des étudiants au respect
des règles éthiques, en premier lieu à la déférence avec laquelle ils se
doivent de traiter tout patient. Elles découlent logiquement du respect de la vie privée dans laquelle, pour exercer leur mission thérapeutique, les médecins sont à même de s’introduire de façon exorbitante par rapport au droit commun. Les patients ont le droit à la fois
d’être bien soignés et de voir leur intimité respectée.
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B I B L I O G R A P H I Q U E S
1. Hœrni B. Éthique et déontologie médicale. Masson, Paris, 1996.
2. Hœrni B., Saury R. Le Consentement éclairé. Masson, Paris, 1998.
3. Hœrni B. et Bénézech M. Le Secret médical. Confidentialité et discrétion en
médecine. Masson, Paris, 1996.
4. Hœrni B. Histoire de l’examen clinique. Imothep/Maloine, Paris, 1996.
5. Snider D.E. Patient consent for publication and the health of the public.
JAMA 1997 ; 278 : 624-6.
6. O’Flynn N., Spencer J., Jones R. Consent and confidentiality in teaching in
general practice : survey of patients’ views on presence of students. BMJ 1997 ;
315 : 1142.
7. Clever L.H. Obtain informed consent before publishing information about
patients. JAMA 1997 ; 278 : 628-9.
8. Fontanarosa P.B., Glass R.M. Informed consent for publication. JAMA 1997 ;
278 : 682-3.
9. Hood C.A., Hope T., Dove P. Videos, photographs, and patient consent. BMJ
1998 ; 316 : 1009-11.
LISTE DES ANNONCEURS
HOECHST HOUDE (Lanzor) p. 202 ;
GLAXOWELLCOME (Azantac) p. 206 ;
FERRING SA (Pentasa) p. 210 ;
? (Protolog) p. 237 ;
BEAUFOUR (Forlax) p. 247 ;
ASTRA FRANCE (Mopral) p. 248 ;
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de leurs auteurs. Leur reproduction est interdite.
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La Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 5 - octobre 1998
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