La Lettre du Cardiologue - n° 290 - mars 1998
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d’aggraver la symptomatologie neurologique. Le pronostic est
désormais lié à la réversibilité des lésions neurologiques plutôt
qu’au traitement de l’endocardite.
Les indications bactériologiques (persistance de l’état septique)
sont les plus difficiles, car témoignant habituellement d’une endo-
cardite évoluée. La chirurgie ne permet qu’inconstamment de res-
taurer l’état hémodynamique, car il existe fréquemment des loca-
lisations infectieuses secondaires (cerveau, embolie périphérique)
et il n’est pas rare de voir évoluer le choc septique malgré l’éra-
dication du foyer infectieux valvulaire. La mortalité opératoire
dans ce contexte est très élevée.
La présence de germes virulents (staphylocoque, champignons)
doit ainsi inciter à une intervention chirurgicale précoce avant la
survenue du choc septique, qui est relativement imprévisible (1).
Enfin, le diagnostic d’endocardite sur prothèse mitrale doit faire
envisager une intervention rapide. La mortalité opératoire, dans
ce contexte, atteint 40 à 75 % selon les séries. Seule une chirur-
gie précoce avant la constitution d’abcès annulaires circonféren-
tiels permettra de réduire ce risque (10, 11).
LA TECHNIQUE OPÉRATOIRE
L’intervention est réalisée sous circulation extracorporelle et la
protection du myocarde est assurée par une cardioplégie froide.
Il convient d’effectuer, dans un premier temps, une ablation com-
plète des tissus infectés. Ainsi, les portions de feuillet et les cor-
dages atteints par les abcès valvulaires ou recouverts de végéta-
tions doivent être totalement excisés afin d’obtenir une
stérilisation parfaite de la valve. S’il existe un abcès de l’anneau,
celui-ci doit être détergé. En fonction de l’étendue de la résec-
tion nécessaire, la stratégie opératoire s’orientera soit vers une
plastie, soit vers un remplacement valvulaire.
Plastie
En présence d’une rupture de cordages sur le feuillet postérieur,
une résection quadrangulaire de la zone prolabée est effectuée.
Les ruptures de cordages du feuillet antérieur sont traitées par
transposition de cordages.
Les perforations valvulaires nécessitent toujours, à la phase aiguë,
un débridement important, car elles surviennent au sein d’un
abcès. Elles sont fermées à l’aide d’un patch de péricarde auto-
logue préalablement fixé dans un bain de glutaraldéhyde. Une
alternative au patch de péricarde consiste à utiliser un segment
de feuillet antérieur mitral obtenu à partir d’une homogreffe cryo-
préservée.
La mise en place d’un anneau prothétique au cours de la phase
aiguë de l’endocardite a été longtemps controversée. L’anneau
mitral n’est habituellement pas dilaté si l’endocardite survient sur
une valve native normale.
Toutefois, l’annuloplastie confère une plus grande fiabilité à la
plastie : renforcement des sutures effectuées sur le feuillet pos-
térieur, augmentation de la surface de coaptation entre les
feuillets.
Le type d’annuloplastie ne semble pas déterminant : il pourra
s’agir d’un anneau flexible (Duran) ou d’un anneau rigide (Car-
pentier).
L’utilisation d’annuloplastie préparée à l’aide de péricarde auto-
logue permet d’éliminer complètement l’introduction de maté-
riel prothétique et pourrait, dans le futur, constituer un matériau
intéressant.
Lorsque les lésions sont étendues à un tiers de la valve environ,
affectant à la fois les feuillets et les cordages, une plastie conven-
tionnelle n’est pas techniquement réalisable.
Dans ces conditions, après la phase de débridement, il est pos-
sible d’envisager la reconstruction de la valve à l’aide d’un seg-
ment d’homogreffe mitrale. L’utilisation d’homogreffe partielle
est particulièrement utile dans le cadre de l’endocardite car les
lésions prédominent habituellement dans les régions commissu-
rales et sur les feuillets adjacents qui dépendent d’un même pilier
mitral (figure 6). Le remplacement sélectif d’une portion de la
valve par une homogreffe partielle avec ses cordages et son chef
de pilier permet de réaliser une chirurgie reconstructrice en pré-
sence de lésions atteignant jusqu’à la moitié de l’appareil mitral
(remplacement d’une hémi-valve) (figures 6a, b, c, d).
Remplacement valvulaire
Lorsque l’ensemble de la valve est intéressé par l’endocardite, un
remplacement valvulaire doit être effectué. Le choix du substitut
valvulaire tiendra compte de l’âge du patient et des possibilités
d’anticoagulation. Il n’existe pas d’argument formel pour utili-
ser une prothèse mécanique plutôt qu’une bioprothèse.
Dans les deux cas, il existe un risque d’endocardite récurrente et
de désinsertion conduisant à des interventions itératives (10, 11).
De nombreuses études ont montré la supériorité des homogreffes
au cours de l’endocardite aiguë aortique (14, 15). L’utilisation
d’homogreffe réduit considérablement le risque d’infection réci-
divante précoce, qui est maximal au cours de la première année.
La récidive d’endocardite est ainsi 3 à 6 fois moins fréquente si
une homogreffe est implantée plutôt qu’une prothèse (14, 15).
Les homogreffes constituent ainsi un substitut valvulaire résis-
Figure 5. Survie en présence de complications neurologiques, d’après
Hortskotte et coll. (1). La chirurgie tardive (8 à 40 jours) procure des
résultats identiques au traitement médical seul. La chirurgie précoce
(< 8 jours) améliore le pronostic.
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