L S3 culgén 08-Exposition coloniale, à propos de. 21p

A propos de l’exposition coloniale
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L'Exposition coloniale internationale de 1931 fut organisée à la Porte Dorée à Paris, sur le site du bois de
Vincennes. Sa direction fut confiée au maréchal Hubert Lyautey. Elle devait représenter ce qui avait été rapporen
France lors des colonisations de l'Afrique noire, de Madagascar, de l'Afrique du Nord, de l'Indochine, de la Syrie et du
Liban. Elle fut inaugurée le 6 mai 1931 par Paul Reynaud, Gaston Doumergue, le gouverneur des colonies faisant office
de secrétaire général Léon Geismar, et le maréchal Lyautey.
De nombreux édifices ont été construits à cette occasion, dont une spectaculaire reconstitution du temple d'Angkor
Vat et une forteresse évoquant pour beaucoup de visiteurs la Grande mosquée de Djenné, même si elle n'en est pas une
réplique explicite.
Sur injonction du Komintern, une petite contre-exposition a été organisée sous l'égide du Parti Communiste
Français et de la CGTU. "La vérité sur les colonies" n'a cependant attiré qu'environ 5000 visiteurs en 8 mois, malgré
l'organisation de visites collectives par des mouvements communistes - un chiffre à mettre en perspective avec les 33
millions d'entrées vendues pour l'exposition (correspondant à peu près à 8 millions de personnes).
Le
6 mai 1931, s'ouvre à l'Est de
Paris, dans le bois de Vincennes, une
première Exposition coloniale.
Les dirigeants de la IIIe République
veulent avec cette manifestation festive
convaincre l'opinion publique du bien-
fondé des conquêtes coloniales. Ils
séduiront le public. Quant à le
convaincre...
Le ministre français des Colonies,
Paul Reynaud, inaugure en fanfare
l'Exposition coloniale en compagnie du
président de la République Gaston
Doumergue et du commissaire général de
l'exposition, l'illustre maréchal Hubert
Lyautey.
Cet événement marque l'apothéose de
la IIIe République et de l'oeuvre dont elle
a été la plus fière : la colonisation ou la mise sous
protectorat d'une bonne partie de l'Afrique noire et de
Madagascar, de l'Afrique du Nord, de l'Indochine ainsi
que de la Syrie et du Liban (*).
Jusqu'à la Première Guerre mondiale, pourtant, la
gauche républicaine a eu le plus grand mal à rallier
l'opinion publique à son projet colonial.
Il faut dire que celui-ci implique malgré les
apparences très peu de monde. En 1936, à son apogée,
on ne compte en tout et pour tout que 14.000 Français
face à 15 millions d'indigènes dans l'immense Afrique
Occidentale Française (AOF). A peine 1 pour mille !
Les choses évoluent un peu entre les deux guerres
mondiales sous l'effet d'une propagande insatiable.
Ainsi les instituteurs n'ont-ils de
cesse, dans les écoles de la République,
d'exalter l'Empire dont la teinte rose
recouvre une bonne partie du
planisphère : 100 millions d'habitants,
dont 40 millions de citoyens français,
et près de 10 millions de km2, dont la
plus grande partie dans la zone
saharienne et subsaharienne,...(*).
Les empires coloniaux au début du
XXe siècle
Cette carte illustre l'incroyable
expansion de l'Europe au début du XXe
siècle. Les grands États du Vieux
continent dominent la plus grande
partie soit directement, à travers le
système colonial, soit indirectement,
par des pressions financières et
militaires sur les gouvernements (Chine, Turquie,...).
Succès populaire
L'Exposition coloniale internationale s'installe
dans le bois de Vincennes, à l'est de Paris.
Pour l'occasion est construit un musée permanent
des colonies à la Porte dorée et une pagode bouddhiste.
On aménage aussi un parc zoologique. On reconstitue à
l'échelle 1 un temple cambodgien d'Angkor Vat et la
mosquée de Djenné (Niger).
