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Démences
C
hez l’animal (souris mutante), l’immunisation précoce par
le peptide A bêta 42 – protéine amyloïde pathogène – évite
l’apparition des plaques séniles et l’immunisation tardive
en freine la progression. Ces résultats sont corrélés à une amé-
lioration clinique évaluée par des tâches de mémoire spatiale sur
les souris vaccinées. Devant la bonne tolérance du vaccin chez
l’animal, le ministère de la Santé des États-Unis (Food and drug
administration) a donné son aval pour une expérimentation
humaine. Les études de phase I ont montré que le vaccin restait
bien toléré chez l’homme ; une partie des patients développait
une réponse anticorps, et la dose la plus immunogène était choi-
sie pour une vaccination ultérieure. Les laboratoires Elan et
Wyeth s’engageaient sur une étude de phase IIA (versus placebo)
qui avait pour objectifs de tester l’efficacité, le meilleur dosage
et de vérifier la tolérance auprès de patients atteints de MA légère
à modérée. Mi-janvier 2002, les promoteurs annonçaient la sus-
pension des injections à la suite de cas d’encéphalite vaccinale.
Les patients ont cependant été suivis durant un an et les résultats
publiés.
PLAN EXPÉRIMENTAL
Essai randomisé en double aveugle versus placebo.
Groupe traité n = 300, groupe placebo n = 72.
MMS = 15 - 26; (moyenne 20,3), âge = 72 ans.
Nombre d’injections (i.m.) avant la suspension de l’essai :
1 injection: n = 2;
2 injections : n = 274;
3 injections : n = 24.
Poursuite du suivi en double aveugle pendant 12 mois après
l’inclusion (minimum 9 mois après la dernière injection).
Effets indésirables graves : n = 18/300 (6 % ) méningo-
encéphalites exclusives au groupe traité et ayant motivé l’arrêt de
l’essai.
Au total, l’étude a été arrêtée après la:
1re injection n = 2
2einjection n = 274
3einjection n = 24
Le tableau clinique associait une confusion, des céphalées, et par-
fois des signes focaux. L’étude du liquide céphalo-rachidien
(LCR) montrait une réaction méningée lymphocytaire avec la
présence de 10 à 160 éléments, s’accompagnant d’une
hyperprotéinorachie. L’IRM cérébrale avec gadolinium montrait
une prise de contraste gyriforme méningée et parfois de la sub-
stance blanche adjacente. Un patient a gardé des séquelles cli-
niques, mais les tableaux ont, dans leur majorité, régressé.
Il n’est pas constaté de différence significative entre le groupe
traité et le groupe placebo sur le nombre de décès.
Autres effets indésirables: n = 77/300 (25 %), soit infection
(13%); céphalée (17,3 %); diarrhée (9,7%).
RÉSULTATS
Nombre de patients définis comme répondeurs à l’immunisa-
tion A bêta par le titrage de la réponse anticorps (seuil défini au
préalable):
placebo: n = 72, dont n = 65 suivis à un an ;
traités AC + : n = 59 (19,7 %), dont 47/59 ont reçu 2 injections;
traités AC – : n = 241.
La comparaison de l’effet clinique à un an a porté sur le groupe
placebo par rapport au sous-groupe immunisé ayant une réponse
humorale positive :
pas d’effet significatif de l’immunisation A bêta sur la cogni-
tion globale (ADAS-Cog et MMS), les échelles globales de
démence et d’autonomie (DAD, CDR, CGIC) ;
différence significative en faveur du traitement sur les tests
neuropsychologiques suivants : Wechsler Memory Verbal Delay
(p = 0,047), score composite de 9 scores neuropsychologiques
[analyse en Z-score] (p = 0,02), composante mémoire (p = 0,33);
corrélation positive entre le bénéfice clinique et le taux de
titrage AC sur le score composite neuropsychologique, la com-
posante mémoire, le score en mémoire immédiate et en rappel
différé.
À noter une évolution du groupe placebo plus lente que celle
habituellement observée: perte de 2,7 points à l’échelle d’ADAS-
Cog et de 1,8 point au MMS en un an.
Analyse de la progression du dosage des biomarqueurs (pro-
téine tau et protéine A42) dans le LCR entre le groupe immu-
nisé avec réponse humorale sanguine positive (n = 11) et le
groupe placebo (n = 10):
Essai par immunothérapie A bêta
dans la maladie d’Alzheimer
M. Sarazin*
* Fédération des maladies du système nerveux, centre de neuropsychologie
et du langage/CMRR d’IDF, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris.
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pas de différence significative à l’inclusion entre les deux
groupes;
à un an, réduction du dosage de la protéine tau d’environ 25 %
dans le groupe immunisé, diminution significative par rapport à
l’évolution du dosage mesuré dans le groupe placebo
(p = 0,001);
pas d’effet de l’immunothérapie sur le dosage de la protéine
A42.
COMMENTAIRES
L’essai par immunothérapie active A bêta a été stoppé rapidement
en raison des effets indésirables graves chez 6 % des patients
(immuno-encéphalite).
Un bénéfice cognitif corrélé à l’importance de la réponse anti-
corps a été observé, ce qui nous laisse certains espoirs.
Ces résultats sont contrebalancés par ceux observés en IRM, qui
montrent une augmentation de l’atrophie cérébrale globale chez
les sujets vaccinés ayant une réponse AC (n = 45) par rapport au
groupe placebo (n = 45).
Gilman S, Koller M, Black RS et al. AN1792(QS-21)-201 Study Team. Clinical
effects of A beta immunization (AN1792) in patients with AD in an interrupted
trial. Neurology 2005;64(9):1553-62.
Fox NC, Black RS, Gilman S et al. AN1792(QS-21)-201 Study. Effects of A beta
immunization (AN1792) on MRI measures of cerebral volume in Alzheimer’s
disease. Neurology 2005;64(9):1563-72.
REMINYL
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