PLACEBO
Le terme placebo apparaît à l’origine dans le psaume 116.9 des
Vêpres des morts : “placebo domino in regione vivorum”, et
signifie en latin “je plairai”. Par la suite, il prend le sens d’al-
ler chanter les vêpres contre paiement de la famille du défunt,
puis celui d’artifice pour réassurer, avant d’arriver au sens que
nous lui donnons aujourd’hui (4).
Même s’il n’existe pas, à l’heure actuelle, de définition consen-
suelle, on peut définir le placebo comme toute substance, forme
pharmaceutique, tout médicament dépourvu d’activité phar-
macologique spécifique, utilisé soit pour ses vertus psycholo-
giques curatives, soit comme moyen de reproduire les effets
non spécifiques des médicaments qui prennent part à l’effica-
cité thérapeutique.
Un placebo peut ainsi être à l’origine d’une amélioration de
l’état de santé ou de bien-être du patient (effet placebo) ou d’une
manifestation indésirable (effet nocebo). Ces effets indésirables
du placebo sont identiques à ceux des médicaments actifs lors
des essais comparatifs (influencés par l’information apportée
par la notice du consentement et par le clinicien lors de
l’inclusion dans l’étude, ou encore liés à un phénomène
de communication entre patients de l’étude lors des études de
phase I), mais sont relativement stéréotypés par ailleurs :
somnolence, céphalées, fatigue, pesanteur abdominale, faux
vertiges, difficulté de concentration (5).
En pratique, la simple soustraction de l’effet spécifique à
l’effet thérapeutique global n’est toutefois pas suffisante pour
identifier un effet placebo. En effet, Spriet et al. décrivent
l’évaluation finale d’une prescription thérapeutique comme la
somme de quatre facteurs, à savoir l’état initial, l’évolution
spontanée de la maladie, les erreurs de mesure et l’effet théra-
peutique, qui lui-même se compose de l’effet pharmacologique
et de l’effet placebo (6).
Il convient d’y ajouter, dans la réflexion qui nous occupe, un
autre facteur appelé “effet Hawthorne”, désignant l’ensemble
des effets non spécifiques observables lors de la conduite d’un
essai thérapeutique liés aux conditions même de la réalisation
de l’étude (meilleure surveillance, explorations, examens com-
plémentaires, organisation et moyens différents de la prise en
charge habituelle).
Ainsi, les effets non spécifiques directement liés à la pres-
cription sont le plus souvent mêlés à d’autres événements
intercurrents, parmi lesquels l’évolution naturelle des troubles
peut constituer le facteur confondant le plus important (6).
MÉCANISMES ET FACTEURS INFLUENÇANT L’EFFET PLACEBO
Les facteurs facilitant l’effet du placebo ou s’y opposant
sont difficiles à cerner. Les plus fréquemment retrouvés dans
la littérature sont ceux en relation avec les caractéristiques du
médicament, le comportement des soignants, la maladie et le
malade (7).
"L’apparence du produit, sa forme galénique, sa présentation,
son goût et sa couleur semblent avoir un effet inducteur.
Quelques études ont ainsi montré que la couleur bleue
renforcerait la suggestion d’un effet sédatif, alors que le rouge
ou le jaune favoriseraient la perception d’une activité psycho-
stimulante (3). La voie d’administration semble jouer un rôle,
et ce d’autant que la substance est utilisée par voie injectable,
surtout si l’injection est douloureuse ou produit une impression
de chaleur locale. Par ailleurs, des études ont pu montrer que
quatre comprimés de placebo par jour sont plus efficaces qu’un
seul (8).
"La relation patient-médecin semble déterminante. La
conviction, l’attitude chaleureuse, la réputation, le lieu d’exer-
cice, la persuasion, les explications qui entourent la prescrip-
tion, les attentes que le médecin a vis-à-vis de ce traitement
sont autant d’arguments qui améliorent sans nul doute le poten-
tiel initial du produit prescrit et la confiance que le patient a
en son effet. Le personnel soignant, optimiste ou sceptique,
chaleureux ou froid, peut accroître ou réduire l’effet.
"Certains symptômes, certaines maladies répondent mieux
que d’autres au placebo. Il semble ainsi que les troubles du som-
meil, de l’humeur, les troubles digestifs et les douleurs y soient
plus sensibles. L’effet placebo est d’autant plus important que
la maladie a une composante psychosomatique, qu’elle peut
guérir spontanément, qu’elle est d’apparition récente, que les
traitements antérieurs sont peu nombreux.
"Le profil psychologique particulier des patients ne permet
pas de prédire la sensibilité au placebo, ni l’intensité de son
effet. En revanche, il semble que le caractère impressionnable
de certains sujets et l’adhésion du sujet au traitement prescrit
jouent un rôle.
EFFET PLACEBO ET ESSAIS CLINIQUES
DANS LES TROUBLES ANXIEUX
Piercy et al. ont réalisé une revue de la littérature sur l’effet pla-
cebo dans les troubles anxieux à partir de données cliniques
et épidémiologiques publiées, et ont retrouvé une très
grande variabilité des taux de réponse au placebo selon les
pathologies (9). Ainsi, des taux de réponse (évalués par rapport
à l’évaluation faite au baseline) allant de 18 à 67 % sont rap-
portés pour les troubles anxieux généralisés. Pour le trouble
panique, des taux de réponse encore plus importants sont signa-
lés (allant de 20 à 134 %). Des taux plus modestes sont consta-
tés dans la phobie sociale et les troubles obsessionnels com-
pulsifs (7 à 43 % et 7 à 19 % respectivement). Plusieurs facteurs
ont été évoqués pour expliquer ces différences d’effet placebo
comme, par exemple, l’absence de traitement psychiatrique au
préalable ou des taux importants de sorties d’essai (3, 9). Le
caractère imprévisible de l’évolution des troubles psychia-
triques et tant la fiabilité que la validité limitées de la nosolo-
gie (manque de signes pathognomoniques, hétérogénéité des
symptômes fréquemment associée à une comorbidité) consti-
tuent des obstacles majeurs à la démonstration de l’efficacité
d’un produit, et expliquent sans doute cette grande variabilité
des taux de réponse (10, 11). Il est néanmoins indispensable,
dans un essai clinique avec un bras placebo, de documenter ces
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La Lettre du Pharmacologue - Volume 16 - n° 2 - mars-avril 2002
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