L'inauguration se déroule en présence de milliers
de figurants : danseuses annamites, familles d'artisans
africains dans un village reconstitué, cavaliers arabes,...
Chaque jour des spectacles différents et plus
exotiques les uns que les autres accueillent les visiteurs
(jusqu'à 300.000 par jour). Le succès populaire et
A propos de l’exposition coloniale
2
l'attrait du public pour les exhibitions exotiques
rassurent les promoteurs de la colonisation.
De mai à novembre, l'Exposition accueille un total
de huit millions de visiteurs dont la moitié de Parisiens
et 15% d'étrangers. Au total sont vendus 33 millions de
tickets (les visiteurs se déplaçant à plusieurs reprises).
C'est la plus grande affluence qu'ait connue une
manifestation parisienne depuis l'Exposition
universelle de 1900 (50 millions de tickets vendus) (*).
De cette Exposition, les Parisiens ont conser la
pagode bouddhiste du bois de Vincennes, le parc
zoologique, reconstruit en plus grand, ainsi que le musée
des Arts africains et océaniens de la Porte dorée. Ce
dernier a disparu en 2003... de sorte qu'il n'existe plus en
France aucun lieu de mémoire pour rappeler l'Histoire
coloniale de la République, pas même la contribution
des indigènes aux deux guerres mondiales
1
.
À partir du milieu du XIXe siècle, c'est entre
girafes, autruches, éléphants, crocodiles, singes et
autres " merveilles " de la nature réinventée que les
visiteurs vont découvrir en Europe et en Amérique des
" hommes aux moeurs bizarres et aux rites quelque peu
effrayants".
Les " zoos humains " viennent de naître. Le mythe
du sauvage devient alors une réalité. Il est présent,
devant les yeux des occidentaux, et va le rester près
d'un siècle. Premier phénomène de masse du XIXe
siècle avec les expositions universelles et leurs millions
de visiteurs, les exhibitions humaines répondent aux
fantasmes et inquiétudes de l'Occident sur l'ailleurs et
donnent une réalité au discours racial alors en
construction.
Si le fait colonial - premier contact de masse entre
l'Europe et le reste du monde induit encore aujourd'hui
une vision et une relation complexe entre l'occident et
les autres - ces exhibitions en sont le fondement car
composante essentielle du premier contact, ici, entre
l'occidental et l'autre
Un autre importé, exhibé, mesuré, montré,
disséqué, spectularisé, scénographié, selon les attentes
d'un Occident en quête de certitudes et de légitimité sur
1
On peut lire quelques travaux de qualité sur l'idée
coloniale en France :
Culture coloniale, la France conquise par son
Empire (1871-1931), par Pascal Blanchard et
Sandrine Lemaire (252 pages, Editions Autrement,
décembre 2002),
L'idée coloniale en France (1871-1962), par Raoul
Girardet (332 pages, Table ronde, 1972),
La République coloniale, essai sur une utopie
(Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Françoise Vergès,
174 pages, Albin Michel, 2003),
Empire colonial et capitalisme français, Histoire
d'un divorce (Jacques Marseille, 452 pages, Albin
Michel, 1984).
son le de "guide du monde", de "civilisation
sipèrieure".
Aussi naturellement que le droit de " coloniser ",
ce droit " d'exhiber " des " exotiques " dans des zoos,
des cirques, des foires ou des villages se généralise de
Hambourg à Paris, de Chicago à Londres, de Milan à
Varsovie... “Oui, le sauvage existe! je l'ai vu...“ Il
convient maintenant de " l'apprivoiser " avant de le "
civiliser ".
Ces spectacles zoologiques, anthropologiques,
ethnologiques ou exotiques apparaissent comme l'une
des démonstrations de masse des plus violentes et des
plus révoltantes de l'infériorisation et de la sous-
humanisation de l'autre parce qu'elle le rapproche
volontairement de l'animal.
