A propos de l’exposition coloniale
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coloniaux, mais aussi des réductions de cités africaines
et asiatiques. De l'avis des contemporains avertis, elle
fut pourtant un échec pour la propagande coloniale.
Certes, les visiteurs purent marchander dans des souks
algériens et tunisiens et se divertirent au spectacle d'un
théâtre annamite et d'un concert arabe. Mais les
badauds regardèrent surtout les danseuses algériennes à
l'établissement dit de La Belle Fatma et les soldats
noirs ou jaunes, ces derniers étant jusque-là inconnus
en France. Jules Ferry ne put cacher son indignation
devant le succès malsain de ces spectacles. Quant à
Abel Hermant, il ne se souvenait plus tard que « des
palais bleus et des ânes de la rue du Caire » identifiés
abusivement par lui au domaine colonial. L'exotisme
l'avait donc emporté sur la vision coloniale.
En 1900, lors de la Grande Exposition
universelle, l'œuvre coloniale de la République fut
présentée enfin avec éclat dans les jardins du
Trocadéro, et ce grâce à l'aide efficace du tout-puissant
Eugène Étiénne, patron des coloniaux. Cette section
coloniale visait expressément à la propagande pratique
au point de vue commercial et éducatif, mais on
sacrifia aussi beaucoup au pittoresque. On y exhiba
sans complexe « les citoyens de nos colonies militaires
ou civils, artisans exerçant leurs métiers sous les yeux
du public ».
Dès lors la tradition s'imposa dans toutes les
expositions de réserver une place aux colonies
françaises. Un comité national des expositions
coloniales créé en 1906 intervint dans toutes les
expositions françaises ou étranger- est notamment dans
l'Exposition nationale coloniale de Paris en 1907 et
l'Exposition franco-britannique de Londres en 1908.
Le projet d’éxposition coloniale internationale
de 1913 à 1927.
En 1910, par lassitude des expositions
universelles de périodicité undécennale, on songea
pour des raisons plus esthétiques que nationales à une
exposition de l'exotisme. Il fut notamment question
d'édifier en grandeur naturelle à Paris une vision de
l'orient et de l'Extrême-Orient. Puis, sous l'influence
d'ün membre actif du parti colonial, Louis Brunet,
l'idée se transforma en un projet différent : il s'agissait
de mettre sous les yeux des visiteurs en un raccourci
saisissant tous les résultats de la colonisation française
et européennë. Le programme élaboré en 1913 précisait
: « Notre empire d'outre-mer s'est étendu, son
organisation s'est perfectionnée, ses merveilleuses
ressources se sont accrues. Il convient d'en établir le
bilan, d'en tracer le vivant inventaire, de placer le
public, l'opinion devant les faits et les résuit+. C'est
.l'oeuvre d'une exposition. » Cette exposition devait
être internationale, s'ouvrir en 1916 et comporter
l'édification à Paris d'un muséé permanent des colonies,
ce musée qui manquait encore à la France alors que
tous les grands États avaient déjà le leur.
Comme Paris et Marseille se disputaient
l'honneur d'organiser cette grande manifestation, le
gouvernement décida que Marseille aurait une
Exposition coloniale nationale en 1916. Il se réservait
de mettre sur pied pour 1920 l'Exposition coloniale
internationale de Paris.
La guerre arrêta bien entendu tous les travaux
préparatoires, mais dès la fin des hostilités, le 13
novembre 19 18, la chambre de commerce de Marseille
décida la reprise de son projet. De son côté, le conseil
municipal de Paris demandait le 2 7 décembre 19 18,
pour 1920 ou 192 1, une « exposition coloniale
interalliée » excluant la « participation de nos ennemis
qui se sont mis hors des lois de toute civilisation ». Ce
« grandiose projet » fut repris dans une proposition de
loi présentée par trente-quatre députks du parti
colonial. Selon le rapporteur, le député de la
Cochinchine, Ernest Outrey, cette exposition de 192 1
« constituera une manifestation de la puissance
coloniale française destinée à démontrer au monde les
résultats obtenus par vingt-cinq ans de politique
indigène ». Le Parlement se prononça finalement en
faveur d'une Exposition coloniale nationale à Marseille
en 1922 ; quant à l'Exposition coloniale interalliée, elle
aurait lieu à Paris en1925.
Ainsi fut consacré par la loi du 7 mars 1920, soit
sept ans après que l'idée eut été lancée, le principe
d'une exposition coloniale internationale. Le ministre
des Colonies, Albert Sarraut, en définit peu après
l'esprit : « L'exposition doit constituer la vivante
apothéose de l'expansion extérieure de la France sous
la IIIe République et de l'effort colonial des nations
civilisées, éprises d'un même idéal de progrès et
d'humanité. Si la guerre a largement contribué à révéler
les ressources, considérables que peuvent fournir les
colonies au pays, l'Exposition de 1925 sera l'occasion
de complé-ter l'éducation coloniale de la nation par une
vivante et rationnelle leçon de choses. À l'industrie et
au commerce de la Métropole, elle montrera les
produits qu'offre notre domaine colonial ainsi que les
débouchés infinis qu'il ouvre à leurs entreprises. »
Pendant plusieurs années, la classe politique
glosa sur ces thèmes impérialistes et utilitaristes. La
date de 1925 ne put toutefois être retenue car on
s'aperçut très tard qu'il fallait la réserver à l'Exposition
intematio-nale des arts décoratifs. En la retardant à
1928, on décida de lui rendre son caractère pleinement
international, notamment pour y faire place aux Fays-
Bas, troisième puissance coloniale du monde. L'accent
fut mis aussi sur la colonisation comme « oeuvre de
civilisation qui crée entre les peuples à la fois une
solidarité et une émulation utiles et fécondes ».
Cependant le commissaire général désigné en
1920, le gouverneur général Angoulvant, dut
abandonner ses fonctions après avoir été élu député de
l'Inde. Pour le remplacer, le président du Conseil,
Poincaré, songea au maréchal Lyautey, alors retiré dans
son exil de Thorey et que l'inac-tion rongeait. Lyautey,
s'affirmant « homme de droite », posa ses conditions :
l'exposition coloniale devrait nécessairement comporter