LE GOUT DES AUTRES. DE L’EXPOSITION
COLONIALE AUX ARTS PREMIERS
2
.
Pour De L’Estoile, le goût des autres prend
naissance lors de l’exposition coloniale de 1931. Par
son sens du récit, l’auteur insiste sur le fait que
l’exposition coloniale était autre chose que l’expression
cocardière de l’empire colonial. Il faut y voir un rituel
colonial, la mise en ordre cognitive et politique du
monde colonial, dans un contexte de contestation de la
légitimi du processus. Il désapprouve Boetsch et
Daeninckx qui font, d’après lui, référence à des
méthodes de fin du XIX° siècle. Les travers noncés
dans Cannibale ne sont pas le fait de l’exposition
coloniale mais d’entrepreneurs forains au jardin
zoologique. En 1931, au grand dam des
anthropologues, il est désormais interdit de faire des
mesures anthropométriques, au nom du respect des
indigènes. Il faut donc porter un regard critique sur le
texte du romancier et revoir le discours que l’on peut
tenir aux élèves lors d’une séquence pédagogique sur le
thème (cf.
http://www.clionautes.org/spip.php ?article1244 )
A chaque organisation d’évènements (1931 ;
1937 ; 2006), les dirigeants, les scientifiques ont
l’intime conviction d’être à la pointe de la science et de
la recherche. Aujourd’hui, le Musée de l’Homme est
présenté comme un endroit poussiéreux et vieillot par
les hommes qui ont crée le Musée du Quai Branly,
alors qu’à sa création, on y voyait le triomphe du
scientisme. Successeur du Musée d’ethnographie du
Trocadéro (créé en 1878), le Musée de l’Homme devait
répondre au souci du respect des différences entre les
civilisations. L’Homme devient objet de politique et de
connaissances. La revendication de la différence ne
s’oppose pas à la colonisation. Le lieu est à la fois un
musée, un laboratoire et un lieu d’enseignement. La
vision des autres civilisations demeure toutefois
passéiste. Le primitif est retenu et tout ce qui fait
2
De L’Estoile, Benoît. Flammarion, 2007. 453 pages
+ un cahier illustré en couleurs. Article : mercredi 22 août
2007, par Catherine Didier-Fevre.
A propos de l’exposition coloniale
3
référence à l’époque contemporaine est occulté
(guerres coloniales, enrôlement dans l’armée française,
place de l’islam). Cela limite beaucoup l’ampleur du
travail ethnographique. Dès les années 1970, le Musée
de l’Homme apparaît comme un lieu de présentation
d’une culture statique, même si les vitrines mises en
place dans les années 1930 ont été l’objet de mises à
jour au coup par coup (notamment avec la
décolonisation). L’ensemble manque alors de
cohérence.
Les musées des Autres entre mythe et histoire.
Depuis les années 1980, l’ethnographie a de plus
en plus de mal à trouver sa place au musée dans le
contexte de la mondialisation. Le musée du Quai
Branly n’est pas un musée ethnographique. On assiste à
une mutation des objets jusque présentés comme
ethnologiques en œuvres d’art. Comme dans
l’exposition « Le regard des autres »
(http://www.clionautes.org/spip.php ?article1237),
l’auteur montre la genèse de cette mutation : comment
on est passé du cabinet de curiosités au musée
ethnographique puis au musée des arts premiers. Une
spécialisation s’opère au cours du XIX° siècle avec
l’ouverture des premiers musées d’histoire naturelle et
d’ethnographie parallèlement à l’élaboration de
disciplines scientifiques (ex : anthropologie). Le musée
des colonies (comme celui de la Porte Dorée) n’a pas
véritablement de fonction ethnographique. Les objets
indigènes ne sont pas présentés pour eux-mêmes mais
pour légitimer le rôle civilisateur de la colonisation.
Puis, autour des années 1906 - 1907, quelques artistes
d’avant-garde Allemands et Français commencent à
s’intéresser aux objets ethnographiques, en tant que
représentations de l’altérité. C’est l’entrée du
primitivisme dans l’art moderne, vu comme un retour
aux sources. La notion d’arts premiers (attribuée à
Malraux par Kerchache) est associée à la revendication
d’une « reconnaissance officielle » de leur place dans
l’art universel et non plus vus comme l’enfance de
l’art. La politique d’acquisition (exposée par Germain
Viatte dans son ouvrage :
http://www.clionautes.org/spip.php ?article1250)
du musée du Quai Branly montre bien que désormais le
marché de l’art a toute sa place dans la sélection des
œuvres. Cet aspect rompt totalement avec la politique
d’acquisition des musées ethnographiques, basée sur la
collecte d’objets par ses membres.
L’auteur fait aussi le constat des difficultés de sa
discipline à trouver sa place face au foisonnement
d’associations qui prônent l’essor de l’écologie
sauvage, mettant en avant un retour aux sources dans le
cadre d’une quête de la sagesse ; à l’altermondialisme
qui voit dans les peuples traditionnels les symboles
d’une gestion équilibrée des ressources par opposition
à une politique autodestructrice. Les efforts des
anthropologues pour présenter dans toute leur
complexité la richesse des groupes qu’ils étudient sont
impuissants face aux raccourcis diffusés par les
médias. Aussi, l’ouverture du Musée du Quai Branly a
été perçue comme celle d’un musée romantique des
civilisations perdues, montrant les vestiges de cultures
détruites ou corrompues par la colonisation et la
mondialisation. De même, la revendication, par des
communautés autochtones, des objets des Autres
conservés dans les musées occidentaux vient encore
ébranler le travail des anthropologues. Une place de
plus en plus grande est faite aux représentants des
peuples premiers : la place et le rôle de chaque pièce
est l’objet de négociations. Au sein des musées, les
ethnologues passent au second plan. On fait appel à des
artistes en résidence pour jouer le le de « passeur »
entre une culture et une autre (cf. l’exposition
Yanomami, l’esprit de la forêt, qui s’est tenue à la
Fondation Cartier en 2003). L’anthropologue dénonce
les travers de ces tendances qui se traduisent par un
amoindrissement de la place du scientifique. Force est
de constater : le Musée du Quai Branly marque la fin
d’une époque : celle du monopole des ethnologues.
Toutefois, la constitution d’un pôle d’enseignement et
de recherche en son sein peut dynamiser
l’anthropologie avec l’ouverture de nouveaux champs
d’étude.
Contexte historique
Une visite à l’Exposition coloniale de 1931
Les divers documents réunis permettent de
découvrir trois pavillons d’aspect monumental élevés à
l’occasion de l’Exposition Coloniale de 1931. On a
aujourd’hui peine à croire que ces architectures
prenaient place dans l’est parisien, tout au long d’un
parcours veloppé autour du Lac Daumesnil, à l’orée
du Bois de Vincennes. Le tracé de l’exposition
comportait plusieurs grandes avenues où étaient réunis,
côte à côte, ces grands pavillons de nature variée. Le
parcours débutait par la section consacrée à la
Métropole et ses industries, puis par la visite des
pavillons dédiés aux colonies françaises et
internationales. La Grande avenue des colonies servait
d’axe de promenade majeur, avec des perspectives
éblouissantes sur les palais coloniaux élevés par la
France : l’Océanie, la Martinique, la Réunion, les Indes
françaises ou la Guyane, le Maroc et l’Algérie. Mais
les deux plus importants pavillons restaient ceux de
l’A.O.F. (Afrique occidentale française), qui
reprenaient la forme d’un palais fortifié soudanais
(tata), et celui de l’Indochine, incarnée par la
reproduction du temple d’Angkor Vat. Une véritable
A propos de l’exposition coloniale
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forêt de minarets et de dômes se coupait dans le ciel
de Paris, comme en témoignent les aquarelles peintes
par les artistes et les photographies prises durant la
manifestation. L’effet était incroyablement bigarré,
passant d’une culture à l’autre sans réel souci de
cohérence architecturale. L’essentiel demeure la nature
grandiose des reconstitutions, qui incluaient une grande
part de pittoresque, comme le montre l’aquarelle de
Francis Smith représentant les souks tunisiens. Les
documents réunis ici témoignent également du soin et
de la magnificence apportée à ces réalisations
éphémères, de taille monumentale, et destinées à
accueillir des sections explicatives sur les richesses du
monde colonial.
Auteur : Claire MAINGON
L'EXPOSITION COLONIALE DE 1931
Mythe républicain ou mythe impérial ?
CHARLES-ROBERT AGERON
Voici plus de vingt ans que I'Homme blanc a
déposé partout dans le monde le « fardeau colonial »
dont parlait Kipling ; partout il reste pourtant fustigé,
parfois condamné pour crime contre l'humanité. Dès
lors il devient difficile d'imaginer ce temps, proche
encore, triomphait avec bonne conscience
l'impérialisme colonial. Qui veut célébrer la
République se garde de rappeler qu'elle s'est
enorgueillie, quasi unanimement, de son œuvre
coloniale.
Et pourtant quel écolier de jadis ne se souvient
d'avoir appris dans les manuels de l'école laïque que «
l'honneur de la III' République est d'avoir constitué à la
France un empire qui fait d'elle la seconde puissance
colonialedu monde ». « La colonisation, couronnement
et chef-d'oeuvre de la République», sur ce thème la
franc-maçonnerie se sentait d'accord avec l'Académie
française et les convents radicaux avec les assemblées
des missionna&res. Tout écrivain, tout historien du
monde contemporain, ou presque, se croyait tenu dans
l'entre-deux-guerres de lébrer « I'œuvre civilisatrice
de la IIIe République ». Sait-on que Daniel Halévy,
historien pourtant non conformiste et modérément
républicain, après avoir écrit La République des ducs et
La République des notables entreprit la rédaction d'un
troisième ouvrage ? Il se ftît intitulé La République des
colonisateurs. Mais, après la défaite de 1940, le coeur
lui manqua et le triptyque fut interrompu.
De quand date cette unanimité troublante ? De la
Grande Guerre durant laquelle « les colonies ont bien
mérité de la patrie », disait-on dans les années 1920. La
guerre aurait velé aux Français l'immensité, les
richesses et l'avenir illimité de la «-Plus Grande France
». Aujourd'hui l'idée s'est accréditée, semble-t-il, que
l'apothéose de l'Empire colonial et l'apogée de l'idée
coloniale en France se situeraient, tous deux, dans les
années 1930 et 1931. Les fêtes du Centenaire de
l'Algérie et celles de I'Ëxposition coloniale de Paris
auraient clairement manifesté alors le triomphe de
l'Empire colonial français. Elles mériteraient d'en rester
le symbole.
L'Exposition coloniale, ainsi devenue l'une des
dates et l'un des lieux de mémoire de la IIIe
République, ce fait interpelle l'historien. Fut-elle
décidée et construite pour lébrer le grand ceuvre de
la République colonisatrice? Servit-elle la gloire de la
République auprès des Français ? Après sa clôture, la
grande fête de Vincennes ne laissa-t-elle comme le bois
lui-même qu'un tourbillon de feuilles mortes ? Ou bien
ce spectacle provisoire devint-il musée imaginaire,
référence obligatoire pour des générations brusquement
confrontées au ressac anticolonial de l'histoire ? Oui ou
non, l'Exposition de Vincennes fut-elle ce lieu
s'enracina pour l'avenir la mémoire de la République
coloniale ?
La tradition de L'Exposition coloniale.
Peut-être n'est-il pas superflu de rappeler
qu'avait 1931 courait déjà en France une longue
tradition de l'exposition coloniale :
On ne remonterait pas jusqu'au second Empire,
malgré la présence attestée d'une section coloniale à
l'Exposition de 1855, si les Parisiens ne connaissaient
l'observatoire météorologique du parc Montsouris. Or
cette curieuse construction fut édifiée à l'image fidèle
du palais tunisien du Bardo fut signé le traité de 188
1. Lors de l'Exposition internationale de 1867, elle
constituait le pavillon de la Tunisie, alors État
indépendant. C'est donc rétrospectivement qu'elle a pris
valeur de premier monument « colonial » laissé à Paris
par une exposition. En revanche, il n'est rien resté de
l'Exposition permanente des colonies installée au
Champ-de-Mars en 1867. Onze ans après, à
l'exposition de 18 7 8, on édifia au moins un vrai
bâtiment colonial, fort miniaturisé semble-t-il, puisque
le critique Henri Houssaye commentait : « Toute
l'Algérie en 50 m2 » pour présenter cette pâle
reproduction de la mosquée Sidi bou Médine de
Tlemcen, à laquelle on avait accolé un bazar tunisien et
une boutique marocaine.
En fait, c'est en 1889 que, pour la première fois,
les colonies eurent droit à une organisation étendue au
sein de l'Exposition internationale universelle. Autour
d'un pavillon central se groupaient sur l'esplanade des
Invalides diverses constructions de taille normale
abritant essentiellement des collections d'objets
A propos de l’exposition coloniale
5
coloniaux, mais aussi des réductions de cités africaines
et asiatiques. De l'avis des contemporains avertis, elle
fut pourtant un échec pour la propagande coloniale.
Certes, les visiteurs purent marchander dans des souks
algériens et tunisiens et se divertirent au spectacle d'un
théâtre annamite et d'un concert arabe. Mais les
badauds regardèrent surtout les danseuses algériennes à
l'établissement dit de La Belle Fatma et les soldats
noirs ou jaunes, ces derniers étant jusque-là inconnus
en France. Jules Ferry ne put cacher son indignation
devant le succès malsain de ces spectacles. Quant à
Abel Hermant, il ne se souvenait plus tard que « des
palais bleus et des ânes de la rue du Caire » identifiés
abusivement par lui au domaine colonial. L'exotisme
l'avait donc emporté sur la vision coloniale.
En 1900, lors de la Grande Exposition
universelle, l'œuvre coloniale de la République fut
présentée enfin avec éclat dans les jardins du
Trocadéro, et ce grâce à l'aide efficace du tout-puissant
Eugène Étiénne, patron des coloniaux. Cette section
coloniale visait expressément à la propagande pratique
au point de vue commercial et éducatif, mais on
sacrifia aussi beaucoup au pittoresque. On y exhiba
sans complexe « les citoyens de nos colonies militaires
ou civils, artisans exerçant leurs métiers sous les yeux
du public ».
Dès lors la tradition s'imposa dans toutes les
expositions de réserver une place aux colonies
françaises. Un comité national des expositions
coloniales créé en 1906 intervint dans toutes les
expositions françaises ou étranger- est notamment dans
l'Exposition nationale coloniale de Paris en 1907 et
l'Exposition franco-britannique de Londres en 1908.
Le projet d’éxposition coloniale internationale
de 1913 à 1927.
En 1910, par lassitude des expositions
universelles de périodicité undécennale, on songea
pour des raisons plus esthétiques que nationales à une
exposition de l'exotisme. Il fut notamment question
d'édifier en grandeur naturelle à Paris une vision de
l'orient et de l'Extrême-Orient. Puis, sous l'influence
d'ün membre actif du parti colonial, Louis Brunet,
l'idée se transforma en un projet différent : il s'agissait
de mettre sous les yeux des visiteurs en un raccourci
saisissant tous les résultats de la colonisation française
et européennë. Le programme élaboré en 1913 précisait
: « Notre empire d'outre-mer s'est étendu, son
organisation s'est perfectionnée, ses merveilleuses
ressources se sont accrues. Il convient d'en établir le
bilan, d'en tracer le vivant inventaire, de placer le
public, l'opinion devant les faits et les résuit+. C'est
.l'oeuvre d'une exposition. » Cette exposition devait
être internationale, s'ouvrir en 1916 et comporter
l'édification à Paris d'un muséé permanent des colonies,
ce musée qui manquait encore à la France alors que
tous les grands États avaient déjà le leur.
Comme Paris et Marseille se disputaient
l'honneur d'organiser cette grande manifestation, le
gouvernement décida que Marseille aurait une
Exposition coloniale nationale en 1916. Il se réservait
de mettre sur pied pour 1920 l'Exposition coloniale
internationale de Paris.
La guerre arrêta bien entendu tous les travaux
préparatoires, mais dès la fin des hostilités, le 13
novembre 19 18, la chambre de commerce de Marseille
décida la reprise de son projet. De son côté, le conseil
municipal de Paris demandait le 2 7 décembre 19 18,
pour 1920 ou 192 1, une « exposition coloniale
interalliée » excluant la « participation de nos ennemis
qui se sont mis hors des lois de toute civilisation ». Ce
« grandiose projet » fut repris dans une proposition de
loi présentée par trente-quatre députks du parti
colonial. Selon le rapporteur, le député de la
Cochinchine, Ernest Outrey, cette exposition de 192 1
« constituera une manifestation de la puissance
coloniale française destinée à montrer au monde les
résultats obtenus par vingt-cinq ans de politique
indigène ». Le Parlement se prononça finalement en
faveur d'une Exposition coloniale nationale à Marseille
en 1922 ; quant à l'Exposition coloniale interalliée, elle
aurait lieu à Paris en1925.
Ainsi fut consacré par la loi du 7 mars 1920, soit
sept ans après que l'idée eut été lancée, le principe
d'une exposition coloniale internationale. Le ministre
des Colonies, Albert Sarraut, en définit peu après
l'esprit : « L'exposition doit constituer la vivante
apothéose de l'expansion extérieure de la France sous
la IIIe République et de l'effort colonial des nations
civilisées, éprises d'un même idéal de progrès et
d'humanité. Si la guerre a largement contribué à révéler
les ressources, considérables que peuvent fournir les
colonies au pays, l'Exposition de 1925 sera l'occasion
de complé-ter l'éducation coloniale de la nation par une
vivante et rationnelle leçon de choses. À l'industrie et
au commerce de la Métropole, elle montrera les
produits qu'offre notre domaine colonial ainsi que les
débouchés infinis qu'il ouvre à leurs entreprises. »
Pendant plusieurs années, la classe politique
glosa sur ces thèmes impérialistes et utilitaristes. La
date de 1925 ne put toutefois être retenue car on
s'aperçut très tard qu'il fallait la réserver à l'Exposition
intematio-nale des arts décoratifs. En la retardant à
1928, on cida de lui rendre son caractère pleinement
international, notamment pour y faire place aux Fays-
Bas, troisième puissance coloniale du monde. L'accent
fut mis aussi sur la colonisation comme « oeuvre de
civilisation qui crée entre les peuples à la fois une
solidarité et une émulation utiles et fécondes ».
Cependant le commissaire général désigné en
1920, le gouverneur général Angoulvant, dut
abandonner ses fonctions après avoir été élu député de
l'Inde. Pour le remplacer, le président du Conseil,
Poincaré, songea au maréchal Lyautey, alors retiré dans
son exil de Thorey et que l'inac-tion rongeait. Lyautey,
s'affirmant « homme de droite », posa ses conditions :
l'exposition coloniale devrait nécessairement comporter
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